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Rhonchopathie chronique et
syndrome d'apnée obstructive du sommeil (SAOS)
Collège des Agrégés des Hôpitaux de Paris, cours du 6 juin 1998
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es modérateurs de ce cours étaient les Prs F. Chabolle
et B. Meyer. Dans le cadre de la formation médicale
continue, une évaluation (anonyme) initiale et finale
des connaissances a été réalisée. Les aspects cliniques, diagnostiques et thérapeutiques ont été abordés.
La prévalence du SAOS, estimée entre 1 et 5 % de la population, en fait un problème de santé publique important (1). La
morbidité directe et indirecte, l’évolution à long terme et les
conséquences liées à ce syndrome sont relativement bien établies, mais de nombreuses questions restent posées quant à la
prise en charge thérapeutique (Qui faut-il traiter ? Comment et
avec quels résultats ? Quel est le coût du traitement ?).
COMMENT SUSPECTER CLINIQUEMENT UN SAOS ?
(Pr B. Meyer) (1, 2)
Cette pathologie survenant lors du sommeil, le patient n’est
pas conscient des signes directs mais seulement des conséquences. L’évaluation des doléances du patient doit donc,
quand cela est possible, s’associer à l’interrogatoire de son
entourage.
La symptomatologie est mixte, nocturne et diurne.
❒ Nocturne : le ronflement est quasi constant mais insuffisant
pour affirmer le diagnostic de SAOS ; entre 40 et 60 ans, 60 %
des hommes et 40 % des femmes ronflent. Des pauses respiratoires peuvent être décrites par le conjoint, mais elles doivent être appréciées en fonction de leur durée et de leur fréquence. L’agitation nocturne doit être différenciée d’un syndrome des mouvements périodiques des jambes. Une polyurie
doit être recherchée.
❒ Diurne : la somnolence est le critère le plus important et
suffit à justifier des investigations complémentaires ; elle doit
être mesurée subjectivement par l’échelle d’Epworth (tableau I)
et éventuellement quantifiée, par exemple par les tests de
latence d’endormissement. Les investigations complémentaires
permettent soit de la rattacher à un SAOS, soit de rechercher
une autre étiologie (syndrome de résistances élevées des voies
aériennes supérieures [VAS], cause neurologique...). Chez un
ronfleur, sa valeur prédictive positive du diagnostic de SAOS
est de 84 % chez l’homme et de 60 % chez la femme, sa valeur
prédictive négative étant respectivement de 22 % et 73 %. Des
manifestations telles qu’un sommeil non réparateur (malgré
une durée satisfaisante), des céphalées matinales et des
troubles de la libido, voire une impuissance, peuvent être
associées.
Tableau I. Échelle d’Epworth (3).
– 8 circonstances de survenue de la somnolence
– lecture, assis
– télévision, assis
– lieu public, inactif, assis (théâtre, réunion)
– conversation, assis
– assis après un repas sans alcool
– repos allongé, l’après-midi
– passager d’une voiture après une heure de route
– voiture arrêtée depuis quelques minutes
– chaque critère est coté de 0 à 3
– 0 : risque de somnolence nul
– 1 : risque faible
– 2 : risque moyen
– 3 : risque important
L’indice d’Epworth est la somme de la cotation pour les huit
circonstances décrites ; il est considéré comme normal quand il
est inférieur à 9.
L’examen clinique doit rechercher une obésité, des troubles
cardiovasculaires et des particularités morphologiques. L’obésité, définie par un index corporel (poids/taille) supérieur
à 35 kg/m2, n’est pas une indication d’explorations complémentaires si elle est isolée ; en revanche, lorsqu’un SAOS
existe, sa sévérité est corrélée à l’importance du surpoids. Les
troubles cardiovasculaires sont inconstants et disparaissent
après traitement du SAOS. Il s’agit de troubles du rythme
(brady/tachy-arythmie, extra-systoles ventriculaires plus rarement), d’HTA mais aussi d’angor nocturne, de sous-décalage
du segment ST, d’infarctus du myocarde (IDM) ou de mort
subite en fin de nuit. Le risque relatif d’angor ou d’IDM en cas
de SAOS est de 5 à 8. Enfin, la morphologie cervico-faciale
des patients est souvent évocatrice : cou large et court, rétromaxillie et/ou rétrognatie, oropharynx étroit, macroglossie ;
une obstruction nasale et une étiologie spécifique du SAOS
(acromégalie, hypothyroïdie, tumeur, anomalie du rachis cervical...) doivent être recherchées.
