logique. Il ne faut pas faire de biopsie au
travers du rectum ou du vagin si la paroi
de ces organes n’est pas atteinte, car on
risque de compromettre leur conservation
ultérieure. Une atteinte osseuse doit être
attentivement recherchée, et lorsqu’elle est
retrouvée, la biopsie doit être absolument
systématique.
En cas de tumeur maligne, il est nécessaire
d’avoir un bilan d’extension avant d’envi-
sager le plan thérapeutique, en particulier
avant une chirurgie potentiellement muti-
lante.
D
ÉMARCHE THÉRAPEUTIQUE
Kystes congénitaux
Le traitement est chirurgical (5, 6) afin
d’éviter des complications (surinfection,
hémorragie, mais il a été décrit également
des dégénérescences). La voie d’abord
dépend de la taille et de la localisation par
rapport au plancher périnéal. Si la lésion
est proche du plancher périnéal et de petite
taille, on peut envisager un abord périnéal
exclusif ; si la lésion est volumineuse ou
située à distance du plancher périnéal, on
préférera un abord par laparotomie. La
voie de Kraske permet un excellent abord
sur l’espace rétrorectal. Son principal
inconvénient est qu’il faut être absolument
certain qu’il ne s’agit pas d’un sarcome
avec des zones de nécrose (diagnostic dif-
férentiel), car on prendrait le risque d’une
effraction tumorale qui contaminerait la
voie d’abord et la tranche de section
osseuse et imposerait une chirurgie de
reprise beaucoup plus mutilante.
Les chordomes
Même lorsque l’extension dans les tissus
mous rétrorectaux paraît prédominante,
l’atteinte sacrée est quasi systématique. La
chirurgie consiste en l’exérèse des pièces
sacrées atteintes en bloc avec l’extension
tumorale dans les tissus mous en regard. Il
est donc nécessaire de faire une voie
d’abord postérieure afin de réséquer les
pièces sacrées concernées après avoir
désinséré les muscles grands fessiers. L’ef-
fraction tumorale compromet définitive-
ment le contrôle local et expose à un essai-
mage pelvien ou péritonéal. Il n’y a aucune
indication à réséquer le rectum si sa paroi
n’est pas atteinte. Il est souvent nécessaire
de mettre en place une plaque de type Gore
Tex afin d’éviter une éventration sous le
sacrum restant. Ces lésions, même de bas
grade, sont malignes, et la radiothérapie
postopératoire, lorsque les suites de l’in-
tervention le permettent, diminue l’inci-
dence des risques de récidive locale. Envi-
ron un tiers des patients développent des
métastases à distance, et il est nécessaire
de les surveiller localement et avec une
radiographie pulmonaire (7, 8).
Tumeurs solides des tissus mous
rétrorectaux sans atteinte sacrée
S’il s’agit d’un sarcome de haut grade de
malignité et que le diagnostic est fait par
une biopsie en préopératoire, il faut systé-
matiquement discuter une chimiothérapie
néo-adjuvante qui permet, dans un tiers des
cas, de diminuer le volume tumoral et auto-
rise une chirurgie plus conservatrice ou
avec une meilleure qualité des marges his-
tologiques (9). Par assimilation avec les
sarcomes de membre, on envisage une irra-
diation postopératoire afin de diminuer
l’incidence des récidives locales. La réali-
sation d’une épiplooplastie diminue le
risque d’une toxicité digestive. Il ne faut
pas faire d’irradiation sur une chirurgie
macroscopiquement incomplète, car on en
perd le bénéfice. Si la chirurgie initiale est
macroscopiquement incomplète, il faut
discuter une reprise d’exérèse élargie avant
l’irradiation.
S’il s’agit d’un GIST rétrorectal situé à
proximité du sphincter, on peut discuter un
traitement néo-adjuvant par Glivec®afin
de diminuer le volume tumoral et de faci-
liter un geste conservateur du sphincter.
S’il s’agit d’un sarcome de bas grade de
malignité, le risque métastatique est faible.
Lorsque la chirurgie est marginale, l’évo-
lution locale, puis l’évolution péritonéale
(sarcomatose lors de récidives itératives)
peuvent entraîner le décès du patient. Il est
donc essentiel, surtout chez un patient
jeune, de faire d’emblée une chirurgie élar-
gie (le plus souvent associée à une résec-
tion antérieure du rectum) ou de discuter
une reprise chirurgicale élargie quand le
diagnostic n’a pas été fait en préopératoire.
S’il s’agit d’une tumeur à malignité locale,
les règles de la chirurgie sont les mêmes
que pour un sarcome de bas grade. En
effet, on observe pour ces lésions des réci-
dives multifocales et péritonéales qui peu-
vent compromettre la survie du patient (en
particulier les angiomyxomes agressifs).
Dans le cas des fibromatoses chez la
femme jeune, on peut discuter une sur-
veillance initiale, surtout si la chirurgie
risque d’être mutilante (extension sphinc-
térienne ou sacrée), afin de déterminer si
l’évolution correspond à une fibromatose
évolutive ou non. Si la fibromatose n’est
pas évolutive, la tumeur peut rester stable
pendant de nombreuses années. Plus la
femme vieillit, moins le risque de pour-
suite évolutive est important. L’objectif
dans ces fibromatoses n’est pas de résé-
quer à tout prix la tumeur mais d’obtenir
une stabilité de la lésion et d’éviter une chi-
rurgie mutilante qui, dans le cas des fibro-
matoses, est souvent microscopiquement
incomplète et expose à des récidives mul-
tiples. De plus, on observe des régressions
spontanées sans traitement. Si la fibroma-
tose est évolutive, se discutent des traite-
ments type Nolvadex®quand les récepteurs
hormonaux sur la biopsie sont positifs. Ces
traitements sont susceptibles de stabiliser
la lésion, la chirurgie restant une solution
ultime lorsqu’elle est mutilante.
C
ONCLUSION
La prise en charge thérapeutique d’une
tumeur rétrorectale nécessite d’avoir à
l’esprit toutes les hypothèses diagnos-
tiques afin de ne pas risquer l’effraction
tumorale d’une tumeur maligne.
Les tumeurs rétrorectales sont pour moitié
des tumeurs bénignes – les plus fréquentes
étant les kystes congénitaux –, et pour
l’autre moitié, des tumeurs malignes – les
Le Courrier de colo-proctologie (IV) - n° 2 - avril - mai - juin 2003
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Dossier thématique