Mécanismes de formation des métastases ostéolytiques et ostéocondensantes des tumeurs solides M

MÉCANISMES DE FORMATION
La Lettre du Rhumatologue - n° 284 - septembre 2002
11
es métastases osseuses sont des complications fré-
quentes de nombreux cancers (sein, prostate, thyroïde,
rein, bronches). Elles sont responsables, sur le plan cli-
nique, de complications particulières telles que fractures,
hypercalcémie et douleurs. Ces métastases sont très souvent
ostéolytiques, parfois ostéocondensantes ou mixtes. Dans des
conditions physiologiques, l’os est le siège d’un remodelage
qui assure l’intégrité de l’architecture osseuse. Ce remodelage
est un équilibre entre la résorption osseuse (assurée par les
ostéoclastes) et la formation osseuse (assurée par les ostéo-
blastes). Dans la maladie métastatique osseuse, il existe un
déséquilibre de ce remodelage osseux en faveur de la résorp-
tion ou de la formation osseuse du fait de l’activation des ostéo-
clastes ou des ostéoblastes par les cellules métastatiques.
L’examen anatomopathologique des métastases ostéolytiques
montre que les travées osseuses sont considérablement amin-
cies, voire interrompues du fait de la destruction osseuse
(figure 1a). En revanche, dans les métastases ostéoconden-
santes, les travées osseuses sont connectées, épaissies, et de
l’ostéoïde (os néoformé non minéralisé) est apposé à la sur-
face de ces travées, témoignant d’une activité ostéoformatrice
intense (figure 1b).
Mécanismes de formation
des métastases ostéolytiques
et ostéocondensantes des tumeurs solides
!P. Clézardin*
*Directeur de recherche INSERM, INSERM U 403, faculté de médecine
Laennec, Lyon.
"La formation des métastases osseuses associe
des mécanismes communs à toute dissémination
métastatique (chimiotactisme, invasion tumora-
le) et des mécanismes spécifiques au tissu osseux
(adressage des cellules à l’os, stimulation de la
résorption ou de la formation osseuse).
"Le chimiotactisme fait intervenir la chémo-
kine CXCL12, qui, produite au niveau de la moel-
le
osseuse, est chimioattractive pour les cellules
métastatiques circulantes.
"De plus, ces cellules métastatiques produisent
différentes métalloprotéases qui vont favoriser
l’envahissement de la cavité médullaire.
"L’adressage des cellules métastatiques au
tissu osseux est vraisemblablement dépendant
de l’expression de certaines intégrines qui per-
mettent l’ancrage des cellules à des protéines
de la matrice osseuse.
"
Les cellules métastatiques d’origine mammaire
sécrètent la protéine apparentée à la parathor-
mone (PTH-rP), qui est un puissant stimulateur
de la résorption osseuse.
"Les cellules métastatiques d’origine prosta-
tique, après une phase initiale de stimulation
de la résorption osseuse, sécrètent différents
facteurs (dont l’endothéline 1) capables de sti-
muler la formation osseuse.
"Il existe, au site de la métastase osseuse, une
boucle de rétroaction positive dans laquelle le
TGFß et l’IGF-I relargués de l’os lors de la résorp-
tion osseuse stimulent par paracrinie la produc-
tion de PTH-rP et la croissance des cellules méta-
statiques présentes dans la cavité médullaire.
Points forts
Mots-clés : Métastase osseuse - Cancer du sein -
Cancer de la prostate.
L
Figure 1. Aspect anatomopathologique d’une métastase ostéolytique (a) ou ostéo-
condensante (b).
.../...
.../...
ab
La Lettre du Rhumatologue - n° 284 - septembre 2002
12
MÉCANISMES DE FORMATION
PRÉAMBULE À L’ÉTUDE DES MÉCANISMES
DE FORMATION DES MÉTASTASES
OSSEUSES
La connaissance des mécanismes responsables de la forma-
tion des métastases ostéolytiques a été possible grâce à l’uti-
lisation de modèles animaux qui reproduisent la maladie méta-
statique osseuse observée chez les patients ayant un cancer.
