e cancer du sein métastatique est une maladie incu-
rable. Deux traitements sont possibles : l’hormono-
thérapie et la chimiothérapie. Peu d’essais thérapeu-
tiques ont été responsables, dans cette situation, d’une
amélioration de la survie. Il semble donc qu’une des missions
essentielles de l’oncologue devrait être la préservation de la
qualité de vie. L’hormonothérapie est une thérapeutique qui
remplit pleinement cette mission.
L’hormonothérapie a commencé, il y a un peu plus de 100 ans,
quand George Thomas Beatson (1) a réalisé une castration
chez cinq femmes non ménopausées qui souffraient d’un can-
cer du sein inopérable et a obtenu une rémission clinique chez
trois d’entre elles. Depuis cette période, quatre classes théra-
peutiques ont été développées dans ce domaine : les agents
bloquant la fonction ovarienne, les anti-estrogènes, les inhibi-
teurs de l’aromatase et les progestatifs. Les nouvelles direc-
tions de l’hormonothérapie proviennent de la découverte de
nouveaux produits, de l’amélioration des critères de choix et,
enfin, de l’adoption de nouvelles stratégies.
LES NOUVEAUX PRODUITS
Le blocage de la fonction ovarienne
La découverte des analogues de la LH-RH a donné une alter-
native à la castration chirurgicale ou radiothérapique. Cette
thérapeutique est spécifique des patientes non ménopausées.
Son administration annule la pulsatilité de la sécrétion hypo-
thalamique de la LH-RH naturelle et aboutit à la freination des
sécrétions des gonadotrophines. La conséquence en sera une
diminution très importante de la sécrétion des estrogènes par
les ovaires, suivie d’une baisse de leur taux circulant, qui
atteint un niveau identique à celui d’une castration chirurgi-
cale. La caractéristique principale de cette médication vient du
fait que ses effets sont réversibles. Une étude européenne (2) a
précisé l’efficacité de cette thérapeutique prescrite seule : le
taux global de rémission objective (RO) a été de 36,4 %. Ce
taux est plus important pour les tumeurs bien différenciées
(50 %), ou qui ont un taux positif de récepteurs d’estrogène
(44 %), ou quand la rechute survient après un intervalle libre
de 24 à 48 mois (48 %). Ce taux ne varie pas avec l’âge de la
patiente préménopausée. Deux malades sur trois constatent
une amélioration des symptômes. Le temps médian nécessaire
pour obtenir une rémission a été de 3 mois et la durée médiane
de la rémission est de 11 mois. Les RO ont été moins fré-
quentes pour les localisations métastatiques viscérales : pou-
mons (28 %) et foie (24 %). La tolérance a été bonne, les
plaintes les plus fréquentes étant liées au mécanisme d’action
de ce genre d’hormonothérapie : bouffées de chaleur (76 %),
baisse de la libido (48 %), sécheresse vaginale et dyspareunie.
Les études comparatives avec la castration chirurgicale ont
montré une égalité d’efficacité (3).
Les anti-estrogènes
Il en existe deux sortes : les anti-estrogènes mixtes, non stéroï-
diens, qui ont un double effet antagoniste et agoniste, et les
anti-estrogènes purs, stéroïdiens, qui n’ont pas d’effet ago-
niste. L’effet agoniste ou antagoniste varie suivant le produit et
l’organe considérés. Cette variabilité a été à l’origine d’une
nouvelle appellation : Selective Estrogen Receptor Modulator,
ou SERM.
Les anti-estrogènes mixtes : à côté du tamoxifène, il en existe
deux récemment commercialisés (le torémifène et le raloxi-
fène) et un qui ne l’a pas été (le droloxifène).
–Le torémifène (4) est rapidement absorbé. Sa demi-vie biolo-
gique (3 jours) est plus courte que celle du tamoxifène (9 jours).
Il semblerait provoquer moins de cancers de l’endomètre.
