Maq HGE 5 dossier C 13/05/04 O 16:04 N Page 245 G R È S Résumé du 3e Workshop du Groupe européen d’étude de la pathogénie et de l’immunologie de l’infection à H. pylori ● D. Lamarque* L e 3e Workshop du Groupe européen d’étude de la pathogénie et de l’immunologie de l’infection à H. pylori, qui s’est tenu près de Copenhague, a été l’occasion d’une excellente mise au point sur pathogénie de l’infection. LE SÉQUENCAGE DU GÉNOME DE H. PYLORI CONFIRME L’ORIGINALITÉ DE LA BACTÉRIE Actuellement, deux génomes de souches différentes de H. pylori ont été séquencés entièrement. La comparaison des deux séquences met en évidence la multiplicité des gènes codant pour des protéines de transport transmembranaire. Il existe également de larges séquences de gènes codant pour des enzymes de restriction et de réarrangement du DNA. Ces gènes permettent à la bactérie d’acquérir une grande diversité génomique. Il existe également de nombreux gènes codant pour des porines qui correspondent à des canaux permettant le passage de facteur soluble. Enfin, il a été mis en évidence de nombreuses adhésines dénommées protéines Hop dont le rôle dans la colonisation par H. pylori reste à définir. LA RÉPONSE IMMUNITAIRE EST PARADOXALEMENT INDISPENSABLE À LA COLONISATION BACTÉRIENNE La réponse immunitaire locale à l’infection par H. pylori est de type cellulaire comme en témoigne la mise en évidence de cytokine de type Th1, interféron γ et IL-12 dans les lymphocytes de la muqueuse. L’interféron joue un rôle particulier dans la colonisation de la muqueuse puisque cette cytokine accroît l’expression des complexes d’histocomptabilité de classe II à la surface des cellules épithéliales. Ces complexes constituent des sites de fixation pour H. pylori. De plus, la présence de la bactérie potentialise l’action apoptotique de l’interféron γ par un mécanisme qui n’est pas encore bien connu. Les relations de H. pylori avec le système immunitaire montrent que la bactérie nécessite une activation lymphocytaire avec production de cytokines pour coloniser la muqueuse gastrique et provoquer des lésions. Les mécanismes précoces de l’inflammation ont été précisés. Le contact de H. pylori avec l’épithélium gastrique induit l’expression du gène IceA qui provoque l’expression et la synthèse par les cellules épithéliales d’IL-8, favorisant la diapédèse des polynucléaires dans la muqueuse. Une expression de TNF surviendrait également mais son origine n’est pas connue. La toxine vacuolisante bactérienne Vac A serait également exprimée après contact avec l’épithélium et provoquerait des lésions épithéliales et une augmentation de la perméabilité transépithéliale permettant le passage d’antigène bactérien dans la muqueuse. L’uréase bactérienne a également un rôle dans le déclenchement de la réponse immunitaire puisqu’elle possède une activité chimiotactique attirant monocytes et neutrophiles dans le chorion. Une expression de TNF-alpha et d’interleukine 1 est dépendante de l’uréase. Cette enzyme augmente également l’activité du récepteur de l’interleukine 2 et favorise l’expression des antigènes HLA de classe DR qui interviennent dans la réponse immunitaire cellulaire. Les macrophages ayant migré dans le chorion ont une activité phagocytaire mais produisent peu de radicaux libres indispensables à la destruction bactérienne. Le mécanisme de ce déficit reste inconnu. La protection induite par vaccination anti-H. pylori nécessite la présence de complexe d’histocompatibilité de classe II. La protection vis-à-vis de l’infection a été comparée dans différents groupes de souris dont le génotype a été rendu déficient pour les groupes d’histocompatibilité de classe I, II ou ayant un déficit en lymphocytes B. L’immunisation par l’uréase provoquait une protection vis-à-vis d’une contamination bactérienne dans tous les groupes de souris sauf chez celles ayant une mutation pour le complexe de classe II. Dans ce groupe aucune réponse lymphocytaire T (CD4 ou CD8) ni humorale n’avait été mise en évidence. Dans le groupe sans lymphocytes B, aucune réponse de type IgA n’avait été observée mais il existait une infiltration par les lymphocytes T. Ce travail montre que la protection contre l’infection à H. pylori requiert l’expression des complexes de classe II sur les cellules immunitaires et probablement également les cellules épithéliales (Ermak et coll.). LA RÉPONSE IMMUNITAIRE HUMORALE N’INTERVIENT PAS DANS LA RÉACTION INFLAMMATOIRE LOCALE * Service d’hépato-gastroentérologie , hôpital Henri-Mondor, Créteil. La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 5 - octobre 1998 La défense immunitaire vis à vis de H. pylori dépend essentiellement de l’immunité cellulaire locale. La charge bactérienne 245 Maq HGE 5 dossier C 13/05/04 O 16:04 N Page 246 G R È et les lésions histopathologiques ont été comparées après contamination chez des souris ayant une déficience en IgA par rapport à des témoins. Aucune différence n’était constatée, ce qui montre que l’immunité humorale ne contribue pas à la protection vis-à-vis de l’infection à H. pylori et que les anticorps ne jouent pas de rôle dans la constitution de la gastrite inflammatoire (Nerud et coll.). L’immunité humorale intervient cependant pour limiter l’ampleur de la réaction inflammatoire locale. Ainsi des ulcérations plus sévères sont observées après contamination par H. pylori de souris ayant une réponse immunitaire humorale (Th2) déficiente