La Lettre du Rhumatologue - n° 240 - mars 1998
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DENSITOMÉTRIE OSSEUSE
ostéoporose est désormais considérée comme un pro-
blème de santé publique. On sait que parmi 100 femmes
françaises arrivant à la ménopause, 40 feront avant la fin
de leur vie une fracture non traumatique : 17 d’entre elles auront
au moins un tassement vertébral et 18 une fracture de l’extrémité
supérieure du fémur. Une maladie peut être prévenue si on en
connaît les facteurs de risque. La chute et la fragilité osseuse s’as-
socient pour augmenter le risque fracturaire. Mais un facteur de
risque n’est intéressant que si sa mesure a des propriétés d’inno-
cuité, de précision, de reproductibilité, et de bonnes valeurs dia-
gnostique et prédictive de la maladie et de ses complications.
Aujourd’hui, les mesures non invasives de masse osseuse, appe-
lées densitométrie, remplissent ces conditions ; elles ont totale-
ment renouvelé l’approche diagnostique et thérapeutique des ostéo-
pathies fragilisantes, et en particulier de l’ostéoporose (1, 2).
TECHNIQUES DE MESURE
Les différentes techniques de mesure de la masse minérale
osseuse reposent sur la mesure de l’absorption de photons. Cette
absorption dépend de la quantité d’énergie émise et de la nature
et de l’épaisseur du milieu traversé. La loi générale de l’absorp-
tion est I = Io.e-µd, où I est l’énergie résiduelle, Io l’énergie ini-
tiale, µ le coefficient d’atténuation linéaire et d l’inconnue, c’est-
à-dire l’épaisseur du tissu. Si l’on admet qu’il n’existe que deux
composants dans l’organisme (os et tissus mous), on peut utili-
ser deux énergies incidentes différentes, construisant ainsi un sys-
tème de deux équations à deux inconnues : c’est le principe de
l’absorptiométrie biphotonique.
L’absorptiométrie biphotonique à rayons X
Cette technique, proposée en 1987, représente sans aucun doute
la référence actuelle (1, 3). Elle permet la mesure des sites privi-
légiés de l’ostéoporose : rachis, fémur et radius, mais aussi l’exa-
men de n’importe quelle pièce squelettique, du squelette com-
plet, et de la composition corporelle. Il existe deux modes de
fonctionnement : single beam ou “en pinceau”, qui utilise une
émission unique, et fan beam (“array” ou “conique”), qui utilise
un faisceau. L’association d’un faisceau et de systèmes à multi-
détecteurs diminue beaucoup le temps d’examen. Il faut savoir
que ce système entraîne une distorsion géométrique, en raison de
la projection conique du faisceau, qui est prise en compte par le
calcul.
L’absorptiométrie monophotonique à rayons X
Elle a remplacé la technique initiale utilisant une source radio-
active. La méthode nécessite de considérer comme constante
l’épaisseur des parties molles et n’est applicable qu’à des sites
périphériques (calcanéum, radius).
Le scanner
C’est la seule méthode capable de fournir un résultat exprimé par
unité de volume, donc une densité vraie. Par ailleurs, il est pos-
sible par cette méthode de séparer les compartiments trabéculaire
et cortical des os. Au rachis lombaire, la mesure peut être réali-
sée avec la plupart des scanners commercialisés à condition d’uti-
liser un fantôme de calibration constitué d’échantillons d’hy-
droxyapatite et un logiciel spécifique pour le positionnement des
zones de mesure et le calcul des densités. Les mesures sont réa-
lisées sur plusieurs vertèbres lombaires, et le résultat correspond
généralement à la moyenne. Des scanners pour os périphériques
(radius) sont en cours de développement. Il est possible que l’ana-
lyse de l’épaisseur de la corticale des os longs puisse avoir un
intérêt dans l’évaluation de la fragilité du squelette. La mesure
de l’extrémité supérieure du fémur par scanner n’est pas possible
aujourd’hui.
Densitométrie osseuse
C. Roux*
L'ostéoporose a désormais une définition densitomé-
trique.
Les seuils diagnostiques ne doivent pas être confondus
avec des seuils d'intervention thérapeutique.
