I M A G E R I E De la matière à l’antimatière, et maintenant aux positons, en médecine Le mot “antimatière” est utilisé dans la langue française depuis 1958. Qui ne se souvient des célèbres Antimémoires d’André Malraux ? En 1930, Paul Dirac théorise l’antimatière. En 1932, Carl Anderson découvre les positons, particules analogues aux électrons mais de charge opposée. En 1952, le CERN est créé à Genève. En 1999, l’antimatière entre en médecine. Le sens métaphysique de la matière, qui s’oppose à l’esprit, de même que son sens philosophique et théologique, évolue donc au rythme des découvertes de la chimie et de la physique modernes. Le rapport entre matière et énergie bouleverse certainement le matérialisme philosophique (A. Rey, Dictionnaire historique de la langue française. Dictionnaires Le Robert, Paris, 1998), mais les révolutions qui s’annoncent dans le domaine médical sont probablement d’un autre ordre. L’article de l’équipe des hôpitaux militaires de Clamart et du Val-de-Grâce est passionnant, mais il ne rapporte qu’une (!) application de ces nouvelles technologies qui permettent de fabriquer de l’antimatière. Il annonce par ailleurs de nouveaux traitements, maintenant disponibles grâce à des laboratoires comme le CERN de Genève. Ph. Godard Une révolution en pneumologie : la tomographie par émission de positons ● F. Vaylet*, O. de Dreuille**, P. Maszelin**, J. Guigay*, H. Foehrenbach**, C. Marotel*, J.M. Dot*, F. Grassin*, J. Margery*, J.F. Gaillard** et P. L’Her*. L’ intérêt des émetteurs de positons en médecine nucléaire est connu depuis de nombreuses années. Les émetteurs de positons sont des isotopes radioactifs qui s’incorporent facilement à des molécules sans en altérer les propriétés biologiques. Il est ainsi possible d’étudier des mécanismes biochimiques intracellulaires. Grâce au développement de nouveaux radiopharmaceutiques, la médecine nucléaire apporte à la pratique oncologique un examen qui modifiera la prise en charge des malades : la tomographie par émission de positons (TEP). Celle-ci existe depuis trente ans. La possibilité de réaliser une imagerie métabolique, véritable cartographie biochimique in vivo, a d’emblée séduit les chercheurs. Les applications en neurologie et en cardiologie ont été les premières étudiées. Ce n’est que tout récemment que cette technique est sortie de l’univers confidentiel des centres de recherche et que l’orientation clinique oncologique s’est développée grâce à la possibilité d’une exploration du corps entier. Les radio-éléments émetteurs de positons permettent une quantification tridimensionnelle de leur répartition. Le 18fluor est actuellement l’émetteur de positons le plus facilement utilisable en raison de sa demi-vie de 109 minutes, longue pour un positon, qui permet son transport depuis son lieu de production, un cyclotron, jusqu'à son site d’utilisation, un service de * Service des maladies respiratoires, hôpital d’instruction des armées Percy, Clamart. ** Service de médecine nucléaire, hôpital d’instruction des armées du Val-deGrâce, Paris. La Lettre du Pneumologue - Vol. II - n° 6 - décembre 1999 médecine nucléaire. Le positon, une fois émis, parcourt quelques millimètres dans les tissus et, lors de la rencontre d’un électron du milieu biologique, s’annihile en libérant deux photons de 511 keV émis simultanément et en direction opposée (à 180°). Cette propriété permet une localisation du lieu d’émission (figure 1). couronne de détecteurs individuels γ γ β détection en coïncidence collimation électronique + logiciels de correction de l'atténuation et de quantification SUV Figure 1. Anneau de cristaux scintillateurs avec détection en coïncidence de photons gamma de 511 keV émis lors de l’annihilation d’un positon, par un radio-élément, avec un électron négatif du milieu exposé. 