188
Act. Méd. Int. - Hypertension (13), n° 8/9, octobre/novembre 2001
progrès en
Progrès en prévention
Selon les études, le risque
d’infarctus est multiplié
par un chiffre variant de 2
à 5, d’autant plus grand
que l’on s’adresse à une
population jeune (1). La
responsabilité du tabac est
également très clairement
établie dans les artériopa-
thies des membres infé-
rieurs, les maladies pulmo-
naires et de nombreux cancers au premier
rang desquels celui du poumon, dont il est le
facteur de risque presque exclusif. Le taba-
gisme réduit l’espérance de vie de 7,5 ans ;
80 % des non-fumeurs, mais seulement
60 % des fumeurs, sont encore en vie à 70 ans.
De même, l’exposition passive à la fumée de
tabac augmente de 50 % le risque de cancer
pulmonaire, de maladie cardiovasculaire et
de maladie pulmonaire chronique. La noci-
vité du tabac en termes de complications
attribuables au tabagisme n’est pas le fait de
la nicotine mais celui des produits de com-
bustion du tabac (goudrons, hydrocarbures,
oxyde de carbone...). En revanche, c’est bien
la nicotine qui est responsable de la dépen-
dance à la cigarette.
Les bénéfices de l’arrêt du tabagisme ont été
très clairement confirmés, en particulier
dans le cadre de la maladie coronaire.
Le sevrage tabagique repose sur des tech-
niques comportementales et/ou pharmacolo-
giques. Ces dernières sont fondées pour l’es-
sentiel sur la substitution nicotinique.
D’autres approches pharmacologiques ont
été proposées, dont le bupropion qui vient
d’être mis sur le marché en France (Zyban®).
La substitution nicotinique
Pharmacologie de la nicotine (2)
Des récepteurs nicotiniques sont présents dans
le cerveau, les ganglions du système nerveux
végétatif, les médullosurrénales et les jonctions
neuromusculaires. Ces récepteurs sont physio-
logiquement stimulés par l’acétylcholine libé-
rée localement. Il existe plusieurs sous-types de
récepteurs nicotiniques. On ne connaît pas bien
lesquels de ces sous-types sont à l’origine des
effets pharmacologiques de la nicotine. De
plus, l’activation des récepteurs nicotiniques
facilite la libération de différents neuromédia-
teurs dont la dopamine, l’adrénaline, la nora-
drénaline, l’acétylcholine, le GABA et la β-
endorphine. Ces différents effets neuro-
biologiques pourraient expliquer les effets psy-
choactifs de la nicotine. Les effets systémiques
de la nicotine semblent, quant à eux, corres-
pondre à un effet sympathomimétique indirect.
Celui-ci pourrait expliquer les effets cardiovas-
culaires à court terme de la nicotine : tachycar-
die, augmentation de la contractilité myocar-
dique et un certain degré de vasoconstriction.
Ces effets tendent à s’atténuer lors de l’exposi-
tion continue à la nicotine.
Les effets cardiovasculaires de la nicotine sont
dose-dépendants. Les effets tachycardisants,
par exemple, peuvent varier chez les fumeurs
en fonction de la richesse en nicotine des ciga-
rettes. Les variations de concentration de nico-
tine peuvent également intervenir, et il
convient d’opposer les élévations rapides de
concentration qui surviennent lorsqu’une ciga-
rette est fumée aux concentrations beaucoup
plus faibles des patchs avec lesquels seules des
fluctuations minimes de nicotinémie sont
observées. L’effet tachycardisant est nettement
plus marqué dans le premier cas que dans le
second. La réponse tachy-
cardisante est associée à une
élévation de la pression arté-
rielle. De même, des varia-
tions brutales de nicotinémie
peuvent être associées à une
activation plaquettaire. Ces
effets cardiovasculaires et
proagrégant sont bien de
nature sympathomimétique
puisque bloqués par des α-
bloquants. Ces effets ne sont
pas observés lors des faibles variations de
nicotinémie avec les substituts de la nicotine.
