Mme D., âgée de 60 ans, traitée pour une néoplasie... rait être un cancer ovarien et non un cancer utérin....

Mme D., âgée de 60 ans, traitée pour une néoplasie mammaire
bilatérale, vient consulter à sa demande et pour évaluer le
risque familial pour ses proches. La prise en charge de cette
famille se fera progressivement, en deux ans, au cours de plu-
sieurs consultations d’oncogénétique.
PREMIÈRE CONSULTATION (MARS 1997)
Les antécédents personnels et familiaux sont recueillis :
– La proposante a présenté un cancer du sein bilatéral à 43 et
49 ans.
– Sa fratrie est composée d’une seule sœur, ayant elle-même
eu un cancer du sein bilatéral à 44 et 45 ans. Son unique tante
paternelle a eu un cancer du sein à l’âge de 74 ans. Cette der-
nière est mère de trois enfants ; parmi eux, une fille serait
décédée à l’âge de 47 ans d’un cancer de l’utérus diagnostiqué
9 ans auparavant.
– Aucun cas de cancer n’est rapporté dans la branche mater-
nelle.
Une prédisposition héréditaire au cancer du sein est donc
suspectée devant ce tableau familial associant trois cas de can-
cer du sein liés au premier degré[1] dans la même branche fami-
liale. En outre, le caractère bilatéral de deux cas de cancers du
sein, bien que non spécifique, est évocateur de prédisposition
héréditaire, ainsi que l’âge de survenue, relativement précoce
bien que non inférieur à 40 ans.
Les conseils de dépistage mammaire et ovarien annuel pour la
proposante et sa famille sont exposés.
Les autorisations de demande de dossier sont données à la pro-
posante afin que les différents diagnostics familiaux puissent
être vérifiés. La proposante les remettra aux différentes per-
sonnes concernées qui, si elles l’acceptent, réadresseront le
dossier signé au secrétariat de la consultation.
DEUXIÈME CONSULTATION (SEPTEMBRE 1997)
Les dossiers médicaux ont été transmis. Tous les diagnostics
ont été confirmés, sauf celui de la cousine paternelle qui s’avé-
rait être un cancer ovarien et non un cancer utérin. Ce diagnos-
tic vient renforcer le tableau de prédisposition héréditaire
au cancer du sein et de l’ovaire (figure 1). On confirme donc
à la proposante l’existence d’un syndrome de prédisposition
génétique au cancer du sein et de l’ovaire dans sa famille.
Avant toute investigation moléculaire supplémentaire, plu-
sieurs informations peuvent lui être données.
A priori, la proposante est génétiquement prédisposée
puisqu’elle a développé avant la ménopause un cancer du sein
bilatéral dans un contexte familial typique de prédisposition
génétique (il en est de même pour sa sœur). En effet, sur ces
seules données généalogiques, on peut estimer que la probabi-
lité qu’elle soit porteuse d’une prédisposition génétique est très
importante. Le calcul est possible en utilisant des modèles spé-
cifiques. On peut aussi l’estimer à partir des abaques dispo-
nibles.
L’existence d’un syndrome “sein et ovaire” dans sa famille,
affirmé par l’existence d’un cas de cancer ovarien chez la cou-
sine, révèle un risque augmenté de cancer ovarien en plus du
risque mammaire. Une surveillance ovarienne est donc indi-
quée et une chirurgie prophylactique de type “ovariectomie
bilatérale” peut être recommandée compte tenu de l’âge de la
proposante.
Le risque de transmission de la prédisposition pour le
reste de la famille concerne :
– sa nièce (individu n°14 dans l’arbre généalogique),
– son fils (n°13) et secondairement sa petite-fille (n°15),
– sa cousine paternelle (n°5),
– son cousin paternel (n°6) et secondairement ses filles (n°11).
L’information doit donc être transmise (par la proposante),
notamment aux femmes de plus de 20 ans, chez qui les recom-
mandations de dépistage doivent être faites.
Enfin, une recherche de mutation de gène de prédisposi-
tion (BRCA1 dans un premier temps) est proposée ; son intérêt
et ses limites sont expliqués :
– Elle doit se faire à partir du prélèvement sanguin d’un sujet
atteint a priori prédisposé (proposante ou sa sœur).
– Son but est de disposer d’un “marqueur” pour les apparen-
tés indemnes (nièce, cousine, etc.) qui pourront, si le gène
muté responsable est mis en évidence dans la famille, savoir
s’ils ont eux-mêmes hérité de ce gène muté, et donc s’ils sont
à risque élevé de cancer du sein ± ovaire. Dans l’ignorance
de ce statut, leur probabilité d’être prédisposés est de 50 %
(pour les apparentés au premier degré d’un sujet atteint) et ne
peut pas être déterminée plus précisément.
– Enfin, il faut expliquer à la proposante que l’absence
DOSSIER
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La Lettre du Sénologue - n° 5 - septembre 1999
* Fédération transversale de cancérologie, CHU Toulouse et Institut Claudius-
Regaud.