Ces modèles utilisent généralement des souris immunodéfi-
cientes chez lesquelles des cellules de la lignée humaine de
carcinome mammaire MDA-MB-231 sont injectées par voie
intracardiaque (1). Trois à quatre semaines après l’injection
des cellules tumorales, la radiographie des animaux permet de
visualiser les lésions ostéolytiques. Nous avons développé au
laboratoire un modèle dans lequel les cellules de la lignée
humaine de carcinome mammaire MDA-MB-231/B02 (trans-
fectées pour exprimer une molécule fluorescente) sont injec-
tées par voie intraveineuse à des souris immunodéficientes (2).
Après quatre semaines, des métastases ostéolytiques radiolo-
giquement visibles sont détectées chez les animaux vivants
(figure 2a). L’imagerie par fluorescence permet également de
visualiser, chez ces mêmes animaux, l’étendue de la masse
tumorale aux sites métastatiques osseux (figure 2b).
Les cellules MDA-MB-231/B02 forment uniquement des
métastases osseuses lorsqu’elles sont injectées par voie intra-
veineuse, alors que les cellules MDA-MB-231, dans les mêmes
conditions expérimentales, forment des métastases pulmo-
naires (2). C’est pour cette raison que les cellules MDA-MB-
231 sont généralement injectées par voie intracardiaque, afin
de “shunter” le filtre pulmonaire et de permettre la formation
de métastases osseuses (1).Grâce à l’utilisation de ces modèles
animaux, il devient dès lors possible de transfecter les cellules
tumorales afin qu’elles expriment des molécules pressenties
comme pouvant jouer un rôle important dans la formation des
métastases osseuses et de voir le retentissement de l’expres-
sion de ces molécules sur le développement des métastases
ostéolytiques. En revanche, les modèles animaux de forma-
tion de métastases ostéocondensantes sont encore peu déve-
loppés. Toutefois, comme nous le verrons ultérieurement, cer-
tains des mécanismes intervenant dans l’ostéocondensation
sont vraisemblablement communs avec ceux impliqués dans
l’ostéolyse, car la formation d’une métastase ostéoconden-
sante semble être précédée d’une étape de lyse osseuse. De
nombreux mécanismes potentiels de formation de métastases
osseuses ont été évoqués in vitro. Nous ne prendrons en compte
dans cette revue que les mécanismes qui se sont avérés être
pertinents in vivo.
MÉCANISMES RESPONSABLES
DE LA FORMATION DES MÉTASTASES
OSTÉOLYTIQUES ET OSTÉOCONDENSANTES
La formation des métastases osseuses associe des mécanismes
communs à toute dissémination métastatique (tels que chi-
miotactisme et invasion tumorale) et des mécanismes spéci-
fiques au tissu osseux (tels que l’adressage des cellules méta-
statiques dans l’os et la stimulation de la résorption ou de la
formation osseuses).
Chimiotactisme et invasion tumorale
La dissémination métastatique au tissu osseux se fait par le
biais de la circulation sanguine. Les cellules métastatiques cir-
culantes migrent vers des organes cibles sous l’action de molé-
cules chimiotactiques telles que la chémokine CXCL12, qui
est produite en quantité importante dans la moelle osseuse, les
poumons et le foie (3). Les cellules de la lignée humaine de
carcinome mammaire MDA-MB-231 surexpriment le récep-
teur CXCR4 correspondant à cette chémokine, et seront donc
“attirées” vers les organes produisant la chémokine CXCL12
(3). Par exemple, le traitement des animaux avec un anticorps
anti-CXCR4 inhibe la formation des métastases pulmonaires
induite par les cellules MDA-MB-231 (3). Il est vraisemblable
que la chémokine CXCL12 favorise également le tropisme
osseux de ces cellules, car le chimiotactisme d’un extrait de
moelle osseuse sur les cellules MDA-MB-231 est spécifique-
ment inhibé par un anticorps anti-CXCR4 (3).
Parallèlement à l’action chimiotactique de la chémokine
CXCL12, les cellules tumorales sécrètent des protéases qui
dégradent la matrice extracellulaire afin de permettre la migra-
tion des cellules dans la cavité médullaire. La dégradation
matricielle par les cellules tumorales est assurée par des sérine
protéases (urokinase, plasmine) et des métalloprotéases
(MMP) (4). Les sérine protéases activent les MMP initiale-
ment sécrétées sous une forme inactive (zymogène), et ces
MMP activées dégradent alors différentes protéines de la
matrice extracellulaire (figure 3).
Figure 2. Modèle animal de formation de métastases ostéolytiques.