235 I M A G E R La détection de ce rayonnement nécessite des systèmes dont les caractéristiques, à savoir la géométrie, la taille, le nombre des détecteurs, la nature des cristaux de scintillation (actuellement iodure de sodium ou germanate de bismuth), les méthodes informatiques de reconstruction des images, expliquent les différences de performance. On définit ainsi des caméras dites dédiées (TEP) ou de haute performance, et des caméras dites à coïncidence (CDET), caméras traditionnelles de médecine nucléaire modifiées pour capter ce rayonnement biphotonique de haute énergie. Leurs caractéristiques techniques différentes se traduisent par des images et des résultats, en termes de détectabilité et de sensibilité, différents en faveur des caméras dédiées (1, 2) (figure 2), mais au prix d’un coût très supérieur. Depuis les travaux de Warburg dans les années 30 (3), les perturbations du métabolisme glucidique des cellules tumorales sont connues. Des études plus récentes ont montré qu’il existe une augmentation de captation liée à une activation des transporteurs membranaires, GLUT 1, non spécifique des cellules cancéreuses, et des modifications enzymatiques de la glycolyse avec production de lactates au détriment de la voie oxydative (4) (figure 3). Le déoxyglucose, analogue du glucose, est Sensibilité (relative) TEDC TEP moyenne performance TEP haute performance (HR+) Taux de NECR Concentration comptage maximum radioactive coïncidence (kcps) maximale maximum (kBq/ml) (kcps) 1 3-5 20-40 100-150 1-5 30-50 1-10 10-20 20-30 500-600 100-150 20-40 Figure 2. Performances relatives des différentes caméras disponibles. Glucose 6-phosphogluconate G-6-P Ribose 5-P Fructose 6-P Ribose 5-P + Hexokinase mitochondriale GLUT 1 C-myc C-fos... mARN ATP (-) Fructose 1,6-bi-P P-ribose PP Glycéraldéhyde 3-P + dihydroxyacétate P Acétyl-CoA NUCLÉOTIDES Ras Phosphoénolpyruvate Transduction (MAP kinase...) Pyruvate Lactate O2 CO2 + H2O FGF PDGF... Figure 3. Schéma des modifications de la glycolyse dans les cellules tumorales. (Ph. Vuillez, Revue de l’ACOMEN, mars 1998). 236 I E transporté à l’intérieur de la cellule, puis son métabolisme est bloqué après la phosphorylation en déoxyglucose-6-phosphate par l’hexokinase. Ce blocage conduit à l’accumulation du déoxyglucose dans la cellule. Son possible marquage par le 18 fluor permet ainsi d’envisager une imagerie des tumeurs, toute accumulation étant le témoin de la modification métabolique cellulaire. Ces propriétés ont été étudiées dans tous les domaines de l’oncologie (5). Le 18fluor-déoxyglucose (18FDG) a obtenu en 1998 l’autorisation de mise sur le marché en France pour les indications suivantes : – diagnostic différentiel des masses pulmonaires ; – bilan d’extension des cancers bronchiques non à petites cellules, des lymphomes hodgkiniens ou non, des mélanomes, des cancers colorectaux et des cancers du rhinopharynx ; – suivi des lymphomes malins et recherche des masses résiduelles. Cet examen de médecine nucléaire nécessite le respect de quelques règles pour obtenir des images de qualité. Les patients doivent être à jeun depuis au moins 6 heures pour éviter toute interférence glucidique et pour minimiser la fixation physiologique myocardique. Les diabétiques non équilibrés sont habituellement exclus, en raison de la mauvaise pénétration intracellulaire du 18FDG, responsable d’images de mauvaise qualité. Après injection intraveineuse du 18FDG, les patients doivent rester au repos afin de réduire l’activité musculaire. Certaines équipes associent une prémédication afin d’induire une relaxation des muscles squelettiques (myorelaxant) et des muscles du tube digestif (antispasmodique) et un traitement diurétique pour favoriser l’élimination rénale et vésicale du traceur. Après une heure (temps de métabolisation du FDG), les malades sont positionnés sur la table d’examen, en décubitus dorsal, bras en abduction. Un examen explorant un patient du menton au pelvis inclus dure de 45 à 60 minutes avec une caméra dédiée et deux heures