Le contrôle de qualité des mesures densitométriques est
obligatoire.
Mots-clés : Densitométrie - Ostéoporose - Reproductibilité -
Contrôle de qualité.
POINTS FORTS
POINTS FORTS
L
* Centre d’évaluation des maladies osseuses, Hôpital Cochin, 27, rue du
Faubourg-St-Jacques, 75679 Paris Cedex 14.
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La radiographie conventionnelle
Il n’est pas question de tenir compte d’éventuels signes radiolo-
giques de “déminéralisation” pour faire le diagnostic d’ostéopo-
rose, en raison du trop grand nombre d’erreurs possibles tenant
à la mesure physique et à l’interprétation subjective. En revanche,
il se développe en recherche clinique des techniques reposant sur
la numérisation des radiographies de la main et permettant l’ana-
lyse des métacarpes ou des phalanges. Ces techniques ne peuvent
en aucun cas s’appliquer aux vertèbres ou au fémur.
La résonance magnétique nucléaire
L’analyse quantitative et qualitative osseuse par RMN est encore
du domaine de la recherche.
Les ultrasons
Les tissus humains peuvent être caractérisés par des paramètres
ultrasonores en raison des modifications qu’ils provoquent sur le
faisceau. En pratique, les mesures sont actuellement réalisées sur
des os périphériques, en particulier au calcanéum, selon une tech-
nique en transmission. Un émetteur et un récepteur sont placés
de part et d’autre du talon. Deux paramètres sont mesurés en rou-
tine : l’atténuation et la vitesse du faisceau.
L’atténuation dépend de l’absorption (fonction de la structure
physique et chimique du milieu), et de la dispersion (fonction de
la longueur d’onde et de l’architecture du milieu traversé). La
relation entre fréquence d’émission et atténuation est polynomiale
dans les milieux biologiques, mais peut être considérée comme
une droite dans une bande fréquentielle particulière : 0,2-
0,6 MHz. La pente de cette droite est appelée BUA, pour “Broad-
band Ultrasound Attenuation” et s’exprime en dB/MHz. La
vitesse des ultrasons dépend de la densité du milieu et de cer-
taines de ses propriétés mécaniques, en particulier de l’élasticité ;
elle est appelée SOS (speed of sound) et s’exprime en
mètres/seconde. De nombreuses publications, depuis le début des
années 90, ont montré que ces outils permettaient d’évaluer de
manière fiable l’os in vivo. Les mesures actuellement réalisées
en routine clinique dépendent essentiellement de la densité locale
et ne sont pas des mesures directes d’architecture osseuse.
La reproductibilité des méthodes est satisfaisante, mais la varia-
tion biologique des paramètres est faible (4). Il n’est pas possible
aujourd’hui de suivre l’évolution de l’ostéoporose ou de ses trai-
tements par ultrasons.
Les femmes ayant des fractures ostéoporotiques ont en moyenne
des valeurs ultrasonores plus basses que les sujets contrôles de
même âge.
Plusieurs études prospectives ont montré que la valeur prédictive
du risque de fracture du col fémoral chez les sujets âgés était com-
parable pour les mesures ultrasonores et les mesures densitomé-
triques du col fémoral (4). Il est possible qu’une évaluation com-
binée (mesure ultrasonore du calcanéum, mesure densitométrique
du col fémoral) améliore l’évaluation du risque fracturaire (5).
PERFORMANCE DES APPAREILS
(tableau I)
Irradiation
L’irradiation provoquée par un examen d’absorptiométrie bipho-
tonique à rayons X est de 0,5 à 5 µSv en fonction du type d’ap-
pareil et de la zone examinée. Ceci correspond au dixième de l’ir-
radiation provoquée par une radiographie pulmonaire. Cette infor-
mation devrait être donnée aux patientes lors de la pratique de
l’examen.
Précision des mesures
La précision est l’erreur faite en estimant la valeur réelle. En den-
sitométrie, elle est calculée en comparant la valeur obtenue au
poids des cendres. La corrélation est généralement élevée et on
estime l’erreur inférieure à 10 %.