Au niveau central, la nicotine se distribue de
façon très large avec des concentrations plus
particulièrement élevées dans l’hypothala-
mus, l’hippocampe, le thalamus, le mésen-
céphale, le tronc cérébral et certaines aires
du cortex. Elle peut améliorer les fonctions
cognitives, comme l’apprentissage, la
mémoire, le temps de réaction, la résolution
de problèmes. Ces effets pourraient expli-
quer le bénéfice allégué en faveur de la
nicotine vis-à-vis de la maladie d’Alzheimer
et de certains aspects de la maladie de
Parkinson.
La nicotine, surtout lorsque son passage est
rapide dans le cerveau, induit des effets dits
positifs (plaisir, relaxation, bien-être...) à l’ori-
gine du développement de la dépendance. Ces
effets positifs “conditionnent” le fumeur
(dépendance psychologique), ce qui, du fait
des effets chroniques de la nicotine, crée une
neuroadaptation dans laquelle serait impliquée
la stimulation de récepteurs nicotiniques sur
les voies dopaminergiques mésolimbiques et
mésocorticales. La libération de dopamine est
à l’origine du phénomène de “récompense”.
Lors de l’administration chronique de nico-
tine, la libération de dopamine, initialement
majorée, est ensuite réduite, ce qui provoque
Réduire le nombre de fumeurs constitue l’interven-
tion qui, en termes de santé publique, peut être
considérée comme le moyen le plus efficace pour
réduire substantiellement la morbidité et la mortalité
évitables dans les pays industrialisés. Tous les efforts
visant à réduire la consommation tabagique doivent
donc être mis en œuvre.
* Service de pharmacologie clinique, CHU
Sud, Amiens.
Les médicaments dans l’aide
au sevrage tabagique
Michel Andréjak*
189
progrès en
Progrès en prévention
une augmentation du nombre de récepteurs
nicotiniques.
Aspects pharmacologiques
Sur le plan pharmacocinétique, l’absorption de
nicotine est très rapide lorsque la cigarette est
fumée. Elle aboutit à l’obtention de taux de 50
à 100 µg/l au niveau artériel après la fin de
l’inhalation de la fumée de cigarette. Les taux
veineux sont beaucoup plus faibles du fait
d’une incorporation rapide de nicotine dans les
tissus avant le passage dans le secteur veineux.
Les sites de stockage sont surtout représentés
par le cerveau (où le passage extrêmement
rapide est responsable des effets sur les sys-
tèmes dits de récompense), le cœur et les pou-
mons ainsi que les muscles. En revanche, il y a
peu de fixation dans le tissu adipeux du fait du
caractère polaire de la molécule de nicotine.
Celle-ci est surtout métabolisée en cotinine,
mais elle subit également une glycuroconju-
gaison et une N-oxydation. La cotinine est un
métabolite stable avec une demi-vie beaucoup
plus longue que celle de la nicotine (16 heures
contre 2 heures) ce qui explique son intérêt,
comme marqueur de l’exposition à la nicotine,
son dosage permettant d’estimer la consom-
mation tabagique des 2 ou 3 jours précédents.
L’absorption de nicotine à partir des substi-
tuts nicotiniques, quelle qu’en soit la forme,
(voie transcutanée par patch ou transmu-
queuse [gomme, comprimé sublingual,
inhaleur ou spray nasal]) est lente et étalée
dans le temps avec un taux de nicotinémie
généralement inférieur d’au moins 50 % à
celui obtenu avec l’utilisation des cigarettes.
Avec la gomme à mâcher, l’élévation des
concentrations, variable d’un individu à
l’autre et en particulier liée au mode de mas-
tication, aboutit à un plateau après environ 30
minutes, s’y maintient pendant environ 2 heu-
res avant de diminuer progressivement.
