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Cette nouvelle rubrique a pour objectif d’aborder le cancer sous un angle différent de celui généralement traité au sein
de La Lettre du Cancérologue.
Sa réalisation a été possible grâce au soutien des laboratoires Rhône-Poulenc Rorer et à leur engagement dans une
approche globale de la maladie, au service du patient.
Loin des données épidémiologiques, cliniques ou thérapeutiques, Cancérologie et Société veut apporter un nouveau
regard sur le cancer en s’intéressant plus particulièrement à son aspect psycho-social et au vécu du patient.
Cinq types de cancer feront l’objet du thème central : le cancer du sein, le cancer du poumon, le cancer de la prostate,
le cancer du côlon, ainsi que les cancers hématologiques, et plus particulièrement les leucémies de l’enfant.
Pour chacun d’entre eux, la parole sera donnée à des cancérologues et au président d’une association de patients.
Ces deux points de vue, ces deux expériences, loin de s’opposer, auront l’avantage de se compléter, le vécu du patient
avec sa maladie n’étant pas forcément perçu de la même façon des deux côtés. Cette initiative est le reflet
de la préoccupation d’ouverture des Lettres à tous les acteurs et partenaires de la santé.
Pour inaugurer cette nouvelle rubrique dont le thème est le cancer du sein, nous avons donné la parole
à deux médecins cancérologues et à la présidente de l’association Vivre Comme Avant.
CANCER DU SEIN :
QUEL VÉCU EN PRATIQUE ?
LE
POINT DE V U E
D U CANCÉROLOGUE
Un entretien avec le Dr K. Clough (chef de
service, chirurgie générale et sénologique,
Institut Curie) et le Dr V. Diéras (oncologie
médicale, Institut Curie)
Lors de la première consultation, nous recevons deux types de patientes. Les unes viennent parce qu’elles ont découvert un nodule
palpable dans le sein ou ont une image
radiographique qui les a inquiétées. Les
autres, et c’est le cas le plus fréquent, sont
adressées par leur médecin qui a constaté
une anomalie.
À ce moment où l’anxiété est majeure, la
consultation constitue un moment clé dans
l’instauration de la relation médecinmalade.
Notre attitude doit donc s’adapter à la psychologie de la patiente et à son histoire visà-vis de sa maladie.
L’annonce du cancer :
une relation de confiance
établie sur la vérité
Dès que nous en avons la certitude, nous
annonçons le diagnostic et, s’il s’agit d’un
cancer de bon pronostic, nous le disons
d’emblée afin de dédramatiser le suivi à
long terme.
Quel que soit le stade évolutif, il est indispensable d’expliquer très clairement toute
la phase thérapeutique et le rôle des différents intervenants, le traitement étant personnalisé en fonction du type de tumeur et
de l’âge de la patiente.
Le vécu psychologique
n’est pas proportionnel
à la gravité du cancer
Il faut savoir que le retentissement psychologique n’est en rien proportionnel à la gravité
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du cancer et que tous les
cas de figures sont envisageables. Alors
que l’annonce d’un cancer de très bon pronostic peut être à l’origine d’une angoisse
constante, d’autres femmes présentant un
cancer de très mauvais pronostic vont, en
revanche, être moins angoissées.
Néanmoins, et dans tous les cas, la découverte du cancer fait entrer la femme dans
un tunnel qui va modifier ses rapports
avec l’extérieur, qu’il s’agisse de sa
famille, de son conjoint, de ses amis ou de
son environnement professionnel. Le vécu
devient alors fonction de l’effet « tunnel »
du cancer.
Les craintes les plus souvent évoquées
concernent le pronostic vital et la lourdeur
du traitement, la chimiothérapie et la mammectomie générant le plus d’angoisse.
Il semble que chez les femmes qui conservent une activité professionnelle, les désagréments générés par les traitements soient
mieux supportés. Ceci laisse penser que
tout doit être fait pour limiter les conséquences au niveau professionnel.
Privilégier le traitement
conservateur
À l’Institut Curie, 70 % des patientes qui
consultent pour un cancer du sein auront un
traitement conservateur. Ce taux élevé
s’explique d’une part par une prise en charge
à un stade précoce de la maladie (20 %
des femmes que nous traitons n’ont pas de
tumeur palpable), et d’autre part, dans les
cas de tumeurs volumineuses, par notre attitude qui consiste à privilégier, chaque fois
que cela est dénué de risque, les traitements conservateurs.
