Impact des facteurs environnementaux sur la reproduction

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DOSSIER
Facteurs
environnementaux
et fertilité
Impact des facteurs
environnementaux
sur la reproduction masculine
Impact of environmental factors on male reproduction
R. Habert*
D
ans le domaine de la santé environnementale, la reproduction masculine tient une
place majeure, car ce sont les altérations de
cette fonction qui, historiquement, ont alerté sur les
risques sanitaires des changements survenus dans
l’environnement au cours des dernières décennies.
C’est aussi l’étude des altérations de la reproduction
masculine qui a fait naître le concept de perturbateur
endocrinien (PE) qui est le sujet de cet article. Selon
la Commission Envi (environnement, santé publique,
sécurité alimentaire) du Parlement européen, un PE
est “une substance ou un mélange exogène altérant les fonctions du système endocrine et induisant
ainsi des effets nocifs sur la santé d’un organisme,
ou de ses descendants ou des sous-populations”.
Actuellement, on estime que plus de 1 000 molécules
présentes dans notre environnement sont susceptibles d’être des PE. Ce sont des produits chimiques
synthétiques tels que des produits industriels (PCB,
alkylphénols), des plastifiants (phtalates, bisphénol A
[BPA]), des produits utilisés dans l’agriculture (insecticides, fongicides, herbicides), des conservateurs
(parabènes), des produits de combustion (dioxine,
furane, cadmium), des médicaments, mais aussi
des substances naturelles d’origine végétale, telles
que les phytoestrogènes (soja) et les mycotoxines
(fusarium).
Altérations de la reproduction
masculine aux cours
des dernières décennies
* Laboratoire de développement
des gonades, unité Cellules souches
et radiations, INSERM U 967, CEA,
université Paris Diderot, Sorbonne
Paris Cité, Fontenay-aux-Roses.
Une dégradation temporelle des fonctions de la
reproduction masculine a été largement décrite
(figure) [1, 2]. Un certain nombre de registres
des malformations du nourrisson (mais pas tous)
indiquent une augmentation de l’incidence de la
cryptorchidie et de l’hypospadias entre 1960 et
16 | La Lettre du Gynécologue • n° 390 - mai-juin 2014
2008. Les écarts observés d’un registre à l’autre
sont peut-être dus à des différences géographiques, mais ils résultent surtout de divergences importantes dans les critères d’inclusion
(âge au moment du diagnostic, sévérité de la malformation). Ces limites sont la raison essentielle du
débat toujours actuel sur l’existence ou non d’une
augmentation de l’incidence de l’hypospadias et de
la cryptorchidie. En France, les données disponibles
les plus fiables montrent que l’incidence moyenne
de l’hypospadias a quadruplé entre 1979 et 2001.
De nombreuses études ont montré que la production
spermatique humaine a été altérée qualitativement
et quantitativement au cours des dernières décennies. C’est en 1992 qu’une étude danoise a alerté sur
cette question. Les auteurs, en comparant les publications des 50 dernières années rapportant les caractéristiques du sperme d’environ 15 000 hommes
normaux, ont mis en évidence un déclin de la concentration spermatique, qui a chuté de 113 millions de
spermatozoïdes par millilitre de sperme en 1940 à
66 millions en 1990 (3). De très nombreuses études
ont ensuite conforté – ou infirmé – ce déclin spermatique, montrant ainsi certaines différences régionales
dans l’évolution temporelle des caractéristiques
spermatiques, qui restent inexpliquées à ce jour.
Il y a désormais un consensus pour affirmer que,
globalement, la production spermatique a décliné
au cours des dernières décennies. En particulier, une
étude récente à grande échelle a montré que, en
moyenne, la production spermatique a diminué en
métropole de 1,9 % par an au cours des 2 dernières
décennies, pour chuter à 49,6 millions de spermatozoïdes par millilitre en 2005 (4). Le débat principal porte actuellement sur le fait qu’on ignore si la
production spermatique continuera de décroître ou
si elle se stabilisera à un certain niveau. Quoi qu’il
en soit, la conséquence de ce déclin sur la fertilité
des couples est un sujet majeur de préoccupation
sociétale (5).
Points forts
Mots-clés
» Depuis ces dernières décennies, on observe une augmentation des altérations de la reproduction
masculine (hypospadias, cryptorchidie, hypospermie, cancer du testicule).
» De nombreux arguments épidémiologiques, cliniques, expérimentaux suggèrent que ces altérations
résulteraient, pour partie au moins, des effets délétères des perturbateurs endocriniens environnementaux
sur le testicule, la période fœtale étant la plus vulnérable.
