La Lettre du Psychiatre • Vol. VIII - no 6 - novembre-décembre 2012 | 171
Résumé
L’auteur aborde la question des facteurs psychologiques d’indication de greffes bilatérales des mains
puis met en lumière l’importance de l’appropriation subjective des membres greffés et de l’identifi-
cation à l’équipe soignante. Les risques de dépression réactionnelle et de régression sont évoqués.
L’incidence psychologique de la greffe est le plus souvent très positive.
Mots-clés
Maturité
Appropriation
subjective
Identification
Summary
The psychological dimension of
the indication of double hand
transplantation is treated. The
author highlights the question
of the subjective appropria-
tion of the hands and of the
patient’s identification with the
care team. The double risk of
depression and of regression
is mentioned. Finally, in most
of the cases, the psychological
benefit of the double hand
transplant is clear.
Keywords
Maturity
Subjective appropriation
Identification
moi corporel, ce qui suppose un déni de leur origine
étrangère. Ce déni, salutaire, s’installe à la faveur
de la double récupération fonctionnelle, motrice
et sensible. La motricité volontaire, effectrice de la
volonté du moi, confirme, au fur et à mesure qu’elle est
récupérée, l’appartenance subjective des membres. On
constate un parallélisme temporel entre récupération
et appropriation.
L’identification aux soignants
de l’équipe médico-chirurgicale
L’investissement majeur des équipes de soins,
l’importance du suivi et des soins justifiés par la
technique favorisent d’intenses liens affectifs avec le
patient. Ce dernier s’appuiera sur une identification
aux soignants pour assumer la responsabilité de son
traitement et progresser, malgré les efforts coûteux
du traitement. Cette identification peut se teinter
d’ambivalence.
Les soignants veilleront à éviter d’éventuelles réac-
tions de rejet de la part du patient, préjudiciables
au suivi mais surtout une idéalisation trop massive
qui favoriserait une fuite de la réalité.
La dépression
Elle est fréquente, d’intensité variable, survenant
dans les mois qui suivent la greffe. Elle est en général
bien surmontée grâce à l’aide psychothérapique et,
si besoin, à un traitement psychotrope adapté. On
peut la comprendre, lorsqu’elle suit la greffe, comme
en lien avec le réveil du traumatisme de l’accident
responsable de l’amputation, mais aussi comme liée
à l’écart entre l’ attente idéale de retrouver des mains
esthétiquement et fonctionnellement parfaites et
la réalité d’une dure rééducation en vue d’une lente
récupération. Elle s’amende, le plus souvent, après
la première année.
La régression
L’allogreffe des mains impose des durées d’hos-
pitalisation très longues, du fait de l’intervention
chirurgicale et de la rééducation intensive mais
aussi du fait du traitement antirejet et d’éven-
tuelles complications. Cela favorise les risques de
régression à une dépendance profonde, entravant le
retour à une vie sociale normale. Ce risque s’avère
d’autant plus marqué qu’il existe des pathologies
associées. Il conviendra donc d’apprécier au plus
près les possibilités réelles du patient et de l’aider
à mettre en mots ses craintes face aux exigences du
quotidien comme ses difficultés dans ses relations
aux autres.
Conclusion
À la lumière de notre expérience, le devenir psycho-
logique des greffés des mains ne pose pas de
problème majeur si l’indication, dans sa dimension
psychopathologique, a été correctement établie.
Les contraintes du suivi et du traitement, l’effet
bouleversant de retrouver des mains occasionnent
certes des mouvements dépressifs ou régressifs, en
général bien contrôlés, mais ne conduisent pas à de
sérieuses décompensations psychologiques. L’inté-
grité corporelle retrouvée et le succès fonctionnel
régulier, sources d’une grande satisfaction, y sont
sûrement pour beaucoup. ■