Le manque de fiabilité des critères cliniques doit faire pratiquer, au moindre doute, une exploration complémentaire par
polygraphie ventilatoire ou polysomnographie (PSG).
LES ENREGISTREMENTS NOCTURNES (Dr B. Fleury)
La PSG est réalisée sous la surveillance continue d’un médecin
ou d’un technicien. Elle évalue le sommeil (électro-encéphalo-
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gramme, électromyogramme et électro-oculogramme), la respiration, c’est-à-dire les débits aériens naso-buccaux (par
pneumotacographe, thermistances, enregistrement du son ou
du CO2 expiré), la saturation sanguine en oxygène (SaO 2), les
efforts inspiratoires (sangles thoraco-abdominales ou capteur
de pression œsophagienne), la pression sanguine, l’électrocardiogramme, la position du corps et l’électromyogramme du
muscle jambier antérieur. C’est donc un examen lourd, complexe, onéreux, de réalisation et d’interprétation longues.
Elle n’est pas toujours nécessaire et doit être remplacée en première intention par une polygraphie ventilatoire, plus rapide,
plus facile à réaliser en ambulatoire et donc moins onéreuse.
La polygraphie ventilatoire mesure les ronflements, les débits
aériens, les efforts inspiratoires, la SaO2 et l’électrocardiogramme. Elle permet donc de chiffrer les apnées et les hypopnées (définissant l’index d’apnées/hypopnées horaires =
IAH/H) et de mesurer leur retentissement sur la SaO2, le fait
que le patient a réellement dormi pendant l’enregistrement
étant garanti par la présence de ronflements.
Le Dr Fleury propose donc un arbre décisionnel diagnostique
basé sur les résultats de la polygraphie ventilatoire (figure 1).
Polygraphie ventilatoire
IAH/H ≤ 10
Epworth < 9
IAH/H ≤ 10
Epworth > 9
10 < IAH/H < 30
IAH/H ≥ 30
Normal
? (1)
PSG
SAOS à traiter
(ANDEM 1992)
IAH/H < 30
IAH/H ≥ 30
? (2)
Figure 1. Arbre décisionnel diagnostique basé sur les résultats de la
polygraphie ventilatoire.
(1) Il peut s’agir soit d’un syndrome de résistances élevées des VAS
(authentifié par la PSG : chutes des débits aériens et micro-éveils
concomitants aux pics de pression œsophagienne), soit d’une pathologie
mixte associant une rhonchopathie simple et une autre cause de
somnolence (maladie des mouvements périodiques, maladie de
Gélineau...).
(2) Si l’indice d’Epworth est compris entre 9 et 15 et si les micro-éveils
sont liés aux événements respiratoires, il s’agit d’un SAOS modéré. Si
l’indice d’Epworth est supérieur à 15 et les micro-éveils indépendants
des événements respiratoires, il s’agit d’une pathologie mixte (SAOS et
maladie du sommeil).
Le dépistage du SAOS par l’enregistrement nocturne de la
SaO 2 seule n’a plus d’indication. En cas de suspicion de
SAOS, la prise en charge du patient doit être coordonnée et
pluridisciplinaire. La prise en charge diagnostique de première
intention repose sur la polygraphie ventilatoire, la PSG étant
indiquée en cas de difficulté diagnostique, pour certains cas
particuliers et, bien sûr, avant tout traitement par la ventilation
nocturne en pression positive (VNPP) (obligation médicolégale) ou par chirurgie lourde, en attendant le développement
des PSG ambulatoires ou télésurveillées.
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LES TRAITEMENTS DU RONFLEMENT SIMPLE :
ACTUALITÉS ET AVENIR (Pr S. Bobin)
Il ne s’agit pas d’une maladie, mais d’une gêne sociale. Le
patient doit donc impérativement être informé des différentes
possibilités thérapeutiques, de leurs conséquences et des résultats attendus.
Les mesures adjuvantes (arrêt de l’alcool, du tabac et des sédatifs, réduction du surpoids [4], amélioration médicale de la
ventilation nasale [5]) sont utiles mais exceptionnellement suffisantes.