Ce processus de dégradation matricielle est régulé par des inhi-
biteurs spécifiques des sérine protéases (serpines) et des MMP
(tissue inhibitors of the metalloproteinases, ou TIMP)
(figure 3). Les cellules MDA-MB-231 produisent, comme la
plupart des lignées tumorales, des MMP (5). Afin d’étudier la
contribution de ces MMP à la formation des métastases
osseuses, les cellules MDA-MB-231 ont été transfectées pour
exprimer un inhibiteur de ces MMP (TIMP-2) puis injectées
par voie intracardiaque à des souris immunodéficientes. L’ana-
lyse radiographique des souris quelques semaines après l’in-
jection des cellules transfectées montre que la sécrétion de
TIMP-2 inhibe d’environ 50 % la formation de métastases
ostéolytiques (5). Un inhibiteur synthétique des MMP (bati-
mastat) inhibe également la formation des métastases osseuses
induites par les cellules de la lignée humaine de carcinome
prostatique PC3 (6). Ces résultats (5, 6) indiquent donc que
l’invasion tumorale est une étape nécessaire à l’établissement
d’une métastase osseuse, et qu’elle est vraisemblablement
favorisée par la production dans la moelle osseuse d’une molé-
cule chimiotactique telle que la chémokine CXCL12. Toute-
fois, l’étude prospective de cohortes de patientes atteintes d’un
cancer du sein montre que la présence de micrométastases
médullaires n’implique pas nécessairement que ces patientes
aient ultérieurement des métastases osseuses (7, 8). D’autres
facteurs plus spécifiques doivent donc intervenir pour favori-
ser l’adressage des cellules métastatiques dans le tissu osseux.
Parmi ces facteurs, les intégrines semblent avoir une place de
choix.
Intégrines et tropisme osseux
Les intégrines sont des récepteurs transmembranaires com-
posés de deux sous-unités αet ß associées entre elles sous la
forme d’un complexe hétérodimérique (9). Il existe une grande
variété de sous-unités αet ß qui, en s’associant entre elles,
forment une vingtaine d’intégrines différentes (figure 4).
Chaque intégrine est composée d’un domaine extracellulaire,
d’un domaine transmembranaire et d’un domaine intracellu-
laire. Le domaine extracellulaire interagit avec des protéines
de la matrice extracellulaire ou avec d’autres récepteurs mem-
branaires (exemple :VCAM-1). Le domaine intracellulaire est
responsable de la transmission d’un signal à l’intérieur des
cellules. Ces intégrines sont ubiquitaires, et sont donc impli-
quées dans l’adhésion, la migration, l’invasion, la proliféra-
tion et la survie de toutes les cellules normales et tumorales
(9). Elles sont également impliquées dans la formation des
métastases in vivo en permettant le tropisme des cellules méta-
statiques dans des organes cibles. Par exemple, lorsque les cel-
lules MDA-MB-231 sont injectées par voie intraveineuse chez
les animaux, elles forment des métastases pulmonaires, car
ces cellules (contrairement aux cellules épithéliales normales)
expriment l’intégrine α6ß4, qui permet l’interaction spécifique
des cellules MDA-MB-231 avec les cellules endothéliales des
vaisseaux pulmonaires (10). Dans le myélome, les intégrines
α4ß1 et α4ß7 exprimées par les cellules plasmocytaires tumo-
rales jouent un rôle prépondérant dans l’interaction de ces cel-
lules avec les cellules stromales de la moelle osseuse (11, 12).
Finalement, nous avons observé que l’intégrine αvß3 confère
un tropisme osseux aux cellules tumorales in vivo (13).
Comme le montre la radiographie (figure 5), l’injection
intraveineuse de cellules tumorales CHOdhfr+ n’exprimant
pas ou exprimant une intégrine αvß3 non fonctionnelle
(CHOß3744) induit peu de métastases ostéolytiques. En
revanche, le nombre et l’étendue des plages ostéolytiques sont
considérablement augmentés lorsqu’on injecte aux animaux
La Lettre du Rhumatologue - n° 284 - septembre 2002
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MÉCANISMES DE FORMATION
Figure 3. Mécanismes généraux de l’invasion tumorale.
Figure 4. Structure générale des intégrines.
Figure 5. Formation de métastases ostéolytiques par des cellules tumo-
rales n’exprimant pas (CHOdhfr+) ou exprimant une intégrine αvß3 non
fonctionnelle (CHOß3744) ou fonctionnelle (CHOß3wt).
