CONGRÈS
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 5 - octobre 1998246
et les lésions histopathologiques ont été comparées après
contamination chez des souris ayant une déficience en IgA par
rapport à des témoins. Aucune différence n’était constatée, ce
qui montre que l’immunité humorale ne contribue pas à la pro-
tection vis-à-vis de l’infection à H. pylori et que les anticorps
ne jouent pas de rôle dans la constitution de la gastrite inflam-
matoire (Nerud et coll.). L’immunité humorale intervient
cependant pour limiter l’ampleur de la réaction inflammatoire
locale. Ainsi des ulcérations plus sévères sont observées après
contamination par H. pylori de souris ayant une réponse immu-
nitaire humorale (Th2) déficiente par rapport à des souris sau-
vages. Ces lésions sont attribuables à une réponse immunitaire
cellulaire (Th1) excessive.
Les mêmes constatations sont observées chez le singe rhésus qui
est un excellent modèle de l’infection à H. pylori puisqu’une
contamination spontanée survient chez ces animaux. Dans une
série de six singes contaminés expérimentalement par une souche
virulente Cag A +, trois cas de clairance de l’infection sans séro-
conversion ont été observés. Dans les trois cas, les bactéries per-
sistaient au moins sept jours et une gastrite antrale était constam-
ment observée. Ce résultat suggère que dans un modèle proche de
l’homme la réponse immunitaire locale joue un rôle prépondérant
dans l’élimination de la bactérie. En revanche, la réponse immuni-
taire humorale ne semble jouer aucun rôle (Welch et coll.).
H. PYLORI
: UNE BACTÉRIE CAPABLE DE SURVIVRE
DANS DES CONDITIONS EXTRÊMES ?
Le mode de transmission de l’infection reste incertain. Il a été
évoqué que la bactérie pourrait survivre dans un état viable mais
non cultivable. Cet état a été décrit pour les bacilles gram-
capables de réduire considérablement leur métabolisme dans
des conditions environnementales devenues impropres à la cul-
ture. Dans cet état, H. pylori serait capable de survivre dans un
réservoir encore inconnu. Il est également suggéré que la forme
coccoïde pourrait correspondre à cet état.
DE NOUVEAUX FACTEURS DE PATHOGÉNÉCITÉ
DE
H. PYLORI,
QUI POURRAIENT ÊTRE DE FUTURES
CIBLES THÉRAPEUTIQUES
L’incorporation du nickel est indispensable à l’activité de
l’uréase de H. pylori. Elle pourrait être sous la dépendance
d’une protéine UreI codée par le gène UreI. L’inactivation de ce
gène dans une souche l’a rendue incapable de coloniser l’esto-
mac de souris habituellement sensible. Des homologues de ce
gène ont également été retrouvés dans d’autres espèces, H. felis
ou Heilmanii, et même dans des streptocoques. L’UreI, caracté-
risée comme une protéine de membrane, devrait intervenir dans
les transports membranaires indispensables à la colonisation de
l’estomac par la bactérie (De Reuse et coll.). L’adhérence de H.
pylori à la muqueuse gastrique semble dépendante de deux
gènes récemment mis en évidence AlpA et AlpB qui codent
pour des lipoprotéines. La présence des deux gènes est néces-
saire pour permettre l’adhérence sur l’ensemble de la surface
épithéliale.
LES LÉSIONS MUQUEUSES INDUITES PAR
H. PYLORI
:
DÉSUNIONS ÉPITHÉLIALES, APOPTOSE ET ATROPHIE
L’infection à H. pylori provoque une rupture des jonctions entre
les cellules épithéliales. Cette rupture peut être visualisée par
immuno-histochimie en utilisant des anticorps dirigés contre les
protéines de l’adhésion occludine et ZO-1. Chez les patients
infectés par H. pylori les jonctions paraissent ténues et irrégu-
lières particulièrement au voisinage des glandes superficielles.
Cela n’est pas observé chez les patients ayant une gastrite sans
infection. Une réapparition des protéines de jonction est observée
trois mois après la fin du traitement éradicateur (Dunn et coll.).
L’infection par H. pylori provoque une augmentation de l’apop-
tose dans la muqueuse. Cette augmentation pourrait être liée à la
toxicité directe de la bactérie, du fait de son adhésion à la cellule
ou de la génération locale d’ammoniaque à partie de l’uréase. Les
médiateurs de l’inflammation et des cytokines comme l’interfé-
ron gamma, le TNF pourraient également altérer les cellules épi-
théliales. L’induction de l’apoptose est probablement à l’origine
du risque de dégénérescence chez les patients infectés par H.
pylori. Elle s’associe à une hyperprolifération des cellules gas-
triques qui provoque une hyperplasie muqueuse avec un risque de
dysplasie. La synthèse de monoxyde d’azote par les cellules épi-
théliales gastriques pourrait jouer un rôle dans l’apoptose induite
par l’infection à H. pylori. Le messager de l’enzyme inductible de
la NO synthétase est présent chez 100 % des patients ayant des
métaplasies intestinales et seulement chez un tiers de ceux ayant
une gastrite sans métaplasie. Une augmentation du messager est
également trouvée chez des patients ayant une gastrite associée à
la présence d’un cancer gastrique de type intestinal. Cela n’a pas
été observé en cas de cancer gastrique de type diffus.
L’expression de la NO synthétase inductible pourrait être un mar-
queur de développement du cancer gastrique en cas de métapla-
sie intestinale (Rieder et coll.).
Il a été récemment mis en évidence une augmentation de l’inci-
dence des auto-anticorps dirigés contre les canalicules des cel-
lules pariétales gastriques chez les sujets ayant une infection à
H. pylori. Dans une série de 113 de patients dyspeptiques, 44 %
des sujets infectés avaient des auto-anticorps en comparaison de
11 % dans une série de patients non infectés. Chez 47 % des
patients ayant une gastrite à H. pylori et des auto-anticorps, ces
derniers étaient dirigés contre la structure de l’enzyme HK-
ATPase (pompes à protons) dans le canalicule de la cellule
pariétale. La présence de ces anticorps anti-HK-ATPase était
très corrélée avec l’atrophie de la muqueuse fundique. Ces auto-
anticorps pourraient jouer un rôle dans l’atrophie de la muqueu-
se gastrique en activant le système immunitaire local et en
induisant une cytotoxicité vis-à-vis des cellules pariétales. Ces
mécanismes restent encore à démontrer. ■