L’hémicrâniectomie dans l’infarctus sylvien malin é

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Correspondances en neurologie vasculaire - n° 3 - Vol. II - juillet-août-septembre 2002
éditorial
* Urgences cérébrovasculaires,
hôpital de la Salpêtrière, Paris.
L’hémicrâniectomie
dans l’infarctus sylvien
malin
G. Rancurel*
Certains grands infarctus sylviens étendus à la majeure partie ou à la totalité
du territoire de la cérébrale moyenne ont une réputation catastrophique de malignité.
Ils représentent 10 % environ de l’ensemble des accidents vasculaires cérébraux
ischémiques. Ce sont des infarctus massifs et très œdémateux, souvent d’évolution
fatale soit dans les premières heures, soit dans les premiers jours, du deuxième au
quatrième. Leur taux de mortalité est très élevé, pouvant atteindre 80 % des cas. Ils sont
très fréquents chez des patients jeunes, dans des occlusions en T de la carotide
ou à l’origine du tronc de la sylvienne, souvent à partir de dissections. Les conséquences
physiopathologiques comportent l’élévation considérable de la pression intracrânienne,
le déplacement des structures médianes, tous phénomènes en rapport avec le volume
de l’infarctus et l’œdème cérébral. Outre la compression mécanique des structures
médianes (diencéphale, tronc cérébral supérieur), on observe un écrasement du cerveau
contre les structures intracrâniennes rigides telles que la faux, l’arête sphénoïdale,
la tente du cervelet avec un engagement cingulaire (sous la faux), un blocage du trou
de Monro et une dilatation controlatérale du système ventriculaire, un écrasement
des citernes. Tous ces phénomènes aboutissent à la hernie transtentorielle du lobe
temporal cisaillant le mésencéphale, cause principale du décès. Parfois, l’infarctus
s’étend plus ou moins au territoire de la cérébrale antérieure, de la choroïdienne
antérieure et même à celui de la cérébrale postérieure.
Chez les patients âgés, l’œdème cérébral est moins massif, mieux toléré du fait, dit-on,
de la présence d’une atrophie cérébrale parallèle à l’avancée en âge. En réalité,
les mécanismes de l’œdème massif seraient plus spécifiques du sujet jeune, mais ils sont
complexes et mal connus. Ce syndrome très particulier qui mérite sa réputation
de malignité est parfaitement décrit dans les études anatomocliniques. Tous les patients
se présentent avec un syndrome hémisphérique sévère de type vasculaire ischémique,
brusquement installé, fait d’une hémiplégie massive avec déviation forcée de la tête
et des yeux du côté de la lésion, parfois une agitation incoercible de l’hémicorps sain.
Se succèdent irrépressiblement une détérioration plus ou moins rapide de la vigilance,
puis une mydriase, des accès de décérébration, un coma et la mort par HIC
et engagement. Cette évolution clinique est assez stéréotypée, mais variable
dans son délai d’apparition et son déroulement temporel et on en connaît bien
la traduction neuroradiologique. Les signes TDM (plus de 50 % du territoire
de la sylvienne) annonciateurs de cet infarctus malin ne sont par toujours précoces,
dès les premières heures, mais ceux de l’IRM apparaissent nettement plus tôt,
permettant d’en prévoir plus précisement l’évolution, grâce aux techniques de diffusion,
perfusion et d’angio-IRM. Généralement, l’obstruction de la carotide ou de la sylvienne
est persistante au moins 14 heures après le début (moyenne 6,5 heures – médiane
5,2 heures). La répétition des scanners, à intervalles rapprochés, garde un grand intérêt
pour décider de l’opportunité et du moment opératoire.
Toutes les thérapeutiques médicales conventionnelles antiœdémateuses ont eu une faible
efficacité, décevante pour des générations de thérapeutes, depuis l’osmothérapie
mannitolée ou glycérolée, l’administration de barbituriques, l’hypothermie programmée
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“Entretien” p. 134
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modérée ou non jusqu’à la ventilation artificielle avec intubation ou même
l’hyperventilation. Quelle que soit la qualité de l’équipe et des moyens, la mortalité
demeure colossale, emportant les malades dans 75 à 80 % des cas. C’est pourquoi,
on a proposé ces 15 dernières années des thérapeutiques beaucoup plus agressives
de type chirurgical consistant en une hémicrâniectomie permettant la diminution
de la pression intracrânienne, l’augmentation de la perfusion tissulaire, l’amélioration
du flux circulatoire des vaisseaux du polygone de Willis et collatéraux leptoméningés,
l’expansion cérébrale vers la convexité soulageant les déplacements qui menacent
les structures médianes. Le volet crânien décompressif avec durotomie a pour effet
essentiel de prévenir l’engagement transtentoriel mortel.