Le raloxifène (5) a d’abord démontré qu’il pouvait augmen-
ter la densité osseuse et réduire le taux d’incidence des frac-
tures vertébrales. Il a une action oncostatique faible. Il n’a pas
d’action agoniste sur l’utérus et ne va donc pas stimuler
l’apparition de cancers de l’endomètre.
Ces deux anti-estrogènes ne sont pas plus efficaces que le
tamoxifène et ne provoquent pas de rémission chez les
patientes qui ont échappé au tamoxifène. Ils ne sont pratique-
ment pas utilisés dans le cadre des cancers du sein métasta-
tiques.
Les anti-estrogènes purs : le fulvestrant (Faslodex®) est un
anti-estrogène pur, stéroïdien, qui n’a qu’une activité antago-
niste. Il est utilisé par voie i.m., à la dose de 250 mg/mois.
Dans une étude de phase II, il a été responsable de 7 RP
(37 %) et de 6 stabilisations sur 19 patientes résistantes au
tamoxifène (6).
143
La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 4 - juillet-août 2002
MISE AU POINT
Nouvelles directions de l’hormonothérapie des cancers
du sein métastatiques
M. Namer*
* Centre Antoine-Lacassagne, Nice.
L
MISE AU POINT
Les anti-aromatases
Chez la femme ménopausée, les estrogènes circulants provien-
nent de l’aromatisation des androgènes au niveau de l’enzyme
aromatase, qui est située dans le tissu de soutien, le tissu adi-
peux, les muscles, le foie et le cerveau. Empêcher l’action de
l’aromatase aboutit à une diminution des estrogènes circulants.
Il existe deux groupes d’anti-aromatases.
Les anti-aromatases de type I, stéroïdiens, qui se lient d’une
façon irréversible au site catalytique de l’enzyme qu’ils détrui-
sent, l’obligeant à se reconstituer de novo. Ils sont appelés
inhibiteurs “suicide” ou inactivateurs de l’aromatase.
Les anti-aromatases de type II, non stéroïdiens, qui se lient
de façon réversible à la fonction flavoprotéine du complexe
enzymatique. Ils sont appelés inhibiteurs de l’aromatase.
Étant donné la chronologie de leur apparition, nous commen-
cerons par le type II.
Les anti-aromatases de type II
C’est dans ce groupe que se trouve le produit le plus ancien,
l’aminoglutéthimide (AG). L’AG n’est pas spécifique. Il agit à
deux niveaux : au niveau des surrénales, où il bloque la chaîne
de production des stéroïdes, et au niveau des tissus, où il
inhibe l’aromatisation. Cette particularité pharmacologique a
obligé les patientes à associer un corticoïde à leur prise d’AG.
Dans ce groupe, deux nouveaux produits plus sélectifs, n’agis-
sant que sur l’aromatase et sans action sur l’axe hypophyso-
surrénalien, ont été expérimentés.
Le létrozole : il est administré par voie orale. Le taux de RO
se situe entre 33 % et 48 %. Sa posologie optimale est de
2,5 mg/jour (7).
L’anastrozole : il est administré par voie orale. Sa posologie
optimale est de 1 mg/jour (8).
Les anti-aromatases de type I
Ils sont représentés par deux produits.
Le formestane (9) : c’est un inactivateur de l’aromatase sté-
roïdien qui utilise la voie i.m. Sa posologie optimale est de 250 mg
i.m. toutes les 2 semaines.
L’exémestane (10) : c’est un inactivateur de l’aromatase sté-
roïdien qui est administré par voie orale. Son action inhibitrice
est plus puissante que celle du formestane. La tolérance est
bonne. Sa posologie optimale est de 25 mg/jour. Des signes
d’androgénicité ont été décrits pour des doses supérieures à
100 mg/jour.
Les progestatifs
Il n’y a pas de nouveaux produits dans cette catégorie.