avec une caméra CDET. Dans le cadre de la pathologie thoracique, le 18FDG présente un intérêt considérable qui devrait conduire à une modification des modes de raisonnement et des attitudes thérapeutiques dans les circonstances suivantes : – pour différencier un nodule bénin d’une tumeur maligne, – pour préciser l’envahissement ganglionnaire locorégional des tumeurs bronchopulmonaires, – pour rechercher des métastases à distance, – pour évaluer le pronostic, – pour différencier masses résiduelles post-thérapeutiques et tissu tumoral actif, – pour mettre en évidence une rechute, – pour évaluer l’efficacité d’une chimiothérapie ou de la radiothérapie. Nous envisagerons ces différentes indications en commençant par celles considérées comme validées, puis en présentant celles en cours de développement et porteuses d’avenir. La Lettre du Pneumologue - Vol. II - n° 6 - décembre 1999 I M A G E R I E DIAGNOSTIC DE MALIGNITÉ OU DE BÉNIGNITÉ DEVANT UN NODULE Les nodules ou masses pulmonaires sont diagnostiqués par la radiographie thoracique et le scanner thoracique (TDM). Toutefois, en l’absence de critères d’imagerie de certitude, une ponction transpariétale sous scanner ou échographie, voire un abord chirurgical sous thoracoscopie ou lors d’une thoracotomie, s’impose pour obtenir une certitude histologique. Compte tenu de la morbidité respective de ces différentes techniques et du fait qu’environ 50 % des nodules sont bénins, le dogme d’une thoracotomie systématique peut être rediscuté, car les apports de la TEP sont maintenant bien documentés (figures 4 et 5). Sur un collectif de 1 214 patients étudiés issus de 20 séries de la littérature, la sensibilité est de 90 %, la spécificité de 83,2 %, la valeur prédictive positive de 91,9 % et la valeur prédictive négative de 89,6 % (tableau I) (7). Les faux négatifs sont liés à la petite taille des lésions, le seuil de résolution des caméras TEP étant estimé à 5 mm. Certaines tumeurs à faible métabolisme peuvent prendre en défaut cette technique, notamment les carcinomes bronchiolo-alvéolaires et les tumeurs carcinoïdes typiques. Les faux positifs sont en rapport avec des processus inflammatoires et sont fonction de la prévalence des affections granulomateuses responsables de nodules : en Europe, il s’agit le plus souvent de mycobactériose, d’aspergillose et d’anthraco-silicose ou de sarcoïdose ; en Amérique, histoplasmose et coccidioïdomycose représentent les deux principales étiologies. L’amélioration des systèmes de reconstruction des images en réduira la fréquence (8). Dans l’étude diagnostique des nodules, les résultats de la TEP apparaissent supérieurs à ceux des analyses mathématiques de type bayésien (9). Figure 4. Nodule bénin lobaire supérieur droit ne fixant pas le 18 FDG et aspect TDM. Figure 5. Cancer bronchique épidermoïde lobaire supérieur droit fixant le 18FDG et aspect TDM (découverte fortuite d’une tumeur maligne colique). Tableau I. Données bibliographiques concernant l’exploration des nodules pulmonaires solitaires (novembre 1999). Auteurs Année Effectif SB (%) SP (%) VPP (%) Kubota Dedashti Rege Khonsary Slosman Patz Lowe Coleman Hubner Dewan Paulus Weber Bury Gupta Hagsberg Orino Prauer Graeber Malik Percy -Valde-Grâce TOTAL 1990 1992 1993 1993 1993 1993 1994 1994 1995 1995 1995 1996 1996 1996 1997 1998 1998 1999 1999 1999 46 13 8 23 36 51 93 237 23 33 45 46 50 61 49 23 50 96 158 73 83 90 100 100 94 89 97 96 100 100 100 90 100 93 93 88 90 97 95 89,3 90 100 86 92 60 100 89 90 67 78 93 73 88 88 70 67 83 89 89 84,2 89 92 94 92,6 91 78 20 1 214 90 83,2 91,9 89,6 92 93 98 88 94 92 VPN (%) 100 79 100 SB : sensibilité ; SP : spécificité ; VPP : valeur prédictive positive ; VPN : valeur prédictive négative. 