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Act. Méd. Int. - Hypertension (12), n° 2, février 2000
La description initiale de
l’effet Doppler par le phy-
sicien autrichien Christian
Doppler en 1842 n’a été
appliquée qu’un siècle
plus tard à l’analyse des
vélocités sanguines ini-
tialement vasculaires péri-
phériques, puis plus tard
intracardiaques. L’écho-
cardiographie s’est ainsi
imposée comme une
technique non invasive
d’évaluation hémodyna-
mique avec initialement
des applications privilé-
giées dans le champ d’investigation des
valvulopathies, puis ultérieurement comme
un outil d’évaluation de la fonction myocar-
dique, en particulier diastolique. L’apport
plus récent du Doppler couleurs associé à
l’imagerie bidimensionnelle a complété l’ar-
senal diagnostique non invasif avec des
champs d’application intéressants dans
l’analyse des flux régurgitants.
Bien que l’effet Doppler ait été appliqué
principalement à l’analyse des flux san-
guins intracardiaques et intravasculaires,
des précurseurs du Doppler myocardique
se sont intéressés à l’étude des mouve-
ments des parois myocardiques. Dès
1965, Yoshitoshi utilise un spectogramme
Doppler pour l’enregistrement de la paroi
postérieure du ventricule gauche. En
1989, Karl Isaaz utilise un appareillage
Doppler conventionnel dont il diminue le
gain et le filtre pour obtenir, à partir d’une
coupe parasternale petit-axe, un profil de
vélocités en mode Doppler pulsé de la
paroi postérieure du ventricule gauche.
Dans ce travail fondateur de l’approche
Doppler tissulaire, Karl Isaaz décrit le
profil normal des vélocités myocardiques
tout au long du cycle cardiaque, les rela-
tions des vélocités Doppler avec les vélo-
cités obtenues par l’analyse du déplace-
ment de l’endocarde en mode TM et enfin
les modifications de vélocités engendrées
par des processus pathologiques tels
qu’ischémie et cardiomyopathies. Ce n’est
que trois ans plus tard que Georges
Sutherland et McDicken développent le
premier prototype d’échographe disposant
de l’imagerie Doppler couleurs codant
non plus les flux sanguins mais spécifi-
quement les parois myocardiques. Actuel-
lement, la modalité “Doppler tissulaire
myocardique” est disponible en routine
sur la plupart des échographes commer-
cialisés, avec des progrès technologiques
constants visant à augmenter la résolution
spatiale et temporelle du Doppler tissulai-
re et surtout à quantifier l’information
contenue dans les pixels de couleur.
Principe
Principes de l’imagerie Doppler
tissulaire
Le codage Doppler couleurs convention-
nel s’adresse à l’analyse des flux sanguins
pour la détection de régurgitations ou de
sténoses valvulaires, de shunts intracar-
diaques dont les vélocités
sont élevées et le signal
de faible intensité. Le
Doppler couleurs conven-
tionnel, par le réglage des
filtres (utilisation de
filtres passe-haut) et de
l’autocorrélateur, rejette
toute information (consi-
dérée comme “bruit”)
provenant des parois
myocardiques dont les
vélocités sont très faibles
(de 10 à 30 cm/s) et le
signal très énergétique.
À l’inverse, le Doppler
tissulaire myocardique élimine toute
information de vélocités provenant des
flux sanguins intracavitaires et sélectionne
les signaux de basses vélocités et d’ampli-
tude élevée provenant des parois myocar-
diques grâce à deux modifications princi-
pales que sont la suppression des filtres
passe-haut et la diminution des gains
(figure 1).