Lorsqu’une mammectomie doit cependant
être envisagée, une chirurgie réparatrice est
proposée dans le même temps, chaque fois
que cela est possible d’un point de vue can-
cérologique. Il faut savoir que dans un tiers
des cas les patientes la refusent.
Si la reconstruction peut gêner la suite des
traitements ou imposer une chirurgie trop
lourde d’emblée, elle sera différée de
quelques mois après la fin de la phase thérapeutique (soit un an à un an et demi
après la mammectomie).
La reconstruction a fait de nombreux progrès, elle est de mieux en mieux maîtrisée.
Les progrès techniques font qu’elle ne se
limite plus à la pose d’une prothèse qui
apporte une solution morphologique mais
peut permettre une réelle intégration corporelle grâce à la reconstruction à partir d’un
transfert de tissu qui, en général, est beaucoup mieux accepté.
Cette palette technique permet, d’un point
de vue cancérologique, de s’adapter au
traitement et de proposer des solutions
répondant à la psychologie des patientes.
La prise en charge chirurgicale n’est donc
plus synonyme de mutilation. À son aspect
cancérologique, s’ajoute de plus en plus un
aspect fonctionnel qui représente un progrès important.
Le vécu face à la chimiothérapie
Au stade de la chimiothérapie initiale, les patientes connaissent le plus souvent
leur diagnostic puisqu’elles sont en général
vues en seconde ligne.
Nous leur expliquons les raisons qui la motivent, les effets secondaires possibles ainsi
que les moyens pour les prévenir. Avant de
commencer la chimiothérapie, les patientes
ont un entretien avec les infirmières du service qui leur expliquent à nouveau et de
manière plus pratique les effets secondaires
et les moyens de les gérer. Si, par exemple,
le traitement entraîne une alopécie, elles
sont tout de suite dirigées vers le service
social qui leur apporte les informations
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 1 - janvier-février 1998
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nécessaires pour se procurer une perruque.
À ce moment, la première question des
patientes se rapporte au retentissement sur
la vie courante, notamment vis-à-vis de
l’activité professionnelle.
Elles veulent savoir si le traitement impose
une hospitalisation ou s’il peut se dérouler
en ambulatoire, et veulent connaître les
conséquences sur leur vie professionnelle.
Si certaines décident tout de suite de mettre
leur activité professionnelle entre parenthèses, d’autres, au contraire, veulent éviter
toute répercussion sur leur travail.
Au stade de la chimiothérapie, il ressort
que le vécu de la maladie et la tolérance
au traitement sont meilleurs chez les
femmes qui conservent une activité professionnelle.
Un encadrement psychologique
Nous nous attachons à réduire les
conséquences de la maladie grâce à une
prise en charge psychologique de la
patiente et de son entourage.
C’est dans cet esprit que nous avons créé,
à l’Institut Curie, une unité de psycho-oncologie sous l’égide d’un psychiatre et de
psychologues.
En associant écoute, disponibilité et professionnalisme, un travail sur les conséquences de l’annonce du cancer est entrepris à la demande de la patiente ou du
médecin. Un suivi peut alors être instauré
dans le but d’aider la patiente à mieux
vivre sa maladie.
Propos recueillis par le Docteur
Chantal Despierre
L E POINT DE VUE
D ’ UN MOUVEMENT D ’ AIDE A U X PATIENTES
Interview de Mme D. Escudier, présidente
de l’association Vivre Comme Avant
Afin d’aborder d’une manière aussi complète que possible le vécu des femmes porteuses d’un cancer du sein, nous avons
choisi de compléter l’approche du médecin
spécialiste par celle d’une association, ou
plus exactement d’un mouvement aidant les
femmes atteintes d’un cancer du sein.
Vivre Comme Avant , association régie
selon la loi de 1901, est un mouvement
d’aide et de soutien auprès des femmes
porteuses d’un cancer du sein et pour lesquelles un sentiment d’incommunicabilité se
crée avec ceux qui n’ont pas vécu la même
expérience.
Ce mouvement est né sous l’impulsion
d’une femme ayant elle-même subi l’abla-
avec le soutien de :
tion d’un sein en 1974 et qui aurait souhaité, à cette époque où le mot “cancer” était
tabou, parler avec une autre femme ayant
survécu à sa maladie.
Car la première question que se posent la
plupart des femmes confrontées à cette
maladie est de savoir si elles survivront.
Le fait d’avoir devant soi la preuve qu’une
vie normale peut être retrouvée n’est-il pas
la meilleure façon de répondre à cette
question et de redonner l’espoir ?