L’exactitude de la mesure doit tenir compte des causes d’erreur
possible, en particulier de l’arthrose : l’arthrose articulaire pos-
térieure ou discale surestime le résultat de l’absorptiométrie lom-
baire en incidence antéro-postérieure, rendant discutable l’indi-
cation de cet examen chez les femmes de plus de 65 ans.
Reproductibilité
C’est l’erreur de mesure faite sur un même échantillon lors de la
répétition des mesures. Elle est généralement exprimée par le
coefficient de variation. Elle est de l’ordre de 1 % pour les mesures
au rachis lombaire et de 1 à 2 % au col fémoral, mais atteint 3 %
chez le sujet ostéoporotique. Ces chiffres doivent être bien connus,
car on admet qu’une variation densitométrique n’est pas liée à
une erreur de mesure, pour un individu, si la variation dépasse
22 x CV, soit 2,8 % au rachis lombaire au moment de la méno-
pause et 8 % au même site chez un sujet ostéoporotique. Cette
notion permet d’estimer le temps nécessaire avant de répéter une
mesure. Soulignons que la reproductibilité de la mesure de masse
osseuse est bien meilleure que celle de la plupart des dosages bio-
logiques. La principale source de variation est le patient, à condi-
tion de respecter l’indispensable contrôle de qualité.
Contrôle de qualité
Comme toute mesure biologique, la mesure de la masse osseuse
doit être soumise à un strict contrôle de qualité. La mesure d’un
fantôme doit être quotidienne afin de vérifier que le fonctionne-
ment de l’appareil est stable dans le temps. Lors de l’usage d’ap-
pareils utilisant un faisceau unique ou conique, les deux modes
doivent être contrôlés. Le résultat de cette mesure doit être inter-
prété quotidiennement, et sur plusieurs jours, à la recherche d’une
dérive de l’appareil. Il nous paraît indispensable d’envisager une
vérification technique lorsque l’on observe :
10 mesures consécutives au-dessus ou au-dessous de la
moyenne théorique du fantôme,
4 mesures consécutives à plus de 0,5 % de la moyenne,
2 mesures consécutives à plus de 1 % de la moyenne,
1 mesure à plus de 1,5 % de la moyenne.
Standardisation des mesures
Il existe des différences entre les appareils de marque différente
(pouvant atteindre 15 ou 20 %). Des équations de calibration entre
appareils ont été proposées ; elles sont utiles en recherche cli-
nique mais ne doivent pas être utilisées à l’échelle individuelle.
Il peut exister également des différences minimes entre appareils
de même marque.
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DENSITOMÉTRIE OSSEUSE
PRATIQUE DES EXAMENS
Le rachis lombaire
Les vertèbres examinées sont L1 à L4 ou L2 à L4. Il est indis-
pensable de voir sur l’image des repères anatomiques simples
(côtes, crête iliaque) permettant de comparer les examens en cas
de répétition (6). Le rachis doit être droit et centré. L’examen ne
doit pas être pratiqué dans les deux ou trois jours suivant une opa-
cification digestive ou une scintigraphie osseuse au technétium.
L’épaisseur de la graisse abdominale n’est une cause d’erreur de
la mesure que si elle dépasse 25 cm. La largeur de la zone d’ana-
lyse est celle recommandée par le constructeur. Toute variation
de cette largeur fait varier le résultat de la densité. Les vertèbres
fracturées doivent être exclues de l’analyse. Toutefois, deux ver-
tèbres au moins doivent être analysables et on ne tiendra pas
compte d’un résultat sur une vertèbre isolée.
Il est possible de mesurer la densité du rachis en incidence laté-
rale sur des appareils disposant d’un flux photonique élevé et d’un
bras rotatif. Toutefois, la reproductibilité de la méthode n’est pas
bonne, et sa valeur prédictive n’a pas été démontrée (6).
Extrémité supérieure du fémur
Différentes régions de l’extrémité supérieure du fémur peuvent
être analysées, en particulier la région trochantérienne et la région
cervicale. Le membre inférieur doit être fixé en extension et rota-
tion interne. Un système de contention peut aider à la mesure :
tous les 5° de rotation, la densité varie de 2 %. La position de la
fenêtre d’analyse du col varie d’un constructeur à l’autre et doit
être standardisée.
