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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VII), n° 6, novembre/décembre 2003
Brèves…
Brèves…
Le PYY3-36 : un avenir dans
le traitement de l’obésité ?
La régulation de l’homéostasie éner-
gétique met en jeu des circuits neuro-
endocriniens complexes. Le cerveau
est renseigné en permanence sur l’état
des réserves et des besoins énergé-
tiques de l’organisme par des hor-
mones circulantes, qui peuvent notam-
ment être classées en deux grandes
catégories. La première d’entre elles
inclut les hormones qui agissent à
court terme et gouvernent directe-
ment le rythme et la durée des repas.
La cholécystokinine et la ghréline
entrent dans cette catégorie en tant
que signaux de satiété et de stimu-
lateur d’appétit, respectivement. Le
deuxième groupe comprend les hor-
mones agissant à plus long terme et
assurant la stabilité du poids corporel,
comme la leptine et l’insuline, dont
les taux sont directement corrélés à la
masse de tissu adipeux. Lorsque les
réserves graisseuses de l’organisme
diminuent, la baisse des taux circu-
lants de leptine et d’insuline est per-
çue par le cerveau et traduite en une
augmentation de l’appétit et du méta-
bolisme jusqu’à la récupération du
poids initial.
La cible centrale principale de ces fac-
teurs circulants est l’hypothalamus,
qui joue un rôle clé dans la régulation
de la prise alimentaire. Ce contrôle est
le résultat d’interactions complexes
entre deux réseaux neuro-peptider-
giques localisés dans le noyau arqué et
jouant le rôle d’accélérateur d’appé-
tit pour l’un, de frein pour l’autre.
Le système anorexigène synthétise
l’a-melanocyte-stimulating hormone
(a-MSH). Le système orexigène
coexprime le neuropeptide Y (NPY)
et l’agouti-related peptide (AgRP).
Un tiers des neurones à NPY/AgRP
produit également un autre facteur
orexigène, le GABA. Les neurones
à NPY/AgRP, activés par la perte de
poids, stimulent la prise de nourri-
ture de différentes manières : le NPY
libéré active les récepteurs Y1 au
niveau du noyau paraventriculaire.
Par ailleurs, le NPY exerce un contrôle
négatif sur les neurones anorexigènes
à a-MSH en inhibant l’expression du
gène codant le précurseur de l’a-MSH.
Le peptide AgRP se comporte quant à
lui comme un antagoniste des récep-
teurs de l’a-MSH de type centraux,
les MC4R. Ainsi, à la suite d’un jeûne
prolongé, les neurones à NPY sont
activés tandis que ceux à a-MSH sont
inhibés, ce qui entraîne une stimula-
tion de l’appétit et une récupération
des réserves énergétiques.
La clé des découvertes récentes dans
le contrôle de l’homéostasie énergé-
tique est la mise en évidence de récep-
teurs présynaptiques inhibiteurs Y2
(Y2R) sur les neurones NPY/AgRP.
Or, un agoniste puissant de ce récep-
teur est le PYY3-36, un autre membre
de la famille du NPY, qui partage
70 % d’identité avec le NPY. Le
PYY3-36 est libéré par les cellules
endocrines tapissant l’intestin grêle et
le côlon et sa concentration plasma-
tique est proportionnelle à la quan-
tité de calories ingérées. Sur la base
de ces observations, Batterham et al.
avaient supposé, lors d’une première
étude, que l’augmentation postpran-
diale des taux plasmatiques de PYY
pouvait inhiber la prise alimentaire
via l’activation des récepteurs Y2R
au niveau du noyau arqué. De fait, ils
ont montré que l’injection périphé-
rique de PYY inhibe la prise de nour-
riture et réduit le poids corporel chez
les rongeurs après une semaine de trai-
tement chronique (1). Chez l’homme,
l’administration de PYY3-36, à une
dose mimant les concentrations plas-
matiques du peptide en période post-
prandiale entraîne une réduction de
l’appétit et de la prise de nourriture
de 33 % sur une période de 12 heures.
En agissant à long terme, le PYY3-36
se distingue ainsi des autres hormones
de satiété du tractus gastro-intestinal,
qui agissent rapidement, comme la
cholécystokinine. Ils montrent, par
ailleurs, que le PYY3-36 influence
directement les circuits neuronaux du
noyau arqué. En se liant aux récep-
teurs Y2, le PYY3-36 hyperpolarise
les neurones à NPY/AgRP et inhibe la
libération de NPY. Le PYY3-36 exerce
également de façon indirecte une
activation de la libération d’a-MSH
par une levée du tonus inhibiteur
exercé par le GABA sur les neu-
rones à a-MSH. L’effet du PYY3-36
est mimé par le Y2A, un agoniste du
récepteur Y2, et aboli chez les souris
dont le gène Y2R est invalidé, deux
résultats qui démontrent bien l’im-
plication du récepteur Y2. Ainsi, le
NPY et le PYY3-36, deux peptides de
la même famille, exercent par l’inter-
médiaire de deux récepteurs diffé-
rents, Y1R et Y2R, des effets oppo-
sés sur la régulation de la prise
alimentaire.
Dans un contexte où l’obésité est
une cause majeure de maladies et de
décès à travers le monde (on compte
actuellement environ 280 000 décès
liés à l’obésité par an aux États-
Unis), l’effet anorexigène du pep-
tide PYY3-36 chez l’homme s’avère
extrêmement intéressant, compte tenu
de la résistance à la leptine observée
chez la plupart des sujets obèses.
L’équipe londonienne a donc naturel-
lement poursuivi ses travaux en tes-
tant l’efficacité du peptide PYY3-36
sur des sujets obèses (2). Les effets
du PYY3-36 sur l’appétit et la prise
alimentaire ont été comparés sur des
cohortes composées de sujets obèses
(6 hommes, 6 femmes) et de volon-
taires sains. Ils ont constaté une dimi-
nution de 30 % de la quantité de
calories ingérées lors d’un repas, à
la fois chez les témoins et chez les
sujets obèses. La diminution de la
prise de nourriture persiste 12 heures
après l’administration du peptide.
Ces résultats démontrent donc que
l’obésité n’est pas associée à une
résistance au PYY3-36. Batterham et
al. ont ensuite expérimenté l’hypo-
thèse selon laquelle une déficience
de production de PYY3-36 pouvait
contribuer à la physiopathologie
de l’obésité. De fait, les taux plas-
matiques de PYY3-36 endogène sont
plus faibles chez les sujets obèses,
comparativement aux sujets nor-
maux, à jeun ou après un repas,
bien
que la quantité de calories ingérée
soit plus importante. En outre, ils
montrent que les taux plasmatiques
de PYY3-36 sont inversement cor-
rélés à l’index de masse corporelle