Modalités d’utilisation de la nicotine
Les deux principaux moyens de substitution
disponibles sont représentés par la gomme à
mâcher et les dispositifs transdermiques.
Quelle que soit sa forme, l’absorption est pro-
gressive, sans obtention des nicotinémies
observées chez le fumeur, c’est-à-dire sans
obtenir d’effet stimulant mais une nicotinémie
suffisante pour éviter les signes de “sevrage”.
La gomme à mâcher correspond à une résine
échangeuse d’ions sur laquelle est fixée la
nicotine. La gomme de 2 mg est recommandée
pour les fumeurs “moyennement” dépendants,
alors que la gomme à 4 mg convient aux
fumeurs plus fortement dépendants. En début
de sevrage, il faut utiliser régulièrement les
gommes tout au long de la journée, 8 à 12 par
jour (sans dépasser 60 mg/j) puis au bout d’un
mois 5 à 6 par jour puis en temps variable
selon le fumeur 2 à 3 par jour. L’arrêt peut alors
être envisagé. En règle générale, la durée du
traitement ne doit pas excéder 6 mois. Le
fumeur doit mâcher une gomme chaque fois
qu’il ressent le besoin de fumer une cigarette.
La gomme doit être mâchée puis placée contre
la muqueuse jugale pendant environ 10 mi-
nutes, temps nécessaire pour qu’elle se ramol-
lisse et que le passage transmuqueux de la
nicotine devienne possible. Il est ensuite
conseillé au fumeur de mâcher très lentement
la gomme pendant une vingtaine de minutes,
ce qui permet la libération de presque la totali-
té de la nicotine présente dans la gomme.
Le dispositif transdermique, quant à lui, per-
met un apport plus régulier, stable dans la jour-
née. Il est devenu le mode de substitution de
référence. Il libère une quantité contrôlée de
nicotine de l’ordre de 1 mg par heure. Trois
types de patchs sont disponibles : 10, 20 et
30 cm2délivrant respectivement 5, 10 ou 15 mg
de nicotine sur 16 heures et 7, 14 et 21 mg sur
24 heures. Pour un fumeur à forte dépendance,
il est recommandé l’application d’un dispositif
de 30 cm2pendant 16 heures, placé le matin et
retiré le soir. Lorsque l’envie de fumer est sur-
montée, la réduction progressive des doses est
possible : 20 cm2pendant 16 h sur 2 à 4 semai-
nes puis 10 cm2pendant 16 heures sur égale-
ment 2 à 4 semaines. La durée recommandée
de ce traitement est de 3 mois (ne pas dépasser
6 mois).
Les effets indésirables locaux les plus fré-
quents du timbre sont l’érythème et le prurit
au point d’application, plus rarement une
réaction œdémateuse ou une sensation de
brûlure. Le patch appliqué 24 heures présente
l’avantage d’éviter le faible taux sanguin de
nicotine au réveil. La possibilité de dépen-
dance au patch est très faible et il n’y a pas
de rapport d’usage prolongé.
Les fumeurs peuvent avoir une préférence
pour une méthode de substitution pour favo-
riser la motivation et augmenter les chances
de réussite. D’où les tentatives pour déve-
lopper d’autres modes d’administration de
la nicotine. Ces autres modalités de substitu-
tion sont représentées par les comprimés
sublinguaux ainsi que par le spray nasal et
l’inhalateur (ces deux formes sont dispo-
nibles dans certains pays).
Efficacité de la nicotine
La substitution nicotinique permet le rempla-
cement de la nicotine apportée par la cigarette
et permet le sevrage chez le fumeur nicotino-
dépendant sans qu’apparaissent les symp-
tômes désagréables du sevrage (3). Il est bien
recommandé que le fumeur interrompe com-
plètement sa consommation tabagique dès le
début du traitement. Une simple réduction du
nombre de cigarettes est insuffisante pour que
la substitution nicotinique soit efficace. Ainsi
est rendue possible une désaccoutumance pro-
gressive qui sera obtenue par une baisse régu-
lière des doses de nicotine.
