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Résumé du 3e Workshop du Groupe européen d’étude
de la pathogénie et de l’immunologie de l’infection à H. pylori
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D. Lamarque*
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e 3e Workshop du Groupe européen d’étude de la pathogénie et de l’immunologie de l’infection à H. pylori, qui
s’est tenu près de Copenhague, a été l’occasion d’une
excellente mise au point sur pathogénie de l’infection.
LE SÉQUENCAGE DU GÉNOME DE H. PYLORI CONFIRME
L’ORIGINALITÉ DE LA BACTÉRIE
Actuellement, deux génomes de souches différentes de H. pylori ont été séquencés entièrement. La comparaison des deux
séquences met en évidence la multiplicité des gènes codant pour
des protéines de transport transmembranaire. Il existe également de larges séquences de gènes codant pour des enzymes de
restriction et de réarrangement du DNA. Ces gènes permettent à
la bactérie d’acquérir une grande diversité génomique. Il existe
également de nombreux gènes codant pour des porines qui correspondent à des canaux permettant le passage de facteur
soluble. Enfin, il a été mis en évidence de nombreuses adhésines
dénommées protéines Hop dont le rôle dans la colonisation par
H. pylori reste à définir.
LA RÉPONSE IMMUNITAIRE EST PARADOXALEMENT
INDISPENSABLE À LA COLONISATION BACTÉRIENNE
La réponse immunitaire locale à l’infection par H. pylori est de
type cellulaire comme en témoigne la mise en évidence de cytokine de type Th1, interféron γ et IL-12 dans les lymphocytes de
la muqueuse. L’interféron joue un rôle particulier dans la colonisation de la muqueuse puisque cette cytokine accroît l’expression des complexes d’histocomptabilité de classe II à la surface
des cellules épithéliales. Ces complexes constituent des sites de
fixation pour H. pylori. De plus, la présence de la bactérie
potentialise l’action apoptotique de l’interféron γ par un mécanisme qui n’est pas encore bien connu. Les relations de H. pylori avec le système immunitaire montrent que la bactérie nécessite une activation lymphocytaire avec production de cytokines
pour coloniser la muqueuse gastrique et provoquer des lésions.
Les mécanismes précoces de l’inflammation ont été précisés. Le
contact de H. pylori avec l’épithélium gastrique induit l’expression
du gène IceA qui provoque l’expression et la synthèse par les cellules épithéliales d’IL-8, favorisant la diapédèse des polynucléaires dans la muqueuse. Une expression de TNF surviendrait
également mais son origine n’est pas connue. La toxine vacuolisante bactérienne Vac A serait également exprimée après contact
avec l’épithélium et provoquerait des lésions épithéliales et une
augmentation de la perméabilité transépithéliale permettant le passage d’antigène bactérien dans la muqueuse. L’uréase bactérienne
a également un rôle dans le déclenchement de la réponse immunitaire puisqu’elle possède une activité chimiotactique attirant
monocytes et neutrophiles dans le chorion. Une expression de
TNF-alpha et d’interleukine 1 est dépendante de l’uréase. Cette
enzyme augmente également l’activité du récepteur de l’interleukine 2 et favorise l’expression des antigènes HLA de classe DR
qui interviennent dans la réponse immunitaire cellulaire. Les
macrophages ayant migré dans le chorion ont une activité phagocytaire mais produisent peu de radicaux libres indispensables à la
destruction bactérienne. Le mécanisme de ce déficit reste inconnu.
La protection induite par vaccination anti-H. pylori nécessite la
présence de complexe d’histocompatibilité de classe II. La protection vis-à-vis de l’infection a été comparée dans différents
groupes de souris dont le génotype a été rendu déficient pour les
groupes d’histocompatibilité de classe I, II ou ayant un déficit
en lymphocytes B. L’immunisation par l’uréase provoquait une
protection vis-à-vis d’une contamination bactérienne dans tous
les groupes de souris sauf chez celles ayant une mutation pour
le complexe de classe II. Dans ce groupe aucune réponse lymphocytaire T (CD4 ou CD8) ni humorale n’avait été mise en évidence. Dans le groupe sans lymphocytes B, aucune réponse de
type IgA n’avait été observée mais il existait une infiltration par
les lymphocytes T. Ce travail montre que la protection contre
l’infection à H. pylori requiert l’expression des complexes de
classe II sur les cellules immunitaires et probablement également les cellules épithéliales (Ermak et coll.).
LA RÉPONSE IMMUNITAIRE HUMORALE N’INTERVIENT
PAS DANS LA RÉACTION INFLAMMATOIRE LOCALE
* Service d’hépato-gastroentérologie , hôpital Henri-Mondor, Créteil.
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 5 - octobre 1998
La défense immunitaire vis à vis de H. pylori dépend essentiellement de l’immunité cellulaire locale. La charge bactérienne
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et les lésions histopathologiques ont été comparées après
contamination chez des souris ayant une déficience en IgA par
rapport à des témoins. Aucune différence n’était constatée, ce
qui montre que l’immunité humorale ne contribue pas à la protection vis-à-vis de l’infection à H. pylori et que les anticorps
ne jouent pas de rôle dans la constitution de la gastrite inflammatoire (Nerud et coll.). L’immunité humorale intervient
cependant pour limiter l’ampleur de la réaction inflammatoire
locale. Ainsi des ulcérations plus sévères sont observées après
contamination par H. pylori de souris ayant une réponse immunitaire humorale (Th2) déficiente par rapport à des souris sauvages. Ces lésions sont attribuables à une réponse immunitaire
cellulaire (Th1) excessive.