LES PARAMÈTRES D’HORMONOSENSIBILITÉ
Quand une métastase sera diagnostiquée, la première tâche de
l’oncologue sera de choisir, en première ligne, le traitement
qui lui semble le plus efficace, c’est-à-dire soit une chimiothé-
rapie, soit une hormonothérapie. Ce choix sera fondé sur la
présence de paramètres d’hormonosensibilité.
Avant d’aborder ce chapitre, il est intéressant de rappeler
quelques définitions : si une rémission est obtenue avec cette
première ligne, elle va durer un temps défini, puis la maladie
va progresser à nouveau. Nous sommes devant une résistance
secondaire. Un autre traitement sera proposé par la suite, qui
sera intitulé “deuxième ligne”. S’il n’a pas été obtenu de
rémission lors de la première ligne thérapeutique, la résistance
sera nommée “primaire”, et ce critère va influencer le choix de
la seconde ligne.
Paramètres classiques d’hormonosensibilité
Ils sont liés : à la tumeur, comme la positivité des récepteurs
hormonaux (RH), le grade histologique ou les paramètres éva-
luant la prolifération ; à la métastase, comme la durée de
l’intervalle libre ou le site métastatique ; à la patiente, comme
son âge ou son état général.
Paramètres plus récents
Ils sont liés à l’expression du récepteur du facteur de croissance
à activité tyrosine kinase, HER2. L’hyperexpression d’HER2
est le signe d’une croissance rapide de la tumeur, alors que
l’hormonothérapie est dédiée surtout aux tumeurs à croissance
lente. Depuis quelque temps, des preuves semblent s’accumuler
pour suggérer que ce paramètre pourrait être le signe d’une hor-
monorésistance. Ce récepteur étant transmembranaire, la partie
intracellulaire sera recherchée en pratique par une technique
immunohistochimique (IHC) et vérifiée par une technique
d’hybridation par fluorescence in situ (FISH). La partie extra-
membranaire, nommée erb B2-ECD (extra cellular domain),
sera dosée dans le sérum par une technique ELISA.
Cancer du sein métastatique et HER2 tumoral
Les résultats sont disparates. Certains essais, qui ont analysé
de façon rétrospective le taux de RO obtenu par le tamoxifène
suivant l’état de l’expression du HER2 tumoral, ont trouvé une
chute importante de ce taux pour les patientes dont la tumeur
surexprime HER2, tandis que d’autres ne la trouvent pas. La
méta-analyse de tous ces essais (11) confirme l’influence
négative de ce marqueur (tableau I).
Cancer du sein métastatique et c-erb B2 ECD circulant
Depuis 1992, certains rapports montrent qu’un taux élevé de
c-erb B2 circulant individualise des patientes qui vont avoir
une réponse médiocre à l’hormonothérapie de seconde ligne.
144
La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 4 - juillet-août 2002
Tableau I. Relation entre état HER2 et taux de RO dans le cancer du
sein métastatique.
Auteur Technique Nombre HER2- : RO (%) HER2+ : RO (%)
Whright IHC 72 37 7
Berns PCR 359 56 17
Archer IHC 92 80 19
Newby IHC 155 56 0
Elledge IHC 205 57 54
Total 883 57 % 12 %
IHC : immunohistochimie. PCR : polymerase chain reaction.
HER2- : non surexprimé. HER2+ : surexprimé.
A. Lipton (12) a dosé le c-erb B2 circulant dans le sérum de
719 patientes ayant participé aux essais thérapeutiques de
seconde ligne comparant l’acétate de mégestrol au fadrozole
ou au létrozole. Le taux de 15 ng/ml a été jugé comme une
limite entre un taux normal et un taux élevé. Cinq cents
patientes avaient un taux inférieur et 219 un taux supérieur.
