éditorial
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L’évaluation du rapport bénéfi ce/risque est nécessaire dans le
cas de la prescription d’un traitement antithrombotique triple
“aspirine à petites doses, clopidogrel, AVK”.
La Lettre du Cardiologue - n° 401 - janvier 2007
Essayons d’apporter quelques éléments de réflexion qui
permettent d’éclairer une situation difficile. Tout d’abord, il
est utile de réévaluer la nécessité d’une anticoagulation au
long cours. Il existe des cas, notamment dans le domaine de
la maladie thromboembolique veineuse, où l’indication du
traitement par AVK doit être remise en question, par exemple
après un premier épisode thromboembolique idiopathique
pour lequel un traitement éventuellement prescrit au long
cours pourrait être interrompu, la durée du traitement
préconisée étant de 6 à 12 mois. Ensuite, il convient,
dans chaque cas, d’essayer d’évaluer individuellement le
rapport bénéfice/risque de la trithérapie par rapport à une
prescription “allégée”. Par exemple, en cas de fibrillation
auriculaire, on pourra s’aider du score de CHADS 2, le
risque annuel d’accident vasculaire cérébral variant de
moins de 2 % pour un score de 0 à plus de 15 % pour un
score de 6. L’indication du maintien absolu des AVK varie
en fonction du score. On se rappellera également que les
AVK sont supérieurs à l’association aspirine-clopidogrel en
cas de fibrillation auriculaire (étude ACTIVE, dans laquelle le
score de CHADS 2 moyen était égal à 2). En cas de prothèse
valvulaire mécanique, il est formellement déconseillé
d’arrêter le traitement par AVK au profit de la bithérapie
aspirine-clopidogrel.
Le risque hémorragique devra également être soigneusement
apprécié. L’âge, des antécédents d’accident vasculaire
cérébral, de saignement digestif, ou l’insuffisance rénale
sont autant de facteurs de risque de saignements. Les
facteurs prédictifs de thrombose de stent sont, quant à eux,
l’insuffisance rénale, les lésions de bifurcation, le diabète, une
fraction d’éjection ventriculaire basse et un arrêt prématuré
du traitement antiplaquettaire.
Sur le plan pratique, la réalisation de l’angioplastie par voie
radiale semble très intéressante. En effet, elle permet d’éviter
l’arrêt des AVK plus facilement que par voie fémorale, et
elle diminue également les complications hémorragiques au
point de ponction ; les relais AVK-héparine sont, de leur côté,
grevés d’un pourcentage non nul d’accidents thrombotiques
ou hémorragiques. D’autre part, la mise en place d’un stent
nu semble préférable sur le plan du risque hémorragique. En
effet, la durée de la trithérapie n’excède jamais un mois dans
ce cas, alors qu’en cas de mise en place d’un stent actif elle est
quelquefois prescrite plus longtemps. Avec un stent actif, on peut
être tenté de prolonger quelques mois l’association aspirine-
clopidogrel en plus des AVK, en se disant qu’on préviendra
mieux la thrombose de stent tant redoutée. On ne sait pas si
en cas de coprescription des AVK le maintien de la bithérapie
antiplaquettaire est nécessaire. L’alternative consistant à
arrêter un antiagrégant plaquettaire (plutôt le clopidogrel,
compte tenu des résultats favorables connus de l’association
aspirine-AVK dans un certain nombre d’indications) à la fin
du premier mois semble possible pour certains.
Dans le cas de l’interruption des AVK pour la réalisation de
l’angioplastie, se pose aussi la question de leur reprise rapide
ou du relais par héparine de bas poids moléculaire (HBPM).
Les AVK ont l’avantage de la prise orale et l’inconvénient
de leur durée d’action prolongée en cas de saignement ; les
HBPM ont l’avantage de leur maniabilité et l’inconvénient
de deux injections sous-cutanées par jour pendant plusieurs
semaines éventuellement.
Sous AVK, s’il y a coprescription d’aspirine et de clopidogrel,
il convient d’informer le patient du risque hémorragique
majoré sous trithérapie. Il convient également de renforcer
la fréquence de la surveillance par l’INR (International
Normalized Ratio). Il faut bien entendu impérativement
éviter la coprescription d’une molécule pouvant augmenter
l’INR. Il paraît logique aussi de viser la zone basse de la
fourchette d’INR ciblée.
En conclusion, il faut être conscient du risque hémorragique
majoré par une trithérapie antithrombotique souvent
indispensable (AVK, aspirine à petites doses, clopidogrel)
chez les patients nécessitant un traitement par AVK et
bénéficiant de la mise en place d’un stent coronaire. La voie
radiale semble offrir l’avantage d’une non-interruption plus
aisée des AVK. La durée de la trithérapie ne doit pas dépasser
un mois pour un stent nu ; les données sont un peu plus
incertaines pour les stents actifs. L’information du patient
et la surveillance renforcée de l’INR devraient permettre de
diminuer les complications hémorragiques inhérentes à cette
trithérapie antithrombotique. ■