» De très nombreuses difficultés rendent délicate l’appréciation du risque sanitaire des perturbateurs
endocriniens.
Santé
environnementale
Reproduction
masculine
Perturbateur
endocrinien (PE)
Testicule fœtal
Cryptorchidie
12
3.5
9
6
3
0
3
2.5
2
0
1979 1982 1985 1988 1991 1994 1998 2002
1970 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991
Année de naissance
(x10 6 )
200
Highlights
Cryptorchidie
4
Nombre / 100 naissances
Nombre / 1 000 naissances
Hypospadias
15
Année de naissance
Cancer du testicule
Nombre de spermatozoïdes
8
Nombre de nouveaux cas
pour 100 000 individus par an
Nombre de spermatozoïdes
par ml de sperme
7
150
100
50
0
1960
1970
1980
1990
2000
2005
Année
6
» The incidence of several male
reproductive abnormalities
(hypospadias, cryptorchidism,
hypospermia, testicular cancer)
have been increasing during
the last decades.
» Many epidémiological,
clinical, expérimental
observations suggest 1) that
these abnormalities could
result, at least in part, from
the deleterious effects of
environmental endocrine
disruptors that act on the testis;
2) that fetal life is the critical
period of sensitivity.
» Risk assessment of endocrine
disruptors on human health
remains a very difficult task.
5
4
Keywords
3
Environmental health
Male reproduction
Endocrine disruptor
Fetal testis
Cryptorchidism
0
1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2008
Année
Figure. Évolution du nombre de spermatozoïdes et des anomalies des organes génitaux externes masculins
au cours des dernières décennies.
Les valeurs représentées ici sont des moyennes de 19 départements du centre de la France (hypospadias) ou européennes (les 3 autres graphiques). Il existe de grandes variations selon les pays et
les régions dans la valeur absolue et l’évolution temporelle de ces paramètres (d’après 1, 2, 4, 10).
Enfin, l’incidence du cancer du testicule (qui représente seulement 2 à 4 % des cancers masculins,
mais qui est le cancer le plus fréquent chez l’homme
jeune) a augmenté de façon régulière au cours des
dernières décennies dans tous les pays où des études
ont été réalisées. En France, le taux d’incidence
national a augmenté en moyenne de 2,5 % par
an entre 1980 et 2005. Contrairement à d’autres
cancers, cette augmentation ne peut pas être attribuée à d’éventuelles mesures de dépistage, car le
mode de détection de ce cancer n’a pas changé au
cours du temps (autodétection).
Effets d’une exposition
aux xénobiotiques pendant
la vie fœtale ou néonatale
Genèse de l’hypothèse
L’évolution des altérations des fonctions de la reproduction masculine étant trop rapide pour être due à
l’apparition de mutations, Sharpe et Skakkebaek ont
émis, dès 1993, l’hypothèse selon laquelle ces altérations résulteraient de l’augmentation du nombre
La Lettre du Gynécologue • n° 390 - mai-juin 2014 |
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DOSSIER
Facteurs
environnementaux
et fertilité
Impact des facteurs environnementaux sur la reproduction masculine
et de la concentration des toxiques chimiques environnementaux, et en particulier des PE (6).
En 2001, ces mêmes auteurs ont émis l’hypothèse
que ces altérations constitueraient différents symptômes d’un même syndrome : le syndrome de dysgénésie testiculaire (Testicular dysgenesis syndrome
[TDS]), dont l’origine se situerait au cours du développement fœtal (7).
Cette hypothèse est d’abord fondée sur l’observation
d’un lien entre les anomalies qui pourrait s’expliquer
par une origine commune. Par exemple, une étude
standardisée comparant 4 pays européens a montré
que l’incidence de chacune des 4 pathologies du
TDS (cryptorchidie, hypospadias, hypospermie et
cancer testiculaire) est la plus forte au Danemark,
la plus faible en Finlande, et moyenne en France
et en Écosse. De même, un épisode cryptorchide
est statistiquement associé à une augmentation
du risque d’apparition des 3 autres altérations
(de 3 à 17 fois pour le risque de cancer testiculaire
selon les auteurs).