Le traitement repose sur la pharyngotomie chirurgicale ou
laser et sur la chirurgie de reperméabilisation nasale. La pharyngotomie chirurgicale (6, 7, 8) (avec ou sans section du
muscle pharyngostaphylin), réalisée sous anesthésie générale,
permet de raccourcir le voile et d’élargir l’oropharynx ; elle a
un taux de succès de 80 à 90 %, mais les résultats se dégradent
avec le temps (50 % de succès à cinq ans). La pharyngotomie
laser (7, 9), réalisée sous anesthésie locale en ambulatoire, a
pour but de rigidifier le vibrateur ; ses résultats précoces sont
identiques à ceux de la pharyngotomie chirurgicale.
Le traitement idéal serait simple, efficace, ambulatoire, indolore,
économique, stable dans le temps, sans effets secondaires ni
complications. Un nouveau traitement, actuellement en cours
d’évaluation, semble répondre à certains de ces critères : il
s’agit de la radiofréquence. Déjà utilisée en cardiologie et en
urologie, elle permet de diffuser, par implantation d’une électrode dans le voile, un courant continu (puissance et voltage
faibles) qui va provoquer une hyperthermie (40 à 90°) près de
l’électrode (pas de risque de diffusion) induisant une destruction tissulaire et donc une réduction de volume. Les
muqueuses n’étant pas atteintes, il n’y a pas, ou très peu, de
phénomènes douloureux. Ce traitement est réalisé sous anesthésie locale et en ambulatoire. Il a été comparé à la pharyngotomie chirurgicale et à la pharyngotomie laser par l’équipe de
Stanford dans une étude prospective non randomisée
(40 patients ronfleurs simples et non obèses) évaluant le taux
de succès (subjectif) et les effets secondaires. Le taux de succès est de 86 % en 3,6 séances en moyenne. Quelques ulcérations muqueuses ont été observées, mais les douleurs ont été
exceptionnelles (10). Ces résultats doivent être confirmés et
des évaluations sont actuellement en cours en France. Les
résultats à long terme seront bien sûr à évaluer plus tard. La
limite actuelle de cette technique est son coût : 200 000 F environ pour le générateur et 2 000 F pour l’électrode non réutilisable.
LA RHONCHOPATHIE CHRONIQUE DE L’ENFANT
(Pr Y. Manac’h)
Chez l’enfant, seul le problème des apnées se pose. Les signes
associés au bruit respiratoire nocturne devant faire suspecter
des apnées sont la fatigue, les troubles de croissance staturopondérale, la reprise d’une énurésie, l’existence d’une déformation basi-thoracique. L’interrogatoire des parents, utilisant
des termes simples et compréhensibles, recherche des apnées
(“blockpnée”), un tirage (“creuse”), une agitation et/ou des
sueurs nocturnes. L’examen clinique recherche un obstacle
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patent. Le diagnostic est certain dans 80 % des cas grâce à
cette analyse clinique. Dans les autres cas, on réalisera au
moindre doute un dépistage par enregistrement nocturne de la
SaO2 associé à une feuille de surveillance clinique remplie par
l’infirmière ou à une poly(somno)graphie ventilatoire. Dans le
cas particulier des enfants (syndromes polymalformatifs, maladies de surcharge) présentant une rhonchopathie associée à une
gêne respiratoire diurne chez qui l’on envisage une trachéotomie, une gazométrie est pratiquée à la recherche d’une hypoxie
et d’une hypercapnie.
Les étiologies sont variables selon l’âge de l’enfant. Chez le
nouveau-né et le nourrisson, il s’agit d’une dysfonction du
carrefour avec, à l’examen, une verticalisation de la langue
associée ou non à une macroglossie (relative), une micromandibulie, un stridor, des difficultés à la prise de l’alimentation.
Le bilan est réalisé par endoscopie sous anesthésie générale et
en ventilation spontanée pour objectiver le siège de l’obstacle
et rechercher des facteurs favorisants (obstruction nasale). Le
traitement est adapté à l’obstacle et à la sévérité de son retentissement. Chez l’enfant, il s’agit le plus souvent d’un obstacle
amygdalien ou lingual, majoré par un obstacle nasal ou rhinopharyngé. L’amygdalectomie peut être réalisée à n’importe
quel âge si l’indication est bonne. En principe, en raison du
risque de survenue d’apnées centrales dans les heures postopératoires, l’intervention doit être pratiquée en hospitalisation de
24 heures ou, au moins, sous surveillance rapprochée.