Représentation des vélocités en mode
Doppler tissulaire myocardique
Le Doppler myocardique, comme le
Doppler conventionnel des flux sanguins,
peut afficher les vélocités en trois modes :
mode bidimensionnel, mode Doppler
pulsé et mode TM (figure 2). Quel que
soit le mode utilisé, il faut garder en
mémoire le fait que nous utilisons un
mode Doppler et donc que les résultats
ainsi que la représentation graphique
obtenue seront dépendants de l’angle
entre la cible étudiée (paroi ou segment
Le doppler tissulaire myocardique permet l’analyse
d’informations concernant les vitesses de dépla-
cement des parois myocardiques. Cette nouvelle
technique nous offre donc la possibilité d’aller plus
loin dans l’étude de la ponction ventriculaire
gauche, tant systolique que diastolique. Son applica-
tion dans les différents domaines de la pathologie
cardiovasculaire, et donc dans l’hypertension, permet
d’approfondir et préciser nos connaissances
Doppler tissulaire myocardique :
application dans l’hypertension artérielle
Rémy Douillet*
* Département de médecine interne, CHU
Bois-Guillaume, Rouen.
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myocardique) et le faisceau ultrasonore.
De même qu’avec le Doppler convention-
nel, les vélocités seront confrontées à une
échelle de couleurs dont le codage sera
rouge-jaune en cas de déplacement myo-
cardique se rapprochant du capteur (vites-
se “positive”) ou vert-bleu en cas de
déplacement myocardique se rapprochant
du capteur (vitesses “positives”) ou vert-
bleu en cas de déplacement myocardique
s’éloignant du capteur (vitesses “néga-
tives”). Enfin, le choix de l’échelle de
couleurs devra tenir compte de la limite de
Nyquist, dont le seuil dépendra non
seulement de la paroi étudiée mais aussi
du temps du cycle cardiaque. Il faudra
ainsi accepter un compromis entre le
choix de discriminer les vélocités intra-
myocardiques les plus basses et la possi-
bilité de pouvoir les quantifier en évitant
la survenue d’aliasing.
– Le mode bidimensionnel permet d’obte-
nir sur une boucle d’images une vision
globale des changements de vélocités au
sein de l’ensemble des parois myocar-
diques. Cependant, sur la plupart des
échographes de première génération équi-
pés de Doppler tissulaire myocardique, les
cadences d’image étaient trop faibles pour
permettre une résolution temporelle satis-
faisante. Ce mode s’avère cependant très
prometteur sur les nouvelles générations
d’échographe et devrait trouver une appli-
cation de choix dans le domaine de
l’échocardiographie de stress physique ou
pharmacologique grâce à la possibilité de
modules de quantification intégrés dans la
machine.
– Le mode TM a l’avantage d’une excel-
lente résolution temporelle et permet ainsi
des vélocités myocardiques tout au long
du cycle cardiaque et également de façon
précise dans l’épaisseur de la paroi myo-
cardique. L’étude des vélocités myocar-
diques à partir du mode TM fournit de
nouveaux indices de fonction myocar-
dique, en particulier la mesure du gradient
de vélocités intramyocardiques résultant
de vélocités plus élevées tout au long du
cycle cardiaque dans l’endocarde que
dans l’épicarde.
– Le mode Doppler pulsé permet l’évalua-
tion rapide et quantifiée des vélocités
myocardiques régionales dont la précision
dépend de la taille de la fenêtre Doppler.
Compte tenu des mouvements des parois,
ce mode n’a pas la précision suffisante
pour discriminer les vélocités endocar-
diques et épicardiques et épicardiques au
sein d’une même paroi. Il trouve cepen-
dant, une application intéressante dans la
quantification des mouvements de
contraction longitudinale en incidence
apicale, à condition de minimiser l’angle
entre le faisceau Doppler et le segment
myocardique analysé et à condition de
prendre en compte le possible chevauche-
Figure 1 : Doppler tissulaire myocardique. Nouvelle technique ultrasonore
mesurant spécifiquement les vitesses de déplacement du myocarde.
Figure 2 : Doppler pulsé intramyocardique. Troubles de la relaxation chez un hypertendu.
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ment entre les différents segments d’une
même paroi.