Ces dernières patientes avaient plus de métastases viscérales. Il
n’y avait pas de différence significative pour la durée de
l’intervalle libre, l’état des RH et l’état général entre ces deux
groupes. L’hormonothérapie a été nettement plus efficace pour
le groupe avec un niveau bas de HER2 circulant, comme le
démontrent les taux de RO (20 % versus 7 %), les durées
médianes avant progression (DMAP) (180 versus 90 jours :
p<0,0001), les durées médianes avant échec (175 versus
93 jours : p < 0,0001), les durées médianes de rémission
(DMR) (17,4 versus 11,7 mois : p < 0,0001) et les durées
médianes de survie (DMS) (29,6 versus 17,2 mois : p < 0,0001).
LES NOUVELLES STRATÉGIES
La première ligne d’hormonothérapie
Elle est différente suivant l’état ménopausique de la patiente.
La patiente n’est pas ménopausée
Trois hormonothérapies sont à votre disposition : la castration
chirurgicale ou radiothérapique, les analogues de la LH-RH ou
le tamoxifène. Des études comparatives ont montré qu’elles
avaient une efficacité identique. Il était intéressant de savoir si
la combinaison de deux traitements comme la castration et le
tamoxifène serait plus efficace qu’un des traitements seul.
Quatre essais randomisés (13-16) et leur méta-analyse
(tableau II)
ont montré que l’association des deux produits est
supérieure à une monothérapie pour le taux de RO, la DMAP
et la DMS.
En conclusion de ce chapitre, on peut affirmer que l’hormono-
thérapie standard des patientes non ménopausées ayant un can-
cer du sein métastatique est l’association d’une castration
médicale ou chirurgicale et de tamoxifène.
La patiente est ménopausée
Depuis sa découverte au début des années 70, le tamoxifène a
été comparé dans de multiples essais aux autres anti-estro-
gènes comme le torémifène ou le droloxifène, aux progestatifs
comme l’acétate de médroxyprogestérone ou l’acétate de
mégestrol ou à l’inhibiteur de l’aromatase de première généra-
tion comme l’aminoglutéthimide, afin d’évaluer leur efficacité
et leur tolérance respectives. Le tamoxifène a été jugé à chaque
fois aussi efficace et très souvent mieux toléré. Le tamoxifène
était donc, au début des années 90, l’hormonothérapie de réfé-
rence de la patiente ménopausée ayant un cancer du sein méta-
statique.
L’avènement des anti-aromatases de dernière génération a fait
surgir une situation différente.
Comparaison avec l’anastrozole
Trois essais, réalisés aux États-Unis (17), en Europe (18) et en
Espagne (19), ont comparé 1 mg d’anastrozole et 20 mg de
tamoxifène chez des malades métastatiques, ménopausées, non
prétraitées (tableau III). Pour les deux premiers essais, les
patientes pouvaient avoir un taux de RH inconnu et avoir reçu
du tamoxifène en adjuvant. L’essai espagnol ne s’est adressé
qu’à des femmes qui n’avaient pas reçu d’hormonothérapie
adjuvante. La tumeur avait toujours un taux positif de RH. Le
dosage du tamoxifène était de 40 mg. Les caractéristiques des
patientes randomisées ont été, de ce fait, différentes dans les
trois essais : le taux de patientes RH positifs était de 89 % pour
l’étude américaine, de 45 % pour l’étude européenne et de 100 %
pour l’étude espagnole. Le gain en DMAP procuré par l’anas-
trozole s’est révélé être en rapport avec le pourcentage des
patientes ayant un taux positif de RH, allant de 0 pour l’étude
européenne à 7 mois pour l’étude espagnole. Si l’on réunit les
patientes (20) des deux premiers essais qui avaient des RH
positifs (60 % de la population globale, soit 611 patientes), on
retrouve le même bénéfice de la DMAP en faveur de l’anastro-
zole (10,7 versus 6,4 mois, p = 0,022).