L’aide apportée consiste avant tout à écouter les patientes qui en ont émis le désir et
à donner un témoignage de vie, et donc
d’espoir. En effet, toutes les bénévoles qui
animent ce mouvement ont la particularité
d’être « passées par là » et d’avoir pu surmonter le passage difficile que représente
la chimiothérapie avec son cortège d’effets
indésirables, les protocoles de radiothérapie, la tumorectomie ou la mastectomie. Il
s’agit donc d’apporter aux nouvelles opérées une aide morale qui leur permette de
retrouver, voire de développer leurs ressources, et de reprendre confiance en la
vie. Cette aide doit toujours s’adapter à la
demande, quel que soit le type de traitement, et se diriger dans la voie que s’est
choisie la patiente.
Face au cancer : savoir écouter
et donner l’espoir
L’espoir, ces femmes le portent en
elles, grâce à leur expérience personnelle
qui n’est toutefois jamais rapportée lors des
entretiens avec les malades. En effet, pour
être bénévole, il faut avoir acquis un certain recul vis-à-vis de sa propre maladie
afin de pouvoir faire s’exprimer et écouter
le désarroi de l’autre puis témoigner
qu’une vie normale est encore possible
après, sans pour autant se citer en
exemple. Après une période de formation,
les volontaires qui sont au nombre d’une
centaine, réparties sur toute la France, font
des visites à l’hôpital, dans les cliniques ou
les services anticancéreux et, avec l’accord
de l’équipe soignante, établissent le
contact, toujours individuel, avec les opérées du sein qui en auront exprimé le désir.
Ce contact se situe en général le lendemain
de l’intervention. Elles répondent aussi aux
appels téléphoniques et au courrier. Cette
aide doit rester ponctuelle et ne pas engendrer de rapport d’amitié.
Afin de respecter la liberté de l’opérée, la
volontaire ne prend jamais ses coordonnées ; en revanche la femme rencontrée
peut l’appeler quand elle le souhaite.
L’autre particularité de ce mouvement est
de ne pas regrouper d’anciennes malades
afin de ne pas générer des craintes et des
angoisses supplémentaires. Il n’existe pas
de bureau, comme c’est le cas dans la plupart des associations, et chaque volontaire
travaille à partir de son domicile. L’aide
financière est essentiellement assurée par
la Ligue contre le Cancer, les frais se limitant aux déplacements, aux notes de téléphone, au livret donné à toute nouvelle
opérée et à la poche de dépannage en
cas de mammectomie, lorsque la réparation est différée.
Le vécu des femmes au travers
de leur craintes
Du fait de la symbolique attribuée à la
glande mammaire, on comprend que
l’atteinte de son intégrité soit lourde de
conséquences.
Les femmes s’imaginent qu’elles ne susciteront plus de l’amour mais de la pitié, que
leurs rapports avec leur conjoint vont changer et, en quelques mots, qu’elles ne pourront plus vivre comme avant.
Si l’effet tunnel engendré par le cancer est
inévitable, il n’est pas vécu de la même
façon par toutes et reste très inégalement
éclairé. Il n’existe donc aucune règle ; les
femmes les plus “fortes” peuvent s’écrouler,
alors que d’autres semblant plus fragiles
résisteront mieux. La réaction n’est absolument pas prévisible et reste indépendante
de la construction intellectuelle que l’on
avait auparavant.
Propos recueillis par le Docteur
Chantal Despierre
Carnet d’adresses
Association pour la recherche
contre le cancer
16, av. Paul-Vaillant-Couturier, 94801 Villejuif
Cedex. Tél. : 01 45 59 59 59. Fax : 01 47 26 04 75.
Comité féminin du dépistage du cancer du sein
209, rue des Apothicaires, Parc Euromédecine,
34196 Montpellier Cedex. Tél. : 04 67 61 00 88
Fax : 04 67 61 15 10.
Fédération nationale des centres
de lutte contre le cancer
101, rue de Tolbiac, 75654 Paris Cedex 13.
Tél. : 01 44 23 04 04. Fax : 01 45 84 66 82.
Ligue nationale française contre le cancer
1, av. Stephen-Pichon, 75013 Paris.
Tél. : 01 44 06 80 80. Fax : 01 45 86 56 78.
Mathilde
Péricentre III, 26, av. de Thies, 14000 Caen.
Tél. : 02 31 93 82 00. Fax : 02 31 93 82 50.
Vivre comme avant
8, rue Taine, 75012 Paris. Tél. : 01 43 43 87 39.
Fax : 01 43 43 87 39.
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