La Lettre du Rhumatologue - n° 284 - septembre 2002
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des cellules CHOdhfr+exprimant une intégrine αvß3 fonc-
tionnelle (CHOß3wt) (13). D’autre part, les cellules de la
lignée humaine de carcinome mammaire MDA-MB-231/B02,
qui présentent la propriété de former uniquement des méta-
stases osseuses (2), surexpriment spontanément l’intégrine
αvß3 (13). En fait, cette dernière permet l’interaction de ces
cellules métastatiques avec une protéine spécifique de la
matrice osseuse (sialoprotéine osseuse), expliquant ainsi le
tropisme osseux de ces cellules (13).
Stimulateurs de la résorption osseuse
Les cellules tumorales, lorsqu’elles envahissent la cavité
médullaire, produisent différents facteurs capables de stimu-
ler la différenciation puis l’activité des ostéoclastes, condui-
sant ainsi à une stimulation de la résorption osseuse (1).Parmi
ces facteurs, la protéine apparentée à la parathormone
(PTH-rP) joue un rôle prépondérant (1). Par exemple, l’injec-
tion à des souris immunodéficientes de cellules MDA-MB-
231 transfectées pour surexprimer la PTH-rP augmente consi-
dérablement la formation de métastases ostéolytiques par
rapport à ce qui est observé avec les cellules MDA-MB-231
parentales (14). De plus, le prétraitement des animaux avec
un anticorps monoclonal dirigé contre la PTH-rP inhibe la for-
mation des métastases ostéolytiques induite par les cellules
MDA-MB-231 (14). La PTH-rP favorise la résorption osseuse
en stimulant la production par les ostéoblastes de cytokines
[interleukine 6 (IL-6) et leukemia inhibitory factor (LIF)] qui
vont favoriser le recrutement des précurseurs ostéoclastiques
(1). D’autres cytokines sécrétées par les cellules tumorales,
telles que le TNFα(tumor necrosis factor α), peuvent égale-
ment stimuler la résorption osseuse (1).
Parallèlement à cela, il a été récemment montré que les ostéo-
blastes expriment un récepteur appelé RANKL qui interagit
avec le récepteur RANK exprimé par les précurseurs ostéo-
clastiques (15). Cette interaction RANK-RANKL permet la
différenciation des précurseurs ostéoclastiques en ostéoclastes
matures. Les cellules de carcinomes mammaires humains
n’expriment pas RANKL et ne peuvent donc pas se substituer
aux ostéoblastes pour stimuler directement l’ostéoclastoge-
nèse (15). Par contre, la PTH-rP pourrait (comme la PTH) inhi-
ber la sécrétion d’ostéoprotégérine par les ostéoblastes. L’os-
téoprotégérine est un récepteur soluble homologue à la partie
extracellulaire de RANKL (15). L’ostéoprotégérine sécrétée
par les ostéoblastes interagit avec RANK, bloque l’interaction
des ostéoblastes avec les précurseurs ostéoclastiques et inhibe
donc l’ostéoclastogenèse (15). L’effet de l’ostéoprotégérine
recombinante a été testé dans les modèles animaux de méta-
stases osseuses ; elle inhibe la formation des métastases ostéo-
lytiques induite par les cellules de carcinome mammaire
MDA-MB-231 et les cellules de carcinome colique Côlon-26
(16). Ces résultats montrent donc que les cellules de carci-
nomes mammaires et coliques stimulent indirectement la
résorption osseuse par le biais de la voie RANK-RANKL.
L’ostéoprotégérine inhibe également in vivo la formation des
métastases ostéocondensantes induite par les cellules de la
lignée humaine de carcinome prostatique C4-2B (17). En fait,
les cellules C4-2B (ainsi que LnCap) expriment à la fois
RANKL et une forme soluble de RANKL qui vont directe-
ment activer l’ostéoclastogenèse (17). Ces résultats montrent
pour la première fois qu’une stimulation directe de la résorp-
tion osseuse par des cellules de carcinome prostatique précède
la formation d’une métastase ostéocondensante.
En résumé, les cellules métastatiques présentes dans la cavité
médullaire sécrètent des facteurs solubles (PTH-rP, TNFα)
qui, en stimulant la production de cytokines (IL-6, IL-11, LIF)
par les ostéoblastes, favorisent le recrutement de précurseurs
ostéoclastiques (figure 6). Dans une seconde étape, la diffé-
renciation des précurseurs ostéoclastiques en ostéoclastes
matures se fait par le biais d’une voie dépendante de RANK-
RANKL (figure 6).
