Technique de Duplay modifiée dans le traitement de l

TECHNIQUE CHIRURGICALE Progrès en Urologie (1999), 9, 1136-1147
1136
Technique de Duplay modifiée dans le traitement
de l’hypospadias antérieur.Résultats immédiats et à long terme
à propos de 321 cas et revue de la littérature
Jean-Luc MEGE, Gloria PELIZZO, Rémi DUBOIS, Josette ARCACHE, Patrick CARLIOZ, Hubert DODA
T
Unité d’Urologie Pédiatrique, Service de Chirurgie Pédiatrique, Hôpital Edouard Herriot, Lyon, France
L’hypospadias, dans sa forme antérieure, est une des
malformations fréquentes du garçon : le méat est situé
dans le tiers distal de la verge. On distingue 3 formes
différentes :
• L’hypospadias balanique ou glandulaire, le méat étant
situé à la face inférieure du gland.
• L’hypospadias balano-préputial, le méat se trouvant
dans le sillon balano-préputial.
• L’hypospadias pénien antérieur, le méat étant posi-
tionné entre le sillon et le tiers moyen de la verge.
Il s’accompagne d’anomalies associées à ne pas négli-
ger. Les méthodes thérapeutiques ont beaucoup évolué
ces 20 dernières années du fait d’une meilleure com-
préhension de la courbure de la verge, de la possibilité
d’un test d’érection per-opératoire et de l’amélioration
des techniques de sutures fines.
Actuellement, la plupart des auteurs considère qu’un
traitement chirurgical de l’affection doit permettre une
cure en un temps opératoire, réalisée entre 1 et 2 ans,
permettant d’obtenir un gland d’aspect normal, une
verge droite en érection, une miction avec un jet franc,
un méat situé au sommet du gland, un prépuce enlevé
ou reconstruit et un taux très faible de complications.
Manuscrit reçu : novembre 1998, accepté : septembre 1999.
Adresse pour correspondance : Pr.H.Dodat, Unité d’Urologie Pédiatrique,
Pavillon Tbis, Hôpital Edouard Herriot, Place d’Arsonval, 69437 Lyon Cedex 03.
RESUME
Buts : Description d’une technique chirurgicale dans le traitement des hypospadias
antérieurs, malformation fréquente dont le traitement n’est pas dénué de complica-
tions.
Evaluation des résultats à court, mais aussi à long terme.
Matériel et Méthodes : Il s’agit d’une étude rétrospective portant sur 321 patients
traités selon cette méthode. Cinquante-huit patients ont pu être revus avec un recul
moyen de 71 mois.
Résultats : Les résultats immédiats sont marqués par la survenue de 16 fistules, soit
5%, dont 4 se sont fermées spontanément. Il a été observé 5 reculs du méat, soit 1,6%,
6 sténoses du méat, soit 1,9%. Le taux global de complications ayant nécessité un
traitement spécifique est de 5,6%.
Les résultats à long terme montrent un recul dans 20,7% des cas, une sténose uré-
trale dans 1,7%, une fistule dans 3,5%. Il s’agit de la série présentant le recul moyen
le plus important.
La comparaison avec les techniques proposées actuellement permet d’envisager ce
procédé dans le traitement des hypospadias distaux. L’analyse des résultats à long
terme encourage vivement un suivi régulier et prolongé d’enfants traités d’hypospa-
dias dans les 2 premières années.
Conclusion : La technique de Duplay modifiée est fiable, facilement réalisable, qui
donne des résultats tout à fait corrects, même à long terme, dans le traitement des
hypospadias distaux.
Mots clés : Hypospadias antérieur, uréthroplastie, uréthroplastie de Duplay et redressement de verge.
1137
Depuis 1986, est réalisée dans le service de chirurgie
pédiatrique de l’Hôpital Edouard-Herriot, de façon très
courante, dans les formes d’hypospadias antérieur, une
uréthroplastie s’inspirant de la technique de Duplay
mais modifiée de façon à traiter toutes les lésions asso-
ciées rencontrées dans cette variété particulière. Le but
de cet exposé est de présenter la technique, ses résultats
à long terme et d’évaluer sa place parmi l’ensemble des
procédés chirurgicaux décrits dans la littérature.
MATERIEL ET METHODES
Matériel
Entre janvier 1986 et mars 1996, 321 patients ont été
traités selon cette méthode.
Les hypospadias se répartissaient en 32% juxta-méa-
tiques, 5% balaniques, 53% balano-préputiaux et
10% péniens anrieurs. Du fait des bons résultats
initiaux, au cours de la dernre année, cette inter-
vention a é proposée dans 8 cas d’échecs de cure
dhypospadias.
Les enfants se répartissaient de la manière suivante :
12% de moins d’1 an, 15% entre 1 an et 18 mois, 34%
entre 18 mois et 2 ans et 39% d’enfants âgés de plus de
2 ans. Les extrêmes vont de 8 mois à 17 ans et 9 mois.
