On note une diminution importante entre
janvier et mars (30 %). Cette chute du
nombre de consommateurs d’hypnotiques
se poursuit après mars, puisqu’en sep-
tembre, seule la moitié des patients sélec-
tionnés en janvier reçoit encore des hypno-
tiques (7).
Au niveau qualitatif au sein de la cohorte,
les délivrances de flunitrazépam ont chuté
de 90 % entre janvier et septembre, tandis
que les délivrances d’autres hypnotiques
ont augmenté.
Action de sensibilisation
des professionnels de santé
Parmi les patients sélectionnés en Vendée,
un an après, le nombre de patients ayant
reçu des quantités supérieures à 2Dmax a
diminué de 66 %.
La moyenne des quantités quotidiennes
reçues par ces patients a diminué de 27 %.
Le nombre moyen de prescripteurs par
patient a diminué de 15 %.
Discussion
La mesure réglementaire et l’action de sen-
sibilisation ont toutes les deux eu un impact
majeur sur la consommation : dans le pre-
mier cas, la consommation de flunitrazé-
pam a chuté de 90 %, et on note que cet
hypnotique n’a été remplacé par d’autre(s)
que pour 60 % des patients. Ce qui signifie
qu’à la suite de cette mesure, le nombre de
consommateurs d’hypnotiques au sein de la
cohorte a diminué de façon majeure. De
plus, huit mois après l’application de cette
mesure réglementaire, la moitié des
patients ne consomme plus d’hypnotiques,
ce qui est une avancée en termes de santé
publique. Une interrogation subsiste : ont-
ils subi passivement cette nouvelle règle ou
arrêté ce choix après une information éclai-
rée ? Dans le cadre de l’action de sensibili-
sation, on note à la fois une diminution du
nombre de patients surconsommants, une
diminution de la surconsommation des
patients estimée à partir des quantités rem-
boursées, et une rationalisation des com-
portements objectivée par la diminution du
nombre moyen de prescripteurs par patient.
Les professionnels de santé ont pris
conscience des doses excessives reçues par
certains de leurs patients et ont été, à partir
de ces cas particuliers, sensibilisés. Le
comportement des patients aussi a changé,
en effet, le nombre moyen de prescripteurs
par patient a diminué.
L’action de sensibilisation a un avantage
par rapport à la mesure réglementaire : elle
permet de cibler certains patients. La mesure
réglementaire s’applique à tous les patients,
sans possibilité d’y déroger.
La diminution de la consommation de psy-
chotropes est un objectif majeur depuis la
publication du rapport Legrain en 1989
(4), chargé d’évaluer la consommation des
hypnotiques en France et qui a conclu à une
consommation trop importante et a dénon-
cé un renouvellement “routinier” des pres-
criptions. Ce rapport a donné lieu, en 1991,
à une première réglementation qui limitait
la durée de prescription de ces médica-
ments. En 1993, dans le cadre de la médi-
calisation de la maîtrise des dépenses de
santé, le système des RMO a été élaboré et
appliqué en 1995. Celles-ci concernant les
prescriptions d’hypnotiques et d’anxioly-
tiques précisaient que leurs prescriptions
devaient reposer sur une analyse soigneuse
de la situation clinique des patients et
devait être réévaluée et tenir compte des
indications AMM. La recommandation de
ne pas associer deux hypnotiques ou deux
anxiolytiques et le respect des durées de
traitement et des doses étaient mentionnés.
Ces références ne sont plus opposables
depuis l’année 2000, mais restent cepen-
dant des recommandations de bonnes pra-
tiques, toujours d’actualité. Ces recomman-
dations ou limitations étaient générales,
dirigées de manière impersonnelle vers
tous les professionnels de santé.
Les études citées, réalisées avant 2001, ne
mentionnent pas de diminution dans la pré-
valence des prescriptions de psychotropes
dans la population générale. Pourquoi alors
la mesure réglementaire décrite et l’action
de sensibilisation ont-elles eu un impact
majeur ?
La première est une mesure stricte ciblée
sur une molécule : soumettre un médica-
ment à la réglementation des stupéfiants
avec une prescription limitée à 14 jours et
une délivrance à 7 jours, complique énor-
mément la prescription et la délivrance. De
plus le flunitrazépam est un médicament
connu pour son usage détourné, notamment
dans la population toxicomane, et son utili-
sation comme “drogue du viol” aux États-
Unis. Plusieurs mesures avaient déjà été
prises : diminution de la posologie usuelle
de 2 mg à 1 mg, changements de galénique.
Ces mesures édictées pour contrôler le
mésusage rendent son utilisation difficile
dans le respect de l’indication thérapeu-
tique. On peut donc imaginer facilement
que les médecins aient cherché à le substi-
tuer. Mais parallèlement, le flunitrazépam a
toujours eu un effet décrit par les patients
très particulier et différent des autres ben-
zodiazépines. Il est d’ailleurs utilisé dans
les insomnies rebelles. Cela rend son rem-
placement par un autre hypnotique difficile.
Ce qui peut expliquer que certains patients,
non satisfaits de leur nouvel hypnotique,
aient arrêté leurs prises au cours des 8 mois
de suivi. Cette mesure ciblée sur une molé-
cule, bien qu’efficace, est restrictive dans
la mesure où elle impose un comportement,
et elle ne touche que les patients qui utili-
sent le flunitrazépam. Il ne s’agit pas d’une
information sur le bon usage des hypno-
tiques dirigée vers tous les patients.
L’action de sensibilisation permettait de
toucher, de manière individuelle et person-
nalisée, un grand nombre de professionnels
de santé, et l’impact majeur de cette action
doit inciter à étendre et à mettre en œuvre
des campagnes de sensibilisation des pro-
fessionnels de santé au mésusage, au sens
large, des médicaments. Se donner les
moyens d’agir et d’évaluer l’impact d’une
action doit être une priorité en santé
publique. La consommation de psycho-
tropes procure une amélioration des souf-
frances psychologiques tout en exposant le
patient au risque de pharmacodépendance.
Ce lien qu’entretiennent les patients avec
les médicaments psychotropes au nom de
cette recherche de “mieux-être” les rend
plus enclins au dialogue avec leurs prati-
ciens. Une collaboration personnelle don-
nant les moyens au médecin de connaître
exactement la situation de son patient amé-
liore le bon usage du médicament et la
prise en charge.
Conclusion
Les mesures réglementaires permettent
avant tout de limiter le mésusage des médi-
caments. Elles sont ciblées sur une molécule,
dont le détournement est important. Elles
entraînent obligatoirement des change-
ments dans les pratiques médicales, mais
pas forcément une amélioration en termes
de bon usage des psychotropes. L’action
innovante de sensibilisation montre que,
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