Les principes de base de la substitution nico-
tinique sont :
– la démonstration d’une dépendance à la
nicotine (évaluée à l’aide de différents tests,
dont le plus utilisé est le test de Fagerström (les
fumeurs qui ont les scores de dépendance les
plus élevés sont a priori ceux qui sont le plus
susceptibles de bénéficier de la substitution) ;
– le choix de la dose initiale, surtout de
façon à éviter le sous-dosage (le dosage de
la cotinine dans les urines peut aider à préci-
ser les besoins en nicotine). Un fumeur
“moyen” absorbe 20 à 40 mg par jour.
Dans une revue systématique de la banque
de données Cochrane (5) ont été évalués un
grand nombre d’essais randomisés mesurant
le bénéfice de la substitution nicotinique (49
essais avec la gomme à mâcher, 32 avec les
patchs transdermiques, 4 avec l’administra-
tion intranasale, 4 avec une forme inhalée et
2 avec des comprimés sublinguaux). Dans
tous ces essais, la supplémentation nicoti-
nique a donné un bénéfice supérieur à celui
du placebo. Lorsque les taux d’abstinence
étaient évalués à partir de tous les essais, le
pourcentage d’argumentation du sevrage
était majoré de 72 % sous substitution par
rapport au placebo. Dix-sept pour cent de
190
Act. Méd. Int. - Hypertension (13), n° 8/9, octobre/novembre 2001
progrès en
Progrès en prévention
fumeurs randomisés pour la substitution nico-
tinique interrompent effectivement leur taba-
gisme, contre 10 % dans les groupes placebo.
Dans cette revue, il n’est pas mis en évidence
de différence significative entre les différentes
formes d’administration de nicotine.
Sécurité d’emploi de la nicotine
Une controverse s’est installée sur le risque
allégué de voir survenir des infarctus du myo-
carde chez des patients porteurs de patchs à la
nicotine, tout particulièrement lorsqu’ils conti-
nuent à fumer. Ce risque a été mis en avant à la
suite de la publication de cas cliniques d’in-
farctus chez des utilisateurs de patchs. Ces
observations ont amené a émettre des doutes
sur la sécurité d’emploi de la nicotine transder-
mique vis-à-vis du risque d’atteinte coronaire.
Cette inquiétude a justifié la mise en place
d’études cliniques contrôlées qui ont permis de
conclure que la substitution nicotinique, que ce
soit par patch ou sous forme de gomme à
mâcher, ne majorait pas le risque survenue
d’événements cardiovasculaires, même chez
les patients ayant une pathologie coronaire. Ces
études pouvaient cependant être critiquées du
fait que l’évaluation portait sur un ensemble
composite d’événements, qu’elle concernait
peu de patients ayant fait un infarctus, que les
études n’avaient pas comme objectif initial la
mise en évidence d’événements cardiovascu-
laires, qu’elles avaient une puissance insuffi-
sante, ou que le suivi était trop bref.
Très récemment (6), une étude cas-contrôle
dans la région de Philadelphie portait sur 653
patients fumeurs (actuels ou au cours de l’an-
née précédente) hospitalisés dans les hôpitaux
de la région pour un premier infarctus et appa-
reillés pour l’âge, le sexe et les facteurs de
risque cardiovasculaires. Les contrôles (2 990)
étaient des fumeurs n’ayant pas jusque-là fait
d’infarctus du myocarde. Était recherchée l’uti-
lisation de patchs de nicotine prescrits ou obte-
nus en vente libre. Aucune relation n’était
retrouvée entre l’utilisation de patch de nicoti-
ne et la survenue d’un infarctus (0,46 % des
patients ayant eu un infarctus utilisaient des
patchs, contre 1 % chez des patients contrôles
n’ayant pas fait d’infarctus). L’odds ratio était
de 0,46 avec un index de confiance de 0,56 se
situant entre 0,09 et 1,47. Il n’y avait pas plus
d’infarctus chez les patients porteurs de patchs
et qui continuaient à fumer. L’ajustement vis-à-
vis de différents facteurs potentiellement
confondants ne modifiait pas les résultats de
cette étude, qui suggère de façon convaincante
que l’utilisation des patchs, telle que réalisée
dans les conditions de tous les jours, ne majore
pas à court terme le risque coronarien.