LA VENTILATION À PRESSION POSITIVE CONTINUE
(VPPC) : INTÉRÊT ET LIMITES (Dr B. Fleury)
C’est le traitement de référence, car il est systématiquement
efficace (normalisation de tous les paramètres polysomnographiques) ; ses seules contre-indications sont l’hyperlaxité de
l’épiglotte (11) et l’existence d’une brèche méningée (risque
de pneumencéphale) (12). Il n’induit pas de complications
sévères mais seulement des inconvénients, dont le plus fréquent est rhinologique (obstruction, sécheresse nasale, épistaxis modérées). Ses indications (prises en charge par la Sécurité sociale) ont été définies par l’ANDEM en 1992 : SAOS
avec IAH/H supérieur à 30. Médicalement, il est indiqué pour
les SAOS moins sévères et pour les syndromes de résistances
élevées des VAS s’ils sont responsables d’une somnolence
diurne (risque de refus de la prise en charge). La compliance
est bonne (75 % à 60 mois, étude du Dr Fleury à l’hôpital
Saint-Antoine), probablement en raison des améliorations
techniques (machines plus petites et silencieuses, humidificateurs). Les abandons de traitement se produisent essentiellement dans les premiers mois, puis après deux ans. Les facteurs
prédictifs d’abandon sont un indice d’Epworth inférieur à 15,
le sexe féminin, une pression efficace supérieure à 12, un
index corporel supérieur à 30 et un IAH/H inférieur à 33. Le
traitement est mis en route pendant une PSG afin de définir la
pression efficace (c’est-à-dire celle pour laquelle les apnées et
les hypopnées disparaissent). Actuellement, une VPP autopilotée
(déclenchée uniquement en cas d’apnée débutante) est en
cours d’évaluation.
PROBLÈMES RHINO-SINUSIENS ET RHONCHOPATHIE
CHRONIQUE (Pr G. Lamas)
L’obstruction nasale ne peut à elle seule être responsable d’un
ronflement et, a fortiori, d’un SAOS ; sa correction n’est donc
pas curative. En revanche, une obstruction nasale doit être
recherchée chez ces patients, car son traitement va permettre
d’améliorer le confort du malade et la tolérance de la VPPC.
Elle est évaluée cliniquement (endoscopie des fosses nasales)
et objectivée par la rhinomanométrie antérieure (éventuellement potentialisée par un test aux vasoconstricteurs). Son traitement est médical (les vasoconstricteurs au long cours sont
bien sûr à proscrire), prothétique (dilatateur narinaire, dont
l’efficacité reste à démontrer) et surtout chirurgical (septoplastie, turbinectomie inférieure). La chirurgie nasale peut et doit,
si elle est nécessaire, être associée à une pharyngotomie.
CHIRURGIE VÉLO-AMYGDALIENNE ET SAOS (Pr B. Meyer)
Cette intervention doit être réalisée sous anesthésie générale
(attention aux difficultés d’intubation fréquentes chez ces
patients et à la nécessité d’une surveillance en salle de réveil
pour les SAOS sévères) pour permettre un geste complet. Elle
associe une résection vélaire la plus large possible (définie par
le point de contact entre le voile et la paroi pharyngée postérieure), une amygdalectomie (ou résection de la muqueuse de
la loge), une section des muscles pharyngo-staphylins, une
encoche muqueuse à la jonction voile-pilier antérieur. La suture
muqueuse se fait bord à bord pour le voile et par des points en
U latéraux. La muqueuse postérieure du voile et du pilier postérieur doit impérativement être respectée pour prévenir les
synéchies.
Elle est indiquée dans le traitement du ronflement simple, du
syndrome des résistances élevées des VADS et des SAOS
modérés (IAH/H < 30). Dans ce dernier cas, l’indication doit
être guidée par l’évaluation du site obstructif (aucun examen
ne permettant actuellement de le localiser formellement), et
son efficacité doit être contrôlée par une poly(somno)graphie
trois à six mois après l’intervention. En cas d’échec, les alternatives thérapeutiques sont la VPPC (prise en charge uniquement en cas de somnolence majeure et sous réserve de l’accord
de la CPAM), les prothèses (piégeur de langue ou propulsion
mandibulaire) et, exceptionnellement, une chirurgie lourde linguale ou squelettique. En revanche, il est maintenant établi que
plus le SAOS est sévère, moins cette chirurgie est efficace.
Elle n’est donc pas, a priori, indiquée quand l’IAH/H est supérieur à 30. Les patients doivent être avertis des risques postopératoires (saignements et douleurs), des risques de sténose
vélopharyngée ou d’insuffisance vélaire et, pour les chanteurs,
d’une modification de la voix. La prise en charge et la cotation
de cette intervention posent toujours problème (des négociations sont en cours).
