prévention
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Progrès en prévention
L’ e xistence d’une atteinte coronaire est
essentiellement anxiogène (50 %) mais
elle est aussi à l’origine de réaction d’irri-
tabilité (12 %) ou de dépression (15 %).
Enfin, le retentissement social de l’angor
est différent selon le sexe du patient. La
femme est plus gênée dans sa vie familiale
et l’homme plutôt dans sa vie affective. Le
retentissement psychique est également
différent : les femmes sont plus fréquem-
ment anxieuses ou déprimées et les
hommes plus souvent irritables.
Au travers de ces différentes études, il appa-
raît donc que les mêmes facteurs de risque
psychosociaux (dépression, anxiété, certains
traits de caractère, isolement social, stress
aigu ou chronique) sont retrouvés de façon
identique chez le patient angineux stable et
chez le patient victime d’un syndrome coro-
narien aigu. D’autre part, ces facteurs psy-
chosociaux semblent plus fréquents chez la
femme, exception faite de la personnalité de
type A et surtout de sa composante hostile.
La signification pronostique de ces constata-
tions reste à évaluer. Néanmoins, elles appa-
raissent d’ores et déjà importantes à
connaître dans la mesure où, comme nous
allons le voir, ces facteurs influent de façon
péjorative sur l’évolution naturelle de la
maladie coronaire.
Dépression
Les relations entre l’humeur dépressive et
l’insuffisance coronarienne apparaissent
synergiques. Chez le patient coronarien, la
prévalence des dépressions majeures est trois
fois plus élevée que dans la population géné-
rale. La simple présence de symptômes
dépressifs augmente le risque d’événement
cardiaque chez un individu sain et doit désor-
mais être prise en compte au même titre que
les autres facteurs de risque classiques.
L’absence d’espoir semble être particulière-
ment liée au développement de l’athérome
coronarien ou carotidien. “Durant le mois
dernier, vous êtes-vous senti si triste, si
désespéré, si découragé, ou victime de tant
de problèmes que vous vous êtes demandé si
quelque chose valait encore la peine ?” Une
réponse affirmative à cette question révèle
un risque de maladie coronaire doublé (4).
L’épuisement vital (fatigue inhabituelle, irri-
tabilité, sentiment de découragement) est un
facteur de risque coronarien. Sa présence
chez un homme sain multiplie par deux le
risque de survenue d’une angine de poitrine
ou d’un infarctus non fatal. Les mécanismes
physiopathologiques expliquant le lien entre
dépression et insuffisance coronaire com-
mencent à être mieux connus. La dépression
a un effet délétère indirect car elle est asso-
ciée aux conduites à risque, tel le tabagisme,
et à une mauvaise observance du traitement
et du régime diététique. De plus, elle est
souvent accompagnée d’un état d’hypercor-
tisolémie, d’une altération des fonctions pla-
quettaires et d’une réduction de la variabili-
té du rythme cardiaque par hyperactivité
sympathique.
Anxiété
Grâce à trois grandes études, ayant inclu à
peu près 34 000 hommes, on sait maintenant
qu’il existe une relation significative entre
anxiété et mortalité cardiaque (5-7). Cette
surmortalité est secondaire à une augmenta-
tion des morts subites et non à une augmen-
tation des infarctus du myocarde. Le cou-
pable est certainement un trouble du rythme
ventriculaire. On peut regretter l’absence de
femmes dans ces études, l’anxiété étant plus
fréquente dans la population féminine géné-
rale et, comme on vient de le voir, dans la
population féminine coronarienne. Le
patient anxieux a une variabilité sinusale
diminuée soit par augmentation du tonus
sympathique soit par diminution du tonus
vagal, ces deux mécanismes étant des fac-
teurs de risque de mort subite.
Personnalité et traits de caractère
La personnalité de type A a été décrite vers
la fin des années cinquante. Il s’agit d’un
syndrome caractérisé par une sthénie de l’as-
pect extérieur (rapidité et brusquerie des
gestes, mimique crispée, respiration irrégu-
lière), une pauvreté relationnelle avec l’en-
tourage (faible capacité d’écoute, limitation
égocentrique du champ des intérêts…) et par
un surinvestissement de l’activité et de la
profession (perfectionnisme, la satisfaction
dans l’action étant liée à la compétition, au
succès, au pouvoir, l’individu étant engagé
dans une lutte contre le temps). Une person-
nalité de type D a également été décrite mais
moins étudiée. L’intérêt pour le type A est né
des résultats de l’étude prédictive Western
Collaborative Group Study qui suivit
3154 hommes en bonne santé pendant huit
ans et demi (8). Dans cette étude, le type A
constituait un facteur de risque à part entière
exposant les sujets qui le possèdent à deux
fois plus d’accidents coronariens que les
autres et les prédisposant à des récidives
d’infarctus. Mais les méthodes comporte-
mentales à visée préventive qui suivirent
montrèrent qu’il était plus nocif de lutter
contre son impatience que d’être impatient,
de freiner lorsque l’on a envie de courir…
D’autres études n’ont pas retrouvé de corré-
lation entre type A et coronaropathies.
Actuellement, on considère que les traits
d’hostilité, comme le cynisme, le manque de
confiance et la colère non exprimée, sont les
plus significatifs du comportement retrouvé
chez le coronarien, alors que la compétitivité
et l’implication dans le travail seraient moins
concernées, voire même plutôt protectrices
(surtout une fois entré dans la maladie, où
l’attitude combative qui caractérise ces indi-
vidus favorise l’adhésion et l’engagement
dans un projet de soins). Il semble que les
patients hostiles aient des taux de resténose
supérieurs après une angioplastie coronaire
et une évolution plus rapide de l’athérome
carotidien évalué par des échodopplers répé-
tés. Là encore, l’explication physiopatholo-
gique fait intervenir une augmentation de la
fréquence des conduites à risque : tabagisme,
mauvaise alimentation, obésité… Ces
patients ont aussi une fréquence cardiaque et