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Faire baisser la consommation de
psychotropes en France est possible :
impact d’une mesure réglementaire et
d’une action de sensibilisation
des professionnels de santé en Vendée
C. Victorri-Vigneau*, G. Basset**, P. Jolliet*
Des mesures réglementaires ont été prises et des actions ciblées
dirigées vers les professionnels de santé ont été menées pour
diminuer la consommation de psychotropes. Les premières ont un
impact sur la diminution de la consommation des médicaments visés
par les mesures, et les actions ciblées améliorent le bon usage des
psychotropes en général : il est fondamental que des collaborations
entre les différents professionnels concernés par les médicaments
psychoactifs se mettent en place.
La consommation de psychotropes est, en
France, un problème de santé publique.
Notre pays est, en effet, l’un des plus gros
consommateurs de médicaments psychoactifs, se situant devant tous ses voisins (6).
Dès les années 1970, une des premières
études de pharmacoépidémiologie (2) plaçait la France en deuxième position des
pays consommateurs de benzodiazépines,
après la Belgique. Selon l’étude MEDICAM (5), portant sur les médicaments
remboursés par le régime général de l’assurance maladie en 2000, la classe thérapeutique du système nerveux central vient au
second rang des 16 classes, derrière le système cardiovasculaire avec 17,5 % des
montants remboursés. L’usage récent des
psychotropes en France concerne 25 % des
femmes et 14 % des hommes (6) ; pour les
deux sexes, il s’accroît avec l’âge et il est
plus marqué chez les personnes traversant
des difficultés ou souffrant d’un isolement
social.
* Centre d’évaluation et d’information sur la
pharmacodépendance, service de pharmacologie clinique, Institut de Biologie, 9, quai
Moncousu, 44093 Nantes Cedex
** Service médical de l’assurance maladie, 46,
rue de la Marne, 85100 La Roche-sur-Yon.
Certaines études ont tenté de comprendre le
recours aux psychotropes des patients (1) ; il
semble que, pour la quasi-totalité des
patients, la prise de psychotropes a “répondu à un besoin” et que les psychotropes “les
ont aidés ou les aident à mieux vivre” (1).
Encore plus inquiétantes sont les analyses
de consommation qui montrent que la moitié des patients ont une trajectoire de
consommation chronique (5 ans), que 98 %
des patients ont adapté les doses de psychotropes en fonction de leurs besoins et un
sur deux déclare le faire sans l’accord de
son médecin. De plus, seule la moitié
d’entre eux “pense être capable de se passer de psychotropes” (1).
Les conséquences de cette consommation
massive, en France, de psychotropes se
situent tant à un niveau individuel (morbidité, mortalité) que collectif (coût pour la
société) ; de plus, la consommation de psychotropes expose les patients au risque de
dépendance, risque difficile à quantifier
même si certains facteurs sont connus
(dose excessive, durée de traitement
longue) tant il semble que les individus ne
soit pas égaux face à ce risque.
Devant ce problème, différentes solutions
ont été proposées pour tenter de diminuer
cette consommation excessive de psycho-
Le Courrier des addictions (7), n° 2, avril-mai-juin 2005
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tropes : cet article a pour objectif d’analyser et de comparer les impacts, d’une part
d’une mesure réglementaire et, d’autre part
d’une action originale et innovante de sensibilisation des professionnels de santé en
Vendée.
Matériel et méthodes
Mesure réglementaire
L’usage détourné du flunitrazépam a
conduit l’Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé
(AFSSAPS) à soumettre cette molécule au
régime des stupéfiants tout en la laissant
inscrite sur la liste I des substances vénéneuses (arrêté du 1er février 2001). Ainsi la
prescription des spécialités à base de flunitrazépam doit être écrite en toutes lettres,
sur ordonnance sécurisée, pour une durée
limitée à 14 jours avec une délivrance fractionnée de 7 jours. Tous les patients ayant
eu au moins une délivrance de flunitrazépam en janvier 2001, soit dans le mois précédant l’application de la mesure réglementaire, ont été sélectionnés dans la base
de données de l’assurance maladie de
Vendée et leur consommation d’hypnotique(s) a été monitorée pendant 8 mois (7).
Action de sensibilisation
des professionnels de santé en Vendée
En utilisant les bases de données de l’assurance maladie de Vendée, les patients à qui il a été
délivré une quantité deux fois supérieure à la
dose maximale recommandée (supérieure à
2Dmax) de psychotrope ont été sélectionnés.