238 La Lettre du Pneumologue - Vol. II - n° 6 - décembre 1999 BILAN D’EXTENSION DES CANCERS BRONCHIQUES Le bilan d’extension conditionne le pronostic mais également les modalités de la prise en charge du cancer bronchique. En l’absence de critères radiologiques pathognomoniques de l’envahissement malin ganglionnaire, celui-ci est évoqué en cas d’adénomégalie en tomodensitométrie. À la valeur seuil de 10 mm pour la mesure du plus petit diamètre, la sensibilité est de 80 %, et la spécificité de seulement 65 %. L’imagerie en résonance magnétique nucléaire donne des résultats similaires, dans l’attente d’essais de caractérisation tissulaire par de nouvelles substances paramagnétiques. Aussi le recours à un geste invasif par médiastinoscopie ou thoracoscopie s’impose-t-il pour affirmer ou infirmer l’intégrité histologique, au prix d’une morbidité faible mais certaine. La TEP permet d’étudier cette extension avec des valeurs de sensibilité et de spécificité de 86 % et 90 % sur un collectif de 991 patients. Ces chiffres sont constamment supérieurs à ceux donnés par le TDM dans toutes les séries comparatives (tableau II) (7). Ces données sont confirmées par une métaanalyse récente : sensibilité de 87 % pour la TEP et de 66 % pour le TDM, spécificité de 95 % pour la TEP et de 81 % pour le TDM (figure 6) (12). 1992 1993 1994 1994 1994 1994 1995 1995 1995 1996 1996 1996 1996 1996 1997 1997 1998 1999 1999 1999 1999 1999 3 20 26 62 22 23 42 30 20 46 29 30 82 99 47 18 68 66 97 84 54 53 100 80 93 94 90 82 83 78 100 80 76 87 100 83 89 67 93 98 71 93 80 73,7 22 991 86 93 80 64 43 56 50 65 56 63 57 56 75 20 60 59,9 ▲ ▲ fixation tumorale ▲ La Lettre du Pneumologue - Vol. II - n° 6 - décembre 1999 Strauss Grimmel Buchpiguel Scott Berlangieri Wahl Patz Chin Nadar Guhlman Sasaki Bury Sazon Valk Steinert Hagberg Vansteenkiste Graeber Saunders Bishop Pieterman Percy - Valde-Grâce TOTAL ▲ La plupart des études concernent les cancers dits non à petites cellules, car l’importance du bilan d’extension y est jugée considérable, mais les quelques séries concernant les cancers dits à petites cellules retrouvent le même intérêt pour la TEP, dans l’analyse de l’extension tant locorégionale que générale. Année Effectif Sensibilité Sensibilité Spécificité Spécificité TEP TDM TEP TDM 83 94 100 81 82 81 100 100 98 78 52 94 99 100 95 94 97 94 81 88,3 89,6 42 80 44 85 86 75 87 64 73 94 100 63 90 62 74,6 ▲ Compte tenu de l’excellente valeur prédictive négative, l’absence de fixation du 18FDG témoigne du non-envahissement tumoral ganglionnaire, permettant d’envisager une chirurgie curative. En cas de fixation catégorisant une adénopathie N3, en raison de l’importance des conséquences thérapeutiques, un contrôle par biopsie transbronchique, par médiastinoscopie ou par thoracoscopie vidéo-assistée reste à discuter afin d’éliminer un faux positif d’origine inflammatoire. Auteurs ▲ La TEP a également un intérêt dans le diagnostic des lésions pleurales. La mise en évidence d’une fixation intense du 18 FDG traduit l’existence d’une lésion tumorale primitive ou secondaire permettant, selon le contexte radio-clinique, d’affirmer un diagnostic, tel que celui d’un mésothéliome, ou de guider un geste biopsique (10, 11). Tableau II. Données bibliographiques concernant le bilan d’extension des cancers bronchopulmonaires (novembre 1999). ▲ Si une lésion pulmonaire mesure plus de 10 à 15 mm et si elle ne fixe pas le 18FDG, l’abstention chirurgicale peut être proposée au profit d’une surveillance clinique et radiologique de 6 à 12 mois par sécurité, pour s’assurer de l’absence d’évolutivité. Cet examen devrait aussi trouver un intérêt dans le diagnostic des lésions pulmonaires sur poumon unique et dans le bilan des lésions bifocales. fixation cardiaque physiologique adénopathies médiastinales et sus-claviculaires Figure 6. Adénopathies médiastinales et sus-claviculaires satellites d’un cancer bronchique lobaire inférieur droit révélées par la TEP et aspect TDM. 239 I M A G E R I E BILAN DE L’EXTENSION MÉTASTATIQUE La fréquence et la diversité des sites métastatiques dans le cadre du cancer