Europe de la santé Une réalité encore lointaine Situé à quelques kilomètres de la frontière espagnole, le Centre Dr Bouffard-Vercelli témoigne de la problématique des soins transfrontaliers et de leur prise en charge. Une prise en charge défaillante pour une Europe de la santé balbutiante. L es professionnels de santé européens s’exportent beaucoup mieux depuis la reconnaissance européenne des diplômes, mais les perspectives pour les titulaires de diplômes antérieurs à cette législation demeurent incertaines. Gérard Hériau, directeur du Centre Dr Bouffard-Vercelli explique la situation qu’il rencontre. Quelle est la situation géographique et l’activité principale de votre établissement ? Gérard Hériau : Notre établissement est situé au bord de la Méditerranée, sur la commune de Cerbère, qui est la ville frontalière avec l’Espagne. Nous sommes donc à moins de 10 km de la frontière et de nos amis catalans espagnols. Notre activité principale comprend la rééducation et la réadaptation fonctionnelles. Les pathologies traitées sont à plus de 70 % neurologiques et lourdes (traumatisés crâniens, tétraplégiques, paraplégiques, maladies neurologiques dégénératives, etc.). En tant qu’établissement limitrophe, vous avez certainement accueilli des patients espagnols. Dans quelles conditions ? G.H. : Nous avons souvent été sollicités par des patients espagnols. Il existe deux cas de figure. Nous avons accueilli sans aucune difficulté des patients espagnols, accidentés en France et donc couverts par le formulaire E 111. Ces prises en charge ne posent aucun problème administratif. C’est ainsi que nous avons eu en rééducation de célèbres toréadors espagnols qui avaient été sérieusement blessés à Nîmes et à Béziers. Nous avons également accueilli dans nos murs quelques accidentés de la voie publique. Cependant, en dehors des accidentés, d’autres patients ont souhaité traverser la frontière pour bénéficier des soins dispensés dans notre établissement. Ils se sont heurtés au refus de la Sécurité sociale espagnole de prendre en charge les dépenses occasionnées. Pourquoi la Sécurité sociale espagnole refuse-t-elle de prendre en charge ces soins transfrontaliers ? G.H. : La situation est paradoxale car l’Espagne a peu de lits de rééducation par rapport à la France. La demande y est donc très forte mais le système de couverture sociale espagnole ne permet pas l’expatriation des Espagnols pour les soins. En fait, la Sécurité sociale espagnole assure elle-même les soins à travers un certain nombre d’établissements qu’elle gère directement. Tout patient pris en dehors de ce système fermé génère un dépassement des budgets prévus, ce qui n’est pas accepté par ces caisses. Seuls, donc, les patients accidentés et assurés par des assurances privées peuvent quelquefois bénéficier de prises en charge dans notre établissement. Je me souviens de ce père de famille espagnol, dont le fils adolescent avait eu un grave traumatisme crânien. Cet homme avait entendu parler de la spécialité de notre établissement pour ce type de soins. Il était donc venu me voir et m’avait expliqué qu’à défaut de prise en charge, il avait dû vendre l’une de ses deux maisons afin de pouvoir payer la rééducation de son fils dans notre établissement. Le jeune homme est resté plusieurs mois en rééducation chez nous pour bilan et essai d’éveil. Il a été à la charge exclusive du père sans aucun remboursement de la Sécurité sociale espagnole. Ce cas révèle que l’Europe de la santé et des prises en charge est encore très loin d’exister. Nous sommes souvent sollicités par les neurochirurgiens de Gérone et même de Barcelone mais nous nous heurtons à chaque fois à des problèmes de prises en charge. Comptez-vous parmi votre équipe médicale, au sens large, des professionnels de santé issus d’un autre État de l’Union européenne ? G.H. : Oui, nous avons une infirmière espagnole et un infirmier psychiatrique hollandais qui exerce en tant qu’aide-soignant. Le fait d’être immergé dans une ambiance française amène ces personnes étrangères à se débrouiller relativement bien au niveau de la langue après seulement trois mois de travail. Ces trois premiers mois nécessitent un encadrement plus important que pour un personnel français. Avez-vous rencontré des difficultés techniques ou administratives lors de l’accueil de ces professionnels de santé européens ? G.H. : Oui, il s’agit surtout de problèmes d’équivalence de diplômes. Ainsi, notre infirmière espagnole a été initialement embauchée en tant qu’aide-soignante, mais elle a réussi à obtenir, grâce à l’évolution de la législation européenne, une équivalence de diplôme français accordée par la DDASS. Elle est actuellement secrétaire du comité d’entreprise et participe de façon tout à fait positive à l’activité de l’établissement. En revanche, notre infirmier psychiatrique hollandais, Rudolf Ten Napel, a eu Professions Santé Infirmier Infirmière - No 48 - août-septembre 2003 ●●● 5 Europe de la santé ●●● beaucoup moins de chance. En effet, ayant obtenu un diplôme antérieur aux lois sur les équivalences