L Comment évaluer les surcoûts dans un protocole A

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Comment évaluer les surcoûts dans un protocole
de recherche clinique avec un promoteur industriel ?
! D. Rodde*
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es surcoûts facturés par les établissements hospitaliers,
dans le cadre de la mise en place des essais thérapeutiques promus par des laboratoires, correspondent,
d’une part, à une disposition réglementaire de la loi HurietSérusclat, d’autre part à une exigence propre au fonctionnement comptable des établissements publics de santé. La difficulté des industriels face à l’évaluation de ces surcoûts, souvent
disparate d’un établissement à l’autre, amène les parties prenantes à confronter leurs expériences. Voici le point de vue d’un
gestionnaire de la recherche hospitalière. Ce point de vue
reprend les argumentations développées au cours des Conférences nationales des directeurs et délégués de recherche
clinique, qui regroupent les administrateurs de la recherche clinique dans les CHU de France.
* Directeur de la recherche & de l’innovation/Assistance publique, hôpitaux de
Marseille, 13000 Marseille.
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L’article R 2038 du Code de la santé publique instaure le principe de l’élaboration du surcoût hospitalier. Sans l’évoquer
expressément, cet article reprend une disposition de fond relative au fonctionnement des établissements publics de santé. En
effet, le budget global – donc “l’argent” de la Sécurité sociale –
finance les missions de base de l’hôpital telles que définies par
la loi hospitalière, à savoir : le diagnostic, le soin, l’enseignement et la recherche. Il s’agit ici de la recherche institutionnelle conduite et promue par les établissements sur leurs fonds
propres. En revanche, lorsque la recherche prend un caractère
de “service rendu à un tiers”, ce qui est le cas des essais thérapeutiques promus par les industriels, nous entrons dans le
cadre de la prestation de services qui peut donner lieu à facturation. Il apparaît, dès lors, que l’on puisse définir le surcoût
hospitalier comme la différence entre le coût représenté par
le “suivi normal du patient” et celui représenté par les actes
supplémentaires spécifiquement rattachés à l’exécution du
protocole.
La Lettre du Pharmacologue - Volume 15 - n° 6 - juin 2001
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Ainsi, dans certains établissements hospitaliers, il est relativement facile de déterminer le suivi normal du patient grâce au
dossier de soins infirmiers. L’évaluation des surcoûts reposera
sur la comparaison entre les actes dispensés et recensés par le
dossier de soins infirmiers et le flow chart (consultations,
différents bilans et explorations fonctionnelles, fourniture de la
molécule de référence ou évaluation du protocole chirurgical
de référence dans le cas de matériel implantable).
Pour tout ce qui concerne les actes référencés dans la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), nous appliquerons les tarifs fixés par cette NGAP. Concernant les actes
hors nomenclature, le tarif est négocié avec l’administration
hospitalière sur la base d’un prix de revient soumis, rappelons-le,
au contrôle du Trésor public. S’agissant des différents forfaits
applicables aux plans administratif et pharmaceutique, et de
ceux concernant l’utilisation de matériel lourd (imagerie médicale notamment), un accord est intervenu lors des travaux de
la Conférence nationale des directeurs de recherche clinique
pour harmoniser les tarifs opposables aux industriels. Cet
accord n’a, certes, pas de valeur contraignante pour tous les établissements. Néanmoins, bon nombre d’entre eux appliquent
ces tarifs, ainsi que la convention type que nous avons élaborée. Cela permet aux industriels et aux CHU de parler le même
langage.
Pour aider l’industrie à optimiser ses relations avec les hôpitaux, on pourra donner quelques conseils. Pour gagner du
temps, il est vivement souhaitable de prendre contact avec les
hôpitaux au moment où les protocoles sont déposés au comité
de protection des personnes. En effet, l’avis d’un Comité
consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB) induit rarement des changements dans
l’évaluation des surcoûts.
Par ailleurs, lorsqu’il s’agit d’une étude multicentrique, l’industrie gagnera à insister auprès de l’investigateur principal
coordonnateur pour qu’il établisse, avec son administration, la
grille de surcoût, en concertation avec ses confrères et les autres
administrations hospitalières. Une telle évaluation pourra alors
être mise en place très rapidement.
Une dernière question importante reste posée : comment évaluer les surcoûts dans le cadre de dispositifs implantables ? Il
serait trop long d’exposer le détail des difficultés rencontrées
par le gestionnaire hospitalier lorsqu’il fait face à des protocoles de ce type. En effet, les hospitaliers comprennent parfaitement la difficulté de l’industrie à financer des essais sur des
dispositifs implantables onéreux, attendu que, selon la loi, le
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dispositif faisant l’objet de l’essai doit être fourni gratuitement et qu’en fait le patient inclus dans l’essai sortira du protocole alors que la durée de vie de la prothèse est largement
supérieure à la période d’observation requise, etc. La crainte
des pouvoirs publics, dans ce domaine, vient de ce que l’on
pourrait, par le biais de protocoles de recherche, tenter de
contourner la réglementation des marchés publics pour introduire dans les établissements de nouvelles prothèses qui n’ont
pas fait l’objet des mises en concurrence réglementaires. Il faut
donc, me semble-t-il, assortir ces protocoles d’un certain
nombre de dispositions et de précautions.
L’industriel doit, en effet, faire la preuve du caractère innovant
de sa prothèse.
Il doit également donner tous les éléments d’appréciation relatifs à la durée de vie de sa prothèse par rapport à la surveillance
des patients opérés dans le cadre du protocole.
Il doit, enfin, concourir étroitement au travail effectué par les
gestionnaires hospitaliers pour déterminer avec “sincérité” le
coût des gestes opératoires liés à la mise en place des prothèses
objet de l’essai.
En contrepartie, le gestionnaire hospitalier devra faire preuve
de la même sincérité dans le calcul des coûts relatifs à la pose
de prothèses “dans le cadre du suivi normal du patient”. Également, il devra faire preuve d’imagination pour s’adapter au
Code des marchés qui, nous en sommes tous conscients, est plutôt inadapté à l’exercice d’activités de recherche en milieu hospitalier, mais qui s’impose à nous jusqu’à nouvel ordre. À titre
d’exemple, la notion de prorata temporis semble un bon compromis. Concrètement, un implant cardiaque dont on a l’assurance du caractère innovant est estimé à 50 000 F à l’achat, pour
une durée de vie de sept ans. La période d’observation – et donc
d’inclusion du patient dans l’essai – est de deux ans. L’administration hospitalière peut alors proposer sa prise en charge,
dans le cadre d’un marché spécifique sans mise en concurrence
(cf. Code des marchés), au tarif de cinq septièmes du prix de
vente, soit une remise particulière consentie par le promoteur
de 35 %, nonobstant les surcoûts éventuels générés par l’intervention chirurgicale.
La Conférence nationale des directeurs et délégués de recherche
clinique, qui se réunit deux fois par an, travaille sur l’ensemble
de ces dossiers dans le but, bien entendu, pour chacun d’entre
nous, en concertation avec le Syndicat national des industries
pharmaceutiques, de faire aboutir et prospérer les activités de
"
recherche clinique en milieu hospitalier.
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