Dans les deux essais conduits avec le paclitaxel, le protocole
utilisé consistait en un schéma séquentiel avec 4 AC suivis de
4 cycles de paclitaxel 175 m g / m
2
ou 225 m g / m
2
. L’étude du
CALGB 9344 a fait l’objet de plusieurs analyses ; la dernière
analyse à 69 mois a démontré un gain absolu significatif de 5 %
sur la survie sans récidive (réduction du risque de 17 %) et de
3% sur la survie globale (réduction du risque de 18 %) avec
l’apport du paclitaxel en séquentiel après AC par rapport à AC
seul (11).
En revanche, le deuxième essai (NSABP B28), conduit selon les
mêmes modalités, n’a pas retrouvé de bénéfice à l’utilisation de
ce schéma, malgré l’optimisation des doses du paclitaxel.
Cependant, il semble que le paclitaxel en administration
hebdomadaire soit plus efficace qu’en administration toutes les
3semaines, et il est possible que ces essais en adjuvant n’aient
pas utilisé le meilleur schéma pour le paclitaxel (17).
L’essai dose-dense publié par M. Citron a démontré que le
raccourcissement des intervalles entre les cures de trois s e m a i n e s
à deux semaines permettait d’améliorer significativement la
survie sans récidive, de même que la survie globale (18).
En ce qui concerne le docétaxel, le BCIRG a rapporté les
résultats de l’essai BCIRG 001, qui comparait un schéma d’asso-
ciation incluant le docétaxel (TAC) au FAC (19). Avec un suivi
de 33 mois, les résultats présentés démontrent une réduction du
risque de récidive, notamment dans le sous-groupe des patientes
avec un envahissement ganglionnaire modéré : de 1 à 3 g a n g l i o n s .
À partir de 4 ganglions, cette réduction n’est pas significative.
De même, la survie globale est significativement améliorée, avec
une réduction du risque de mortalité de 30 % pour l’ensemble de
la population. Le bénéfice était observé quel que soit le statut des
récepteurs hormonaux et de la surexpression de l’oncogène Her2.
Les taxanes apportent clairement une amélioration dans la prise
en charge des patientes atteintes d’un cancer localisé. Cependant,
les résultats sont contradictoires, et ceux des nombreux essais en
cours nous fourniront des renseignements supplémentaires sur
plus de 30 0 0 0 nouvelles patientes, avec différents schémas
d’administration des drogues. De même, une future méta-analyse
nous fournira des données essentielles à partir des données
matures de l’ensemble de ces essais.
Enfin, ces études, si elles semblent pouvoir améliorer le pronostic
chez les patientes N+, posent d’autres problèmes, comme celui
de connaître le meilleur schéma d’administration des taxanes :
séquentiel ou concomitant, 6 ou 8 cycles, dose-dense ou schéma
hebdomadaire. Que faire chez les malades avec un envahissement
ganglionnaire majeur ou chez les patientes N- ?
Néanmoins, l’utilisation de ces nouveaux agents en phase précoce
de la maladie devrait bientôt pouvoir être validée.
CONCLUSION
Des progrès considérables ont été faits dans la prise en charge du
cancer du sein localisé depuis plusieurs années, et la survie s’est
nettement améliorée avec l’arrivée des anthracyclines et, notam-
ment, de l’épirubicine, qui a permis d’optimiser le traitement en
réduisant le risque de complications cardiaques chez ces patientes.
De nombreuses études ont également permis de mettre au point
est nécessaire et suffisante : l’essai du CALGB 9344 a démontré
qu’aucun bénéfice supplémentaire n’est observé avec l’augmen-
tation des doses au-delà de 60 mg/m
2
de doxorubicine (11). En
ce qui concerne l’épirubicine, le Groupe français d’études en
adjuvant (GFEA) a démontré que la dose optimale du FEC était
de 100 mg/m
2
(12). Cet avantage est maintenu à dix ans (13). Les
équipes canadiennes, quant à elles, prescrivent le FEC sur
quatre semaines avec une dose d’épirubicine à 120 mg/m
2
(14).
Quant au nombre de cycles de chimiothérapie, il semble qu’un
traitement d’au moins 4 à 6 cycles soit nécessaire pour les
patientes N+. L’essai du CALGB 9344 suggère que l’allongement
de 4 à 8 cures améliore le bénéfice lorsque l’on ajoute 4 cycles
de paclitaxel aux 4 cycles d’AC (11).
Pour les patientes N-, la tendance serait de réduire le nombre de
cures, et le PACS05, en cours, compare 6 à 4 cycles de FEC 100
pour ces patientes.
Tolérance à long terme des anthracyclines
En termes de toxicité cardiaque, on peut redouter des incidents
survenant à distance du traitement, d’autant plus qu’il y a des anté-
cédents cardiovasculaires, une irradiation médiastinale antérieure
et un traitement antérieur par anthracyclines. De fait, le risque
augmente avec la dose cumulée reçue, mais il reste cependant rare
si l’on respecte les doses maximales. Les données des études nous
renseignent sur la survenue exacte des toxicités : dans l’étude
G F E A 05, chez plus de 260 patientes traitées, les événements car-
diaques de toutes sortes sont survenus dans 3,9 % des cas, et trois
cas d’insuffisance cardiaque clinique ont été signalés. Dans l’essai
du NCI canadien, quatre cas d’insuffisance cardiaque clinique
ont été observés chez plus de 350 patientes ayant reçu le FEC 1 2 0
(1,1 %). L’étude rétrospective sur la base des essais conduits par
le GFEA a rapporté des renseignements complémentaires avec
un recul médian de plus de 7 ans, sur 2 553 patientes (15) : les
anomalies de la fonction ventriculaire gauche ont été observées
dans 0,70 % des cas, contre 0,20 % chez les patientes non trai-
tées par épirubicine.
Quant aux leucémies secondaires, l’incidence en est relativement
faible. Pour le NSABP, l’expérience de la doxorubicine chez plus
de 8 5 0 0 femmes a révélé une incidence de 0,22 % pour les s c h é m a s
à dose standard et de 1,04 % pour les schémas intensifiésavec doses
élevées de cyclophosphamide ( 1 6 ). Le suivi prolongé des patientes
traitées dans le GFEA 05 a révélé deux cas de leucémie secondaire
sur 260 patientes, et, dans la base du GFEA, la fréquence des
leucémies est de 7 cas déclarés (0,27 %) versus 1 cas (0,10 %)
dans les bras avec et sans épirubicine, respectivement.
LES TAXANES : VERS UN NOUVEAU STANDARD ?
L’introduction des taxanes dans le cancer du sein a représenté une
avancée importante. En effet, ce sont les premiers agents ayant
démontré une efficacité majeure lors d’un échec aux anthracyclines,
voire une efficacité supérieure à celle des anthracyclines en phase
métastatique.
Les essais thérapeutiques en phase adjuvante ont donc démarré,
et, à ce jour, nous disposons des données issues de deux essais
avec le paclitaxel et d’un essai avec le docétaxel.
M
I S E A U P O I N T
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La Lettre du Cancérologue - Volume XIII - n° 4 - juillet-août 2004