Les effets indésirables rapportés avec la sub-
stitution nicotinique sont rares et générale-
ment bénins : céphalées, nausées, hoquet...
Certains sont liés au mode d’administration
: érythème et prurit avec les patchs, irritation
et sécheresse buccales avec les comprimés
sublinguaux, maux de gorge et douleur des
mâchoires avec les gommes à mâcher.
La sécurité d’emploi de la substitution nico-
tinique au cours de la grossesse reste mal
connue (7). Il est néanmoins admis qu’en
cas de forte dépendance au tabac, la substi-
tution nicotinique puisse être utilisée, le
risque encouru par le fœtus du fait du taba-
gisme étant très important et très vraisem-
blablement supérieur au risque potentiel
(suggéré par les effets sur l’hémodynamique
utéroplacentaire) de la nicotine. L’apport de
nicotine sera de toute manière inférieur à
celui lié au tabagisme et les risques liés aux
hydrocarbures polycliniques et au monoxy-
de de carbone seront évités.
Contre-indications de la substitution
nicotinique
Elles sont limitées. En dehors de l’hypersen-
sibilité à l’un des constituants de la forme
utilisée, il s’agit des pathologies cardiovas-
culaires évolutives : infarctus récent du
myocarde, angor instable ou s’aggravant,
angor de Prinzmetal, trouble du rythme car-
diaque sévère : accident vasculaire cérébral
récent, affection cutanée pouvant gêner
l’utilisation d’un dispositif transdermique.
Chez le patient coronarien (hormis les situa-
tions aiguës envisagées précédemment) le
risque en recourant à la substitution nicoti-
nique est certainement très inférieur à celui
lié à la poursuite du tabagisme.
Les moyens pharmacologiques
autres que la nicotine
Le bupropion est le premier médicament non
nicotinique ayant une autorisation de mise sur
le marché dans l’aide au sevrage tabagique. Il
était commercialisé aux États-Unis comme
antidépresseur depuis 1989 (à des doses plus
élevées que celles proposées au fumeur).
Il s’agit d’une molécule qui inhibe la recap-
ture neuronale de dopamine et surtout la
noradrénaline.
L’étude de Jorenby et al. (8) a servi de pivot per-
mettant l’enregistrement du bupropion par la
FDA aux États-Unis. Avec cette molécule, le
taux de sevrage sous bupropion était de 30 %
après 12 mois, taux supérieur à celui obtenu
sous patch de nicotine (16,4 %) et sous placebo
(15,6 %). L’association bupropion-patch de
nicotine permet un bénéfice ayant une tendance
non significative à être supérieur (35,5 %) à ce
qui est observé sous bupropion seul. Si l’on
considère les patients abstinents à toutes les éva-
luations jusqu’à un an, leur taux est de 5,6 %
sous placebo, 9,8 % sous nicotine, 18 % sous
bupropion et 22,5 % sous association nicotine +
bupropion (différence significative avec la nico-
tine seule mais pas avec le bupropion seul).
Des données issues de la banque Cochrane (9)
confirment l’efficacité du bupropion avec un
IC 95 % entre 1,90 et 3,04). Dans les recom-
mandations pour la pratique clinique aux
États-Unis, le bupropion a été proposé en juin
2000 en première intention au même titre que
la substitution nicotinique. Fin 2000, au
Royaume-Uni, les recommandations sont plus
prudentes et ont insisté sur la faiblesse des
preuves d’une efficacité du bupropion en l’ab-
sence d’une prise en charge comportementale.
