Le Courrier de la Transplantation - Volume IV - n
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4 - oct.-nov.-déc. 2004
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Société
ASSOCIATIONS ET MÉDECINS :
L’ALLIANCE IMPOSSIBLE ?
Bien souvent, l’information qui se rapporte à la
qualité de vie n’est pas ou peu dispensée par le
médecin, par manque de temps souvent, et parce
qu’il faut gérer les priorités. Malheureusement,
au-delà du suivi du greffon, qui reste et doit res-
ter évidemment de la seule compétence du
médecin, les associations qui pourraient diffu-
ser cette information ne sont pas placées dans
les conditions adéquates pour pouvoir pallier ce
défaut d’information globale ou “sociétale”, ne
serait-ce qu’en étant présentes dans les couloirs
des services de transplantation pour y afficher
ou distribuer de la documentation. Nous avons,
par exemple, beaucoup de difficultés à réelle-
ment mettre à la disposition des patients nos
livrets concernant l’activité physique, ou encore
l’observance thérapeutique... Il y a souvent un
manque de dialogue des médecins avec les
patients, mais aussi et surtout entre les patients,
alors que l’échange direct entre malades est très
souvent un excellent moyen de dédramatiser ou
de s’informer. À l’heure actuelle, il n’y a aucune
représentation efficace des patients à l’hôpital.
Aucun service d’aide, aucune rencontre patient-
patient facilitée qui puisse combler cette absence
d’information. Les associations pourraient rem-
plir ce rôle, trouver une place à l’hôpital. Elles
devraient en avoir les moyens, ou tout du moins
une légitimité promue par le médecin, être
recommandées comme ressources, conseils, en
particulier parce que les médecins sont de moins
en moins disponibles pour véhiculer des mes-
sages périphériques, paramédicaux, transver-
saux. Par ailleurs, ils ont parfois du mal à délé-
guer une partie de leur relationnel patient. Cela
entraîne un défaut d’information des patients,
en particulier sur tout ce qui dépasse le cadre
strict de leurs traitements. Nous, patients,
devrions être des alliés objectifs des médecins
sur tous les aspects sociétaux de la greffe. Mais
les associations n’ont pas encore conquis cette
légitimité.
Par exemple, en ce qui concerne notre objectif
majeur, qui est d’amener le sport à l’hôpital, le
problème se pose de la même façon. Aujour-
d’hui, le patient qui vient de subir une trans-
plantation n’a pas de statut. Avant la greffe, il
dispose d’un statut : c’est un patient, suivi médi-
calement, car il est malade. Or, après la greffe,
il n’est ni guéri – les banques et les assureurs
savent vous l’expliquer ! – ni malade, ce que les
employeurs peuvent d’ailleurs discuter…
D’ailleurs, le patient greffé va même parfois jus-
qu’à se revendiquer comme “de nouveau capable
de vivre une vie normale, au moins pour un cer-
tain temps”. C’est une sorte de statut intermé-
diaire, de statut sans droit, entre le handicap et
la normalité. Dans le sport, cela se situe entre
l’olympique et le para-olympique. Le greffé est
un sportif qui n’est pas handicapé, mais il n’est
pas non plus “normal”, car il est considéré
comme “dopé” par ses traitements. Face à ces
problématiques de société, le patient est seul. Le
médecin se préoccupe des seuls aspects médi-
caux, à défaut du reste. Quand il prescrit une
molécule à un malade, il n’entre pas souvent dans
les considérations de qualité de vie ou dans les
effets d’interaction des médicaments. Une asso-
ciation, par le vécu qu’elle véhicule, peut être
d’un apport très positif dans ces domaines.
ASSOCIATIONS ET PERSONNELS SOIGNANTS :
LE CŒUR DU DIALOGUE
Savoir réellement “remettre debout” une per-
sonne qui vient d’être greffée devrait pourtant
faire partie du rôle de l’hôpital, du médecin et de
tous les soignants, notamment grâce à l’entretien
gymnique “au plus près du lit d’hôpital”. Le
moindre des efforts serait de faciliter le dialogue
de patient à patient, de proposer une place aux
associations. Il y a là une expertise “gratuite” et
totalement inexploitée. Tout ce qui sort du cadre
strictement médical – et notamment les aspects
de nutrition, réadaptation physique, sexologie,
psychologie, dermatologie, etc., pourtant systé-
matiquement concernés – n’est pas prévu, ou
alors très inégalement, au sein des protocoles de
suivi postgreffe. Chaque patient sait pourtant que
ces problèmes-là se posent après une greffe. Mais
il est parfois difficile d’en parler, car, lorsqu’un
médicament provoque des effets indésirables, il
est difficile pour le patient de faire la part des
choses entre l’action médicamenteuse et la mala-
die elle-même. Par ailleurs, le patient ne sait pas
toujours s’il existe une alternative au dit médica-
ment. Les associations pourraient être à l’écoute
des patients sous un angle différent ; elles pour-
raient alerter ou informer les patients nouvelle-
ment greffés, et apporter des réponses à ces pro-
blèmes sociétaux et non médicaux. Pouvoir
aborder et comprendre tous les aspects non médi-
caux permet à un patient de s’approprier son état
et d’être acteur de sa propre qualité de vie, d’ac-
cepter la greffe et d’apprendre à vivre avec.