élargir globalement le “contenant” ou transposition génienne
pour antérioriser les insertions linguales. La chirurgie s’adresse
aux patients présentant un SAOS sévère refusant ou abandon-
nant un traitement par VPPC. Le bilan clinique évalue particu-
lièrement la morphologie cervico-faciale, l’articulé dentaire, la
langue, le voile du palais. Il est complété par une téléradiogra-
phie de profil (pour analyse céphalométrique de Tweed et/ou
de Delaire) et par une IRM (ou TDM) pour rechercher une
anomalie linguale.
❒Avancées bimaxillaires : 40 % des patients présentant un
SAOS sévère présentent des anomalies squelettiques faciales
(13). En préopératoire, un panoramique dentaire est pratiqué
ainsi qu’un bilan orthodontique (empreintes dentaires sur arti-
culateur pour une simulation de l’avancée, bourrelets d’inter-
position dentaire et pose d’arcs maxillaire et mandibulaire).
L’intervention associe une ostéotomie sagittale mandibulaire
et une ostéotomie de Lefort I avec fixation par des plaques en
titane. Les patients sont surveillés 24 heures en salle de réveil.
L’hospitalisation moyenne est de huit jours. Des troubles sen-
sitifs labio-mentonniers, le plus souvent régressifs, sont fré-
quemment observés. Les autres complications postopératoires
(troubles de l’articulé dentaire, pseudarthrose, ostéites) sont
exceptionnelles. Le taux de succès est de 65 à 100 % dans la
littérature (14, 15) et de 75 % dans la série du Pr Chabolle.
Pour le Pr Chabolle, ces interventions doivent être réservées
aux patients présentant des anomalies squelettiques faciales,
alors que l’équipe de Stanford les propose à tous les patients
en échec de leur stratégie étape par étape (16).
❒Transpositions géniennes : décrites par Riley et Powell
(17), elles permettent d’avancer les apophyses geni de 10 à
20 mm (= épaisseur bicorticale de la mandibule). L’hospitali-
sation moyenne est de trois jours. Les complications postopé-
ratoires (problèmes dentaires, fracture) sont rares. Les patients
sont surveillés 24 heures en salle de réveil. Le taux de succès
de 75 % présenté par Riley n’est pas retrouvé dans l’expérience
du Pr Chabolle (27 %), qui a abandonné cette technique.
❒Prothèses : leur but est d’antérioriser la mandibule ou la
langue. Les prothèses de propulsion mandibulaire sont consti-
tuées de deux gouttières fixées sur les arcades dentaires et
reliées par un aimant ou une bielle. Le piégeur de langue est
également fixé sur deux gouttières et exerce un effet de ven-
touse sur la langue. Ces dispositifs nécessitent un bon état den-
taire, l’absence de pathologie des ATM (pour les prothèses de
propulsion) et des équipes motivées et performantes. Leur effi-
cacité, qui doit impérativement être contrôlée par une
poly(somno)graphie, est estimée à 51 % pour des SAOS
modérés (18).
CHIRURGIE LINGUALE ET SAOS
(Pr F. Chabolle)
Une modification de la morphologie et de la statique de
l’appareil hyo-lingual est fréquemment observée dans le SAOS
et peut être évaluée par la clinique (macroglossie, verticalisa-
tion du plancher buccal) et l’IRM. Des techniques associant
une réduction du volume lingual par voie endobuccale à une
pharyngotomie et/ou une épiglottectomie et/ou une linguo-
pexie ont été proposées par différents auteurs (19, 20, 21, 22).
Leurs résultats sont variables (25 à 79 % de succès). Ces tech-
niques ne permettent qu’une résection d’une petite partie de la
langue et qu’un élargissement antéro-postérieur. Surtout, elles
peuvent entraîner des complications vasculo-nerveuses lin-
guales sévères (plaie de l’artère linguale, paralysie du XII). Le
Pr Chabolle propose une technique de basiglossectomie par
voie cervicale permettant de diminuer le volume lingual (exé-
rèse de la quasi-totalité de la base de langue après repérage et
déroutation des pédicules vasculo-nerveux linguaux), d’élargir
le pharynx dans le sens antéro-postérieur et dans le sens trans-
versal, de verticaliser l’épiglotte et d’ascensionner l’os hyoïde
(23). Cette intervention est réalisée sous couvert d’une tra-
chéotomie transitoire. Elle est indiquée chez les patients pré-
sentant un SAOS sévère en échec du traitement par VPPC, un
abaissement de l’os hyoïde et une augmentation de la surface
linguale en IRM sans anomalie squelettique faciale. Le taux de
succès actuel est de 50 % pour les patients contrôlés, mais un
facteur prédictif d’échec a été mis en évidence : une petite sur-
face oropharyngée (témoignant d’un petit volume du contenant
osseux). Aucune complication à type de paralysie linguale,
d’hémorragie et de trouble du goût n’a été observée. Quelques
patients ont présenté des troubles peu sévères et transitoires de
la déglutition. Le Pr Chabolle propose donc une chirurgie
d’avancée bimaxillaire en cas d’anomalie squelettique
faciale et une chirurgie linguale en cas d’anomalie hyo-lin-
guale isolée. L’efficacité de la radiofréquence transcutanée sur
la base de langue est actuellement en cours d’évaluation.
PERSPECTIVES ET AVENIR DU TRAITEMENT DU SAOS
(Pr B. Meyer)
Aucun des traitements actuels n’est idéal. La VPPC reste le
traitement de référence car elle est non invasive et peut être
adaptée à chaque cas avec une efficacité contrôlable, ainsi
qu’une tolérance et une compliance satisfaisantes. Toutefois, il
ne s’agit que d’un traitement palliatif, coûteux et contraignant.
Les prothèses sont elles aussi contraignantes, parfois mal tolé-
rées, et leur efficacité est inconstante et imprévisible. L’amai-
grissement, solution séduisante en théorie, s’est toujours avéré
être un échec à moyen terme, quelle que soit la technique
employée. La chirurgie permet une guérison du SAOS pour un
coût faible. Cependant, en raison de l’impossibilité actuelle de
déterminer le site obstructif dans la plupart des cas, son effica-
cité est imprévisible à court comme à long terme. La chirurgie
oropharyngée est “légère”, mais algique et inefficace dans les
SAOS sévères. La “lourdeur” de la chirurgie osseuse ou lin-
guale peut faire hésiter. L’idéal serait un traitement définitif,
peu ou pas algique, sans contrainte externe, et dont l’efficacité
serait prévisible. Des améliorations des traitements actuels
existent ou sont en projet : Bi-PAP (décevante) et auto-CPAP
(en cours d’évaluation), prothèses de propulsion mandibulaire
mobiles à réglage progressif sous contrôle polygraphique et
prothèses de propulsion linguale palliatives ou d’essais prédic-
tifs du résultat d’une avancée bimaxillaire ou d’une chirurgie
linguale. Pour la chirurgie, une méthode fiable de détermina-
tion du site obstructif reste à découvrir. La radiofréquence
ACTUALITÉ
9
La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 236 - octobre 1998