Comparaison avec le létrozole
Une étude randomisée en double aveugle a comparé le létro-
zole et le tamoxifène en première ligne métastatique chez
907 patientes, dont 67 % étaient RH positifs. Cette étude avait
prévu qu’après cette première partie (core phase), au moment
de l’échappement thérapeutique, une seconde partie de l’essai
(extension phase) consisterait à donner aux patientes sous
tamoxifène du létrozole et à celles qui étaient sous létrozole du
tamoxifène. Seule la moitié des patientes a pu bénéficier de ce
cross-over. Les résultats de la première partie (21) ont montré
que le létrozole améliore la DMAP de 57 %, passant de 6 mois
pour le tamoxifène à 9,4 mois pour le létrozole, et le taux de
RO de 50 %, passant de 21 % à 32 %. Le risque de progression
145
La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 4 - juillet-août 2002
Tableau III. Anastrozole versus tamoxifène en première ligne.
ET américain ET européen ET américain + ET espagnol
(J.M. Nabholtz) (J. Bonneterre) européen, RH+ (A. Milla-
Santos)
Tam Ana Tam Ana Tam Ana Tam Ana
Nbre 182 171 328 340 306 305 117 121
RH+ (%) 88,4 88,2 45,3 43,5 100 100 100 100
HT adj. (%) 18,1 21,1 10,7 12,0 0 0
RO (%) 17,0 21,1 32,6 32,9 27,0 34,0
BC (%) 45,6 59,1 55,5 56,1 55,0 82,0
DMAP 5,6 11,1 8,2 8,3 6,4 10,7 5,3 12,3
Tableau II. Méta-analyse des essais comparant LH-RH à LH-RH +
tamoxifène.
LH-RH LH-RH + Tam RR p stat.
RO : RC + RP 30 % 39 % 0,67 0,03
DMAP (mois) 5,4 8,7 0,70 < 0,001
DMS (années) 2,6 2,9 0,76 0,002
DMAP : durée médiane avant progression en mois.
MISE AU POINT
est diminué de 30 % : p = 0,0001 (tableau IV). Ces bénéfices
sont retrouvés avec ou sans hormonothérapie adjuvante et quel
que soit le site métastatique (os ou viscère). La survie des
patientes qui n’ont pas eu de cross-over a été améliorée : de
19 mois à 33 mois. La tolérance a été identique.
Comparaison avec l’exémestane.
Il n’existe qu’une étude préliminaire de phase II randomisée
(22) ayant réalisé cette comparaison. Le taux de RO est nette-
ment en faveur de l’exémestane (40,9 % versus 13,6 %). Une
grande étude de phase III est en cours de réalisation à
l’EORTC.
En conclusion de ce chapitre, il semble qu’en première ligne,
les anti-aromatases de dernière génération sont plus efficaces
que le tamoxifène. Ils sont toujours mieux tolérés. Les anti-
aromatases peuvent donc être considérés comme le nouveau
standard des patientes ménopausées, RH+, présentant un can-
cer du sein métastasé.
La deuxième ligne d’hormonothérapie chez les patientes
résistant au tamoxifène
Au moment de la reprise évolutive d’une maladie métasta-
tique, pendant que la patiente est sous hormonothérapie, la
question qui se pose est la suivante : doit-on prescrire une nou-
velle hormonothérapie ou doit-on se résoudre à conseiller une
chimiothérapie ? La même question se pose quand une rechute
survient pendant une hormonothérapie adjuvante ou moins
d’un an après la fin de celle-ci. Les indices qui vont aider à
choisir une deuxième ligne d’hormonothérapie sont : une
rémission objective obtenue avec la première ligne, la positi-
vité des RH de la métastase quand cette recherche est possible,
la durée de la rémission obtenue avec la première ligne, un
taux faible de HER2 circulant. Le plus souvent, les patientes
ont rechuté alors qu’elles étaient traitées par le tamoxifène. La
question peut se résumer ainsi : quelles sont les hormonothéra-
pies efficaces en cas de patientes résistant au tamoxifène ?