Bases physiologiques et anatomiques
du Doppler tissulaire myocardique
L’interprétation des vélocités myocar-
diques ne peut se faire qu’en connaissan-
ce de la physiologie des mouvements car-
diaques, de l’anatomie et de l’orientation
des fibres myocardiques au sein d’une
paroi myocardique. La cinétique ventricu-
laire obéit à la combinaison de mouve-
ments complexes dont nous ne pourrons
que quantifier la résultante sur un segment
myocardique donné en analyse Doppler
tissulaire. On peut ainsi schématiquement
distinguer :
– un mouvement de contraction circonfé-
rentielle bien analysé en incidence para-
sternale petit-axe au niveau des parois
antéroseptale et postérieure lié au dépla-
cement principalement de l’endocarde
vers un centre de gravité situé au centre de
la cavité ventriculaire gauche ;
– un mouvement de contraction longitudi-
nale bien analysé en incidences apicales 4
et 2 cavités lié essentiellement au déplace-
ment de l’anneau mitral et des segments
basaux des parois ventriculaires vers un
centre de gravité situé sur un axe médian à
1/3 de l’apex et 2/3 de la base ;
– un mouvement de torsion ou de rotation
dont l’analyse en Doppler peut s’effectuer
à partir d’une coupe parasternale petit-axe
sur l’angle de la zone transitionnelle (tran-
sition du codage en bleu vers le codage en
rouge de la paroi antéro-septale) avec sa
position théorique ;
– enfin, il ne faut pas méconnaître les
mouvements de translation du cœur dans
le thorax qui peuvent artificiellement aug-
menter les valeurs des vélocités myocar-
diques et qu’il faut minimiser sinon annu-
ler en recueillant les informations chez un
patient en apnée postexpiratoire.
L’orientation des fibres myocardiques
joue un rôle dans l’hétérogénéité des
valeurs des vélocités myocardiques. On se
souviendra qu’au sein d’une paroi, on dis-
tingue l’orientation oblique de bas en
haut des fibres endocardiques, puis
l’orientation horizontale des fibres
médianes et enfin l’orientation oblique
de haut en bas des fibres épicardiques
(figure 3).Enfin, ces différentes fibres
myocardiques sont organisées en éven-
tail pour la plupart dans le massif ventri-
culaire avec certaines qui “cravatent” la
zone médiane du ventricule et partici-
pent ainsi au mouvement de torsion.
Place du DTI dans l’étude des
cardiopathies hypertensives
L’ h ypertension a un effet direct sur l’ana-
tomie myocardique et sur la performance
et la fonction systolo-diastolique. L’étude
échocardiographique des patients présen-
tant une cardiopathie hypertensive a per-
mis une meilleure compréhension de la
pathologie et également une information
pronostique concernant le calcul de la
masse ventriculaire gauche, le type et le
développement de l’hypertrophie ventri-
culaire gauche, la dégradation de la per-
formance diastolique et la diminution de
la fonction systolique.
Le Doppler tissulaire myocardique (DTI),
par son analyse des vélocités de déplace-
ment des parois myocardiques, permet
une analyse quantitative de la performan-
ce myocardique et peut donc appporter de
nouveaux éléments dans la compréhen-
sion de la pathophysiologie de la cardio-
pathie hypertensive.
Dans l’hypertension, différents profils
hémodynamiques et morphologiques sont
rencontrés, depuis un myocarde normal en
passant par la dysfonction diastolique,
l’hypertrophie ventriculaire gauche et
l’augmentation de la masse, et enfin l’al-
tération finale de la fonction systolique.
Ces différents éléments vont pouvoir être
revus à la lumière du DTI.