Le bénéfice du bupropion a été évalué chez
des patients dont le sevrage est réputé difficile,
comme ceux atteints de broncho-pneumopa-
thie chronique obstructive (BPCO) (10). Il
s’agissait de patients plus âgés, dont le taba-
gisme était plus ancien que dans les études
antérieures, et qui avaient davantage d’échecs
à des tentatives de sevrage. Le taux de sevrage
dans cette étude, malgré le fait qu’elle
191
progrès en
Progrès en prévention
s’adresse à des patients dont la prise en charge
est plus difficile, est presque deux fois plus
élevé sous bupropion que sous placebo (28 ver-
sus 16 %) après 7 semaines de traitement. À 12
semaines de traitement, durée du traitement par
bupropion dans cette étude, la différence est
toujours significative (18 versus 10 %).
Quatorze semaines après l’arrêt du bupropion,
le bénéfice persiste : 16 % de persistance du
sevrage contre 9 % dans le groupe placebo.
L’effet du bupropion est également démontré
dans cette étude vis-à-vis du besoin compulsif
de fumer (craving) ou des effets indésirables
associés au sevrage (anxiété, irritabilité, symp-
tômes dépressifs...). Cette étude n’a pas évalué
l’amélioration de la fonction pulmonaire.
Sécurité d’emploi et conditions d’utili-
sation du bupropion
Cette molécule, déjà commercialisée dans
d’autres pays, aux États-Unis depuis 1997, cer-
tains pays d’Amérique latine et aux Pays-Bas
depuis 1999, et dans plusieurs pays européens
depuis 2000, a été mise à la disposition du
corps médical français le 17 septembre 2001
(Zyban®). En France et dans d’autres pays euro-
péens, ce médicament ne sera pas remboursé
(au moins dans l’immédiat).
Le recul sur l’utilisation du produit a permis de
mieux préciser sa sécurité d’emploi, et la pos-
sibilité d’effets indésirables a justifié des mises
en garde qu’il importe de respecter :
– respect des doses 150 mg (1 cp/j) les 6 pre-
miers jours, puis 2 cp en 2 prises à partir du 7e
jour (dose maximale de 150 mg par prise et de
2 prises par jour, à ne pas dépasser). Il est
recommandé de ne pas dépasser la dose de 150
mg chez les patients âgés, insuffisants rénaux
ou en cas d’insuffisance hépatique légère à
modérée ;
– prévision d’une date d’interruption du tabac au
cours de la deuxième semaine de traitement ;
– durée du traitement : 7 à 9 semaines (sans
dépasser 7 semaines en cas d’inefficacité).
Le risque majeur est la survenue (très rare : 0,1
%) de convulsions, effet dépendant des doses
consommées. Ce risque, déjà connu lors de
l’utilisation antérieure comme antidépresseur, a
été confirmé par l’expérience des pays euro-
péens disposant de cette molécule depuis
quelques mois ou années.
En fonction de ce risque, le Zyban®est contre-
indiqué :
– chez les patients épileptiques (“troubles
convulsifs évolutifs ou présentant un quel-
conque antécédent convulsif ”) ;
– chez les patients présentant une tumeur du
système nerveux central ;
– chez les patients en cours de sevrage alcoo-
lique ou de sevrage en benzodiazépines ;
– chez les patients présentant une insuffisance
hépatique sévère.
D’autres contre-indications sont représentées
par l’existence d’un traitement antérieur récent
par IMAO et l’existence d’un trouble bipolaire.
Les mentions légales précisent de plus que le
Zyban®ne doit être administré que si le bénéfi-
ce attendu du sevrage tabagique l’emporte sur
le risque de survenue de convulsions”, d’où la
nécessité de rechercher les facteurs de risque de
convulsions :
– autres médicaments pouvant abaisser le seuil
épileptogène ;
– abus d’alcool ;
– antécédent de traumatisme crânien ;
– diabète sous sulfamide hypoglycémiant et
insuline.