La patiente n’est pas ménopausée
L’ovariectomie réalisée après échappement au tamoxifène a
été responsable de quelques succès (23). Le taux de rémission
varie suivant la réponse initiale au tamoxifène. Ainsi, quand
l’anti-estrogène avait été responsable d’une RO, 35 % des
patientes qui subissaient une ovariectomie pouvaient espérer
une nouvelle rémission. Ce taux diminue à 19 % et à 13 % si la
réponse initiale au tamoxifène est moins bonne (stabilisation
ou progression). La castration chirurgicale réalisée après ana-
logue de la LH-RH n’a pas pu stimuler de nouvelle rémission.
Quand la première ligne a consisté en une association d’un
analogue de la LH-RH et de tamoxifène, le remplacement du
tamoxifène par l’anastrozole a été responsable d’une chute du
niveau d’estradiolémie de 89 % et d’un bénéfice clinique chez
75 % des patientes (24).
La patiente est ménopausée
C’est la situation la plus fréquente. Dans les années 80, quand
une patiente ménopausée échappait au tamoxifène et qu’il était
décidé de tenter une deuxième ligne d’hormonothérapie, il n’y
avait pas de choix préférentiel : le clinicien pouvait prescrire
indifféremment de l’aminoglutéthimide ou des progestatifs. Il
était important de savoir si les nouvelles hormonothérapies
apporteraient de nouvelles opportunités.
Les inhibiteurs de l’aromatase de nouvelle génération
Leur utilité dans cette situation a été démontrée par des études
de phase III les comparant soit à l’acétate de mégestrol (AM),
soit à l’aminoglutéthimide. Les schémas de ces essais ont été
assez comparables (24-26) : l’inhibiteur de l’aromatase a été
testé avec deux posologies différentes pour l’anastrozole (1 et
10 mg) (25) et pour le létrozole (0,5 et 2,5 mg) (26). La raison
de ces comparaisons reposait sur le désir d’agir sur l’aromatase
intratumorale en augmentant la posologie. L’exémestane n’a
été testé qu’à une posologie (25 mg) (27).
À l’occasion de ces essais, les critères de jugement habituels,
qui étaient fondés sur le taux de RO, constitué de l’addition
des rémissions complètes et des rémissions partielles, se sont
enrichis d’une notion nouvelle, le “bénéfice clinique”, qui
associe aux RO les patientes jugées stables durant au moins
24 semaines. Cette assimilation est due au fait que la survie des
patientes qui ont bénéficié d’une rémission partielle est simi-
laire à celle des patientes qui ont eu une longue stabilisation.
La comparaison des 3 inhibiteurs de l’aromatase avec l’AM
(tableau V) montre que les taux de RO ne sont améliorés
qu’avec le létrozole (p = 0,04). La durée de la rémission est
plus longue avec le létrozole (33 versus 18 mois : p = 0,0009).
La durée médiane avant progression est plus longue avec l’exé-
mestane (p = 0,037), la survie à deux ans est améliorée avec
l’anastrozole (p < 0,0025) et la DMS est supérieure avec l’exé-
mestane (p = 0,039).
146
La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 4 - juillet-août 2002
Tableau IV. Létrozole versus tamoxifène en 1re ligne.
Létrozole Tamoxifène p statistique
DMAP (mois) 9,4 6,0 0,0001
DMAE (mois) 9,0 5,7 0,0001
RO (%) 32 21 0,0002
Bénéfice clinique (%) 50 38 0,0004
Survie (mois) 34 30
DMAE : durée médiane avant échappement.
Tableau V. Inhibiteurs de l’aromatase de nouvelle génération versus
AM.
Ana 1 mg vs AM Lét 2,5 mg vs AM Exé 25 mg vs AM
Nombre 263 vs 253 174 vs 189 366 vs 403
RO (RC + RP) (%)
12,6 vs 12,2 23,6 vs 16,4 15 vs 12
Bénéf. clinique (%)
42,2 vs 40,3 34,5 vs 31,7 37 vs 35
Progression (%) 57,4 vs 59,3 53,4 vs 56,1 35 vs 36
DMAP (mois) 4,9 vs 4,9 5,6 vs 5,5 4,7 vs 3,8
DMS (mois) 27 vs 23 25 vs 21,5 NA vs 28,4
La comparaison du létrozole avec l’AG a utilisé un schéma
très proche de celui des essais précédents. Deux dosages de
létrozole, 0,5 mg et 2,5 mg, ont été comparés à 500 mg d’AG.