PRISE EN CHARGE MAXILLO-FACIALE DU SAOS
(Pr F. Chabolle)
Il peut s’agir soit d’un traitement palliatif par prothèse, soit
d’une chirurgie curative : avancée maxillo-mandibulaire pour
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élargir globalement le “contenant” ou transposition génienne
pour antérioriser les insertions linguales. La chirurgie s’adresse
aux patients présentant un SAOS sévère refusant ou abandonnant un traitement par VPPC. Le bilan clinique évalue particulièrement la morphologie cervico-faciale, l’articulé dentaire, la
langue, le voile du palais. Il est complété par une téléradiographie de profil (pour analyse céphalométrique de Tweed et/ou
de Delaire) et par une IRM (ou TDM) pour rechercher une
anomalie linguale.
❒ Avancées bimaxillaires : 40 % des patients présentant un
SAOS sévère présentent des anomalies squelettiques faciales
(13). En préopératoire, un panoramique dentaire est pratiqué
ainsi qu’un bilan orthodontique (empreintes dentaires sur articulateur pour une simulation de l’avancée, bourrelets d’interposition dentaire et pose d’arcs maxillaire et mandibulaire).
L’intervention associe une ostéotomie sagittale mandibulaire
et une ostéotomie de Lefort I avec fixation par des plaques en
titane. Les patients sont surveillés 24 heures en salle de réveil.
L’hospitalisation moyenne est de huit jours. Des troubles sensitifs labio-mentonniers, le plus souvent régressifs, sont fréquemment observés. Les autres complications postopératoires
(troubles de l’articulé dentaire, pseudarthrose, ostéites) sont
exceptionnelles. Le taux de succès est de 65 à 100 % dans la
littérature (14, 15) et de 75 % dans la série du Pr Chabolle.
Pour le Pr Chabolle, ces interventions doivent être réservées
aux patients présentant des anomalies squelettiques faciales,
alors que l’équipe de Stanford les propose à tous les patients
en échec de leur stratégie étape par étape (16).
❒ Transpositions géniennes : décrites par Riley et Powell
(17), elles permettent d’avancer les apophyses geni de 10 à
20 mm (= épaisseur bicorticale de la mandibule). L’hospitalisation moyenne est de trois jours. Les complications postopératoires (problèmes dentaires, fracture) sont rares. Les patients
sont surveillés 24 heures en salle de réveil. Le taux de succès
de 75 % présenté par Riley n’est pas retrouvé dans l’expérience
du Pr Chabolle (27 %), qui a abandonné cette technique.
❒ Prothèses : leur but est d’antérioriser la mandibule ou la
langue. Les prothèses de propulsion mandibulaire sont constituées de deux gouttières fixées sur les arcades dentaires et
reliées par un aimant ou une bielle. Le piégeur de langue est
également fixé sur deux gouttières et exerce un effet de ventouse sur la langue. Ces dispositifs nécessitent un bon état dentaire, l’absence de pathologie des ATM (pour les prothèses de
propulsion) et des équipes motivées et performantes. Leur efficacité, qui doit impérativement être contrôlée par une
poly(somno)graphie, est estimée à 51 % pour des SAOS
modérés (18).
CHIRURGIE LINGUALE ET SAOS (Pr F. Chabolle)
Une modification de la morphologie et de la statique de
l’appareil hyo-lingual est fréquemment observée dans le SAOS
et peut être évaluée par la clinique (macroglossie, verticalisation du plancher buccal) et l’IRM. Des techniques associant
une réduction du volume lingual par voie endobuccale à une
pharyngotomie et/ou une épiglottectomie et/ou une linguo-
pexie ont été proposées par différents auteurs (19, 20, 21, 22).