bronchique imposent la réalisation de plusieurs examens. Grâce à l’utilisation de caméras corps entier, la TEP permet, en un examen, de faire une véritable cartographie tumorale (figure 7). Une revue récente (13) regroupant trois séries de la littérature montre que, chez 10 à 29 % des patients explorés, la TEP a mis en évidence des lésions métastatiques méconnues par un bilan en imagerie traditionnelle. Dans une étude personnelle, chez 38 patients jugés opérables après un bilan carcinologique classique et classés M–, nous avons trouvé trois nouveaux sites métastatiques (14). La TEP permet en outre de rectifier des faux positifs du TDM, notamment au niveau des surrénales, où celui-ci met souvent en évidence des hypertrophies bénignes (15, 16). Cependant, l’exploration du cerveau est difficile en raison de la fixation physiologique du glucose dans cet organe. Figure 7. Cartographie métastatique corps entier. Figure 8. Mise en évidence d’une hyperfixation intense après pneumonectomie gauche pour cure d’un cancer bronchique témoignant d’une rechute médiastinale. ● Pour évaluer le pronostic de la maladie. Deux publications récentes concernant 280 malades (17, 18) évoquent un parallélisme possible entre l’intensité de la fixation du 18FDG et la survie des patients, la survie étant d’autant plus courte que l’index de fixation (standard uptake value) est élevé, donnée indépendante du stade et de la taille de la tumeur. Toutefois, une autre étude sur 38 patients considère que le TNM reste plus prédictif (19). ● Pour évaluer l’efficacité d’une chimiothérapie et de la radiothérapie. La TEP permet d’évaluer la réponse thérapeutique. En effet, la fixation du 18FDG peut diminuer ou être totalement abolie après une ou deux cures de chimiothérapie, et ce bien avant qu’une diminution de la masse tumorale ne soit détectée par les méthodes d’imagerie actuelles. L’observation de cette modification du métabolisme glucidique de la tumeur permet d’évaluer l’efficacité probable du traitement (23). A contrario, l’absence de réponse indique une résistance thérapeutique. La reconnaissance précoce de celle-ci devrait permettre une modification plus rapide de la stratégie (24). Des études comparables ont été faites après radiothérapie (25). ● Pour différencier les masses résiduelles des tumeurs et pour mettre en évidence une rechute. Pour ces problèmes fréquemment rencontrés en clinique après traitement initial d’une tumeur bronchique, la TEP semble pouvoir apporter une contribution importante permettant de déceler, avec succès, les récidives tumorales au sein de tissus fibreux postchirurgicaux ou postradiques, sous réserve que les processus inflammatoires contingents à ces traitements se soient résorbés, soit au moins deux mois après un abord chirurgical et six mois après une irradiation (figure 8) (20-22). Malgré l’intérêt clinique évident de cette méthode, le principal obstacle à sa diffusion est aujourd’hui d’ordre économique. Elle est onéreuse tant du point de vue de la production du traceur, qui nécessite la disponibilité d’un cyclotron et une fabrication en grande quantité en raison de la faible durée de vie des émetteurs de positons, que de celui de la détection, qui nécessite un appareil spécifique. Certains pays ont néanmoins choisi cette voie d’équipement : États-Unis, Allemagne, Belgique, Grande-Bretagne, Japon, etc. La diffusion de la technique aux États-Unis et en Allemagne a permis la réalisation À côté de ces indications reconnues, d’autres sont en cours de validation ou de développement et semblent très prometteuses : 240 La Lettre du Pneumologue - Vol. II - n° 6 - décembre 1999 des premières études de coût-utilité. Celles-ci ont montré que l’introduction de la TEP dans la prise en charge des néoplasies bronchopulmonaires permet, à l’échelle de la population des États-Unis, la réalisation d’une économie de l’ordre de 1 000 à 2 000 dollars par patient grâce