Cette hypothèse est également fondée sur le fait
que chacune des altérations peut s’expliquer par une
(ou des) perturbations du développement du testicule fœtal. C’est évidemment le cas de l’hypospadias,
puisque la formation du pénis pendant la vie fœtale
est totalement androgénodépendante. C’est aussi
le cas de la cryptorchidie, puisque ce sont l’insulinlike 3 (Insl3, hormone protéique sécrétée par les
cellules de Leydig fœtales) et la testostérone, qui
imposent respectivement la descente transabdominale et inguinoscrotale des testicules depuis leur
position originelle abdominale vers le scrotum. En
ce qui concerne l’hypospermie, c’est pendant la vie
fœtale que se met en place le stock de cellules germinales (appelées gonocytes) qui deviendront les spermatogonies souches pendant l’enfance, lesquelles
seront à la base de la spermatogenèse pendant toute
la vie reproductive. De plus, les cellules de Sertoli,
qui conditionnent le rendement spermatique à l’âge
adulte, se mettent en place pendant la vie fœtale
et jusqu’à la puberté, et ne seront ensuite jamais
renouvelées. Une altération fœtale et/ou néonatale
du nombre ou de la qualité des gonocytes et/ou des
cellules de Sertoli aura donc des répercussions sur
la production spermatique à l’âge adulte. Enfin, en
ce qui concerne le cancer testiculaire, l’hypothèse la
plus couramment admise est que cette pathologie
résulte d’une anomalie du développement des gonocytes (8). Dans cette hypothèse, les gonocytes ne se
différencieraient pas correctement au cours de la vie
fœtale ou néonatale. Plus tardivement, ces cellules
formeraient un carcinome in situ qui pourra évoluer
18 | La Lettre du Gynécologue • n° 390 - mai-juin 2014
vers une tumeur de type variable (séminomateuse
ou non-séminomateuse).
Données confirmant ou infirmant
l’hypothèse
De nombreuses observations et expériences effectuées au cours des 25 dernières années vont dans
le sens de l’hypothèse d’une causalité environnementale du TDS, bien qu’il subsiste encore plusieurs
incertitudes (1, 9, 10).
Une première approche est d’ordre clinique. L’histoire
du diéthylstilbestrol (DES) fournit malheureusement une preuve directe que l’espèce humaine est
impactée par l’exposition à un perturbateur endocrinien pendant la vie fœtale. Si les effets d’une exposition in utero au DES ont été clairement démontrés
pour le sexe féminin (adénocarcinome du vagin à
cellules claires, hypofertilité ou stérilité, malformations du tractus génital, etc.), ses effets sont moins
bien établis pour le sexe masculin. Si certaines études
ont montré que les hommes exposés in utero au
DES présentent une augmentation de l’incidence
des malformations génitales, de la cryptorchidie, de
l’hypospadias et du cancer testiculaire, ainsi qu’une
diminution de la qualité du sperme, en revanche,
d’autres n’ont pas retrouvé ces associations. Les
divergences pourraient s’expliquer par des stades
gestationnels différents au moment de l’exposition
au DES, le premier trimestre de grossesse étant le
plus sensible.
Une deuxième approche est d’ordre épidémiologique.
Les analyses épidémiologiques sont difficiles en
raison de la multiplicité de facteurs chimiques,
physiques, physiopathologiques et psychosociaux
susceptibles d’altérer les fonctions de reproduction.
Malgré ces difficultés, plusieurs études rapportent
une association entre facteurs environnementaux
et troubles de la reproduction. Ainsi, les altérations
de la reproduction masculine sont beaucoup plus
fréquentes au Danemark qu’en Finlande ; parallèlement, le taux de composés organochlorés persistants
est plus élevé dans le placenta et le lait chez les
femmes danoises que chez les femmes finlandaises.
De plus, les jeunes hommes danois et finlandais qui
migrent en Suède conservent la prévalence du cancer
testiculaire de leur pays d’origine (16 pour 100 000
au Danemark et 4 pour 100 000 en Finlande), mais
leur descendance née en Suède acquiert l’incidence
générale de la Suède (9 pour 100 000), quel que
soit le pays d’origine des parents. Aux États-Unis,
il a été montré que la concentration de spermato-
DOSSIER
zoïdes chez les hommes est inversement corrélée
à la consommation de viande de bœuf de leur
mère durant leur grossesse (la viande étant issue
d’animaux traités aux hormones anabolisantes, ce
qui est interdit en Europe). De même, la qualité
du sperme est altérée chez les hommes ayant été
exposés pendant leur vie périnatale à de fortes
doses de dioxine lors de l’accident de Seveso (Italie),
survenu en 1976. Il est intéressant de noter que cette
altération s’observe chez les hommes nés plusieurs
années après l’accident qui ont été nourris au sein,
mais pas chez ceux qui ont été nourris au biberon,
ce qui met en évidence le relargage de la dioxine dans
le lait maternel des mères contaminées. D’autre part,
les fils de femmes ayant fumé pendant leur grossesse
ont une réduction significative de la production et
de la qualité spermatique par rapport aux enfants de
mères non-fumeuses. Les fils de couples d’agriculteurs utilisant des pesticides montrent un taux accru
de cryptorchidie et d’hypospadias. Une augmentation de la concentration en PCB a été détectée chez
les mères d’enfants atteints de cryptorchidie. Enfin,
en Chine, on observe une réduction de la distance
anogénitale (un index de masculinisation) chez les
fils des ouvrières et, à un moindre degré, chez les
fils des ouvriers qui travaillent dans des usines de
synthèse de BPA.