Ces patients, conformément aux recommandations de la CNIL, ont été avertis que,
sauf refus de leur part, le(s) médecin(s) et
le(s) pharmacien(s) concernés par la prescription ou la délivrance des psychotropes
seraient informés de leur situation exacte
(surconsommation, nomadisme médical
et/ou pharmaceutique). La consommation
en psychotropes de ces patients a été réévaluée un an après.
Résultats
Mesure réglementaire (7)
En janvier 2001, 738 patients ont reçu une
délivrance de flunitrazépam. Ce nombre est
bien le reflet du nombre moyen de consommateurs mensuels de flunitrazépam en
Vendée en 2000 (7).
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On note une diminution importante entre
janvier et mars (30 %). Cette chute du
nombre de consommateurs d’hypnotiques
se poursuit après mars, puisqu’en septembre, seule la moitié des patients sélectionnés en janvier reçoit encore des hypnotiques (7).
Au niveau qualitatif au sein de la cohorte,
les délivrances de flunitrazépam ont chuté
de 90 % entre janvier et septembre, tandis
que les délivrances d’autres hypnotiques
ont augmenté.
Action de sensibilisation
des professionnels de santé
Parmi les patients sélectionnés en Vendée,
un an après, le nombre de patients ayant
reçu des quantités supérieures à 2Dmax a
diminué de 66 %.
La moyenne des quantités quotidiennes
reçues par ces patients a diminué de 27 %.
Le nombre moyen de prescripteurs par
patient a diminué de 15 %.
Discussion
La mesure réglementaire et l’action de sensibilisation ont toutes les deux eu un impact
majeur sur la consommation : dans le premier cas, la consommation de flunitrazépam a chuté de 90 %, et on note que cet
hypnotique n’a été remplacé par d’autre(s)
que pour 60 % des patients. Ce qui signifie
qu’à la suite de cette mesure, le nombre de
consommateurs d’hypnotiques au sein de la
cohorte a diminué de façon majeure. De
plus, huit mois après l’application de cette
mesure réglementaire, la moitié des
patients ne consomme plus d’hypnotiques,
ce qui est une avancée en termes de santé
publique. Une interrogation subsiste : ontils subi passivement cette nouvelle règle ou
arrêté ce choix après une information éclairée ? Dans le cadre de l’action de sensibilisation, on note à la fois une diminution du
nombre de patients surconsommants, une
diminution de la surconsommation des
patients estimée à partir des quantités remboursées, et une rationalisation des comportements objectivée par la diminution du
nombre moyen de prescripteurs par patient.
Les professionnels de santé ont pris
conscience des doses excessives reçues par
certains de leurs patients et ont été, à partir
de ces cas particuliers, sensibilisés. Le
comportement des patients aussi a changé,
en effet, le nombre moyen de prescripteurs
par patient a diminué.
L’action de sensibilisation a un avantage
par rapport à la mesure réglementaire : elle
permet de cibler certains patients. La mesure
réglementaire s’applique à tous les patients,
sans possibilité d’y déroger.
La diminution de la consommation de psychotropes est un objectif majeur depuis la
publication du rapport Legrain en 1989
(4), chargé d’évaluer la consommation des
hypnotiques en France et qui a conclu à une
consommation trop importante et a dénoncé un renouvellement “routinier” des prescriptions. Ce rapport a donné lieu, en 1991,
à une première réglementation qui limitait
la durée de prescription de ces médicaments. En 1993, dans le cadre de la médicalisation de la maîtrise des dépenses de
santé, le système des RMO a été élaboré et
appliqué en 1995. Celles-ci concernant les
prescriptions d’hypnotiques et d’anxiolytiques précisaient que leurs prescriptions
devaient reposer sur une analyse soigneuse
de la situation clinique des patients et
devait être réévaluée et tenir compte des
indications AMM. La recommandation de
ne pas associer deux hypnotiques ou deux
anxiolytiques et le respect des durées de
traitement et des doses étaient mentionnés.
Ces références ne sont plus opposables
depuis l’année 2000, mais restent cependant des recommandations de bonnes pratiques, toujours d’actualité. Ces recommandations ou limitations étaient générales,
dirigées de manière impersonnelle vers
tous les professionnels de santé.
Les études citées, réalisées avant 2001, ne
mentionnent pas de diminution dans la prévalence des prescriptions de psychotropes
dans la population générale. Pourquoi alors
la mesure réglementaire décrite et l’action
de sensibilisation ont-elles eu un impact
majeur ?