D’autres effets indésirables ont été répertoriés.
Parmi les plus sévères, même s’ils sont égale-
ment rares, une mention particulière doit être
faite de la possibilité de réactions d’hypersensi-
bilité dont des angiœdèmes. Quant aux insom-
nies, elles constituent un effet indésirable rela-
tivement fréquent. Agitation et anxiété ont
également été rapportées.
Afin d’évaluer un éventuel risque d’abus ou de
dépendance il a été demandé une surveillance
attentive du profil de sécurité d’emploi et du
bon usage du médicament.
Pour ces raisons, il est demandé que soit décla-
ré systématiquement (recommandation formu-
lée pour la première fois dans le cadre de la
mise sur le marché d’un nouveau médicament)
tout effet indésirable auprès des centres régio-
naux de pharmacovigilance (que l’effet soit
grave ou non, connu ou non).
Au total, la place du bupropion (à côté ou en
association de la substitution nicotinique) reste
à préciser. D’autres médicaments ont été éva-
lués dans l’aide au sevrage tabagique, mais les
résultats obtenus n’ont pas été suffisamment
concluants pour qu’une AMM soit proposée : il
s’agit d’un antihypertenseur central, la clonidi-
ne, ou d’un antidépresseur tricyclique, la nor-
triptyline. Ces substances ont cependant été
proposées en deuxième intention pour les
recommandations américaines récentes (11).
Références bibliographiques
1. Parish S, Collins R, Peto R et al. Cigarette smo-
king, taryields, and non-fatal myocardial infarc-
tion : 14 000 cases and 32 000 controls in the
United Kingdom. The international studies of
infarct survival (ISIS) collaborators. Br Med J
1995 ; 311 : 471-7.
2. Benowitz NL. Pharmacology of nicotine :
addiction and therapeutics. Ann Rev Pharmacol
Toxicol 1996 ; 36 : 597-613.
3. Tonneson P, Paoletti P, Gustavsson G et al. Higher
dose nicotine patches increase one year smoking
cessation rates : results from the European ceare
trial. Eur Resp J 1999 ; 13 : 238-46.
4. Blondal T, Gudmundsson J, Olafsdottir I et al.
Nicotine nasal spray with nicotine patch for smo-
king cessation randomised trial with six years fol-
low up. Br Med J 1999 ; 318 : 285-9.
5. Lancaster T, Steal L, Silagy C, Sowden A.
Effectiveness of intervention to help people stop
smoking : findings from the Cochrane library. Br
Med J 2000 ; 321 : 355-8.
6. Kimmel SE, Berlin JA, Miles C et al. Risk of
acute first myocardial infarction and use of nico-
tine patch in a general population. J Am Coll
Cardiol 2001 ; 37 : 1297-302.
7. Dempsey DA, Benowitz NL. Risks and benefits
of nicotine to aid smoking cessation in pregnan-
cy. Drug Saf 2001 ; 24 : 277-322.
8. Jorenby DE, Leischow SJ, Nides MA et al.
Controlled trial of sustained-release bupropion,
nicotine patch or both for smoking cessation. N
Engl J Med 1999 ; 340 : 685-91.
9. Hughes JR, Stead LF, Lancaster T. Anxiolytics
and antidepressants for smoking cessation
(Cochrane review). Cochrane Database Syst Rev
2000 ; 2 : CD000031.
10. Tashkin DP, Kanner R, Bailey W et al. Smoking
cessation in patients with chronic obstructive pulmo-
nary disease : a double-blind placebo-controlled,
randomised trial. Lancet 2001 ; 357 : 1571-5.
11. The tabacco use and dependance clinical
practice guideline panel. A clinical practice gui-
deline for treating tabacco use and dependance.
Jama 2000 ; 283 : 3244-54.
1 / 4 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !