A C T U A L I T É Rhonchopathie chronique et syndrome d'apnée obstructive du sommeil (SAOS) Collège des Agrégés des Hôpitaux de Paris, cours du 6 juin 1998 L es modérateurs de ce cours étaient les Prs F. Chabolle et B. Meyer. Dans le cadre de la formation médicale continue, une évaluation (anonyme) initiale et finale des connaissances a été réalisée. Les aspects cliniques, diagnostiques et thérapeutiques ont été abordés. La prévalence du SAOS, estimée entre 1 et 5 % de la population, en fait un problème de santé publique important (1). La morbidité directe et indirecte, l’évolution à long terme et les conséquences liées à ce syndrome sont relativement bien établies, mais de nombreuses questions restent posées quant à la prise en charge thérapeutique (Qui faut-il traiter ? Comment et avec quels résultats ? Quel est le coût du traitement ?). COMMENT SUSPECTER CLINIQUEMENT UN SAOS ? (Pr B. Meyer) (1, 2) Cette pathologie survenant lors du sommeil, le patient n’est pas conscient des signes directs mais seulement des conséquences. L’évaluation des doléances du patient doit donc, quand cela est possible, s’associer à l’interrogatoire de son entourage. La symptomatologie est mixte, nocturne et diurne. ❒ Nocturne : le ronflement est quasi constant mais insuffisant pour affirmer le diagnostic de SAOS ; entre 40 et 60 ans, 60 % des hommes et 40 % des femmes ronflent. Des pauses respiratoires peuvent être décrites par le conjoint, mais elles doivent être appréciées en fonction de leur durée et de leur fréquence. L’agitation nocturne doit être différenciée d’un syndrome des mouvements périodiques des jambes. Une polyurie doit être recherchée. ❒ Diurne : la somnolence est le critère le plus important et suffit à justifier des investigations complémentaires ; elle doit être mesurée subjectivement par l’échelle d’Epworth (tableau I) et éventuellement quantifiée, par exemple par les tests de latence d’endormissement. Les investigations complémentaires permettent soit de la rattacher à un SAOS, soit de rechercher une autre étiologie (syndrome de résistances élevées des voies aériennes supérieures [VAS], cause neurologique...). Chez un ronfleur, sa valeur prédictive positive du diagnostic de SAOS est de 84 % chez l’homme et de 60 % chez la femme, sa valeur prédictive négative étant respectivement de 22 % et 73 %. Des manifestations telles qu’un sommeil non réparateur (malgré une durée satisfaisante), des céphalées matinales et des troubles de la libido, voire une impuissance, peuvent être associées. Tableau I. Échelle d’Epworth (3). – 8 circonstances de survenue de la somnolence – lecture, assis – télévision, assis – lieu public, inactif, assis (théâtre, réunion) – conversation, assis – assis après un repas sans alcool – repos allongé, l’après-midi – passager d’une voiture après une heure de route – voiture arrêtée depuis quelques minutes – chaque critère est coté de 0 à 3 – 0 : risque de somnolence nul – 1 : risque faible – 2 : risque moyen – 3 : risque important L’indice d’Epworth est la somme de la cotation pour les huit circonstances décrites ; il est considéré comme normal quand il est inférieur à 9. L’examen clinique doit rechercher une obésité, des troubles cardiovasculaires et des particularités morphologiques. L’obésité, définie par un index corporel (poids/taille) supérieur à 35 kg/m2, n’est pas une indication d’explorations complémentaires si elle est isolée ; en revanche, lorsqu’un SAOS existe, sa sévérité est corrélée à l’importance du surpoids. Les troubles cardiovasculaires sont inconstants et disparaissent après traitement du SAOS. Il s’agit de troubles du rythme (brady/tachy-arythmie, extra-systoles ventriculaires plus rarement), d’HTA mais aussi d’angor nocturne, de sous-décalage du segment ST, d’infarctus du myocarde (IDM) ou de mort subite en fin de nuit. Le risque relatif d’angor ou d’IDM en cas de SAOS est de 5 à 8. Enfin, la morphologie cervico-faciale des patients est souvent évocatrice : cou large et court, rétromaxillie et/ou rétrognatie, oropharynx étroit, macroglossie ; une obstruction nasale et une étiologie spécifique du SAOS (acromégalie, hypothyroïdie, tumeur, anomalie du rachis cervical...) doivent être recherchées. Le manque de fiabilité des critères cliniques doit faire pratiquer, au moindre doute, une exploration complémentaire par polygraphie ventilatoire ou polysomnographie (PSG). LES ENREGISTREMENTS NOCTURNES (Dr B. Fleury) La PSG est réalisée sous la surveillance continue d’un médecin ou d’un technicien. Elle évalue le sommeil (électro-encéphalo- La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 236 - octobre 1998 5 A C T U A L I T É gramme, électromyogramme et électro-oculogramme), la respiration, c’est-à-dire les débits aériens naso-buccaux (par pneumotacographe, thermistances, enregistrement du son ou du CO2 expiré), la saturation sanguine en oxygène (SaO 2), les efforts inspiratoires (sangles thoraco-abdominales ou capteur de pression œsophagienne), la pression sanguine, l’électrocardiogramme, la position du corps et l’électromyogramme du muscle jambier antérieur. C’est donc un examen lourd, complexe, onéreux, de réalisation et d’interprétation longues. Elle n’est pas toujours nécessaire et doit être remplacée en première intention par une polygraphie ventilatoire, plus rapide, plus facile à réaliser en ambulatoire et donc moins onéreuse. La polygraphie ventilatoire mesure les ronflements, les débits aériens, les efforts inspiratoires, la SaO2 et l’électrocardiogramme. Elle permet donc de chiffrer les apnées et les hypopnées (définissant l’index d’apnées/hypopnées horaires = IAH/H) et de mesurer leur retentissement sur la SaO2, le fait que le patient a réellement dormi pendant l’enregistrement étant garanti par la présence de ronflements. Le Dr Fleury propose donc un arbre décisionnel diagnostique basé sur les résultats de la polygraphie ventilatoire (figure 1). Polygraphie ventilatoire IAH/H ≤ 10 Epworth < 9 IAH/H ≤ 10 Epworth > 9 10 < IAH/H < 30 IAH/H ≥ 30 Normal ? (1) PSG SAOS à traiter (ANDEM 1992) IAH/H < 30 IAH/H ≥ 30 ? (2) Figure 1. Arbre décisionnel diagnostique basé sur les résultats de la polygraphie ventilatoire. (1) Il peut s’agir soit d’un syndrome de résistances élevées des VAS (authentifié par la PSG : chutes des débits aériens et micro-éveils concomitants aux pics de pression œsophagienne), soit d’une pathologie mixte associant une rhonchopathie simple et une autre cause de somnolence (maladie des mouvements périodiques, maladie de Gélineau...). (2) Si l’indice d’Epworth est compris entre 9 et 15 et si les micro-éveils sont liés aux événements respiratoires, il s’agit d’un SAOS modéré. Si l’indice d’Epworth est supérieur à 15 et les micro-éveils indépendants des événements respiratoires, il s’agit d’une pathologie mixte (SAOS et maladie du sommeil). Le dépistage du SAOS par l’enregistrement nocturne de la SaO 2 seule n’a plus d’indication. En cas de suspicion de SAOS, la prise en charge du patient doit être coordonnée et pluridisciplinaire. La prise en charge diagnostique de première intention repose sur la polygraphie ventilatoire, la PSG étant indiquée en cas de difficulté diagnostique, pour certains cas particuliers et, bien sûr, avant tout traitement par la ventilation nocturne en pression positive (VNPP) (obligation médicolégale) ou par chirurgie lourde, en attendant le développement des PSG ambulatoires ou télésurveillées. 6 LES TRAITEMENTS DU RONFLEMENT SIMPLE : ACTUALITÉS ET AVENIR (Pr S. Bobin) Il ne s’agit pas d’une maladie, mais d’une gêne sociale. Le patient doit donc impérativement être informé des différentes possibilités thérapeutiques, de leurs conséquences et des résultats attendus. Les mesures adjuvantes (arrêt de l’alcool, du tabac et des sédatifs, réduction du surpoids [4], amélioration médicale de la ventilation nasale [5]) sont utiles mais exceptionnellement suffisantes. Le traitement repose sur la pharyngotomie chirurgicale ou laser et sur la chirurgie de reperméabilisation nasale. La pharyngotomie chirurgicale (6, 7, 8) (avec ou sans section du muscle pharyngostaphylin), réalisée sous anesthésie générale, permet de raccourcir le voile et d’élargir l’oropharynx ; elle a un taux de succès de 80 à 90 %, mais les résultats se dégradent avec le temps (50 % de succès à cinq ans). La pharyngotomie laser (7, 9), réalisée sous anesthésie locale en ambulatoire, a pour but de rigidifier le vibrateur ; ses résultats précoces sont identiques à ceux de la pharyngotomie chirurgicale. Le traitement idéal serait simple, efficace, ambulatoire, indolore, économique, stable dans le temps, sans effets secondaires ni complications. Un nouveau traitement, actuellement en cours d’évaluation, semble répondre à certains de ces critères : il s’agit de la radiofréquence. Déjà utilisée en cardiologie et en urologie, elle permet de diffuser, par implantation d’une électrode dans le voile, un courant continu (puissance et voltage faibles) qui va provoquer une hyperthermie (40 à 90°) près de l’électrode (pas de risque de diffusion) induisant une destruction tissulaire et donc une réduction de volume. Les muqueuses n’étant pas atteintes, il n’y a pas, ou très peu, de phénomènes douloureux. Ce traitement est réalisé sous anesthésie locale et en ambulatoire. Il a été comparé à la pharyngotomie chirurgicale et à la pharyngotomie laser par l’équipe de Stanford dans une étude prospective non randomisée (40 patients ronfleurs simples et non obèses) évaluant le taux de succès (subjectif) et les effets secondaires. Le taux de succès est de 86 % en 3,6 séances en moyenne. Quelques ulcérations muqueuses ont été observées, mais les douleurs ont été exceptionnelles (10). Ces résultats doivent être confirmés et des évaluations sont actuellement en cours en France. Les résultats à long terme seront bien sûr à évaluer plus tard. La limite actuelle de cette technique est son coût : 200 000 F environ pour le générateur et 2 000 F pour l’électrode non réutilisable. LA RHONCHOPATHIE CHRONIQUE DE L’ENFANT (Pr Y. Manac’h) Chez l’enfant, seul le problème des apnées se pose. Les signes associés au bruit respiratoire nocturne devant faire suspecter des apnées sont la fatigue, les troubles de croissance staturopondérale, la reprise d’une énurésie, l’existence d’une déformation basi-thoracique. L’interrogatoire des parents, utilisant des termes simples et compréhensibles, recherche des apnées (“blockpnée”), un tirage (“creuse”), une agitation et/ou des sueurs nocturnes. L’examen clinique recherche un obstacle La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 236 - octobre 1998 patent. Le diagnostic est certain dans 80 % des cas grâce à cette analyse clinique. Dans les autres cas, on réalisera au moindre doute un dépistage par enregistrement nocturne de la SaO2 associé à une feuille de surveillance clinique remplie par l’infirmière ou à une poly(somno)graphie ventilatoire. Dans le cas particulier des enfants (syndromes polymalformatifs, maladies de surcharge) présentant une rhonchopathie associée à une gêne respiratoire diurne chez qui l’on envisage une trachéotomie, une gazométrie est pratiquée à la recherche d’une hypoxie et d’une hypercapnie. Les étiologies sont variables selon l’âge de l’enfant. Chez le nouveau-né et le nourrisson, il s’agit d’une dysfonction du carrefour avec, à l’examen, une verticalisation de la langue associée ou non à une macroglossie (relative), une micromandibulie, un stridor, des difficultés à la prise de l’alimentation. Le bilan est réalisé par endoscopie sous anesthésie générale et en ventilation spontanée pour objectiver le siège de l’obstacle et rechercher des facteurs favorisants (obstruction nasale). Le traitement est adapté à l’obstacle et à la sévérité de son retentissement. Chez l’enfant, il s’agit le plus souvent d’un obstacle amygdalien ou lingual, majoré par un obstacle nasal ou rhinopharyngé. L’amygdalectomie peut être réalisée à n’importe quel âge si l’indication est bonne. En principe, en raison du risque de survenue d’apnées centrales dans les heures postopératoires, l’intervention doit être pratiquée en hospitalisation de 24 heures ou, au moins, sous surveillance rapprochée. LA VENTILATION À PRESSION POSITIVE CONTINUE (VPPC) : INTÉRÊT ET LIMITES (Dr B. Fleury) C’est le traitement de référence, car il est systématiquement efficace (normalisation de tous les paramètres polysomnographiques) ; ses seules contre-indications sont l’hyperlaxité de l’épiglotte (11) et l’existence d’une brèche méningée (risque de pneumencéphale) (12). Il n’induit pas de complications sévères mais seulement des inconvénients, dont le plus fréquent est rhinologique (obstruction, sécheresse nasale, épistaxis modérées). Ses indications (prises en charge par la Sécurité sociale) ont été définies par l’ANDEM en 1992 : SAOS avec IAH/H supérieur à 30. Médicalement, il est indiqué pour les SAOS moins sévères et pour les syndromes de résistances élevées des VAS s’ils sont responsables d’une somnolence diurne (risque de refus de la prise en charge). La compliance est bonne (75 % à 60 mois, étude du Dr Fleury à l’hôpital Saint-Antoine), probablement en raison des améliorations techniques (machines plus petites et silencieuses, humidificateurs). Les abandons de traitement se produisent essentiellement dans les premiers mois, puis après deux ans. Les facteurs prédictifs d’abandon sont un indice d’Epworth inférieur à 15, le sexe féminin, une pression efficace supérieure à 12, un index corporel supérieur à 30 et un IAH/H inférieur à 33. Le traitement est mis en route pendant une PSG afin de définir la pression efficace (c’est-à-dire celle pour laquelle les apnées et les hypopnées disparaissent). Actuellement, une VPP autopilotée (déclenchée uniquement en cas d’apnée débutante) est en cours d’évaluation. PROBLÈMES RHINO-SINUSIENS ET RHONCHOPATHIE CHRONIQUE (Pr G. Lamas) L’obstruction nasale ne peut à elle seule être responsable d’un ronflement et, a fortiori, d’un SAOS ; sa correction n’est donc pas curative. En revanche, une obstruction nasale doit être recherchée chez ces patients, car son traitement va permettre d’améliorer le confort du malade et la tolérance de la VPPC. Elle est évaluée cliniquement (endoscopie des fosses nasales) et objectivée par la rhinomanométrie antérieure (éventuellement potentialisée par un test aux vasoconstricteurs). Son traitement est médical (les vasoconstricteurs au long cours sont bien sûr à proscrire), prothétique (dilatateur narinaire, dont l’efficacité reste à démontrer) et surtout chirurgical (septoplastie, turbinectomie inférieure). La chirurgie nasale peut et doit, si elle est nécessaire, être associée à une pharyngotomie. CHIRURGIE VÉLO-AMYGDALIENNE ET SAOS (Pr B. Meyer) Cette intervention doit être réalisée sous anesthésie générale (attention aux difficultés d’intubation fréquentes chez ces patients et à la nécessité d’une surveillance en salle de réveil pour les SAOS sévères) pour permettre un geste complet. Elle associe une résection vélaire la plus large possible (définie par le point de contact entre le voile et la paroi pharyngée postérieure), une amygdalectomie (ou résection de la muqueuse de la loge), une section des muscles pharyngo-staphylins, une encoche muqueuse à la jonction voile-pilier antérieur. La suture muqueuse se fait bord à bord pour le voile et par des points en U latéraux. La muqueuse postérieure du voile et du pilier postérieur doit impérativement être respectée pour prévenir les synéchies. Elle est indiquée dans le traitement du ronflement simple, du syndrome des résistances élevées des VADS et des SAOS modérés (IAH/H < 30). Dans ce dernier cas, l’indication doit être guidée par l’évaluation du site obstructif (aucun examen ne permettant actuellement de le localiser formellement), et son efficacité doit être contrôlée par une poly(somno)graphie trois à six mois après l’intervention. En cas d’échec, les alternatives thérapeutiques sont la VPPC (prise en charge uniquement en cas de somnolence majeure et sous réserve de l’accord de la CPAM), les prothèses (piégeur de langue ou propulsion mandibulaire) et, exceptionnellement, une chirurgie lourde linguale ou squelettique. En revanche, il est maintenant établi que plus le SAOS est sévère, moins cette chirurgie est efficace. Elle n’est donc pas, a priori, indiquée quand l’IAH/H est supérieur à 30. Les patients doivent être avertis des risques postopératoires (saignements et douleurs), des risques de sténose vélopharyngée ou d’insuffisance vélaire et, pour les chanteurs, d’une modification de la voix. La prise en charge et la cotation de cette intervention posent toujours problème (des négociations sont en cours). PRISE EN CHARGE MAXILLO-FACIALE DU SAOS (Pr F. Chabolle) Il peut s’agir soit d’un traitement palliatif par prothèse, soit d’une chirurgie curative : avancée maxillo-mandibulaire pour La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 236 - octobre 1998 7 A C T U A L I T É élargir globalement le “contenant” ou transposition génienne pour antérioriser les insertions linguales. La chirurgie s’adresse aux patients présentant un SAOS sévère refusant ou abandonnant un traitement par VPPC. Le bilan clinique évalue particulièrement la morphologie cervico-faciale, l’articulé dentaire, la langue, le voile du palais. Il est complété par une téléradiographie de profil (pour analyse céphalométrique de Tweed et/ou de Delaire) et par une IRM (ou TDM) pour rechercher une anomalie linguale. ❒ Avancées bimaxillaires : 40 % des patients présentant un SAOS sévère présentent des anomalies squelettiques faciales (13). En préopératoire, un panoramique dentaire est pratiqué ainsi qu’un bilan orthodontique (empreintes dentaires sur articulateur pour une simulation de l’avancée, bourrelets d’interposition dentaire et pose d’arcs maxillaire et mandibulaire). L’intervention associe une ostéotomie sagittale mandibulaire et une ostéotomie de Lefort I avec fixation par des plaques en titane. Les patients sont surveillés 24 heures en salle de réveil. L’hospitalisation moyenne est de huit jours. Des troubles sensitifs labio-mentonniers, le plus souvent régressifs, sont fréquemment observés. Les autres complications postopératoires (troubles de l’articulé dentaire, pseudarthrose, ostéites) sont exceptionnelles. Le taux de succès est de 65 à 100 % dans la littérature (14, 15) et de 75 % dans la série du Pr Chabolle. Pour le Pr Chabolle, ces interventions doivent être réservées aux patients présentant des anomalies squelettiques faciales, alors que l’équipe de Stanford les propose à tous les patients en échec de leur stratégie étape par étape (16). ❒ Transpositions géniennes : décrites par Riley et Powell (17), elles permettent d’avancer les apophyses geni de 10 à 20 mm (= épaisseur bicorticale de la mandibule). L’hospitalisation moyenne est de trois jours. Les complications postopératoires (problèmes dentaires, fracture) sont rares. Les patients sont surveillés 24 heures en salle de réveil. Le taux de succès de 75 % présenté par Riley n’est pas retrouvé dans l’expérience du Pr Chabolle (27 %), qui a abandonné cette technique. ❒ Prothèses : leur but est d’antérioriser la mandibule ou la langue. Les prothèses de propulsion mandibulaire sont constituées de deux gouttières fixées sur les arcades dentaires et reliées par un aimant ou une bielle. Le piégeur de langue est également fixé sur deux gouttières et exerce un effet de ventouse sur la langue. Ces dispositifs nécessitent un bon état dentaire, l’absence de pathologie des ATM (pour les prothèses de propulsion) et des équipes motivées et performantes. Leur efficacité, qui doit impérativement être contrôlée par une poly(somno)graphie, est estimée à 51 % pour des SAOS modérés (18). CHIRURGIE LINGUALE ET SAOS (Pr F. Chabolle) Une modification de la morphologie et de la statique de l’appareil hyo-lingual est fréquemment observée dans le SAOS et peut être évaluée par la clinique (macroglossie, verticalisation du plancher buccal) et l’IRM. Des techniques associant une réduction du volume lingual par voie endobuccale à une pharyngotomie et/ou une épiglottectomie et/ou une linguo- pexie ont été proposées par différents auteurs (19, 20, 21, 22). Leurs résultats sont variables (25 à 79 % de succès). Ces techniques ne permettent qu’une résection d’une petite partie de la langue et qu’un élargissement antéro-postérieur. Surtout, elles peuvent entraîner des complications vasculo-nerveuses linguales sévères (plaie de l’artère linguale, paralysie du XII). Le Pr Chabolle propose une technique de basiglossectomie par voie cervicale