Une troisième approche est fondée sur l’expérimentation animale. Plusieurs centaines de publications ont analysé l’effet d’une exposition aux PE
sur le développement et les fonctions de reproduction chez le rat mâle. Il a été clairement montré
que l’exposition aux principaux PE pendant la vie
fœtale (éventuellement prolongée par une exposition pendant l’allaitement) induit un ou plusieurs
troubles composant le TDS (11).
Une dernière méthode d’analyse est l’approche in
vitro. La culture sur membrane de fragments testiculaires issus de fœtus de rat, de souris ou d’homme,
que nous avons mise au point dans notre laboratoire, s’est révélée être un outil très pertinent. Ce
système, qui préserve l’architecture testiculaire et
les communications intercellulaires, assure le développement in vitro de tous les types cellulaires. Nous
avons ainsi étudié les effets directs de différents PE
sur le développement et les fonctions du testicule
fœtal en fonction de l’âge, du temps, de la dose et
de l’espèce. Nous avons en particulier démontré
expérimentalement que, chez l’homme, les phtalates provoquent la mort des cellules germinales
fœtales (12) et que le BPA, à des concentrations
compatibles avec les concentrations environnementales, réduit la production testiculaire de testo-
stérone (13). De plus, la sensibilité du testicule fœtal
humain au BPA est 100 fois supérieure à celle du
rat ou de la souris, espèces qui servent de modèles
pour définir les valeurs toxicologiques de référence.
Notons également que le système in vitro a permis
de montrer que des concentrations de metformine
équivalentes à celles retrouvées dans le sang des
patientes traitées par ce médicament réduisent la
production de testostérone par les cellules de Leydig
fœtales humaines (14). Plus récemment, un modèle
de xénogreffe de testicules fœtaux humains chez des
souris immunodéficientes a été développé, dont les
premiers résultats confortent les données obtenues
par notre test in vitro.
En conclusion, la majorité des recherches a conforté
l’hypothèse du TDS. Cependant, on doit souligner
qu’aucune expérimentation animale n’a jamais
permis jusqu’à présent d’induire le cancer testiculaire à la suite d’une exposition aux PE.
Effets d’une exposition aux
xénobiotiques à l’âge adulte
Bien qu’il soit clairement établi que la période
fœtale est la période la plus vulnérable aux atteintes
des toxiques, cela n’exclut pas qu’une exposition à
l’âge adulte puisse altérer les fonctions de reproduction masculine. Ainsi, l’effet négatif du tabac
sur la production spermatique est bien établi.
Récemment, une corrélation entre la concentration
plasmatique de BPA et la survenue d’impuissance a
été mise au jour chez des ouvriers du plastique en
Chine. Enfin, la sinistre histoire du 1,2-dibromo-3chloropropane (DBCP) va également dans ce sens. Le
DBCP a été utilisé dans les bananeraies du Mexique
et d’Amérique centrale jusqu’en 2000. Ce produit
a affecté plusieurs dizaines de milliers d’individus,
provoquant des stérilités et/ou des cancers, des
affections cutanées, des troubles neurologiques, etc.
Le cancer de la prostate ne fait pas partie du spectre
du TDS. Il peut être induit ou stimulé par l’exposition
aux xénobiotiques à l’âge adulte. Par exemple, une
exposition au chlordécone, un insecticide non biodégradable utilisé dans les bananeraies aux Antilles
jusqu’en 1993, est associée à une augmentation
du risque de développer la maladie. Enfin, une
augmentation d’un facteur 2 du risque de cancer
de la prostate a été observé chez les vétérans de
la guerre du Vietnam, 40 ans après leur exposition
à l’agent orange (2,4,5-trichlorophénol), un herbicide et défoliant qui, de plus, était contaminé par
des dioxines.
La Lettre du Gynécologue • n° 390 - mai-juin 2014 |
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DOSSIER
Facteurs
environnementaux
et fertilité
Complexité de l’évaluation
du risque
La problématique de la perturbation endocrinienne
soulève de très nombreuses interrogations lors d’une
démarche d’évaluation du risque en santé humaine.