Tous ces enfants ont été revus au deuxième mois post-
opératoire et, si possible, 1 ou 2 ans plus tard.
Cinquante-huit ont pu être revus entre 5 et 9 ans après
l’intervention.
Nous avons souhaité vérifier par nous-mêmes si les
bons résultats constatés dans la première année se véri-
fiaient à plus long terme. C’est la raison pour laquelle
tous les cas opérés jusqu’en janvier 1992 ont été revus.
Notre série initiale comportait 73 patients opérés entre
le 7 janvier 1986 et le 21 janvier 1992. Nous sommes
parvenus à revoir en consultation 58 patients, ce qui
représente 15 perdus de vue (20,6%).
La moyenne d’âge au moment de l’intervention était de
34 mois avec des extrêmes allant de 14 mois à 10 ans
et 9 mois. La répartition s’effectuait de la manière sui-
vante : 8,6% d’enfants âgés de 1 an à 18 mois, 27,6%
d’enfants âgés de 18 mois à 2 ans et 63,8% d’enfants
de plus de 2 ans.
La répartition en fonction du type d’hypospadias
montre 10% de forme juxta-méatique, 2% balaniques,
85% de balano-préputiaux et 3% de péniens antérieurs.
Méthodes
La technique de Duplay modifiée
Elle s’inspire du principe de l’uréthroplastie de Duplay
[18] mais a été modifiée en incluant tous les gestes de
traitement des lésions associées. L’intervention est réa-
lisée grâce à une anesthésie loco-régionale caudale,
complétée par une légère sédation générale.
On débute par une méatostomie d’aval avec éversion
de la muqueuse urétrale par 5 points de P.D.S. 7/0. Les
points sont pris suffisamment profondément pour bien
amarrer l’urètre. Puis, un cathétérisme urétral par une
sonde d’un calibre, en général de 8 CH pour un enfant
de 18 mois, est réalisé et l’urètre est lavé de façon
abondante à la Bétadine® diluée (Bétadine gynécolo-
gique® 10 cc diluée dans 100 cc de sérum physiolo-
gique). Secondairement, la sonde est fixée au gland
par un fil résorbable de 5/0. Actuellement, l’urètre
n’est lavé qu’avec du sérum physiologique en raison du
risque de brûlure par la Bétadine®.
La plaque urétrale est délimitée puis incisée au bistou-
ri microchirurgical en commençant 2 à 3 mm en amont
du méat hypospade et en remontant de part et d’autre
dans le gland jusqu'à son sommet (Figure 1).
Secondairement, l’incision est poursuivie sur les 2
rebords préputiaux, rabattus vers la face ventrale de la
J.L. Mège et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 1136-1147
Figure 1. A.Tracé de l’incision au pourtour de la plaque uré -
trale (14 mm de large minimum) remontant sur les bords libres
du prépuce à l’endroit où ceux-ci peuvent venir facilement au
contact l’un de l’autre.
B. Intervention avec circoncision : reconstitution d’une colle -
rette muqueuse circulaire et allongement des plans cutanés
ventraux.
C. Même intervention avec conservation et tubulisation prépu -
tiale.
verge afin de constituer 2 lambeaux muco-préputiaux
qui seront ramenés plus tard à la face inférieure du
pénis. Il faut, bien entendu, prendre soin au maximum
à la vascularisation des lambeaux muqueux et, pour
cela, réaliser la dissection en restant le plus proche pos-
sible du versant cutané. La dissection, en amont du
méat, doit être très prudente car la peau recouvrant
l’urètre est très fine et l’on doit au maximum éviter
toute blessure urétrale, source de fistule. Ce temps est
toujours réalisé sous garrot, ce qui facilite le geste.
Cette ischémie temporaire n’excède pas les 45 minutes
et n’a pas de conséquence fonctionnelle. La gouttière
péri-urétrale délimitée pendant ce temps opératoire doit
avoir une largeur de 14 à 15 mm afin de ne pas risquer
une sténose du nouvel urètre glandulaire.
Ensuite, 2 lambeaux de tissus spongieux latéraux sont
confectionnés dans le gland et seront suturés sans ten-
sion par devant l’urètre glandulaire. Ce temps doit
veiller à ne pas ouvrir en profondeur l’albuginée des
corps caverneux, source d’un saignement complémen-
taire. Par ailleurs, le spongieux est très fin au niveau du
sillon balano-préputial et il faut être prudent de façon à
ne pas transfixier le gland à ce niveau. L’incision en
profondeur sera arrêtée dès que les lambeaux seront
suffisamment libérés pour être suturés sur la ligne
médiane, sans tension. L’urètre glandulaire est très
superficiel et il faut respecter cette position.
On libère le fourreau cutané jusqu'à la racine de la
verge sur la face ventrale pour supprimer les adhé-
rences responsables de la courbure entre l’urètre distal
pellucide dépourvu de tissus spongieux et le plan cuta-
né. Ce temps s’effectue à l’aide d’une pince hémosta-
tique bipolaire. L’incision cutanée recule alors le plus
souvent de plusieurs centimètres, témoin de la correc-
tion de la courbure.