Historiquement, la crâniectomie décompressive remonte à 1935 et a été utilisée
dans les infarctus cérébraux massifs, dans les traumatismes crâniens et dans certains
cas d’encéphalite herpétique œdémateuse avec des résultats variables et plutôt
décevants. De 1935 à 1985, malgré quelques succès isolés dans des études fragmentaires
ou anecdotiques, s’est produite une irrésistible réticence de la part des neurochirurgiens
pour cette technique opératoire. Celle-ci associait parfois à l’hémicrâniectomie
une excision du tissu cérébral nécrosé, notamment dans les encéphalites herpétiques
et les traumatismes crâniens. Elle n’a été reprise que dans le milieu des années 1980,
surtout depuis 1990, sous la forme d’un volet décompressif de taille et de topographie
variables. Le mouvement neurochirurgical nouveau pour ces thérapeutiques,
lent à se développer, a eu pour justification les nombreux échecs des thérapeutiques
médicales qui, même bien conduites, n’empêchaient pas une issue fatale pour la
majorité des patients.
Plusieurs publications, surtout américaines et germaniques, de cohortes de malades
présentant des infarctus massifs de la cérébrale moyenne – 8 études en ouvert
depuis 1988, dont une seule a été prospective (Hacke, Schwab) – ont montré
que la chirurgie décompressive pouvait réduire la mortalité de 80 à 30 ou à 25 %.
Il se trouve que l’évolution des patients frappés d’infarctus malin de la sylvienne
est souvent prédictible sur des critères cliniques et neuroradiologiques, et cela bien
avant l’apparition d’une mydriase et d’un coma qui traduisent la souffrance
mésencéphalique à un stade beaucoup trop tardif. L’ équipe d’Heidelberg a montré
qu’il était possible d’opérer les malades très tôt, dans les premières 24 heures, avant
que ne se produise la hernie transtentorielle fatale. Si les séries publiées jusqu’à présent
ont été encourageantes du point de vue de la mortalité, les résultats fonctionnels n’ont
pas été suffisamment étudiés. Les infarctus de l’hémisphère droit ont évidemment
un bien meilleur pronostic fonctionnel que ceux de l’hémisphère gauche.
L’évolution postopératoire est à la fois mouvementée et très prolongée. L’évaluation
définitive du niveau séquellaire nécessite un long suivi allant jusqu’à un ou deux ans.
Tous les malades reprennent la marche et un certain degré d’autonomie.
De l’avis général, le pronostic est beaucoup plus favorable chez des sujets jeunes
de moins de 50 ans que chez les sujets plus âgés. Néanmoins, les indications
opératoires dépendent fortement des antécédents, de l’état somatique
et des comorbidités du patient à son arrivée, ainsi que de son contexte socio-familial
avec toutes les difficultés éthiques qui s’y rattachent. Les progrès enregistrés
ces dernières années au niveau des moyens de réanimation, de la précision
des indications cliniques et radiologiques de l’hémicrâniectomie, de la technique
opératoire, nous ont incités à entreprendre une étude prospective ouverte sur 30 patients
avec des résultats préliminaires encourageants sur la mortalité globale et la qualité
de la récupération fonctionnelle.
Les interrogations et les controverses actuelles portent sur la taille et la topographie
du volet, la validation des critères radio-cliniques de malignité de l’œdème, sur l’instant
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de la décision opératoire et sur les résultats fonctionnels à long terme, selon qu’il s’agit
de l’hémisphère droit ou gauche.
Il semble qu’il existe deux groupes de malades : ceux dont l’aggravation se produit dans
les premières heures et qui nécessitent un intervention ultraprécoce et ceux
dont l’aggravation est secondaire du deuxième au quatrième jour. Le vrai problème tient
à l’évaluation indécise de nombreuses formes de transition entre ces deux groupes.
Les récentes séquences d’IRM flair-diffusion permettent de préciser très précocement
l’étendue de l’infarctus et de l’œdème. Ce mode d’exploration radiologique peut aider
à poser l’indication de l’hémicrâniectomie avant l’extension de l’œdème malin
de l’infarctus et l’engagement cérébral. Les critères IRM de diffusion tirés
de notre expérience chez des patients ayant une occlusion démontrée de la carotide
ou de la cérébrale moyenne ont permis de faire le diagnostic d’infarctus malin sur
les signes suivants : NIHSS >à 20 – infarctus total du territoire – volume >à 145 cm3
la combinaison du volume et du coefficient apparent de diffusion (ADC) conférant
à la prévision une spécificité et une sensibilité très élevées.
En conclusion : tant qu’il n’existe pas de traitement médical efficace de l’œdème
cérébral, l’hémicrâniectomie peut constituer un recours thérapeutique non négligeable
dans les infarctus cérébraux sylviens malins.
Ce traitement doit être pratiqué dans des centres très spécialisés en neurologie
vasculaire, disposant d’une équipe multidisciplinaire de neurologues, neuroradiologues,
neurochirugiens et réanimateurs. Des études multicentriques randomisées soulèvent
des difficultés d’ordre éthique, mais sont nécessaires pour préciser et valider
les meilleures indications de cette thérapeutique.
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