La Lettre du Rhumatologue - n° 240 - mars 1998
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DENSITOMÉTRIE OSSEUSE
Valeur normale et définition de l’ostéoporose
La valeur normale de la densité osseuse peut être définie de deux
façons :
❏par rapport à la valeur moyenne dans la tranche d’âge consi-
dérée (Z score), ce qui signifie que des patients ayant des densi-
tés osseuses très basses peuvent être considérés comme normaux,
❏par rapport à la valeur moyenne de la population des femmes
sans fracture, c’est-à-dire avant 30 ans. L’OMS a ainsi proposé
une définition reposant sur le T-score (tableau II) (8).
Cette définition appelle quelques remarques :
❏elle a l’avantage de la simplicité et devrait être utilisée par tous
afin de standardiser les comptes rendus d’absorptiométrie,
❏l’utilisation du T-score rend la définition indépendante de l’âge
et remplace la notion de gradient de risque par un seuil,
❏une telle définition nécessite une standardisation parfaite des
appareils et de leur utilisation, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui,
❏il n’est pas encore certain que ce seuil s’applique à tous les sites
osseux mesurés.
Valeur prédictive des mesures
De nombreuses études transversales ont montré que les sujets
ayant des fractures ostéoporotiques ont des densités osseuses plus
basses que les sujets de même âge sans fracture. Il existe toute-
fois un chevauchement des valeurs : certains sujets sans fracture
ont des densités très basses, d’un niveau comparable à celles de
certains sujets fracturés. Cette constatation a longtemps été uti-
lisée au discrédit de la méthode en raison d’une erreur d’inter-
prétation. La densitométrie n’est pas utile au diagnostic de frac-
ture mais au diagnostic de diminution de la masse osseuse, comme
la mesure de la tension artérielle n’est pas utile au diagnostic d’ac-
cident vasculaire mais au diagnostic de maladie hypertensive.
Seules les études prospectives permettent de connaître la relation
entre masse osseuse et survenue de fracture. Ces études ont porté
sur des populations différentes et ont utilisé différentes techniques
d’absorptiométrie, mais elles montrent toutes les points suivants :
– le risque de fracture double à chaque diminution de la masse
osseuse d’une déviation standard, c’est-à-dire 10 à 15 %,
– toutes les fractures sont prédites de la même manière par toutes
les mesures ; seul le risque de fracture du col fémoral est mieux
estimé par la mesure directe de la densité du col.
Cette valeur prédictive, démontrée chez les femmes de plus de
65 ans, est vraie chez les sujets très âgés et au moment de la méno-
pause (9).
Utilité clinique de la densitométrie
Les mesures de densité osseuse ont pour but de faire le diagnos-
tic d’ostéoporose (2, 3, 10). Elles permettent d’évaluer le risque
des complications fracturaires de la maladie. Il faut toutefois dis-
tinguer cette démarche diagnostique de l’attitude thérapeutique :
les seuils densitométriques du diagnostic de l’ostéoporose ne sont
pas des seuils d’intervention thérapeutique.
La démarche clinique doit distinguer deux situations.
❏L’évaluation du risque d’ostéoporose : il existe bien entendu
des facteurs de risque connus tels que corticothérapie prolongée,
morphotype réduit... (voir article de J.M. Pouillès, p. 26). La pra-
tique a toutefois montré qu’il était très difficile de prédire pour
un individu donné la valeur de la densité osseuse. Si celle-ci est
utile, elle doit être mesurée.
❏L’évaluation du risque de fracture. Cette démarche est diffé-
rente de la précédente et repose sur :
– L’importance de l’ostéoporose mesurée en densitométrie.
– L’âge, et les risques de chute.
– Les antécédents personnels de fracture : chez une femme ayant
eu une fracture du poignet, le risque relatif de fracture du col
fémoral est de 1,5 à 2. De même, pour une même valeur de den-
sité osseuse, la présence d’un tassement vertébral multiplie le
risque d’un autre tassement par 3, et ce risque est multiplié par 7
en présence de deux tassements.
– Les antécédents maternels de fracture du col fémoral élèvent le
risque relatif de cette fracture à 2.
– L’architecture de l’os intervient enfin ; en particulier, la lon-
gueur du col fémoral est un facteur de risque indépendant de frac-
ture du col (11).
C’est sur l’ensemble de ces éléments que sera prise la décision
de mise en route d’un traitement prolongé anti-ostéoporotique.
Indications de la densitométrie
Il n’est pas indiqué de pratiquer une densitométrie chez toute
femme au moment de la ménopause. Les indications sont (3, 10) :
❏Anomalie radiologique : aspect déminéralisé ou déformation
vertébrale isolée, afin de confirmer le diagnostic d’ostéoporose
vertébrale ; on peut rapprocher de cette indication la recherche
d’une ostéoporose rachidienne et fémorale lors de la survenue
d’une fracture périphérique (poignet, humérus...).
❏Corticothérapie prolongée : le développement actuel de trai-
tements préventifs efficaces de l’ostéoporose cortisonique justi-
fie la pratique d’une densitométrie avant la mise en route d’un tel
traitement.
❏L’hyperparathyroïdie primaire asymptomatique est une autre
indication classique de la densitométrie, car le résultat de celle-
ci peut modifier la décision chirurgicale.
❏Carence hormonale : à la ménopause, la densitométrie n’est
indiquée que si son résultat influence la décision thérapeutique.
Si une femme ménopausée accepte le principe d’un traitement
hormonal substitutif, la pratique de la densitométrie est inutile.
❏Pour beaucoup d’auteurs, l’indication d’une mesure de densité
osseuse doit être discutée plutôt à 65 ans. À cet âge en effet, le
.../...
Tableau II. Définition de l’ostéoporose selon l’OMS.
Densité minérale osseuse normale : T-score > – 1
Densité minérale osseuse inférieure de moins de 1 déviation standard à
celle de l’adulte jeune.
Ostéopénie : – 2,5 < T-score < – 1
Densité minérale osseuse comprise entre – 1 et – 2,5 déviations stan-
dards par rapport à l’adulte jeune.
Ostéoporose : T-score < – 2,5
Densité minérale osseuse inférieure à – 2,5 déviations standards par rap-
port à l’adulte jeune.
Ostéoporose confirmée : T-score < – 2,5 + fracture(s)
Densité minérale osseuse inférieure à – 2,5 déviations standards par
rapport à l’adulte jeune, en présence d’une ou de plusieurs fractures
par fragilité osseuse.
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