Les mêmes constatations sont observées chez le singe rhésus qui
est un excellent modèle de l’infection à H. pylori puisqu’une
contamination spontanée survient chez ces animaux. Dans une
série de six singes contaminés expérimentalement par une souche
virulente Cag A +, trois cas de clairance de l’infection sans séroconversion ont été observés. Dans les trois cas, les bactéries persistaient au moins sept jours et une gastrite antrale était constamment observée. Ce résultat suggère que dans un modèle proche de
l’homme la réponse immunitaire locale joue un rôle prépondérant
dans l’élimination de la bactérie. En revanche, la réponse immunitaire humorale ne semble jouer aucun rôle (Welch et coll.).
H. PYLORI : UNE BACTÉRIE CAPABLE DE SURVIVRE
DANS DES CONDITIONS EXTRÊMES ?
Le mode de transmission de l’infection reste incertain. Il a été
évoqué que la bactérie pourrait survivre dans un état viable mais
non cultivable. Cet état a été décrit pour les bacilles gramcapables de réduire considérablement leur métabolisme dans
des conditions environnementales devenues impropres à la culture. Dans cet état, H. pylori serait capable de survivre dans un
réservoir encore inconnu. Il est également suggéré que la forme
coccoïde pourrait correspondre à cet état.
DE NOUVEAUX FACTEURS DE PATHOGÉNÉCITÉ
DE H. PYLORI, QUI POURRAIENT ÊTRE DE FUTURES
CIBLES THÉRAPEUTIQUES
L’incorporation du nickel est indispensable à l’activité de
l’uréase de H. pylori. Elle pourrait être sous la dépendance
d’une protéine UreI codée par le gène UreI. L’inactivation de ce
gène dans une souche l’a rendue incapable de coloniser l’estomac de souris habituellement sensible. Des homologues de ce
gène ont également été retrouvés dans d’autres espèces, H. felis
ou Heilmanii, et même dans des streptocoques. L’UreI, caractérisée comme une protéine de membrane, devrait intervenir dans
les transports membranaires indispensables à la colonisation de
l’estomac par la bactérie (De Reuse et coll.). L’adhérence de H.
pylori à la muqueuse gastrique semble dépendante de deux
gènes récemment mis en évidence AlpA et AlpB qui codent
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pour des lipoprotéines. La présence des deux gènes est nécessaire pour permettre l’adhérence sur l’ensemble de la surface
épithéliale.
LES LÉSIONS MUQUEUSES INDUITES PAR H. PYLORI :
DÉSUNIONS ÉPITHÉLIALES, APOPTOSE ET ATROPHIE
L’infection à H. pylori provoque une rupture des jonctions entre
les cellules épithéliales. Cette rupture peut être visualisée par
immuno-histochimie en utilisant des anticorps dirigés contre les
protéines de l’adhésion occludine et ZO-1. Chez les patients
infectés par H. pylori les jonctions paraissent ténues et irrégulières particulièrement au voisinage des glandes superficielles.
Cela n’est pas observé chez les patients ayant une gastrite sans
infection. Une réapparition des protéines de jonction est observée
trois mois après la fin du traitement éradicateur (Dunn et coll.).
L’infection par H. pylori provoque une augmentation de l’apoptose dans la muqueuse. Cette augmentation pourrait être liée à la
toxicité directe de la bactérie, du fait de son adhésion à la cellule
ou de la génération locale d’ammoniaque à partie de l’uréase. Les
médiateurs de l’inflammation et des cytokines comme l’interféron gamma, le TNF pourraient également altérer les cellules épithéliales. L’induction de l’apoptose est probablement à l’origine
du risque de dégénérescence chez les patients infectés par H.
pylori. Elle s’associe à une hyperprolifération des cellules gastriques qui provoque une hyperplasie muqueuse avec un risque de
dysplasie. La synthèse de monoxyde d’azote par les cellules épithéliales gastriques pourrait jouer un rôle dans l’apoptose induite
par l’infection à H. pylori. Le messager de l’enzyme inductible de
la NO synthétase est présent chez 100 % des patients ayant des
métaplasies intestinales et seulement chez un tiers de ceux ayant
une gastrite sans métaplasie. Une augmentation du messager est
également trouvée chez des patients ayant une gastrite associée à
la présence d’un cancer gastrique de type intestinal. Cela n’a pas
été observé en cas de cancer gastrique de type diffus.
L’expression de la NO synthétase inductible pourrait être un marqueur de développement du cancer gastrique en cas de métaplasie intestinale (Rieder et coll.).
Il a été récemment mis en évidence une augmentation de l’incidence des auto-anticorps dirigés contre les canalicules des cellules pariétales gastriques chez les sujets ayant une infection à
H. pylori. Dans une série de 113 de patients dyspeptiques, 44 %
des sujets infectés avaient des auto-anticorps en comparaison de
11 % dans une série de patients non infectés. Chez 47 % des
patients ayant une gastrite à H. pylori et des auto-anticorps, ces
derniers étaient dirigés contre la structure de l’enzyme HKATPase (pompes à protons) dans le canalicule de la cellule
pariétale. La présence de ces anticorps anti-HK-ATPase était
très corrélée avec l’atrophie de la muqueuse fundique. Ces autoanticorps pourraient jouer un rôle dans l’atrophie de la muqueuse gastrique en activant le système immunitaire local et en
induisant une cytotoxicité vis-à-vis des cellules pariétales. Ces
mécanismes restent encore à démontrer.
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La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 5 - octobre 1998
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