par rapport à des souris sauvages. Ces lésions sont attribuables à une réponse immunitaire cellulaire (Th1) excessive. Les mêmes constatations sont observées chez le singe rhésus qui est un excellent modèle de l’infection à H. pylori puisqu’une contamination spontanée survient chez ces animaux. Dans une série de six singes contaminés expérimentalement par une souche virulente Cag A +, trois cas de clairance de l’infection sans séroconversion ont été observés. Dans les trois cas, les bactéries persistaient au moins sept jours et une gastrite antrale était constamment observée. Ce résultat suggère que dans un modèle proche de l’homme la réponse immunitaire locale joue un rôle prépondérant dans l’élimination de la bactérie. En revanche, la réponse immunitaire humorale ne semble jouer aucun rôle (Welch et coll.). H. PYLORI : UNE BACTÉRIE CAPABLE DE SURVIVRE DANS DES CONDITIONS EXTRÊMES ? Le mode de transmission de l’infection reste incertain. Il a été évoqué que la bactérie pourrait survivre dans un état viable mais non cultivable. Cet état a été décrit pour les bacilles gramcapables de réduire considérablement leur métabolisme dans des conditions environnementales devenues impropres à la culture. Dans cet état, H. pylori serait capable de survivre dans un réservoir encore inconnu. Il est également suggéré que la forme coccoïde pourrait correspondre à cet état. DE NOUVEAUX FACTEURS DE PATHOGÉNÉCITÉ DE H. PYLORI, QUI POURRAIENT ÊTRE DE FUTURES CIBLES THÉRAPEUTIQUES L’incorporation du nickel est indispensable à l’activité de l’uréase de H. pylori. Elle pourrait être sous la dépendance d’une protéine UreI codée par le gène UreI. L’inactivation de ce gène dans une souche l’a rendue incapable de coloniser l’estomac de souris habituellement sensible. Des homologues de ce gène ont également été retrouvés dans d’autres espèces, H. felis ou Heilmanii, et même dans des streptocoques. L’UreI, caractérisée comme une protéine de membrane, devrait intervenir dans les transports membranaires indispensables à la colonisation de l’estomac par la bactérie (De Reuse et coll.). L’adhérence de H. pylori à la muqueuse gastrique semble dépendante de deux gènes récemment mis en évidence AlpA et AlpB qui codent 246 S pour des lipoprotéines. La présence des deux gènes est nécessaire pour permettre l’adhérence sur l’ensemble de la surface épithéliale. LES LÉSIONS MUQUEUSES INDUITES PAR H. PYLORI : DÉSUNIONS ÉPITHÉLIALES, APOPTOSE ET ATROPHIE L’infection à H. pylori provoque une rupture des jonctions entre les cellules épithéliales. Cette rupture peut être visualisée par immuno-histochimie en utilisant des anticorps dirigés contre les protéines de l’adhésion occludine et ZO-1. Chez les patients infectés par H. pylori les jonctions paraissent ténues et irrégulières particulièrement au voisinage des glandes superficielles. Cela n’est pas observé chez les patients ayant une gastrite sans infection. Une réapparition des protéines de jonction est observée trois mois après la fin du traitement éradicateur (Dunn et coll.). L’infection par H. pylori provoque une augmentation de l’apoptose dans la muqueuse. Cette augmentation pourrait être liée à la toxicité directe de la bactérie, du fait de son adhésion à la cellule ou de la génération locale d’ammoniaque à partie de l’uréase. Les médiateurs de l’inflammation et des cytokines comme l’interféron gamma, le TNF pourraient également altérer les cellules épithéliales. L’induction de l’apoptose est probablement à l’origine du risque de dégénérescence chez les patients infectés par H. pylori. Elle s’associe à une hyperprolifération des cellules gastriques qui provoque une hyperplasie muqueuse avec un risque de dysplasie. La synthèse de monoxyde d’azote par les cellules épithéliales gastriques pourrait jouer un rôle dans l’apoptose induite par l’infection à H. pylori. Le messager de l’enzyme inductible de la NO synthétase est présent chez 100 % des patients ayant des métaplasies intestinales et seulement chez un tiers de ceux ayant une gastrite sans métaplasie. Une augmentation du messager est également trouvée chez des patients ayant une gastrite associée à la présence d’un cancer gastrique de type intestinal. Cela n’a pas été observé en cas de cancer gastrique de type diffus. L’expression de la NO synthétase inductible pourrait être un marqueur de développement du cancer gastrique en cas de métaplasie intestinale (Rieder et coll.). Il a été récemment mis en évidence une augmentation de l’incidence des auto-anticorps dirigés contre les canalicules des cellules pariétales gastriques chez les sujets ayant une infection à H. pylori. Dans une série de 113 de patients dyspeptiques, 44 % des sujets infectés avaient des auto-anticorps en comparaison de 11 % dans une série de patients non infectés. Chez 47 % des patients ayant une gastrite à H. pylori et des auto-anticorps, ces derniers étaient dirigés contre la structure de l’enzyme HKATPase (pompes à protons) dans le canalicule de la cellule pariétale. La présence de ces anticorps anti-HK-ATPase était très corrélée avec l’atrophie de la muqueuse fundique. Ces autoanticorps pourraient jouer un rôle dans l’atrophie de la muqueuse gastrique en activant le système immunitaire local et en induisant une cytotoxicité vis-à-vis des cellules pariétales. Ces mécanismes restent encore à démontrer. ■ La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 5 - octobre 1998