DOSSIER
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La Lettre du Sénologue - n° 31 - janvier/février/mars 2006
patient peu vigile, ralenti sur le plan moteur ou de l’idéation, inca-
pable de se maintenir à une tâche ou se laissant facilement dis-
traire, rapidement débordé lorsqu’on le confronte à des exigences
simultanées, facilement fatigable, n’arrivant pas à mener à bien une
tâche de longue durée, ou encore présentant des difficultés à passer
sans transition d’une tâche à une autre. S’attacher à mesurer
l’attention revient à évaluer des notions plus spécifiques telles
l’alerte, la sélectivité, l’attention focalisée, la capacité de traite-
ment, la vigilance, l’attention soutenue, la distractibilité et la
vitesse de traitement de l’information. Ces notions renvoient à des
réalités cliniques bien différentes et chacune de ses composantes
considérées isolément peut engendrer des difficultés bien spéci-
fiques. Nous détaillerons les modalités d’évaluation spécifiques à
l’alerte, à l’attention soutenue, à la vigilance et à la sélectivité.
Dans l’alerte et vitesse de traitement de l’information, on dis-
tingue “alerte tonique” et “alerte phasique”. Dans les batteries
d’évaluation classique, c’est l’alerte tonique qui est la plus étu-
diée. Elle correspond à l’état d’éveil du sujet, duquel dépendent
ses capacités à réagir de manière adéquate aux exigences aux-
quelles il est confronté. Une atteinte de cette composante peut
conduire à un ralentissement du traitement de l’information. Une
épreuve classiquement utilisée pour mesurer le ralentissement de
traitement de l’information est le subtest de l’épreuve d’intelli-
gence de Weschler (12), à savoir, celui des codes. Dans ce sub-
test, aux chiffres de 1 à 9 correspondent des symboles, le patient
doit compléter une grille en attribuant au chiffre proposé le sym-
bole correspondant en agissant le plus vite possible. Les autres
tests d’évaluation de l’alerte tonique sont informatisés et corres-
pondent aux tâches dites “de temps de réaction” : elle requièrent
de la part du patient la simple détection de signaux (visuel, audi-
tif ou auditivo-visuel). L’attention soutenue requiert de la part du
patient un traitement actif et ininterrompu ; il s’agit pour le
patient de maintenir un niveau d’efficience adéquat et stable au
cours d’une certaine durée sollicitant un contrôle attentionnel
continu. L’attention soutenue pourrait être évaluée avec pratique-
ment toutes les épreuves permettant l’enregistrement prolongé et
continu tant de la qualité que de la rapidité des performances. La
fatigabilité mentale se manifestera alors par la dégradation des
performances au fur et à mesure de la tâche. Dans le “Paced
Auditory Serial Addition Task” (13), on présente au patient, dans
un ordre pseudo aléatoire, des chiffres allant de 1 à 9. Sa tâche
consiste à additionner chacun des chiffres avec celui qui le pré-
cède dans la série et de formuler sa réponse à haute voix.
La vigilance ou la capacité d’un sujet à maintenir un niveau de
vigilance optimale lors des tâches de longue durée est évaluée
dans des épreuves de détection d’événements rares. Au cours de
ces tâches informatisées, le patient doit détecter une cible appa-
raissant très rarement parmi des distracteurs et y réagir le plus
rapidement possible en appuyant sur un bouton réponse.
L’attention sélective renvoie aux capacités de sélection d’infor-
mations pertinentes de l’environnement, utiles à la gestion de
situations complexes. Parmi les tâches les plus souvent utilisées,
nous pouvons citer les épreuves de figures enchevêtrées au cours
desquelles les sujets doivent identifier les différentes figures
composants une figure complexe ou encore des épreuves de bar-
rages de cibles. Dans le test du D2 (14), le sujet est invité à
cocher le plus rapidement possible et durant 20 secondes dans
chacune des 14 lignes que comprend l’épreuve, la lettre “d” si
elle est associée à deux apostrophes, sachant que les distracteurs
sont morphologiquement très proches.
PRÉSENTATION DE L’ÉTUDE ECHO
(ÉVALUATION COGNITIVE EN HÉMATO-ONCOLOGIE)
Cette étude s’intéresse à la faisabilité de l’évaluation cognitive
chez les patients cancéreux et se donne comme objectif secon-
daire la caractérisation des troubles cognitifs des patients soumis
aux thérapeutiques anticancéreuses. Cette étude est très intéres-
sante dans la mesure où elle s’investit dans un nouveau domaine.
En effet, les troubles cognitifs en onco-hématologie sont une réa-
lité médicale encore mal connue. En revanche, l’évaluation des
troubles cognitifs est bien documentée. Des outils d’évaluation
cognitive, comme nous venons de le voir, permettent d’identifier
les difficultés rapportées par les patients. Dans la plupart des tra-
vaux portant sur les effets délétères des traitements anticancéreux
sur la cognition, des variables influençant le fonctionnement
cognitif ne sont pas toujours prises en considération et par consé-
quent, l’impact direct et réel des traitements sur les troubles
cognitifs est difficile à apprécier. En effet, des variables démo-
graphiques tels l’âge, le niveau d’éducation, le niveau d’intelli-
gence prémorbide, des variables psychologiques tels les possibi-
lités d’adaptation psychologique à la maladie, la dépression et
l’anxiété, le statut hormonal, ou encore les antécédents médicaux
peuvent être impliqués dans les dysfonctionnements cognitifs
observés chez les patients. L’étude ECHO s’est intéressée à la
caractérisation des déficits cognitifs des patients cancéreux en
contrôlant ces variables et en utilisant une batterie de tests neuro-
psychologiques adaptée.
Cette étude est multicentrique, son premier objectif est de vérifier
la faisabilité de l’évaluation des troubles cognitifs sur des
groupes de patients homogènes, le deuxième objectif est de
mesurer l’impact des thérapeutiques sur la survenue des troubles
(comparaison intra-individuelle pré- et post-thérapeutique et
interindividuelle) et d’estimer la fréquence des troubles dans les
pathologies choisies.
Les patients inclus dans l’étude doivent être en première ligne
thérapeutique :
– cancer du sein T1N0 relevant d’une prise en charge par radio-
thérapie locorégionale ;
– cancer du sein relevant d’une prise en charge par chimiothéra-
pie adjuvante et d’une radiothérapie (T1, T2, N+) ;
– lymphome non hodgkinien malin (LNMH-B) à grandes cellules ;
– myélome multiple (patients bénéficiant d’une chimiothérapie
intensive avec support autologue de cellules souches hémato-
poïétique ;
– cancer colique relevant d’une chimiothérapie adjuvante.
Les patients qui présentent une rechute ou qui sont traités par chi-
miothérapie palliative, qui ont des antécédents personnels de
troubles psychiatriques, mnésiques connus, les patients HIV posi-
tif dans le groupe des LNH B à grandes cellules, qui ont d’autres
pathologies hématologiques, des antécédents neurologiques
(traumatisme crânien, pathologies vasculaires, épilepsie…), des
syndromes d’apnée du sommeil connus ne sont pas inclus dans
l’étude.