L’échographie transœsophagienne permet l’analyse parfaite des
structures cardiaques peu accessibles à l’échographie transtho-
racique, telles que l’oreillette et l’auricule gauches, la face auri-
culaire des prothèses valvulaires mitrales, le septum interauricu-
laire, l’aorte thoracique. L’utilisation de sondes de haute
fréquence permet le dépistage de végétations valvulaires de petite
taille, de thrombus hypoéchogène, d’une stase intracavitaire.
La rentabilité des méthodes diagnostiques utilisées dépend bien
sûr de la population et du contexte clinique. Elle est faible s’il
n’existe pas de signe d’appel cardiaque. L’ETO est indiquée en
présence d’antécédents cardiaques ou d’anomalies cardiologiques
à l’examen de routine, quand des arguments cliniques permettent
de soupçonner une origine embolique, en particulier chez le sujet
jeune, et en l’absence d’autre cause reconnue d’accident cérébral.
L’enregistrement ambulatoire du rythme cardiaque par un sys-
tème holter a une faible rentabilité dans le dépistage d’une ori-
gine arythmique de la thrombose intracardiaque. Cet examen ne
prend de la valeur que lorsque les cas sont très sélectionnés : anté-
cédents de palpitations, antécédents de fibrillation auriculaire,
altérations électrocardiographiques évocatrices. Le plus souvent,
l’enquête étiologique ne permet de découvrir qu’une cause poten-
tielle d’embolie. L’établissement d’un lien d’imputabilité est très
souvent aléatoire, d’autant plus que plusieurs causes
peuvent s’associer chez le sujet âgé.
La fibrillation auriculaire
Toutes les formes de FA peuvent être impliquées.
La fibrillation auriculaire sans cardiopathie rhu-
matismale, c’est-à-dire la “lone atrial fibrilla-
tion”, est souvent en cause. Ainsi définie, la
fibrillation auriculaire non rhumatismale est
une affection fréquente atteignant 3 à 5 %
des individus après 60 ans. Cette associa-
tion est d’autant plus fréquente que le
patient est plus âgé, et l’on passe de 6,5 %
entre 50 et 59 ans à 30,7 % entre 80 et
89 ans.
Avant d’affirmer une fibrillation idiopathique sur cœur
normal, une enquête étiologique approfondie est indispensable
pour éliminer une atteinte valvulaire ou myocardique fruste. L’in-
cidence de l’ischémie cérébrale associée à la fibrillation auricu-
laire, incluant les accidents ischémiques transitoires et les infarc-
tus asymptomatiques révélés au scanner, est comprise entre 5 et
8% après 60 ans. La plupart de ces accidents ischémiques sont
consécutifs à une thrombose de l’auricule gauche. Le problème
posé par la découverte de la fibrillation auriculaire est que l’aryth-
mie a pu être la conséquence et non la cause de l’accident céré-
bral. Chez le sujet âgé, l’association de plusieurs causes emboli-
gènes rend l’imputabilité difficile à préciser.
Dans le registre lausannois des accidents cérébraux, portant sur
159 patients consécutifs avec fibrillation auriculaire et infarctus
dans le territoire carotidien, 13 % des patients avaient une hyper-
tension artérielle et un infarctus profond au scanner, 11 % une
sténose carotidienne ou une occlusion ipsilatérale, 56 % des
lésions carotidiennes mineures ipsilatérales (plaque ou sténose
supérieure à 50 %) et 14 % une autre source cardiaque potentielle
d’embolie associée à la fibrillation auriculaire. Au total, dans
18 % des cas seulement, la fibrillation était la seule cause poten-
tielle de l’accident embolique. Depuis quinze ans, de grands essais
cliniques randomisés ont évalué l’intérêt de la prophylaxie anti-
thrombotique, et cinq d’entre eux ont comparé la warfarine à un
placebo. Sous placebo, chez des patients atteints de fibrillation
auriculaire, le taux d’accidents ischémiques s’élevait à 5 % par
an. Globalement, le traitement anticoagulant par la warfarine
(avec un international normalized ratio [INR] entre 1,5 et 4) a
réduit le risque de thromboembolie artérielle de façon sensible
(de l’ordre de 70 %). L’efficacité de l’aspirine n’a pas été uni-
forme. Une analyse des différents essais est effectuée dans un
autre article (voir risques de la fibrillation auriculaire, p. 00).
CARDIOPATHIES VALVULAIRES RHUMATISMALES
Elles sont fréquentes dans les pays en voie de développement.
Le rétrécissement mitral et la maladie mitrale sont les causes les
plus fréquentes et les plus classiques d’embolies cérébrales avec
des thrombus situés dans l’auricule et dans l’oreillette gauches.
Le risque d’embolie en cas de rétrécissement mitral est évalué à
4% par an. Ces embolies sont favorisées, bien évidemment, par
la présence d’une fibrillation auriculaire associée à la sténose
mitrale. La présence d’un thrombus ou de contraste spontané
dans l’oreillette et l’auricule gauches est le témoin d’un risque
emboligène élevé. Les facteurs qui prédisposent aux migra-
tions emboliques sont la présence d’une dilatation majeure
de l’oreillette et de l’auricule gauches, et la présence
d’une insuffisance cardiaque. Bien que les anticoagu-
lants réduisent le risque d’embolies récidivantes, le
risque résiduel est important, de l’ordre de 4 % par
an.
Les prothèses valvulaires représentent des
sources fréquentes d’embolie. Le risque est
important, en particulier dans les prothèses
mitrales et chez les sujets en fibrillation auri-
culaire. Ce risque embolique peut atteindre 3 à
4% par an. Sous anticoagulant, la plupart des embo-
lies sont minimes, et le taux des AVC suivis de séquelles neu-
rologiques est de 1 % par an. Les anticoagulants avec un INR
entre 2,5 et 4 suffisent dans la plupart des cas de prothèse valvu-
laire. Les patients avec antécédents emboliques ou arythmies
nécessitent une anticoagulation plus intense malgré le risque
hémorragique, avec un INR entre 4 et 6.
CARDIOPATHIES ISCHÉMIQUES
De 1 à 5 % des infarctus du myocarde se compliquent d’un acci-
dent vasculaire cérébral embolique au cours des semaines qui sui-
vent leur survenue. Dans diverses études cliniques, cette fréquence
varie selon l’âge des patients, la gravité, la localisation de l’in-
farctus et la durée du suivi. Ce sont essentiellement les infarctus
antérieurs étendus avec dyskinésie ventriculaire gauche qui pré-
disposent aux thromboses intracavitaires Pour les infarctus trans-
muraux antérieurs étendus, le risque embolique peut atteindre
4 à 12 %. La découverte d’un thrombus intraventriculaire gauche
dans les dix premiers jours à l’échocardiographie justifie la mise
La Lettre du Cardiologue - n° 316 - septembre 1999
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CŒUR ET CERVEAU