Choix du site d’examen
En dehors des deux mesures classiques mentionnées ci-dessus,
d’autres sites peuvent être analysés : avant-bras, calcanéum, dia-
physe fémorale... Les densités des différents sites osseux sont
corrélées (les coefficients sont de 0,4 à 0,9). À l’échelle indivi-
duelle, il n’est donc pas possible d’utiliser la densité d’un site
osseux pour calculer ou estimer celle d’un autre site. Par ailleurs,
les différentes mesures ne classent pas les patientes de la même
manière par rapport au risque fracturaire. La valeur de la densité
à un site donné dépend de la structure de l’os considéré, de l’im-
portance relative des compartiments trabéculaire et cortical, des
contraintes mécaniques ou métaboliques subies par cet os. On ne
peut pas s’étonner, par exemple, des discordances éventuelles
entre le calcanéum et le radius ou le rachis, qui expliquent les dif-
férences de résultats observées entre les mesures ultrasonores,
d’une part, et les mesures densitométriques d’autre part. À la
ménopause, 30 à 50 % des femmes ayant une diminution de la
densité osseuse vertébrale ont des valeurs normales au fémur.
Chez les femmes de plus de 65 ans, il a été montré que la connais-
sance de la densité du rachis n’améliore pas la valeur prédictive
de la mesure du col fémoral (7).
Ces “discordances” doivent donc être utilisées par le praticien en
raison des informations complémentaires qu’elles donnent :
à la ménopause, il peut être utile de mesurer le rachis lombaire
et le col fémoral afin d’augmenter la sensibilité de l’examen,
après 65 ans, la mesure du col fémoral seule peut être réalisée.
L’intérêt d’y associer une mesure ultrasonore en site périphérique,
comme au calcanéum, est en cours d’évaluation.
INTERPRÉTATION DU RÉSULTAT
Les résultats
Les résultats sont le contenu minéral osseux (CMO ou BMC
[“bone mineral content”] en grammes), la surface osseuse (“area”
en cm2) et la densité minérale osseuse (DMO ou BMD [“bone
mineral density”] en gramme/cm2). Ces valeurs doivent être inter-
prétées en fonction de la machine, du site et de l’âge du sujet. On
peut exprimer les résultats de différentes manières.
Le Z score : mesure de l’écart entre la valeur du patient et la
valeur moyenne des sujets normaux de même âge et de même
sexe ; 95 % des valeurs de la population se distribuent par défi-
nition entre Z = + 2 et Z = – 2. Par définition encore, 14 % des
sujets considérés comme normaux ont une densité située entre
1 et 2 déviations standards au-dessous de la moyenne.
Le T-score : mesure de l’écart entre la valeur du patient et la
valeur moyenne des adultes jeunes (20-30 ans) de même sexe.
On peut encore utiliser le pourcentage (par rapport à la valeur
attendue pour l’âge et le sexe, fixée à 100 %). En revanche, la
notion de seuil fracturaire, arbitraire et inquiétante, devrait être
abandonnée. .../...
Tableau I. Comparaison des performances (reproductibilité, préci-
sion) et de la sécurité (irradiation) des différentes techniques absorp-
tiométriques de mesure de la densité minérale osseuse.
Technique Reproductibilité Précision Irradiation
(%) (%) (µSv)
RA 1-2 5 5
SXA
• radius/calcanéum 1-2 4-6 < 1
DXA
• rachis lombaire,
incidence antéro-postérieure 1-1,5 4-10 1
• rachis lombaire,
incidence latérale 2-3 5-15 3
• fémur proximal 1,5-3 6 1
• avant-bras 1 5 < 1
• corps entier 1 3 3
QCT
• rachis (trabéculaire) 2-4 5-15 50
• rachis (total) 2-4 4-8 50
pQCT
• radius (trabéculaire) 1-2 ? 1
• radius (total) 1-2 2-8 1
QUS
• SOS calcanéum/tibia 0,3-1,2 ? 0
• BUA calcanéum 1,3-3,8 ? 0
RA : absorptiométrie radiogrammétrique (métacarpes, phalanges).