Cette dissection, débutée sur la face ventrale, sera pour-
suivie en arrre, permettant de retrouver le bon plan en
avant et de terminer la libération des corps caverneux dont
lalbuginée bleutée est très facilement reconnaissable.
Ensuite, on pratique une tubulisation de la plaque uré-
trale par des points séparés invaginant de P.D.S. 7/0 en
commençant en amont du méat et en remontant jus-
qu’au sommet du gland. Le gland est reconstitué en
réalisant un premier point amarrant le nouvel urètre à la
muqueuse glandulaire par du P.D.S. 6/0. Les autres
sutures consistent en des points de Blair-Donati affron-
tant parfaitement, pour des raisons esthétiques et d’hé-
mostase, les 2 berges du gland.
Le temps ultérieur consiste à recouvrir l’urètre distal
par rapprochement sur la ligne médiane des plans pré-
caverneux, résidus des tissus spongieux bifurqués, par
un surjet hémostatique. Cette suture démarre dans le
tissu spongieux du gland et permet ainsi une hémosta-
se très satisfaisante.
Le garrot est lâché et l’on confectionne une collerette
muqueuse circulaire par 2 lambeaux préputiaux pour
pallier le manque de peau ventrale et améliorer le résul-
tat esthétique final.
On réalise ensuite un test dérection artificielle et, si
cessaire, une intervention de type Nesbit complémen-
taire est pratiquée. Lexcès de tissu pputial est réqué.
Lintervention est terminée par la reconstitution du four-
reau cutapar du P.D.S. 6/0. Dans certains cas, il suff i t
de suturer le fourreau à la collerette muqueuse. Parfois, le
fourreau doit être allon par une suture verticale sur 2
ou 3 centimètres. Lorsque la tension est excessive, on
propose soit la réalisation dun lambeau de Byars, soit
une transposition pédiculée préputiale, ce qui permet
dans le me temps de senliser la verge. La stragie
est cidée en fonction des conditions locales.
Un pansement hémostatique, hydrocolloïde, est mis en
place. La sonde urinaire est fixée à l’abdomen par un
film transparent autocollant et sera enlevée au bout de
2 jours. La durée de ce geste est de 90 minutes en
moyenne et il s’effectue à l’aide de lunettes grossis-
santes (x 4). (Figures 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11).
L’enfant part avec son pansement qui se décolle spon-
tanément au bout de quelques jours.
Les gestes associés
Des gestes associés à la technique ont été réalisés :
• Des courbures de verge persistantes, après un test
d’érection artificielle réalisé après la libération com-
plète des adhérences urétro-cutanées ventrales, ont été
rares ; elles n’ont intéressé que 3 patients.
• Nous avons dû procéder à 3 désenlisements.
Une conservation préputiale, à la demande des
familles, a été réalisée dans 25 cas, soit 7,8%.
RESULTATS
Résultats immédiats
Nous avons observé 16 fistules sur 321 cas, soit 5%,
dont 4 se sont fermées spontanément. Il faut noter que
2 fistules urétrales sont survenues chez 2 patients dont
la cure d’hypospadias était itérative. En somme, si l’on
exclut les fistules qui se sont taries spontanément, ce
qui n’a occasionné qu’une gêne temporaire, seules 12
fistules ont ou vont nécessiter une reprise chirurgicale,
ce qui donne un résultat de 3,7% sur l’ensemble des
hypospadias traités.
Il s’est produit 5 reculs du méat, soit 1,6%, 6 sténoses
du méat, soit 1,9% traitées pour 2 patients par des dila-
tations simples et pour les autres, par des méatostomies
sous anesthésie.
Il n’a pas été rencontré de sténose urétrale.
1138
J.L. Mège et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 1136-1147
1139
Figure 2. La sonde uréthrale est en place, fixée au gland.Le
prépuce est présenté.
Figure 5. L’incision glandulaire isole deux lambeaux glan -
dulaires latéraux.
Figure 6. L’uréthroplastie vue de profil.Le gland est encore
ouvert.
Figure 3. Les lignes d’incision sont marquées au crayon der -
mographique. Elles circonscrivent le méat et se prolongent
sur les bords du prépuce.
Figure 4. Libération des adhérences uréthro-cutanées.
J.L. Mège et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 1136-1147
1140
Figure 8. Repérage de la collerette muqueuse. Elle est tou -
jours de bonne taille pour garantir un résultat esthétique
satisfaisant.
Figure 11. Aspect final de trois-quart. La verge est bien droi -
te.
Figure 9. Le gland est suturé sur la ligne médiane. Le garrot
est lâché.
Figure 10. Aspect final de face.
Figure 7. Suture sur la ligne médiane des reliquats de corps
spongieux qui assure l’hémostase et diminue la survenue de
fistules.
J.L. Mège et coll., Progrès en Urologie (1999), 9, 1136-1147
1 / 12 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !