É D I T O R I A L Les neurinomes de l’acoustique intracanalaires avec audition fonctionnelle ● J.M. Sterkers* epuis que l’imagerie par résonance magnétique nucléaire découvre des petits neurinomes de l’acoustique chez des patients qui ont une audition encore fonctionnelle ou normale, la décision thérapeutique est devenue particulièrement embarrassante. Autrefois, l’audition étant déjà perturbée au moment du diagnostic, la chirurgie d’exérèse s’imposait pour prévenir les complications liées à l’augmentation de volume du neurinome et pour conserver la fonction du nerf facial. Plus le neurinome était petit, plus on avait de chances de bien préserver la fonction faciale. Actuellement, devant un neurinome à audition fonctionnelle, deux conduites s’opposent. La première consiste à surveiller, la seconde à effectuer l’ablation de la tumeur. La justification de la surveillance réside dans la croissance lente de la tumeur et l’impossibilité de garantir, même entre les meilleures mains, la préservation de l’audition. L’opération se justifie car, dès l’apparition du neurinome, la tumeur est au contact du nerf facial ; or, s’il existe des chances de préserver le facial et même l’audition, elles sont plus importantes si l’ablation du neurinome est faite à ce stade précoce. Si l’on examine de plus près ces cas favorables, on s’aperçoit qu’ils tiennent non seulement à la dextérité chirurgicale de l’opérateur, et à une instrumentation d’excellente qualité, mais encore et surtout au caractère de l’interface entre tumeur, vaisseaux et nerfs. Les “bons cas” sont ceux où la tumeur est ferme, énu- D * ORL, 75016 Paris. cléable et, par conséquent, pas trop difficile à séparer des nerfs. Les “mauvais cas” sont ceux où la tumeur est grumeleuse, mucoïde, très adhérente, et s’infiltre entre les nerfs. Pour William House, la préservation de l’audition tenait au hasard ! Il préconisait, pour tenter cette préservation, d’utiliser la voie de la fosse cérébrale moyenne (FCM), dont M. Wigand avait montré les bons résultats en l’étendant à des neurinomes débordant dans l’angle. Personnellement, je l’ai appliquée aux neurinomes intracanalaires avec des résultats parfaits et des insuccès notoires. A.G. Morrison me demandant ce que je pensais de cette voie d’abord, je répondis que mon choix de l’utiliser ou non dépendait du jour de la consultation, en début ou en fin de semaine, et du résultat obtenu chez mon dernier patient. Cette réponse teintée d’humour eut l’heur de plaire à son père, qui me dit que, pourtant, les récents cas de neurinomes intracanalaires qu’il avait adressés à Los Angeles avaient été traités avec succès. Une solution intermédiaire, que l’on peut appliquer par voie FCM comme par voie rétrosigmoïde, consiste à effectuer une ablation subtotale. Car c’est au fond du conduit auditif interne que la séparation du neurinome des nerfs facial et cochléaire est la plus délicate. Mais cette méthode expose à un risque non négligeable de récidive. La surveillance et, lorsque l’audition se dégrade ou lorsque le neurinome augmente de volume, l’exérèse véritablement totale, telle qu’on la fait par voie translabyrinthique, sont la solution la moins risquée pour le nerf facial, dans l’immédiat et dans le ■ futur. La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 274 - juin 2002 3