à la réduction des actes invasifs et à la suppression d’actes chirurgicaux inutiles du point de vue carcinologique (26). En Allemagne, une réduction des coûts du même ordre est relevée dans la prise en charge des nodules pulmonaires solitaires (27). Ces travaux en oncologie ont eu pour conséquence la prise en charge de ces investigations par des compagnies d’assurances et des organismes sociaux dans ces pays. En France, le coût en situation clinique est estimé à 7 000 francs par examen. Cette somme doit être mise en perspective avec le prix d’une journée d’hospitalisation en chirurgie. Plus de 100 caméras sont installées aux États-Unis, 70 en Allemagne, 15 en Belgique, 15 en Italie et 20 en Grande-Bretagne. Le retard déjà accumulé par rapport à nos voisins se comblera ou s’aggravera selon les décisions des autorités de tutelle. Actuellement, en France, à côté des quatre centres de recherche (Orsay, Caen, Lyon, Toulouse) disposant de caméras dédiées, une seule caméra dédiée en utilisation clinique est opérationnelle depuis avril 1999 à l’hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce, à Paris (figure 9). Deux centres ont reçu une autorisation d’installation : l’hôpital Tenon (AP) à Paris et l’hôpital de Rennes. Quatre centres disposent de caméras CDET : l’hôpital Tenon (Paris), l’hôpital Avicenne (Bobigny), le centre René-Hugenin (Saint-Cloud), l’hôpital de Limoges. Figure 9. Caméra TEP installée à l’HIA Val-de-Grâce (Paris). Les examens ne sont pas codifiés par la Sécurité sociale et ne sont donc pas remboursables. Malgré tous ces obstacles, la prise de conscience d’un grand nombre de spécialistes en médecine nucléaire et de cliniciens laisse entrevoir le développement rapide de cette nouvelle technique. Il semble préférable de privilégier l’installation de caméras dédiées, même si La Lettre du Pneumologue - Vol. II - n° 6 - décembre 1999 leurs prix s’avèrent aujourd’hui supérieurs, car leurs performances et les résultats obtenus sont meilleurs que ceux obtenus par des caméras CDET, notamment pour les lésions de petite taille (2, 28). ■ R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Bendriem B. Les détecteurs de positons. Caméra PET- Caméra PET-SPECT. Revue de l’ACOMEN 1998 ; 4 (1) : 34-40. 2. Weber W.A., Neverve J., Sklarek J. et coll. Imaging of lung cancer with fluorine-18 fluorodeoxyglucose : comparison of a dual-head camera in coincidence mode with a full-ring positon emission tomography system. Eur J Nucl Med 1999 ; 26 : 388-95. 3. Warburg O., Wind F., Neglers E. On the metabolism of the tumors in the body. In : Metabolism of tumors. Warburg O., Ed. Constable, London 1930 : 254-70. 4. Vuillez J.P. Métabolisme glucidique des cellules tumorales : conséquences pour l’utilisation de radio-pharmaceutiques analogues du glucose. Med Nucl IFM 1998 ; 22 : 1 et 29 : 9-29. 5. Rigo P., Paulus P., Jerusalem G. et coll. Indications cliniques de la tomographie par émission de positons au 18FDG en oncologie. Expérience préliminaire et revue de la littérature. Med Nucl IFM 1995 ; 19 : 73-89. 6. Vaylet F., Foehrenbach H., de Dreuille O. et coll. Fluoro-déoxyglucose et cancer bronchopulmonaire. Les premiers résultats français en caméra à positons. Rev Pneumol Clin 1998 ; 54 : 187-95. 7. Vaylet F., Maszelin P., de Dreuille O. et coll. Résultats de la première étude française en caméra dédiée de la tomographie par émission de positons au 18 fluoro-désoxyglucose en oncologie bronchopulmonaire. Communication devant la Société médicale des hôpitaux de Paris, le 19 novembre 1999. 8. Strauss L.G. Fluorine 18 desoxyglucose and false-positive results : a major problem in the diagnosis of oncological patients. Eur J Nucl Med 1996 ; 23 : 1409-15. 9. Dewan N.A., Shehan C.J., Reeb R.D., Gobar L.S., Scott W.J., Ryschon K. Likelihood of malignancy in a solitary pulmonary nodule. Comparison of a bayesian analysis and results of FDG-PET scan. Chest 1997 ; 112 (2) : 416-22. 