Stimulateurs de la formation osseuse
Plusieurs facteurs produits par les cellules de carcinomes pros-
tatiques humains peuvent stimuler la formation osseuse (pros-
tate specific antigen ou PSA, bone morphogenetic proteins ou
BMP, fibroblast growth factors ou FGF). Cependant, in vivo,
il n’existe pas d’arguments expérimentaux permettant d’affir-
mer que ces facteurs interviennent dans la constitution d’une
métastase ostéocondensante. En revanche, on a constaté, chez
des patients ayant un cancer de la prostate métastatique, que
la concentration plasmatique d’endothéline 1 est considéra-
blement augmentée comparativement à celle observée chez
des patients ayant un carcinome prostatique localisé (18). De
plus, l’endothéline 1 produite par les cellules de carcinome
prostatique est un puissant facteur mitogène pour les ostéo-
blastes ainsi qu’un inhibiteur de la résorption osseuse (1, 18).
L’endothéline 1 pourrait donc jouer un rôle primordial dans la
formation des métastases ostéocondensantes en stimulant,
d’une part, la formation osseuse et en inhibant, d’autre part,
la résorption osseuse. Le PDGF (platelet-derived growth fac-
tor) sécrété par les cellules de la lignée humaine de carcinome
mammaire MCF-7 induit aussi la formation de métastases
ostéocondensantes chez les animaux (19). Ce facteur pourrait
donc intervenir dans les formes ostéocondensantes ou mixtes
qui sont parfois observées dans les métastases osseuses asso-
ciées au cancer du sein.
MÉCANISMES DE FORMATION
Figure 6. Mécanismes d’hyperrésorption osseuse maligne.
La Lettre du Rhumatologue - n° 284 - septembre 2002
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CONSÉQUENCES DE L’HYPERRÉSORPTION
OSSEUSE SUR LA CROISSANCE TUMORALE
Le tissu osseux est un réservoir important de facteurs de crois-
sance avec, en particulier, le transforming growth factor ß, ou
TGFß, et l’insulin-like growth factor I, ou IGF-I (1). L’utili-
sation du modèle murin de métastases ostéolytiques par injec-
tion intracardiaque de cellules tumorales a permis de montrer
que ces facteurs de croissance, lorsqu’ils sont relargués de la
matrice osseuse, peuvent agir sur les cellules métastatiques
présentes dans la cavité médullaire. Par exemple, les cellules
de la lignée humaine de carcinome mammaire MDA-MB-231
ont un récepteur membranaire pour le TGFß, et le TGFß sti-
mule in vitro la sécrétion de PTH-rP par les cellules MDA-
MB-231 (20). Si les cellules MDA-MB-231 sont manipulées
génétiquement pour induire l’expression d’un récepteur du
TGFß inactif (TßRIIcyt), ces cellules ne répondent plus au
TGFß et ne sécrètent plus de PTH-rP. Or, in vivo, ces cellules
MDA-MB-231 exprimant TßRIIcyt font peu de métastases
osseuses lorsqu’elles sont injectées par voie intracardiaque
chez la souris (20). De même, il a été montré, dans ce modèle
animal de formation de métastases osseuses, que l’IGF-I relar-
gué de la matrice osseuse stimule la prolifération des cellules
MDA-MB-231 présentes dans la cavité médullaire (T. Yoneda,
San Antonio, communication personnelle).
En résumé, il existe, au site de la métastase osseuse, une
boucle de rétroaction positive dans laquelle le TGFß et l’IGF-
I, relargués de l’os lors de la résorption osseuse, stimulent par
paracrinie la production de PTH-rP et la croissance des cel-
lules métastatiques présentes dans la cavité médullaire (figure
7). Le calcium relargué de la matrice osseuse pourrait parti-
ciper à ce processus en stimulant également la sécrétion tumo-
rale de PTH-rP. Finalement, le recrutement de nouvelles cel-
lules métastatiques au site de la métastase osseuse pourrait
être favorisé par le relargage de protéines osseuses (IGF-I,
fragments de collagène, ostéonectine) (figure 7). "
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MÉCANISMES DE FORMATION
Figure 7. Conséquences de l’hyperrésorption osseuse sur la croissance
tumorale (d’après Mundy et Guise).
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