Les taux de RO ont été respectivement de 19,5 %, 16,7 % et
12,4 %. La durée médiane des rémissions comme de la survie
a été meilleure chez les patientes qui recevaient 2,5 mg de
létrozole (28).
À la suite de ces essais, il semblait établi qu’en seconde ligne,
chez les patientes résistant au tamoxifène, les nouveaux anti-
aromatases étaient le traitement standard.
Les anti-estrogènes de nouvelle génération
Remplacer un anti-estrogène par un autre anti-estrogène a ali-
menté pendant longtemps l’espoir des cliniciens. Aucun des
anti-estrogènes mixtes, et particulièrement le torémifène (29),
n’a pu démontrer une utilité dans cette situation.
Le fulvestrant (Faslodex®), anti-estrogène pur, a été administré
à des patientes qui étaient résistantes au tamoxifène (6). Il a
obtenu 37 % de RP et 32 % de stabilisations de plus de 6 mois.
Dans deux études de phase II randomisées (30), il a été com-
paré à l’anastrozole : la DMAP a été de 5,4 et 3,4 mois pour
ces deux produits. Le taux de RO a été de 17,5 % pour les
deux bras. Le bénéfice clinique a été de 42,2 % et de 36,1 %
respectivement. Il n’y a aucune différence significative entre
ces données.
La deuxième ligne d’hormonothérapie, élément d’une stratégie
Dans un avenir proche, la première ligne pourra être soit du
tamoxifène soit une anti-aromatase de dernière génération.
Cette situation a été explorée dans la seconde partie de l’étude
létrozole versus tamoxifène, appelée extension phase, après le
cross-over.
Nous avons vu que, lors de la première partie, le létrozole était
nettement supérieur au tamoxifène sur tous les paramètres
comme le taux de RO et la durée avant progression. Les
patientes qui n’avaient pas croisé le traitement hormonal
avaient une survie prolongée de 14 mois (19 versus 33). Après
la prise de l’autre hormonothérapie, le gain global de survie est
plus modeste : 4 mois. S’il n’y a pas de bénéfice global (log-
rank test : p = 0,53), les patientes qui ont commencé avec le
létrozole sont décédées plus tard (Wilcoxon test : 0,007). Le
bénéfice est significatif les 6e, 12e, 18eet 24emois (31).
La même problématique a été abordée durant le suivi des
études comparatives comparant, en première ligne, l’anastro-
zole au tamoxifène (32) : quand la tumeur a réévolué sous
tamoxifène, on sait, par les études déjà rapportées, que les anti-
aromatases comme l’anastrozole sont la meilleure thérapeu-
tique que l’on peut proposer dans cette situation. Il était inté-
ressant d’évaluer le comportement du tamoxifène en cas de
réévolution sous anastrozole. Celui-ci a obtenu 9,4 % de RO et
50,6 % de bénéfice clinique.
CONCLUSION
L’hormonothérapie des cancers du sein métastatiques est en
train de se modifier profondément.
En première ligne, chez les patientes non ménopausées, l’asso-
ciation d’un analogue de la LH-RH et du tamoxifène est le
standard actuel. Chez les patientes ménopausées, l’utilisation
d’une anti-aromatase semble supérieure à celle du tamoxifène,
surtout au niveau de la durée avant progression et de la tolé-
rance, et parfois pour le taux de rémission objective ou pour la
survie. Ces bénéfices se verront surtout chez les patientes dont
la tumeur a des récepteurs hormonaux positifs.