10. Bury T., Paulus P., Dowlati A., Corhay J.L., Rigo P., Rademecker M.F. Evaluation of pleural diseases with FDG-PET imaging : preliminary report. Thorax 1997 ; 52 : 187-9. 11. Benard F., Sterman D., Smith R.J., Kaiser L.R., Albeldz S.M., Alavi A. Metabolic imaging of malignant pleural mesothelioma with fluorodeoxyglucose positron emission tomography. Chest 1998 ; 114 : 713-22. 12. Gould M.K., Owens D.K. Positon emission tomography for mediastinal staging in non small cell lung cancer : a meta-analysis. Proc ASCO 1999 ; 18 : abstr. A 256. 13. Lowe V.J., Naunheim K.S. Positron emission tomography in lung cancer. Ann Thorac Surg 1998 ; 65 : 1821-9. 14. Vaylet F. Abord diagnostique des adénopathies médiastinales : intérêt de la tomographie par émission de positons. Communication lors de la Journée de pathologie thoracique du Val-de-Grâce, le 6 novembre 1998. 15. Erasmus J.J., Patz E.F., McAdams H.P., Murray J.G., Herndon J., Coleman R.E., Goodman P.C. Evaluation of adrenal masses in patients with bronchogenic carcinoma using 18FDG positron emission tomography. Am J Roentgenol 1997 ; 168 (5) : 1357-60. 16. Porte H.L., Ernst O.J., Métois D., Lemaitre L.G., Wurtz A.J. Is computed tomography-guided biopsy still necessary for the diagnosis of adrenal masses in patients with resectable non small-cell-lung cancer ? Eur J Cardiothor Surg 1999 ; 15 (5) : 567. 17. Ahuja V., Coleman R.E., Herndon J., Patz E.F. The prognostic significance of fluorodeoxyglucose positron emission tomography imaging for patients with non small lung carcinoma. Cancer 1998 ; 83 (5) : 918-24. 18. Vansteekiste J., Stroobants P., Dupont P. et coll. Prognostic importance of fluorodeoxyglucose-uptake on PET scan in non-small-cell lung cancer : an analysis of 125 cases. Proc ASCO 1999 ; 18 : Abstr.1791. 19. Sugawara Y., Quint L.E., Russo J.E. et coll. FDG uptake in non-small-cell lung cancer does not independently predict patient survival. J Nucl Med 1999 ; 40 (5) : 246P. 241 I M A G E R 20. Frank A., Lefkowitz D., Jaeger S., Gobar L., Sunderland J., Gupta N. et coll. Decision logic for retreatment of asymptomatic lung cancer recurrence based on positron emission tomography findings. Int J Radiat Oncology Biol Phys 1995 ; 32 (5) : 1495-512. 21. Hebert M.E., Lowe V.J., Hoffman J.M., Patz E.F., Anscher M.S. Positron emission tomography in the pretreatment evaluation and follow-up of non-small cell lung cancer patients treated with radiotherapy : preliminary findings. Am J Clin Oncol 1996 ; 19 (4) : 416-21. 22. Bury T., Salem T., Vandenheede M., Cataldo D., Rigo P. Intérêt de la tomographie par émission de positrons (TEP) au 18fluoro-déoxyglucose (18FDG) dans le suivi thérapeutique du cancer pulmonaire non à petites cellules (CPNPC). Rev Mal Respir 1999 ; 16 : 1S46. 23. Strauss L.G., Conti P.S. The applications of PET in clinical oncology. J Nucl Med 1991 ; 32 : 623-48. 24. Wahl R.L., Zasadny K., Helvic M. et coll. Metabolic monitoring of breast I E cancer chemohormonotherapy using positron emission tomography. Initial evaluation. J Clin Oncol 1993 ; 11 : 2101-11. 25. Ichiya Y., Saski M., Yoshida T. et coll. A clinical evaluation of FDG-PET to assess the response in radiation therapy for bronchogenic carcinoma. Ann Nucl Med 1996 ; 10 (12) : 193-200. 26. Gambhir S.S., Hoh C.K., Phelps M.E., Madar I., Maddahi J. Decision tree sensitivity analysis for cost-effectiveness of FDG-PET in the staging and management of the non-small-cell lung carcinoma. J Nucl Med 1996 ; 37 : 1428-36. 27. Weber W., Bülow H., Römer W., Präuer H., Gambhir S.S., Schwaiger M. FDG PET in solitary pulmonary nodules : a German cost-effectiveness analysis. J Nucl Med 1997 ; 38 (5) : 245P. 28. Landoni C., Gianolli L., Lucignani G., Magnani P., Savi A., Travaini L., Fazio F. Comparison of dual-head coincidence imaging PET versus conventional ring PET in tumors patients. Eur J Nucl Med 1999 ; 25 (8) OS-379.