Leurs résultats sont variables (25 à 79 % de succès). Ces techniques ne permettent qu’une résection d’une petite partie de la
langue et qu’un élargissement antéro-postérieur. Surtout, elles
peuvent entraîner des complications vasculo-nerveuses linguales sévères (plaie de l’artère linguale, paralysie du XII). Le
Pr Chabolle propose une technique de basiglossectomie par
voie cervicale permettant de diminuer le volume lingual (exérèse de la quasi-totalité de la base de langue après repérage et
déroutation des pédicules vasculo-nerveux linguaux), d’élargir
le pharynx dans le sens antéro-postérieur et dans le sens transversal, de verticaliser l’épiglotte et d’ascensionner l’os hyoïde
(23). Cette intervention est réalisée sous couvert d’une trachéotomie transitoire. Elle est indiquée chez les patients présentant un SAOS sévère en échec du traitement par VPPC, un
abaissement de l’os hyoïde et une augmentation de la surface
linguale en IRM sans anomalie squelettique faciale. Le taux de
succès actuel est de 50 % pour les patients contrôlés, mais un
facteur prédictif d’échec a été mis en évidence : une petite surface oropharyngée (témoignant d’un petit volume du contenant
osseux). Aucune complication à type de paralysie linguale,
d’hémorragie et de trouble du goût n’a été observée. Quelques
patients ont présenté des troubles peu sévères et transitoires de
la déglutition. Le Pr Chabolle propose donc une chirurgie
d’avancée bimaxillaire en cas d’anomalie squelettique
faciale et une chirurgie linguale en cas d’anomalie hyo-linguale isolée. L’efficacité de la radiofréquence transcutanée sur
la base de langue est actuellement en cours d’évaluation.
PERSPECTIVES ET AVENIR DU TRAITEMENT DU SAOS
(Pr B. Meyer)
Aucun des traitements actuels n’est idéal. La VPPC reste le
traitement de référence car elle est non invasive et peut être
adaptée à chaque cas avec une efficacité contrôlable, ainsi
qu’une tolérance et une compliance satisfaisantes. Toutefois, il
ne s’agit que d’un traitement palliatif, coûteux et contraignant.
Les prothèses sont elles aussi contraignantes, parfois mal tolérées, et leur efficacité est inconstante et imprévisible. L’amaigrissement, solution séduisante en théorie, s’est toujours avéré
être un échec à moyen terme, quelle que soit la technique
employée. La chirurgie permet une guérison du SAOS pour un
coût faible. Cependant, en raison de l’impossibilité actuelle de
déterminer le site obstructif dans la plupart des cas, son efficacité est imprévisible à court comme à long terme. La chirurgie
oropharyngée est “légère”, mais algique et inefficace dans les
SAOS sévères. La “lourdeur” de la chirurgie osseuse ou linguale peut faire hésiter. L’idéal serait un traitement définitif,
peu ou pas algique, sans contrainte externe, et dont l’efficacité
serait prévisible. Des améliorations des traitements actuels
existent ou sont en projet : Bi-PAP (décevante) et auto-CPAP
(en cours d’évaluation), prothèses de propulsion mandibulaire
mobiles à réglage progressif sous contrôle polygraphique et
prothèses de propulsion linguale palliatives ou d’essais prédictifs du résultat d’une avancée bimaxillaire ou d’une chirurgie
linguale. Pour la chirurgie, une méthode fiable de détermination du site obstructif reste à découvrir. La radiofréquence
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pourrait permettre des suites moins algiques, mais elle n’est
pas encore validée pour le SAOS. Dans le domaine de la chirurgie d’avancée bimaxillaire, la distraction mandibulaire
(ostéotomies mandibulaires non mobilisées et mise en place
d’un distracteur endobuccal permettant une avancée de un millimètre par jour, avec formation d’un cal au fur et à mesure)
permet de réaliser l’avancée nécessaire et suffisante sous
contrôle polygraphique. Dans un avenir un peu plus lointain,
on peut envisager une prévention du SAOS par le traitement
précoce des anomalies faciales de l’enfant ou son traitement
par la thérapie génique (pour l’obésité) ou par stimulation électrique des nerfs hypoglosses (stimulateur déclenché par un
détecteur d’apnée et entraînant une protraction linguale ;
l’appareil existe mais en est au début de son évaluation).
Dr I. Wagner
Hôpital Foch, Suresnes
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la Société Française d’ORL 1991 ; 8 : 33-7.
ANNONCEURS
ROUSSEL DIAMANT (Oflocet, Orelox, Rulid), p. 2, 8, 31 ;
BOUCHARA (Lectil), p. 4 ;
UCB PHARMA (Zyrtec), p. 12 ;
IPSEN (Tanakan), p. 15 ;
SCHERING-PLOUGH (Clarityne), p. 16 ;
EUROTHERMES (Station “Les Eaux-Bonnes”), p. 18 ;
SERVIER (Vastarel), p. 19 ;
HOECHST HOUDE (Solupred), p. 20 ;
GLAXO WELLCOME (Zinnat), p. 24 ;
SMITHKLINE BEECHAM (Augmentin), p. 32.
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La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 236 - octobre 1998
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