La première est une mesure stricte ciblée
sur une molécule : soumettre un médicament à la réglementation des stupéfiants
avec une prescription limitée à 14 jours et
une délivrance à 7 jours, complique énormément la prescription et la délivrance. De
plus le flunitrazépam est un médicament
connu pour son usage détourné, notamment
dans la population toxicomane, et son utilisation comme “drogue du viol” aux ÉtatsUnis. Plusieurs mesures avaient déjà été
prises : diminution de la posologie usuelle
de 2 mg à 1 mg, changements de galénique.
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Ces mesures édictées pour contrôler le
mésusage rendent son utilisation difficile
dans le respect de l’indication thérapeutique. On peut donc imaginer facilement
que les médecins aient cherché à le substituer. Mais parallèlement, le flunitrazépam a
toujours eu un effet décrit par les patients
très particulier et différent des autres benzodiazépines. Il est d’ailleurs utilisé dans
les insomnies rebelles. Cela rend son remplacement par un autre hypnotique difficile.
Ce qui peut expliquer que certains patients,
non satisfaits de leur nouvel hypnotique,
aient arrêté leurs prises au cours des 8 mois
de suivi. Cette mesure ciblée sur une molécule, bien qu’efficace, est restrictive dans
la mesure où elle impose un comportement,
et elle ne touche que les patients qui utilisent le flunitrazépam. Il ne s’agit pas d’une
information sur le bon usage des hypnotiques dirigée vers tous les patients.
L’action de sensibilisation permettait de
toucher, de manière individuelle et personnalisée, un grand nombre de professionnels
de santé, et l’impact majeur de cette action
doit inciter à étendre et à mettre en œuvre
des campagnes de sensibilisation des professionnels de santé au mésusage, au sens
large, des médicaments. Se donner les
moyens d’agir et d’évaluer l’impact d’une
action doit être une priorité en santé
publique. La consommation de psychotropes procure une amélioration des souffrances psychologiques tout en exposant le
patient au risque de pharmacodépendance.
Ce lien qu’entretiennent les patients avec
les médicaments psychotropes au nom de
cette recherche de “mieux-être” les rend
plus enclins au dialogue avec leurs praticiens. Une collaboration personnelle donnant les moyens au médecin de connaître
exactement la situation de son patient améliore le bon usage du médicament et la
prise en charge.
Conclusion
Les mesures réglementaires permettent
avant tout de limiter le mésusage des médicaments. Elles sont ciblées sur une molécule,
dont le détournement est important. Elles
entraînent obligatoirement des changements dans les pratiques médicales, mais
pas forcément une amélioration en termes
de bon usage des psychotropes. L’action
innovante de sensibilisation montre que,
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prescrivent et délivrent les médicaments.
Cette transmission positive d’information,
sans menace ni sanction, permettant une
meilleure prise en charge du patient est
indispensable afin d’améliorer le bon usage
des médicaments psychotropes.
Références bibliographiques
1. Alla F, Baumann M. Trajectoires sur 5
ans et dépendance aux psychotropes
d’une cohorte de consommateurs. Thérapie 2003:58(2):145-51.
2. Balter MB, Levine J, Manheimer DI.
Cross-national study of the extent of antianxiety-sedative drug use. N Engl J Med
1974;290:769-74.
Boire beaucoup d’alcool fait le lit
du diabète de type 2
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d’une part les patients et, d’autre part les
professionnels de santé, ont pu, grâce à une
prise de conscience de certains comportements modifier leurs pratiques. Cette
action doit inciter tous les professionnels
de santé concernés par les psychotropes à
mieux collaborer : les caisses d’assurance
maladie qui sont seules à détenir une vue
d’ensemble de la consommation portée au
remboursement des patients ; les Centres
d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance, dont les principales missions sont d’évaluer les substances donnant
lieu à des abus ou des pharmacodépendances et d’informer les professionnels de
santé ; et les professionnels de santé qui
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Selon des travaux présentés lors du dernier
congrès de l’American Heart Association, en novembre 2004, une
consommation chronique importante de boissons alcoolisées favorise le développement d’un syndrome métabolique, précurseur du diabète de type 2 (obésité abdominale ; pression artérielle supérieure à
130/185 ; glycémie à jeun supérieure à 1,10 g/l ; triglycérides au-dessus de 1,5 g/l, HDL-cholestérol inférieur à 0,4 g/l chez l’homme, à 0,5
g/l chez la femme). Ainsi, en étudiant une population de 2 817 personnes âgées de 35 à 79 ans, toutes consommatrices de boissons
alcoolisées, les auteurs de cette communication ont montré que le
quartile des plus gros buveurs (hommes et femmes buvant respectivement 6 et 4 boissons alcoolisées un jour type), avait un risque
d’avoir un syndrome métabolique accru de 60 % par rapport à celui
des personnes appartenant au quartile inférieur (1,3 et 1 verre). Ce
risque de survenue augmente de façon quasi-linéaire puisque, par rapport au quartile le plus bas, le risque est accru de 23 % pour ceux du
deuxième quartile et de 43 % pour ceux du troisième.