européennes, la DDASS n’a jamais voulu lui délivrer d’équivalence, ni en tant qu’infirmier, ni en tant qu’aide-soignant. Ce garçon très dynamique et doté de bonnes techniques de soins a été obligé de repasser le diplôme d’aide-soignant en France. Il a bien sûr obtenu ce diplôme haut la main, mais il a été contraint de suivre un cursus d’un an. Actuellement, il fait beaucoup de démarches mais, après plus de quinze ans passés en France, ce salarié tente toujours d’obtenir son équivalence pour un diplôme d’infirmier. Il faut savoir que, dans d’autres pays de l’Union européenne, la Belgique par exemple, il a le droit d’exercer en tant qu’infirmier de soins classiques sans problème. Là aussi, nous voyons que l’Europe a encore des progrès à faire. Dans votre secteur d’activité, faitesvous souvent appel à des professionnels étrangers ? G.H. : Je vous répondrai que notre situation géographique privilégiée nous a toujours permis d’avoir du personnel national qualifié sans difficulté. Cependant, depuis quelques mois, les listes d’attente des infirmières et des kinésithérapeutes se sont taries. C’est pourquoi nous avons sollicité les écoles d’infirmières de Catalogne Sud afin qu’elles nous envoient des candidatures. Certaines éléves-infirmières finissent en effet leur cursus à la fin juin mais le principal problème est leur intégration pendant les trois premiers mois si elles ne sont pas bilingues au départ. La FEHAP (Fédération d’établissements hospitaliers d’assistance privée à but non lucratif) avait d’ailleurs réalisé un travail intéressant pour intégrer des infirmières espagnoles dans ses établissements adhérents. A l’époque, nous n’y avions 6 Brèves... pas participé par pléthore de candidatures françaises. Mais, le numerus clausus des infirmières et les 35 heures ont changé brutalement les données. Il y a une autre filière dont je ne vous ai pas parlé mais qui commence à être connue : c’est la filière belge. Ainsi, beaucoup de bacheliers français qui n’ont pas été acceptés dans les écoles françaises d’infirmières ou de kinésithérapeutes vont faire leurs études en Belgique où il n’y a pas de numerus clausus. Ils nous reviennent après quatre ans d’étude avec un diplôme belge mais qui est assez facilement convertible en équivalence française. François Cohen Le Centre Dr Bouffard-Vercelli Ce Centre a été créé le 1er juillet 1976 à Cerbère, en LanguedocRoussillon, aux portes de l’Espagne. Cet établissement est géré par une association loi 1901, à but non lucratif. Ce centre dispense des soins de rééducation et de réadaptation fonctionnelles en milieu marin. Il participe au service public hospitalier depuis le 3 novembre 1976. Il est agréé et conventionné par la Sécurité sociale, la Mutualité sociale agricole, l’Aide sociale et les principales mutuelles. Le Centre Dr Bouffard-Vercelli accueille en internat dans ses services 172 patients dont 170 en hospitalisation complète et 2 en hospitalisation de jour. La direction du centre est assurée conjointement par Gérard Hériau et le Dr Michel Enjalbert, médecin chef d’établissement. Quant à l’équipe médicale, elle est composée de huit médecins spécialistes et de dix médecins attachés consultants (cardiologue, ORL, neurochirurgien, neuropsychiatre...). Cette équipe médicale est coordonnée par le médecin chef d’établissement. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 48 - août-septembre 2003 Paraître dans un annuaire Le développement des traitements anticancéreux au domicile du patient concernera de plus en plus les infirmiers libéraux. Novartis Oncologie propose de participer gracieusement et sans engagement à la réalisation du premier annuaire national des infirmières et infirmiers pratiquant les soins de chimiothérapie à domicile. Pour faire partie de cet annuaire, il suffit d’envoyer le questionnaire reçu à domicile début juillet ou d’adresser ses coordonnées par téléphone au 01 45 07 27 27 (Mlle de SaintSeine) ; par mail : saintseine@dial. oleane.com ; par courrier : Éditions Medigone, 45 bis, route des Gardes, 92190 Meudon. Centenaire du Prix Nobel Pierre et Marie Curie Pour célébrer cet événement, l’Institut Curie ouvre ses portes les 11 et 12 octobre. Le public pourra rencontrer les soignants et les chercheurs de l’Institut et mieux connaître le plus grand centre de recherche dédié à la cancérologie en France. Conférences, visites, parcours historiques, concerts, manifestations sportives seront au programme de la journée. Pilule du lendemain : des ventes en hausse Les adolescentes ont de plus en plus recours à ce moyen de contraception, surtout l’été. Selon l’Institut national d’études démographiques (INED), 63 % des jeunes vivent pendant les vacances leur première expérience sexuelle, en général protégée. Mais le préservatif est vite abandonné et la contraception d’urgence augmente particulièrement de juin à septembre. Cependant, depuis l’entrée en vigueur, en 2001, de la loi permettant aux mineures d’obtenir Norlevo® gratuitement et sans ordonnance, seules 28 % à 30 % des pharmacies parisiennes le délivrent.