190
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - no4 - vol. III - septembre 2000
DOSSIER THÉMATIQUE
ou une pathologie herniaire se compliquant. Les autres difficul-
tés diagnostiques concernent l’ascite cloisonnée, éventualité rare,
observée en cas d’ascite infectée ou néoplasique. Elle se traduit
par une matité en damier et ne doit pas être confondue avec une
hydronéphrose ou des kystes du mésentère. Le diagnostic d’ascite
chez un malade obèse ou d’ascite de faible abondance (< 200 ml)
est rarement établi à l’étape clinique et nécessite le recours à
l’échographie abdominale.
Le retentissement clinique de l’ascite doit être évalué (présence
d’une dyspnée importante, d’une distension marquée de l’ombi-
lic, recherche de hernies crurales et inguinales) afin de pratiquer
rapidement, si nécessaire, une ponction évacuatrice.
●Données de l’interrogatoire et recherche de signes
associés : après un interrogatoire précis (antécédents
personnels et familiaux, mode de vie, consommation de
boissons alcoolisées, antécédents de toxicomanie
intraveineuse, de transfusion sanguine, notion d’altération de
l’état général, de douleurs abdominales, conditions
d’installation de l’ascite, etc.), un examen physique complet est
essentiel, permettant souvent d’obtenir une orientation
étiologique. La présence d’une érythrose palmaire, d’angiomes
stellaires, d’une gynécomastie, d’une circulation collatérale
abdominale, d’une hépatomégalie vont d’emblée orienter vers
le diagnostic de cirrhose. Cependant, leur absence n’exclut pas
ce diagnostic. La mise en évidence d’une turgescence des
jugulaires, d’un pouls paradoxal, d’une hépatomégalie
douloureuse est évocatrice d’une origine cardiaque. Il est
également important de rechercher la présence d’épanchements
pleuraux, d’œdèmes (focalisés aux membres inférieurs ou au
contraire proximaux, avec bouffissure du visage et œdème des
membres supérieurs). La recherche d’une hyperthermie ou
d’une hypothermie, la palpation de la thyroïde, des aires
ganglionnaires périphériques, les touchers pelviens peuvent
également apporter des informations de grande utilité pour la
poursuite de la démarche.
La ponction exploratrice d’ascite
C’est l’étape fondamentale de la démarche diagnostique. Elle
permet d’affirmer la présence d’ascite et, surtout, elle est indis-
pensable pour le diagnostic étiologique.
Elle peut d’emblée être faite en cas d’ascite libre, évidente à l’exa-
men clinique. En pratique, elle est le plus souvent réalisée à visée
étiologique après que l’échographie a permis de confirmer, rapi-
dement et de façon non invasive, la présence d’ascite. Il n’est pas
nécessaire de disposer des résultats biologiques sanguins éva-
luant en particulier l’hémostase. Les conditions pratiques de sa
réalisation sont résumées dans le tableau II.
L’analyse macroscopique peut apporter des informations utiles
au diagnostic (couleur, limpidité, caractère hémorragique). Le
plus souvent, le liquide est de couleur citrin. Les différents pré-
lèvements sont destinés à une étude biochimique (dosage des pro-
téines, et, selon le contexte, mesure du taux d’albumine couplé
à celui de l’albuminémie, cholestérol, triglycérides, amylase,
LDH), cytologique (avec numération en urgence des polynu-
cléaires neutrophiles), bactériologique (avec ensemencement
direct, au lit du malade, sur flacons à hémoculture).
Ascite riche ou pauvre en protides ?
Schématiquement, une ascite, avec un taux de protides inférieur
à 25 g/l, dénommée classiquement “transsudat”, est très proba-
blement d’origine hépatique, alors qu’une ascite avec un taux de
protides supérieur à 25 g/l (classique “exsudat”) se rencontre dans
la plupart des étiologies d’ascite, y compris hépatique. En fait,
les termes d’exsudat et de transsudat doivent être définitivement
abandonnés (4-5). En effet, le terme transsudat, qui suggère un
mécanisme de pure filtration à travers le péritoine sous l’effet
d’un déséquilibre des forces oncotiques et hydrostatiques, est
défini par l’usage comme un liquide pauvre en protides. Le terme
d’exsudat, qui suggère un trouble de la perméabilité du péritoine,
sous l’effet d’une pathologie de celui-ci, est défini par l’usage
comme un liquide riche en protides. Or les liquides d’ascite les
plus riches en protides sont produits par de purs déséquilibres des
forces hydrostatiques (syndrome de Budd-Chiari avec hyperten-
sion portale par bloc suprahépatique, insuffisance ventriculaire
droite et péricardite constrictive avec augmentation de la pres-
sion veineuse centrale). Au cours de la cirrhose, le liquide est au
départ riche en protides, le sinusoïde hépatique étant très per-
méable aux protéines, au contraire des capillaires intestinaux.
Ultérieurement, le liquide s’appauvrit en protéines en raison de
la capillarisation des sinusoïdes et d’une probable participation
intestinale (6). Les causes d’ascite riche en protides sont résu-
mées dans l’encadré .
La spécificité diagnostique de la concentration en protides du
liquide d’ascite est en fait assez faible et l’étude du gradient
d’albumine sérum-ascite peut être utile, surtout lorsque le taux
Préparation du malade Le jeûne n’est pas nécessaire
Les troubles de la crase sanguine
ne sont pas une contre-indication
Désinfection de la peau avec du
Merfène®ou de la Bétadine®
Matériel Trocart (aiguille 40-11)
Seringue de 50 ml
2 tubes secs de 10 ml
2 flacons d’hémoculture (aéro-
anaérobie)
1 tubulure
1 bocal à urine pour recueil de
l’ascite
1 pansement adhésif
Technique Point de ponction au niveau du
tiers externe de la ligne reliant
l’ombilic à l’épine iliaque antéro-
supérieure gauche
Examens à demander* Cytologie (tube sec 10 ml)
Chimie (tube sec 10 ml)
Ensemencement sur milieu aéro-
anaérobie d’hémoculture (10 ml)
Tableau II. Technique de la ponction exploratrice et évacuatrice
d’ascite.
Adapté d’après Payen et al. (3).
*En fonction du contexte on peut rajouter à la demande :
- examen anatomopathologique pour recherche de cellules néoplasiques ;
- recherche de bacille de Koch en recueillant 10 ml d’ascite sur flacon spécifique.