Cancers héréditaires du sein et de l’ovaire : cas clinique
Rosine Guimbaud*
[1] Le cas de la tante paternelle est lié en réalité au second degré avec les deux
autres cas (proposante et sa sœur). Cependant, la transmission étant faite par
un homme (père de la proposante), chez qui l’expression de la maladie est
quasi nulle, ce degré de liaison n’est pas comptabilisé et la tante paternelle est
assimilée comme étant liée au premier degré avec la proposante et sa sœur.
d’identification de gène muté dans la famille ne remet pas
encore en cause le diagnostic de prédisposition héréditaire :
en effet, 95 % des familles “sein-ovaire” sont liées aux gènes
mutés BRCA1 (80 %)-BRCA2 (15 %), mais une mutation de
l’un ou l’autre de ces gènes n’est mise en évidence que dans
60 à 70 % des cas (difficultés techniques).
TROISIÈME CONSULTATION (FÉVRIER 1998)
La proposante, après réflexion personnelle et discussion fami-
liale, nous contacte quelques mois plus tard afin que cette
recherche génétique soit faite. Le consentement de prélève-
ment est signé et le premier prélèvement sanguin est réalisé au
cours de cette consultation (un deuxième prélèvement de
contrôle sera fait ultérieurement).
L’analyse moléculaire permet de mettre en évidence une
mutation du gène BRCA1 de type délétion de base au niveau
de l’exon 18, entraînant l’apparition d’un codon stop avec pour
conséquence traductionnelle la synthèse d’une protéine
BRCA1 tronquée.
Parallèlement, la sœur de la proposante, informée par cette
dernière, sera également vue en consultation d’oncogénétique
afin que toutes les informations relatives à l’existence d’une
prédisposition héréditaire lui soit expliquées (ainsi que les
conséquences en termes de dépistage personnel et familial).
QUATRIÈME CONSULTATION (JUILLET 1998)
La proposante est revue afin que les résultats de l’analyse
moléculaire lui soient transmis et de nouveau expliqués
(conséquences pratiques en ce qui concerne l’identification des
apparentés prédisposés).
Elle informera sa famille de l’existence d’un marqueur géné-
tique disponible (également retrouvé chez sa sœur, qui suit les
mêmes démarches).
CONSULTATIONS SUIVANTES
La nièce de la proposante sera vue trois fois en consulta-
tion :
– Une première fois (août 1998) pour l’informer de la signifi-
cation d’un syndrome familial de prédisposition au cancer du
sein et de l’ovaire, pour lui expliquer les risques de transmis-
sion la concernant et les conseils de dépistage en découlant et,
enfin, pour lui donner la possibilité d’effectuer la recherche du
gène muté identifié dans sa famille afin de connaître, sans
ambiguïté, son propre statut.
– Une deuxième fois (septembre 1998), après un délai de
réflexion, afin de réaliser, à sa demande, le prélèvement pour
la recherche de gène muté.
– Une troisième fois (février 1999) pour lui communiquer les
résultats : l’analyse du gène BRCA1 n’a pas retrouvé, chez
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La Lettre du Sénologue - n° 5 - septembre 1999
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Âgée de 75 ans
Cancer du sein à 74 ans
4
Décédé à 85 ans
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Âgé de 44 ans
5
Âgé de 36 ans 7
Décédée à 47 ans
Cancer de l'ovaire à 38 ans
8
Âgée de 60 ans
Cancer du sein D à 42 ans
Cancer du sein G à 49 ans
9
Âgée de 58 ans
Cancer du sein D à 44 ans
Cancer du sein G à 45 ans
11
Âgées de 20 et 22 ans 12
10 13
Âgé de 38 ans 14
Âgée de 27 ans
15
Âgée de 12 ans 16
==
=
ou Décédé Sans descendance
Homme
=
Femme
Figure 1. Arbre généalogique.
elle, la mutation identifiée dans la famille. Elle n’est donc pas
génétiquement prédisposée et les conseils de dépistage annuels
prodigués jusque-là ne sont plus justifiés.
Le fils de la proposante sera également vu en consultation :
– d’emblée, il explique que sa démarche est motivée par le
désir de connaître le statut de sa fille ;
– il faut donc l’informer dès la première entrevue que même
s’il s’avérait être porteur du gène muté (et donc potentielle-
ment transmetteur du gène de prédisposition à sa descen-
dance), aucune recherche de gène ne sera dans l’immédiat réa-
lisée chez sa fille âgée de 12 ans ; en effet, la décision concer-
nant un risque qui ne se concrétise qu’à l’âge adulte ne peut
être prise qu’en toute connaissance de cause par le sujet
concerné à partir de sa majorité ;
– il est donc possible de déterminer le statut du fils de la pro-
posante, mais aucune conséquence pratique ne pourra en être
tirée dans l’immédiat s’il s’avérait porteur du gène muté.
Les consultations à venir :
Il serait souhaitable de voir en consultation la cousine pater-
nelle pour les mêmes raisons que la nièce (information de la
signification du syndrome familial, des risques de transmission
la concernant et des conseils de dépistage, et proposition de la
recherche du gène muté identifié dans sa famille). Cette
démarche repose, bien sûr, sur le libre choix de la personne
concernée et il est hors de question de convoquer ou proposer
une consultation à cette apparentée. L’information ne peut
donc lui être transmise que par sa famille informée. Il en de
même pour le cousin paternel ou ses filles.
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