Science et conscience
Le Courrier de colo-proctologie (III) - n° 1 - mars 2002
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omment apporter de l'aide à un
patient dont la pathologie relève à
la fois de la médecine et de la psy-
chologie sans traiter séparément la part
médicale et la part psychologique ?
En posant comme principe que le soma-
tique est relationnel au même titre que
le psychique est relationnel.
La relation, dans la mesure où elle
concerne le corps et l'esprit de l'homme,
existe avant la naissance, à la naissance,
comme si la relation préexistait aux termes
mêmes qui devraient être reliés.
En faisant partir l'évolution depuis le
niveau intra-utérin, se définissent ainsi
quatre dimensions, que nous ne pouvons
qu'esquisser dans le cadre de cette com-
munication.
– La première dimension concerne la ques-
tion du rythme biologique,fondée sur les
horloges internes, lié tant à la température
qu'à l’alternance du sommeil lent et du
sommeil paradoxal, et donnant forme à
l’organisation temporelle sujette, parfois,
à une adaptation extrême, qui s’effectue au
détriment de la subjectivité.
– La deuxième dimension inséparable de
la première est fournie par l’espace. Avoir
un corps est l’équivalent d’avoir un espace.
C’est le corps en effet, qui structure :
●l’espace selon ses dimensions particu-
lières : haut bas, devant dehors, proche
lointain, et, surtout, la latéralité droite ou
gauche, au moment de l’instauration de
l’écriture, qui s’établit par rapport à l’autre.
●l’espace de la représentation par la pro-
jection de l’espace corporel (1)
–La troisième dimension qui intervient
dans la relation est fondée sur le rêve qui
ne se limite pas aux phases de sommeil
paradoxal et qui s’inscrit de façon diffé-
rente et continue dans les autres phases du
sommeil, délimitant ainsi une véritable
conscience onirique, fondée sur la projec-
tion, créant, en dehors du sujet, une réalité
qui est le sujet et à laquelle il adhère
comme à la réalité vigile.
–La quatrième dimension de la relation est
celle de l’affect que l’on ne peut dissocier
de la représentation. L’affect et la repré-
sentation sont l’avers et l’envers d’un
même phénomène originel, la relation à
l’autre qui passe par la langue maternelle,
le corps propre et la projection (2).
Comment définir le phénomène psy-
chosomatique dans sa complexité ?
Il ne peut l’être que par la relation qui
s’établit entre le fonctionnement et la situa-
tion relationnelle, deux termes complé-
mentaires qui n’existent que l’un par rap-
port à l’autre, suivant une causalité
circulaire.
Comment déterminer le fonctionnement
psychique ?
En le situant par rapport à l’activité oni-
rique et au souvenir du rêve en tant
qu’événement vécu dont l’existence dans la
conscience vigile est fonction d’une
mémoire qui retient ou qui efface. Par le
refoulement de l’imaginaire, l’élimination de
l’activité onirique écarte des traumatismes
non dépassés, les deuils laissés en suspens,
les conflits infantiles encore virulents. Effa-
cement qui peut être si complet que seul un
refoulement caractériel, en accord avec un
processus adaptatif socioculturel, paraît en
mesure d’en rendre compte.
Entre ces deux formes extrêmes, il existe
deux autres formes évoluant dans le temps,
passant de la présence à l’absence, par une
adaptation au réel, ou de l’absence à la pré-
sence, par une intégration de l’imaginaire.
Soulignons le fait qu’aucune forme de
fonctionnement psychique, ouverte ou fer-
mée à l’activité onirique, l’intégrant de
manière régulière ou aléatoire, ne se trouve
nécessairement en rapport avec une patho-
logie organique.
Ce rapport il faut le rechercher au
niveau de la situation relationnelle
Cette situation peut-être conflictuelle,
comportant en principe deux issues pos-
sibles, mais pouvant aboutir à une impasse,
toujours d’origine infantile, telle qu’elle se
rencontre dans le conflit hystérique.
Dans les autres formes d’impasse, qui trou-
vent également leur point de départ dans
l’enfance du sujet, l’impossibilité semble
relever de la structure logique de la situa-
tion :
– soit qu’elle implique un cercle vicieux
comme il s’en trouve chez les malades
atteints de troubles fonctionnels intesti-
naux (3) ou de troubles coronariens,
– soit qu’elle mette en œuvre une alterna-
tive absolue, telle celle qui surgit lors de la
rupture d’une illusion de l’identité de soi
et de l’autre permettant à la différence de
faire irruption. C’est elle qui se retrouve
dans les maladies inflammatoires chro-
niques intestinales, la recto-colite ulcero-
hémorragique et la maladie de Crohn.(4)
– soit celle qui est fondée sur la contra-
diction telle qu’elle se retrouve dans les
situations de stress par l’impossibilité tant
de la fuite que du combat.
Que la maladie organique puisse faire
apparition au sein d’une impasse ne signi-
fie pas, là non plus, qu’il existe une cau-
salité linéaire, mais bien également une
causalité circulaire. Tout se passe comme
si une même difficulté, la difficulté d’être,
avait été projetée au double plan biolo-
gique et relationnel. Ainsi, s’instaure une
corrélation entre la pathologie, le mode de
fonctionnement et la situation d’impasse,
semblant déterminer une corrélation néga-
tive entre fonctionnement projectif et
pathologie organique.
Les situations d’impasse et la pathologie organique
● J. Gorot*
* Service d’hépato-gastroentérologie,
hôpital Lariboisière, responsable du DIU
de médecine psychosomatique, hôpital Bichat.
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