SXA : absorptiométrie monophotonique à rayons X.
DXA : absorptiométrie biphotonique à rayons X.
QCT : tomodensitométrie quantitative vertébrale ou périphérique (pQCT).
QUS : ultrasonographie quantitative, permettant la mesure de la vitesse des ultrasons
(SOS) et de l’atténuation du faisceau (BUA).
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DENSITOMÉTRIE OSSEUSE
Valeur normale et définition de l’ostéoporose
La valeur normale de la densité osseuse peut être définie de deux
façons :
par rapport à la valeur moyenne dans la tranche d’âge consi-
dérée (Z score), ce qui signifie que des patients ayant des densi-
tés osseuses très basses peuvent être considérés comme normaux,
par rapport à la valeur moyenne de la population des femmes
sans fracture, c’est-à-dire avant 30 ans. L’OMS a ainsi proposé
une définition reposant sur le T-score (tableau II) (8).
Cette définition appelle quelques remarques :
elle a l’avantage de la simplicité et devrait être utilisée par tous
afin de standardiser les comptes rendus d’absorptiométrie,
l’utilisation du T-score rend la définition indépendante de l’âge
et remplace la notion de gradient de risque par un seuil,
une telle définition nécessite une standardisation parfaite des
appareils et de leur utilisation, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui,
il n’est pas encore certain que ce seuil s’applique à tous les sites
osseux mesurés.
Valeur prédictive des mesures
De nombreuses études transversales ont montré que les sujets
ayant des fractures ostéoporotiques ont des densités osseuses plus
basses que les sujets de même âge sans fracture. Il existe toute-
fois un chevauchement des valeurs : certains sujets sans fracture
ont des densités très basses, d’un niveau comparable à celles de
certains sujets fracturés. Cette constatation a longtemps été uti-
lisée au discrédit de la méthode en raison d’une erreur d’inter-
prétation. La densitométrie n’est pas utile au diagnostic de frac-
ture mais au diagnostic de diminution de la masse osseuse, comme
la mesure de la tension artérielle n’est pas utile au diagnostic d’ac-
cident vasculaire mais au diagnostic de maladie hypertensive.
Seules les études prospectives permettent de connaître la relation
entre masse osseuse et survenue de fracture. Ces études ont porté
sur des populations différentes et ont utilisé différentes techniques
d’absorptiométrie, mais elles montrent toutes les points suivants :
le risque de fracture double à chaque diminution de la masse
osseuse d’une déviation standard, c’est-à-dire 10 à 15 %,
toutes les fractures sont prédites de la même manière par toutes
les mesures ; seul le risque de fracture du col fémoral est mieux
estimé par la mesure directe de la densité du col.
Cette valeur prédictive, démontrée chez les femmes de plus de
65 ans, est vraie chez les sujets très âgés et au moment de la méno-
pause (9).
Utilité clinique de la densitométrie
Les mesures de densité osseuse ont pour but de faire le diagnos-
tic d’ostéoporose (2, 3, 10). Elles permettent d’évaluer le risque
des complications fracturaires de la maladie. Il faut toutefois dis-
tinguer cette démarche diagnostique de l’attitude thérapeutique :
les seuils densitométriques du diagnostic de l’ostéoporose ne sont
pas des seuils d’intervention thérapeutique.
La démarche clinique doit distinguer deux situations.
L’évaluation du risque d’ostéoporose : il existe bien entendu
des facteurs de risque connus tels que corticothérapie prolongée,
morphotype réduit... (voir article de J.M. Pouillès, p. 26). La pra-
tique a toutefois montré qu’il était très difficile de prédire pour
un individu donné la valeur de la densité osseuse. Si celle-ci est
utile, elle doit être mesurée.
L’évaluation du risque de fracture. Cette démarche est diffé-
rente de la précédente et repose sur :
– L’importance de l’ostéoporose mesurée en densitométrie.
– L’âge, et les risques de chute.