En deuxième ligne, en cas de résistance au tamoxifène, les
anti-aromatases sont actuellement le standard, mais il est pos-
sible que l’anti-estrogène pur, le fulvestrant, puisse, dans un
avenir proche, remplir le même rôle. La meilleure séquence
entre l’anti-aromatase et l’estrogène pur reste à définir. On sait
aussi que la prescription de tamoxifène après échappement à
un anti-aromatase utilisé en première ligne peut générer un
bénéfice clinique utile à la patiente.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Beatson GW. On the treatment of inoperable cases of carcinoma of the
mamma : suggestions for a new method of treatment with illustrative cases.
Lancet 1986 ; 2 : 104-7, 102-5.
2. Blamay RW, Jonat W, Kaufmann M et al. Goserelin depot in the treatment of
premenopausal advanced breast cancer. Eur J Cancer 1992 ; 28A : 810-4.
3. Taylor CW, Green S, Dalton WS et al. Multicenter randomized clinical trial
fo goserelin versus surgical ovariectomy in premenopausal patients with recep-
tor positive metastatic breast cancer : an Intergroup study. J Clin Oncol 1998 ;
16 : 994-9.
4. Valavaara R, Pyrhönen S, Heikkinen M et al. Toremifene, a new compound,
for treatment of advanced breast cancer. Phase II study. Eur J Cancer Clin
Oncol 1988 ; 24 : 785-90.
5. Delmas PD, Bjarnason NH, Miltak BH et al. Effects of raloxifene on bone
mineral density, serum cholesterol concentrations, and uterine endometrium in
postmenopausal women. N Engl J Med 1997 ; 337 : 1641-7.
6. Howel A, DeFriend DJ, Robertson J et al. Response to a specific antiestro-
gen (ICI 182,780) in tamoxifen-resistant breast cancer. Lancet 1995 ; 345 : 29-
30.
7. Bisagni G, Cocconi G, Scaglione F et al. Letrozole, a new oral non steroidal
aromatase inhibitor in treating postmenopausal patients with advanced breast
cancer. Ann Oncol 1996 ; 7 : 99.
8. Plourde PV, Dyroff M, Dowsett M et al. Arimidex, a new, oral, once a day
aromatase inhibitor. J Steroid Biochem Mol Biol 1995 ; 53 : 175.
9. Wiseman LR, McTavish. Formestane. A review of its pharmacodynamic pro-
perties and therapeutic potential in the management of breast cancer and pros-
tatic cancer. Drugs 1993 ; 45 (1) : 66-84.
10. Lonning P, Paridaens R, Thurlimann B et al. Exemestane experience in
breast cancer treatment. J Steroid Biochem Mol Biol 1997 ; 61 : 151.
11. Ellis MJ, Hayes DF, Lippman M. Treatment of metastatic breast cancer.
Disease of the breast, 2nd ed. Harris Jr (ed). Philadelphia : Lippincott Williams
& Wilkins 2000 : 749-97.
12. Lipton A, Ali SM, Leitzeil et al. Elevated serum HER2/neu level predicts
decreased response to hormone therapy in metastatic breast cancer. J Clin
Oncol 2002 ; 6 : 1467-72.
13. Blamey RW et al. Combination versus sequential therapy in premenopausal
women. Breast Cancer Res Treat 1993 ; 27 : 131.
14. Boccardo F, Ribagotti A, Perrotta A et al. Ovarian ablation versus goserelin
with and without tamoxifen in pre-perimenopausal patients with advanced breast
cancer : results of a multicentric Italian study. Ann Oncol 1994 ; 5 : 337-42.
15. Jonat W, Kaufmann M, Blamey RW et al. A randomized study to compare
the effect of the Luteinising Hormone Releasing Hormone (LH-RH) analogue
goserelin with or without tamoxifen in pre- and perimenopausal patients with
advanced breast cancer. Eur J Cancer 1995 ; 312A, 2 : 137-42.
147
La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 4 - juillet-août 2002
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !