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Professions Santé Infirmier Infirmière - No48 - août-septembre 2003
Une réalité encore lointaine
L
es professionnels de santé eu-
ropéens s’exportent beaucoup
avons également accueilli dans nos
murs quelques accidentés de la
voie publique. Cependant, en de-
hors des accidentés, d’autres pa-
tients ont souhaité traverser la
frontière pour bénéficier des soins
dispensés dans notre établisse-
ment. Ils se sont heurtés au refus
de la Sécurité sociale espagnole de
prendre en charge les dépenses oc-
casionnées.
Pourquoi la Sécurité sociale espa-
gnole refuse-t-elle de prendre en
charge ces soins transfrontaliers ?
G.H. : La situation est paradoxale
car l’Espagne a peu de lits de ré-
éducation par rapport à la France.
La demande y est donc très forte
mais le système de couverture so-
ciale espagnole ne permet pas
l’expatriation des Espagnols pour
les soins. En fait, la Sécurité so-
ciale espagnole assure elle-même
les soins à travers un certain
nombre d’établissements qu’elle
gère directement. Tout patient
pris en dehors de ce système
fermé génère un dépassement des
budgets prévus, ce qui n’est pas
accepté par ces caisses. Seuls,
donc, les patients accidentés et as-
surés par des assurances privées
peuvent quelquefois bénéficier de
prises en charge dans notre éta-
blissement. Je me souviens de ce
père de famille espagnol, dont le
fils adolescent avait eu un grave
traumatisme crânien. Cet homme
avait entendu parler de la spécia-
lité de notre établissement pour
ce type de soins. Il était donc
venu me voir et m’avait expliqué
qu’à défaut de prise en charge, il
avait dû vendre l’une de ses deux
maisons afin de pouvoir payer la
rééducation de son fils dans notre
établissement. Le jeune homme
est resté plusieurs mois en ré-
éducation chez nous pour bilan
et essai d’éveil. Il a été à la charge
exclusive du père sans aucun
remboursement de la Sécurité so-
ciale espagnole. Ce cas révèle que
l’Europe de la santé et des prises
en charge est encore très loin
d’exister. Nous sommes souvent
sollicités par les neurochirurgiens
de Gérone et même de Barcelone
mais nous nous heurtons à
chaque fois à des problèmes de
prises en charge.
Comptez-vous parmi votre équipe
médicale, au sens large, des pro-
fessionnels de santé issus d’un
autre État de l’Union européenne ?
G.H. : Oui, nous avons une in-
firmière espagnole et un infirmier
psychiatrique hollandais qui
exerce en tant qu’aide-soignant.
Le fait d’être immergé dans une
ambiance française amène ces
personnes étrangères à se dé-
brouiller relativement bien au ni-
veau de la langue après seulement
trois mois de travail. Ces trois pre-
miers mois nécessitent un enca-
drement plus important que pour
un personnel français.
Avez-vous rencontré des difficultés
techniques ou administratives lors
de l’accueil de ces professionnels
de santé européens ?
G.H. : Oui, il s’agit surtout de
problèmes d’équivalence de di-
plômes. Ainsi, notre infirmière
espagnole a été initialement em-
bauchée en tant qu’aide-soi-
gnante, mais elle a réussi à obte-
nir, grâce à l’évolution de la
législation européenne, une équi-
valence de diplôme français ac-
cordée par la DDASS. Elle est ac-
tuellement secrétaire du comité
d’entreprise et participe de façon
tout à fait positive à l’activité de
l’établissement. En revanche,
notre infirmier psychiatrique hol-
landais, Rudolf Ten Napel, a eu
Situé à quelques kilomètres de la frontière espagnole, le Centre
Dr Bouffard-Vercelli témoigne de la problématique des soins
transfrontaliers et de leur prise en charge. Une prise en charge
défaillante pour une Europe de la santé balbutiante.
Europe de la santé
mieux depuis la reconnaissance
européenne des diplômes, mais
les perspectives pour les titulaires
de diplômes antérieurs à cette lé-
gislation demeurent incertaines.
Gérard Hériau, directeur du
Centre Dr Bouffard-Vercelli ex-
plique la situation qu’il rencontre.
Quelle est la situation géogra-
phique et l’activité principale de
votre établissement ?
Gérard Hériau : Notre établis-
sement est situé au bord de la
Méditerranée, sur la commune
de Cerbère, qui est la ville fron-
talière avec l’Espagne. Nous
sommes donc à moins de 10 km
de la frontière et de nos amis ca-
talans espagnols. Notre activité
principale comprend la réédu-
cation et la réadaptation fonc-
tionnelles. Les pathologies trai-
tées sont à plus de 70 % neurolo-
giques et lourdes (traumatisés
crâniens, tétraplégiques, paraplé-
giques, maladies neurologiques
dégénératives, etc.).
En tant qu’établissement limi-
trophe, vous avez certainement
accueilli des patients espagnols.
Dans quelles conditions ?
G.H. : Nous avons souvent été sol-
licités par des patients espagnols.
Il existe deux cas de figure. Nous
avons accueilli sans aucune diffi-
culté des patients espagnols, acci-
dentés en France et donc couverts
par le formulaire E 111. Ces prises
en charge ne posent aucun pro-
blème administratif. C’est ainsi
que nous avons eu en rééducation
de célèbres toréadors espagnols
qui avaient été sérieusement bles-
sés à Nîmes et à Béziers. Nous