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Correspondances en neurologie vasculaire - n° 4 - Vol. II - octobre-novembre-décembre 2002
éditorial
* Chef de service de neurologie,
CHU Pellegrin, Bordeaux
et INSERM U330,
neuro-épidémiologie, université
de Bordeaux 2.
Que va changer l’AMM
pour le rt-PA ?
J.-M. Orgogozo*
Enfin, l’activateur tissulaire du plasminogène recombinant (rt-PA, altéplase, Actilyse®)
va être autorisé en Europe pour le traitement de l’infarctus cérébral. Après des mois
de discussions et de négociations, le Committee for Proprietary Medicinal Products (CPMP)
de l’European Medicine Evaluation Agency (EMEA) a décidé d’encadrer l’utilisation
de ce traitement par voie intraveineuse à la phase aiguë des infarctus cérébraux.
De nombreuses péripéties ont émaillé cette autorisation historique. Autorisation initiale
par l’Allemagne dans le cadre d’une procédure décentralisée il y a plus de deux ans,
conditionnelle à la réalisation d’un nouvel essai de phase III. Seule la France a suivi
l’Allemagne dans son avis favorable, tout en constatant l’impossibilité pratique de faire
une étude de phase III avec un produit déjà autorisé. Recommandation par la France
de restrictions et d’une procédure d’encadrement très strictes. Opposition ou abstention
des treize autres pays membres de l’Union européenne, beaucoup par crainte
de ne pouvoir faire face aux contraintes. Recours à l’EMEA, qui oblige à la resoumission
du dossier suivant la procédure centralisée, commune à tous les pays membres.
Le produit est pendant ce temps autorisé seulement en Allemagne !
In fine, l’autorisation a été accordée par une très large majorité des votes,
en grande partie grâce à l’excellent travail de l’AFSSAPS (Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé), corapporteur de ce dossier.
Une objection de fond était l’absence de données de sécurité suffisamment rassurantes
dans des études européennes, puisque l’absence de risque accru d’hémorragie cérébrale
symptomatique n’a été démontrée que dans l’étude américaine du NIH. Malgré l’absence
de risque accru dans les données cumulées des études européennes, sur des méta-
analyses indépendantes des données dans les 3 heures après l’AVC
après ajustement pour les facteurs pronostiques, la question a été considérée comme
non entièrement résolue. Pour répondre à cette question sans retarder la mise
à disposition du traitement, il a été convenu avec Boehringer Ingelheim, qui produit
et distribue le médicament en Europe, de procéder à un nouvel essai prospectif
randomisé contre placebo dans une tranche horaire de 3 à 4 heures après le début
clinique d’un infarctus cérébral.
Pour les patients admis et pouvant être traités dans les 3 heures suivant l’infarctus
cérébral, le traitement par le rt-PA i.v. est donc désormais autorisé pour l’infarctus
cérébral aigu dans les conditions suivantes :
– la dose recommandée d’Actilyse®est de 0,9 mg/kg (maximum 90 mg) par perfusion
intraveineuse sur 60 minutes avec 10 % de la dose totale administrée sous forme
de bolus intraveineux dès le début de la perfusion ;
– le traitement doit être administré dans les 3 heures après le début des symptômes
d’AVC ;
– la sécurité et l’efficacité de ce traitement en cas d’administration concomitante
d’héparine, d’antivitamine K ou d’aspirine au cours des premières 24 heures
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après le début des symptômes n’ont pas fait l’objet d’investigations suffisantes,
aussi l’administration de ces médicaments doit donc être évité
pendant les premières 24 heures après le traitement par Actilyse®.
En plus des contre-indications déjà listées pour l’autorisation de l’Actilyse®
dans l’infarctus du myocarde et dans l’embolie pulmonaire, les contre-indications
spécifiques dans l’ischémie cérébrale aiguë seront les suivantes :
– symptôme d’ischémie ayant commencé plus de 3 heures auparavant ;
– horaire du début des symptômes inconnu ;
– crise épileptique au début de l’AVC ;
– plaquettes sanguines <à 100 000 par mm 3;
– signe d’hémorragie intracrânienne au scanner cérébral, en particulier.
Le plus important est que ce traitement ne pourra être administré que par un médecin
ayant de l’expérience dans la prise en charge des urgences neurologiques,
dans une structure équipée de façon adéquate. Le traitement doit être initié
moins de 3 heures après le début des symptômes et seulement après l’exclusion formelle
d’une hémorragie intracrânienne par une technique d’imagerie appropriée
(CT scan ou IRM), ce qui pose d’importants problèmes d’organisation.
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La première et la plus importante conséquence de la mise à disposition du tPA
pour le traitement de l’infarctus cérébral aigu est qu’il existe désormais une raison
impérative d’adresser les patients suspects d’infarctus cérébral au centre spécialisé
le plus proche, moins de 3 heures après le début de l’AVC. Bien qu’il soit démontré
depuis des années que la prise en charge des AVC aigus dans des centres spécialisés
améliore notablement le pronostic fonctionnel et vital, il n’était pas établi de façon
certaine qu’une admission précoce soit préférable à une admission différée,
soit carrément retardée (12 à 24 heures).
La possibilité d’administrer l’Actilyse®pour un infarctus cérébral à des patients
sélectionnés, en même temps qu’elle justifie leur admission précoce, nécessite la mise
en place d’un système de dépistage, de transport et d’accueil qui permette
l’administration de ce traitement dans les conditions fixées par le résumé
des caractéristiques du produit (RCP).
Sur le modèle des unités de soins intensifs de cardiologie, où sont traités la majorité
des infarctus du myocarde, des structures d’urgences neurovasculaires doivent être
mises en place, suivant d’ailleurs la recommandation du gouvernement précédent
au début de l’année 2002. Cela suppose notamment :
– d’informer le public des signes révélateurs d’un ACVC afin que les patients atteints
ou leurs proches puissent s’adresser directement au service de soins et de transport
d’urgence (SOS médecins, SAMU, pompiers) ;
– d’informer les médecins traitants de la nécessité d’envoyer les patients
dans une structure spécialisée moins de 3 heures après le début de l’AVC, au besoin
en transférant l’appel directement au SAMU ou aux pompiers ;
– la mise en place de structures d’accueil avec une présence permanente de praticiens
formés aux urgences neurovasculaires et d’une équipe paraclinique spécialisée
dans la prise en charge de ces patients, de praticiens formés à la lecture de l’imagerie
cérébrale avec possibilités d’imagerie cérébrale d’urgence 24heures sur 24.
À l’heure actuelle, de telles structures n’existent que dans une minorité de centres
hospitaliers français, au contraire de l’Allemagne où elles ont été mises en place
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sur la base d’environ une par million d’habitants. Très vraisemblablement,
l’autorisation de l’Actilyse®i.v. pour le traitement de l’infarctus cérébral aigu
contribuera à accélérer la mise en place indispensable de ces structures.
Dans les premiers temps, en attendant les résultats de l’étude 3-4 heures,
tous les malades recevant l’Actilyse®dans les 3 heures après un infarctus cérébral
devront être évalués et suivis dans le cadre d’un registre européen d’inspiration
suédoise, le
Safe Implementation of Thrombolysis in Stroke Monitoring Study
(SITS-
MOST). De ces données initiales de sécurité, qui proviendront, pour beaucoup, de centres
n’ayant pas encore d’expérience de l’utilisation de la thrombolyse, dépendra l’avenir
de ce traitement en Europe. L’enjeu est de taille pour nos patients : il faut commencer
dès maintenant à s’organiser.
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