HTA et hypertrophie myocardique
L’ h ypertrophie et l’augmentation de la
masse ventriculaire gauche dans l’hyper-
tension sont la conséquence de l’augmen-
tation de la postcharge, du travail d’éjec-
tion et du stress pariétal, résultant de
l’addition en parallèle de fibres contrac-
tiles. Cette hypertrophie a été reconnue
comme facteur pronostique pour la morta-
lité et la morbidité cardiovasculaire. Le
DTI permet la reconnaissance, en cas
d’hypertrophie, d’anomalies des vitesses
de déplacement des parois myocardiques,
tant systolique que diastolique. Cela a été
mis en évidence chez des patients porteurs
de CMH. Il est de même possible grâce au
DTI de distinguer plusieurs types d’hyper-
trophies et de confirmer le caractère phy-
siologique de l’hypertrophie observée
chez les sportifs par rapport à celle patho-
logique des CMH. En effet, les sportifs
montrent des profils de vélocités myocar-
diques normaux, tandis que ceux-ci sont
altérés (vélocités diminuées) dans les
CMH, alors que les paramètres standards
(fraction d’éjection, paramètres de fonc-
tion diastolique selon le flux Doppler
transmitral) ne sont pas toujours discrimi-
nant (Derumeaux et coll.). Dans une
Figure 3 : Mise en évidence de troubles de
relaxation par le Doppler tissulaire.
LISTE DES ANNONCEURS
BRISTOL-MYERS SQUIBB (Lopril) p. 318 ;
GLAXO WELLCOME (Cardio-online) p. 344 ;
SANOFI-SYNTHÉLABO (Coaprovel) p. 338-339.
Les articles publiés dans notre revue le sont sous la seule responsabilité
de leurs auteurs. Leur reproduction est interdite.
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population d’hypertendus, il a été égale-
ment retrouvé des anomalies des profils
de vélocités, au-delà de l’hétérogénéité
des vitesses observée chez les sujets nor-
maux (hétérogénéité selon le cycle et
selon la paroi). On constate une diminu-
tion du pic de vélocité en protodiastole (e),
une augmentation du pic de vélocité
comme un indice sensible de dysfonction
diastolique. Cela est retrouvé dans la
majorité des différents segments myocar-
diques (Garcia et coll.).
Le DTI permet donc le développement de
nouveaux indices ultrasonores en relation
avec une architecture myocardique anormale.
HTA et fonction diastolique.
La fonction diastolique est en général affectée
avant la fonction systolique dans l’hyperten-
sion artérielle. Celle-ci est habituellement
évaluée par l’analyse du flux Doppler trans-
mitral de remplissage ventriculaire gauche.
Dans l’hypertension, il existe un large
spectre de profils de remplissage, entre
flux normaux, anormaux et pseudonormaux
décrits par Appleton, reflétant différentes
conditions hémodynamiques de perfor-
mance diastolique.
Le DTI permet l’étude des vélocités tant
systoliques que diastoliques et donc une
étude fonctionnelle globale et régionale.
Dans une population d’hypertendus étu-
diée par Garcia et coll., le flux transmitral
était anormal dans 40 % des cas, avec un
rapport E/A inférieur à 1. Parmi ceux
ayant un flux Doppler transmitral normal,
60 % avaient des anomalies en DTI, avec
un rapport E/A inférieur à 1, traduisant
donc un flux transmitral pseudo-normal.
Tous les patients ayant un flux transmitral
anormal présentaient un profil de véloci-
tés anormal en DTI (E/A < 1).
Le DTI en mode pulsé peut donc être utile
pour l’identification d’un sous-groupe de
patients présentant une pseudo-normalisa-
tion des paramètres diastoliques stan-
dards. L’analyse en mode Doppler pulsé
peut détecter une altération de la fonction
diastolique à un stade précoce, même uni-
quement segmentaire. C’est le nombre et
non la localisation spatiale de ces seg-
ments anormaux qui est le facteur déter-
minant conduisant à un profil diastolique
ventriculaire gauche anormal.
Conclusion
Le DTI, analysant les vélocités myocar-
diques, offre une nouvelle approche écho-
graphique des patients hypertendus per-
mettant l’identification du processus
hypertrophique pathologique et la recon-
naissance d’anomalies précoces de la
fonction diastolique. Cette technique trouve
sa place lors du bilan initial du patient
hypertendu, afin de ne pas méconnaître un
retentissement myocardique débutant,
puis dans le cadre du suivi, l’évaluation
quantitative permettra l’appréciation de
l’évolutivité du processus pathologique.
Restent à définir des indices pronostiques
et à déterminer les mesures à réaliser de
façon à standardiser et simplifier les exa-
mens.
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