La modification des paramètres biologiques observée
pendant la vie fœtale en réponse à une exposition
à un PE traduit-elle simplement une adaptation
physiologique normale (et finalement salutaire pour
l’individu) ou bien est-elle le signe d’une dégradation
durable de la fonction de reproduction ? Pourquoi
certains PE peuvent-ils agir à de très faibles concentrations ? Comment prendre en compte, dans les
études épidémiologiques, le fait que de nombreux
troubles reproductifs observés chez l’adulte trouvent
leur origine pendant la vie fœtale ou néonatale ?
Comment prendre en compte le fait que la sensibilité aux PE varie selon le stade de développement
du fœtus ? Pourquoi un mélange de PE (comme
il en existe dans la “vraie vie”) peut-il exercer un
effet supérieur ou inférieur à la somme des effets de
chacun de ses composants ? Enfin, comment extrapoler à l'être humain les données expérimentales
obtenues chez l’animal, sachant que la reproduction
est la fonction physiologique qui présente les plus
grandes variations interespèces ?
Une difficulté supplémentaire dans l’évaluation du
risque est la grande variabilité de la susceptibilité
individuelle aux xénobiotiques qui peut résulter du
polymorphisme des composants des voies de signalisation. De plus, il existe des différences éthniques
dans la sensibilité aux PE. Ainsi, aux États-Unis, pour
une même exposition aux toxiques environnementaux, l’incidence du cancer du testicule est 3 à 4 fois
plus faible chez les hommes originaires d’Afrique
subsaharienne ou d’Asie que chez les populations
d’origine caucasienne, et c’est l’inverse pour l’incidence du cancer de la prostate.
Enfin, une nouvelle inquiétude est née récemment
après l’observation d’effets transgénérationnels des
PE observés chez le rat et la souris. Dans l’espèce
humaine, une augmentation de la fréquence de
l’hypospadias a été observée chez les garçons dont la
grand-mère maternelle a été traitée au DES pendant
la grossesse (15).
Toutes ces données montrent la complexité de la
problématique des PE, qui engendre des interrogations permanentes pour les médecins et les scientifiques, les organismes sanitaires réglementaires, les
décideurs politiques, mais aussi pour le grand public.
Conclusion
D’un point de vue médical, le faisceau d’arguments
montrant que la période fœtale est particulièrement
sensible à la perturbation endocrinienne apparaît
suffisamment convergent pour inciter à la mise en
place de mesure de protection individuelle, sociétale et/ou réglementaire de la femme enceinte. Au
Danemark, pays particulièrement touché par les
altérations des fonctions de reproduction masculine,
des conseils sont donnés aux femmes enceintes dans
les centres de gynécologie (tableau).
Du point de vue scientifique, de nombreuses observations restent largement inexpliquées (effets différés,
effets des faibles doses, effets des mélanges, différences interespèces, effets transgénérationnels, etc.).
Ainsi, au-delà de l’analyse toxicologique descriptive
Tableau. Conseils pratiques pour les femmes enceintes et celles qui allaitent.
1. Utilisez le moins possible de produits cosmétiques et de lotions au cours de votre grossesse et pendant que vous allaitez.
2. Choisissez toujours des produits non parfumés et cessez d’utiliser du parfum
3. Achetez de préférence des produits qui bénéficient d’un label écologique
4. Ne colorez pas vos cheveux si vous êtes enceinte ou si vous allaitez.
5. Bannissez les peintures et évitez les produits vendus en spray si vous êtes enceinte ou si vous allaitez.
6. Lavez tous les objets destinés à votre bébé, y compris les tissus et les jouets en tissu ou en plastique.
7. Évitez l’usage quotidien de lotion, de savon, etc. pour votre bébé
8. N’achetez pour votre bébé que des produits – jouets compris – sans parfum.
9. Ne donnez à votre bébé que des jouets conçus pour son âge. Les jouets pour les enfants âgés de plus de 3 ans peuvent contenir
des phtalates.
Ce texte, édité par l’Agence nationale de protection de l’environnement, est distribué dans les maternités au Danemark.
20 | La Lettre du Gynécologue • n° 390 - mai-juin 2014
DOSSIER
de chacun des composés chimiques, ce sera par une
compréhension des mécanismes fondamentaux
d’action cellulaire et moléculaire de ces composés
que nous serons en mesure d’évaluer correctement
la dangerosité des milliers de molécules présentes
dans notre environnement, et de prédire celle des
milliers d’autres qui seront mises sur le marché au
■
cours des prochaines années.
L’auteur déclare ne pas avoir
de liens d’intérêts.
Références bibliographiques
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A N N O N C E
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