La Lettre du Rhumatologue - n° 309 - février 2005
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Itoi et Tabata (3) ont publié une étude portant sur une série de
62 épaules ayant une rupture de la coiffe des rotateurs prouvée par
arthrographie, avec un recul moyen de 3,4 ans. Selon les critères
de Wolfgang, le résultat obtenu était bon ou excellent dans 82 %
des cas. Dans 23 cas, le recul était supérieur à 5 ans. Les auteurs
ont montré que le résultat se dégradait à partir de la 6eannée sui-
vant le diagnostic initial. La comparaison rétrospective des bons
(n = 15) et des mauvais résultats (n = 8), avec un recul moyen de
6 ans, montrait que les patients ayant à l’examen initial les
meilleures amplitudes actives et une force en abduction conservée
au testing manuel avaient les meilleurs résultats.
Bokor et al. (4) ont publié une série de 53 patients ayant une rup-
ture de la coiffe prouvée par arthrographie et revus avec un recul
moyen de 7,6 ans. Subjectivement, 74 % des 39 patients inter-
rogés étaient satisfaits. Trente-quatre ont été revus cliniquement
et évalués selon le score de l’UCLA : 56 % avaient un résultat
satisfaisant. Ce résultat passait à 63 % pour ceux pris en charge
dans les 3 premiers mois suivant le début des symptômes et
s’améliorait à mesure que le recul augmentait. Ainsi, 61,5 % des
13 malades ayant un recul de plus de 9 ans avaient un résultat
satisfaisant pour le score de l’UCLA. Objectivement, à la révi-
sion, 94 % présentaient une perte de force et 56 % une amyotro-
phie significative.
En 1993, nous avions étudié rétrospectivement (5) une série de
90 épaules avec rupture arthrographique de la coiffe. L’évalua-
tion était faite selon le score de Constant, avec un recul moyen
de 4,7 ans par rapport au début des douleurs. Les excellents et
bons résultats représentaient 40 % des cas. Nous avions retrouvé
72,5 % d’espaces acromio-huméraux réduits par rapport à la
radiographie initiale (recul moyen de 3,8 ans), ce qui témoigne
indirectement de l’évolution des lésions tendineuses.
Nové-Josserand et al. (6) ont étudié les paramètres qui favori-
sent cette ascension de la tête humérale dans les suites d’une
rupture de la coiffe des rotateurs. Deux cent soixante-quatre rup-
tures transfixiantes de la coiffe des rotateurs (ruptures du sus-
épineux isolées ou associées à des ruptures du sous-épineux et/ou
du sous-scapulaire) opérées entre 1984 et 1994 ont été inclues.
Parmi cette population initiale, 84 épaules ont eu un arthros-
canner permettant l’analyse a posteriori des lésions de la coiffe
et de l’état musculaire, ces lésions ayant ensuite toutes été
confirmées lors de l’intervention chirurgicale. Les auteurs ont
retrouvé une relation significative entre la hauteur de l’espace
sous-acromial (EAH) et l’ancienneté des symptômes (p < 0,05).
La hauteur moyenne de l’EAH et le pourcentage de pincement
de l’espace sous-acromial (< 7 mm sur un cliché standard en
position neutre) variaient en fonction de la lésion anatomique de
la coiffe (tableau I).
En ce qui concerne la longue portion du biceps (LPB), seule une
luxation (en dedans par rapport au trochin) s’accompagnait d’une
réduction significative de l’EAH moyen (LPB non rompue : EAH
moyen de 9,2 mm, LPB rompue : EAH moyen de 9 mm, et LPB
luxée : EAH moyen de 5,5 mm et 71 % d’EAH < 7 mm).
Par ailleurs, l’état des muscles de la coiffe, et en particulier leur
dégénérescence graisseuse (7), peut, dans certains cas, influen-
cer fortement la hauteur de l’EAH. Il existait une relation modé-
rément significative (p < 0,05) entre la dégénérescence du sus-
épineux et la diminution de l’EAH (6). Il n’existait pas, en
revanche, de relation entre la dégénérescence musculaire du sous-
scapulaire et la diminution de l’EAH, alors qu’il y avait une très
forte relation entre la dégénérescence graisseuse du sous-épineux
(stade IV) et la hauteur de l’EAH (EAH < 7 mm dans 100 % des
cas et EAH moyen = 2,2 mm).
En résumé, ces constatations de dégradation fonctionnelle (dou-
leurs et fonction) et de réduction de l’espace sous-acromial au fil
des mois et des années laissent supposer que l’évolution d’une
rupture de coiffe se fait vers une extension de la rupture. Celle-
ci s’accompagne, plus ou moins rapidement selon la localisation
de la rupture et l’âge du patient, d’une ascension de la tête humé-
rale (arthrose sous-acromiale), puis d’une arthropathie gléno-
humérale (pincement gléno-huméral avec ostéophyte huméral
témoignant de l’ancienneté des lésions).
PRÉSENTATION CLINIQUE DES OMARTHROSES
EXCENTRÉES
Sur le plan des symptômes, elles peuvent se présenter sous plu-
sieurs aspects :
–être symptomatiques chez des patients qui se sont bien adap-
tés et qui ont peu de douleurs, gardant une élévation antérieure
active normale et ayant essentiellement une perte de force maté-
rialisée par une fatigabilité à l’effort, bras au-dessus du niveau
des épaules ;
–se traduire par des douleurs mécaniques dans la journée, avec
une recrudescence nocturne ;
–s’exprimer par une perte de force maximale avec soit une épaule
pseudo-paralytique (figure 4, p. 16),soit une perte de force com-
plète en rotation externe se traduisant par le “signe du clairon”
(figure 5, p. 16) ;
–évoluer par crises hyperalgiques sur un fond douloureux chro-
nique. Ces crises s’accompagnent d’un épanchement intra-arti-
culaire de l’épaule et parfois d’un hématome, dans le cadre de la
classique épaule sénile hémorragique décrite initialement par De
Sèze. Ce type de tableau a été repris et décrit ultérieurement par
d’autres auteurs (Milwaukee shoulder,épaule destructrice rapide,
Tableau I. EAH moyen et pourcentage d’EAH inférieur à 7 mm en
fonction de la lésion de coiffe (6).
EAH moyen Épaules avec EAH
(mm) < 7 mm (%)
Sus-épineux 9,5 4,5
Sus- et sous-épineux 7,5 28
Sus- et sous-épineux +
sous-scapulaire 5,4 63