Les antécédents personnels de fracture : chez une femme ayant
eu une fracture du poignet, le risque relatif de fracture du col
fémoral est de 1,5 à 2. De même, pour une même valeur de den-
sité osseuse, la présence d’un tassement vertébral multiplie le
risque d’un autre tassement par 3, et ce risque est multiplié par 7
en présence de deux tassements.
Les antécédents maternels de fracture du col fémoral élèvent le
risque relatif de cette fracture à 2.
L’architecture de l’os intervient enfin ; en particulier, la lon-
gueur du col fémoral est un facteur de risque indépendant de frac-
ture du col (11).
C’est sur l’ensemble de ces éléments que sera prise la décision
de mise en route d’un traitement prolongé anti-ostéoporotique.
Indications de la densitométrie
Il n’est pas indiqué de pratiquer une densitométrie chez toute
femme au moment de la ménopause. Les indications sont (3, 10) :
Anomalie radiologique : aspect déminéralisé ou déformation
vertébrale isolée, afin de confirmer le diagnostic d’ostéoporose
vertébrale ; on peut rapprocher de cette indication la recherche
d’une ostéoporose rachidienne et fémorale lors de la survenue
d’une fracture périphérique (poignet, humérus...).
Corticothérapie prolongée : le développement actuel de trai-
tements préventifs efficaces de l’ostéoporose cortisonique justi-
fie la pratique d’une densitométrie avant la mise en route d’un tel
traitement.
L’hyperparathyroïdie primaire asymptomatique est une autre
indication classique de la densitométrie, car le résultat de celle-
ci peut modifier la décision chirurgicale.
Carence hormonale : à la ménopause, la densitométrie n’est
indiquée que si son résultat influence la décision thérapeutique.
Si une femme ménopausée accepte le principe d’un traitement
hormonal substitutif, la pratique de la densitométrie est inutile.
Pour beaucoup d’auteurs, l’indication d’une mesure de densité
osseuse doit être discutée plutôt à 65 ans. À cet âge en effet, le
.../...
Tableau II. Définition de l’ostéoporose selon l’OMS.
Densité minérale osseuse normale : T-score > – 1
Densité minérale osseuse inférieure de moins de 1 déviation standard à
celle de l’adulte jeune.
Ostéopénie : – 2,5 < T-score < – 1
Densité minérale osseuse comprise entre – 1 et – 2,5 déviations stan-
dards par rapport à l’adulte jeune.
Ostéoporose : T-score < – 2,5
Densité minérale osseuse inférieure à – 2,5 déviations standards par rap-
port à l’adulte jeune.
Ostéoporose confirmée : T-score < – 2,5 + fracture(s)
Densité minérale osseuse inférieure à – 2,5 déviations standards par
rapport à l’adulte jeune, en présence d’une ou de plusieurs fractures
par fragilité osseuse.
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dépistage de femmes à haut risque fracturaire a une conséquence
thérapeutique immédiatement efficace.
La prise en charge thérapeutique des autres causes de carence
hormonale (anorexie mentale, adénome à prolactine...) peut faire
discuter, au cas par cas, la mesure densitométrique.
Surveillance des traitements de l’ostéoporose : il est tentant de
suivre la réponse osseuse aux traitements, mais difficile de codi-
fier cette attitude. Quel site ? Quel rythme ? En particulier, les
traitements les plus utilisés, anti-ostéoclastiques (estrogénothé-
rapie, bisphosphonates), provoquent des variations de masse
osseuse de l’ordre de 2 à 4 % en deux à trois ans. Compte tenu
de la reproductibilité de la méthode, il est souvent difficile d’af-
firmer le bénéfice individuel d’un tel traitement. Un intervalle de
deux ans est certainement le minimum à respecter lors des
mesures au rachis lombaire chez les femmes au moment de la
ménopause.
CONCLUSION
La densitométrie osseuse représente donc un progrès médical cer-
tain. Pourtant, son intérêt reste discuté par les autorités de santé.
Il est donc indispensable que les praticiens démontrent la crédi-
bilité de cet outil par un contrôle de qualité quotidien des mesures,
le respect des indications et des limites de la méthode, et une
interprétation rigoureuse des résultats.
Références bibliogra-
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