Les auteurs ont constaté, par ailleurs, que plus une consommation
importante d’alcool débutait tôt dans la vie, plus ce risque augmentait ; qu’à quantité de verres consommés, une consommation régulière
modérée comportait moins de risques d’apparition de ce syndrome
qu’une consommation occasionnelle mais excessive (type binge drinking), témoignant de la mémoire de l’organisme pour les occasions
marquées par de fortes consommations de boissons alcoolisées…
M. Russell et al. abstract n° 3842, American Heart Asssociation Meeting,
novembre 2004, Nouvelle Orléans, USA. in:Actualités Alcool, 2005, n°23, INPES,
www.inpes.sante.fr
3. Klain E, Boivin JM, Jeandel C et al.
Prescription des hypnotiques en médecine
générale. La Revue du Praticien. Méde-cine
générale 11 novembre 2002;16,591.
4. Legrain M. Rapport du groupe de
réflexion sur l’utilisation des hypnotiques
et tranquillisants en France. Paris: SNIP,
1990:11.
5. Étude MEDICAM. www.medcost.fr.
6. Observatoire français des drogues et
toxicomanies. Drogues et Dépendances:
indicateurs et tendances. Paris: OFDT,
2002:195-212.
7. Victorri-Vigneau C, Basset G, Bourin M et
al. Impacts de la nouvelle réglementation du
flunitrazépam sur la consommation d’hypnotiques. Thérapie 2003;58(5): 425-30.
enfants semblent exposés à davantage de
risques de maladies physiques ou mentales, de
troubles du comportement, de difficultés de
scolarisation et présenteraient, en grandissant, notamment au
moment de l’adolescence, une plus grande susceptibilité face à l’alcoolisme ou à d’autres addictions. Pour permettre à divers intervenants de mieux aider ces enfants, la NaCoA diffuse “The Children’s
Program Kit”, qui comprend des vidéos, manuels, contacts, bases de
données…
National Association for Children of Alcoholics (NaCoA) : www.nacoa.org
Impact de la consommation d’alcool sur l’absorption
et le métabolisme de nutriments in utero
La consommation d’alcool de la mère peut gravement affecter l’absorption et le métabolisme de plusieurs nutriments dont les acides
gras polyinsaturés (LC-PUFAs), parmi lesquels les acides docosahexaenoique (DHA) et arachidonique (AA) sont cruciaux pour la
croissance intra-utérine et le développement cérébral.
Étude de S.Beblo et al., Effects of alcohol intake during pregnancy on deocosahexaenoic acid and arachidonic acid in umbilical cord vessels of 208
black women. Pediatrics 2005;115: e194-e-203.
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Aux Etats-Unis, une semaine pour
les enfants de parents alcooliques
Initiative intéressante : la semaine de février, incluant la Saint Valentin,
est dédiée, aux États-Unis, aux enfants de parents alcooliques, animée
par l’association américaine pour ces enfants (NaCoA). On estimait,
en 2001, que près d’un enfant sur quatre aux États-Unis, vivait avec
au moins un parent dépendant de l’alcool ou d’une drogue illicite. Ces
Le Courrier des addictions (7), n° 2, avril-mai-juin 2005
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Une carte VHC d’information
L’institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES)
vient d’éditer une nouvelle carte d’information pour sensibiliser les
usagers de drogues aux risques de la réutilisation de la seringue et du
partage du matériel d’injection. De la taille d’une carte de visite grand
format, elle rappelle les mesures de prévention concernant ce matériel, donne les numéros de téléphone pour obtenir information, soutien et orientation (Hépatites Info Service, Drogues Info Service, Sida
Info Service). Elle est diffusée à 100 000 exemplaires par l’intermédiaire des associations et des professionnels de la santé, dans les lieux
de prévention et de prise en charge. On estime aujourd’hui à 150 à
180 000 le nombre d’ usagers à problèmes, consommateurs de
drogues opiacées et/ou de cocaïne. On compte entre 2 700 à 4 000
cas de nouvelles infections annuelles chez les UDIV.
Équilibres, la lettre de la prévention et de l’éducation pour la santé. N°4,
F.A.R.
avril 2005. INPES. www.inpes.sante.fr
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