permettant de diminuer le volume lingual (exérèse de la quasi-totalité de la base de langue après repérage et déroutation des pédicules vasculo-nerveux linguaux), d’élargir le pharynx dans le sens antéro-postérieur et dans le sens transversal, de verticaliser l’épiglotte et d’ascensionner l’os hyoïde (23). Cette intervention est réalisée sous couvert d’une trachéotomie transitoire. Elle est indiquée chez les patients présentant un SAOS sévère en échec du traitement par VPPC, un abaissement de l’os hyoïde et une augmentation de la surface linguale en IRM sans anomalie squelettique faciale. Le taux de succès actuel est de 50 % pour les patients contrôlés, mais un facteur prédictif d’échec a été mis en évidence : une petite surface oropharyngée (témoignant d’un petit volume du contenant osseux). Aucune complication à type de paralysie linguale, d’hémorragie et de trouble du goût n’a été observée. Quelques patients ont présenté des troubles peu sévères et transitoires de la déglutition. Le Pr Chabolle propose donc une chirurgie d’avancée bimaxillaire en cas d’anomalie squelettique faciale et une chirurgie linguale en cas d’anomalie hyo-linguale isolée. L’efficacité de la radiofréquence transcutanée sur la base de langue est actuellement en cours d’évaluation. PERSPECTIVES ET AVENIR DU TRAITEMENT DU SAOS (Pr B. Meyer) Aucun des traitements actuels n’est idéal. La VPPC reste le traitement de référence car elle est non invasive et peut être adaptée à chaque cas avec une efficacité contrôlable, ainsi qu’une tolérance et une compliance satisfaisantes. Toutefois, il ne s’agit que d’un traitement palliatif, coûteux et contraignant. Les prothèses sont elles aussi contraignantes, parfois mal tolérées, et leur efficacité est inconstante et imprévisible. L’amaigrissement, solution séduisante en théorie, s’est toujours avéré être un échec à moyen terme, quelle que soit la technique employée. La chirurgie permet une guérison du SAOS pour un coût faible. Cependant, en raison de l’impossibilité actuelle de déterminer le site obstructif dans la plupart des cas, son efficacité est imprévisible à court comme à long terme. La chirurgie oropharyngée est “légère”, mais algique et inefficace dans les SAOS sévères. La “lourdeur” de la chirurgie osseuse ou linguale peut faire hésiter. L’idéal serait un traitement définitif, peu ou pas algique, sans contrainte externe, et dont l’efficacité serait prévisible. Des améliorations des traitements actuels existent ou sont en projet : Bi-PAP (décevante) et auto-CPAP (en cours d’évaluation), prothèses de propulsion mandibulaire mobiles à réglage progressif sous contrôle polygraphique et prothèses de propulsion linguale palliatives ou d’essais prédictifs du résultat d’une avancée bimaxillaire ou d’une chirurgie linguale. Pour la chirurgie, une méthode fiable de détermination du site obstructif reste à découvrir. La radiofréquence La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 236 - octobre 1998 9 A C T U A L I T É pourrait permettre des suites moins algiques, mais elle n’est pas encore validée pour le SAOS. Dans le domaine de la chirurgie d’avancée bimaxillaire, la distraction mandibulaire (ostéotomies mandibulaires non mobilisées et mise en place d’un distracteur endobuccal permettant une avancée de un millimètre par jour, avec formation d’un cal au fur et à mesure) permet de réaliser l’avancée nécessaire et suffisante sous contrôle polygraphique. Dans un avenir un peu plus lointain, on peut envisager une prévention du SAOS par le traitement précoce des anomalies faciales de l’enfant ou son traitement par la thérapie génique (pour l’obésité) ou par stimulation électrique des nerfs hypoglosses (stimulateur déclenché par un détecteur d’apnée et entraînant une protraction linguale ; l’appareil existe mais en est au début de son évaluation). Dr I. Wagner Hôpital Foch, Suresnes R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Rapport de la Société Française d’ORL et de Chirurgie Cervico-Faciale. Rhonchopathie chronique et SAS. 1993. Arnette. 2. Chesson A.L. et coll. 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