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Deux intoxications aiguës
aux psychostimulants
lors de free party
Michel Lys *
Depuis plus de deux ans, l’équipe de la Mission Rave de
Médecins Du Monde (MDM) assure des permanences sanitaires lors des free parties. Cette équipe médicalisée est confrontée à des intoxications aiguës aux produits consommés sur place.
L’absence d’une littérature clinique concernant ces accidents nous
amène à réutiliser “l’archaïque outil” de la sémiologie descriptive.
Les lecteurs nous pardonneront l’aspect “monographie botanique” des descriptions.
Un contexte particulier
1- Les produits impliqués ne peuvent être
identifiés par un bilan biologique. Nous ne
disposons donc que des informations données par l’entourage du patient.
2- Les tableaux décrits ne concernent que
la période initiale de l’intoxication et il
nous est impossible d’en connaître l’évolution à moyen ou à long terme.
3- Les difficultés de l’interrogatoire nous
privent d’une anamnèse concernant le
contexte de l’intoxication aiguë : antécédents médicaux psychiatriques, consommation chronique ou épisodique, etc..
Un épisode
confuso-délirant agité
Stéphane, 16 ans, est retrouvé par l’équipe
en train de ramper par terre, tentant d’arracher ses vêtements ; il est dans un état d’excitation confuse.
Ramené avec difficulté jusqu’au camion de
Médecin Du Monde, le patient présente les
signes suivants :
* Saint-Germain-en-Laye.
Le Courrier des addictions (2), n° 1, mars 2000
• Une aphasie : la mutité du patient est
entrecoupée de salves d’onomatopées incohérentes. Il n’y a aucune communication
possible. Les salves aphasiques semblent se
produire à l’occasion de montées d’agitation ou de terreurs. L’aphasie peut brutalement s’interrompre par une phrase cohérente,
hors contexte : “c’est lourd”.
• Des stéréotypies : le patient est catatonique,
immobile et rigide. Cet immobilisme est
interrompu tantôt par des stéréotypies de
type de torsion des membres supérieurs, tels
qu’on les voit chez les autistes, tantôt par des
mouvements de grattage du sol. Le regard est
fixe et semble à la recherche de petits objets
comme dans l’hallucinose d’insectes du delirium tremens.
• La conscience est altérée sur un mode de
coma vigile. Lors de son transfert aux
urgences par le SAMU, le patient présente
un réveil brutal avec comportement agressif. À l’arrivée aux urgences, il explose à
nouveau, son agitation est incontrôlable. Il
mord le médecin de garde.
• Sur le plan somatique, son état cardiovasculaire est stable avec une tension élevée et une tachycardie à 120, mais sans
troubles du rythme. Il ne présente ni température, ni sudation, ni signe de déshydratation. Les pupilles sont en mydriase
réactive.
• Évolution : le patient après mise sous neuroleptiques se réveille, le lendemain, calme
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et peut donner son identité et les coordonnées de sa famille en province. Il quitte le
service de médecine, où il était hospitalisé,
le même jour. Nous n’avons pu rattacher
cette intoxication à un produit précis, du
fait de l’absolue impossibilité d’interroger le
patient.
Épisode de perte
de conscience avec terreur
Luc, 23 ans, est amené dans le camion de
Médecin Du Monde. Il vient de s’écrouler
après la prise de MDMA (2 comprimés
d’ecstasy), d’alcool, de cannabis, d’amphétamines, de cocaïne (1/2 g en sniff) et de kétamine en quantité indéterminée, ainsi que nous
l’expliquent les amis qui l’accompagnent.
• État de conscience : le patient se présente
avec une conscience très altérée. Il est réactif aux sollicitations douces, et peut dire
quelques mots (son prénom, etc.). Là encore,
ce coma vigile est entrecoupé de réveils
brutaux. Ceux-ci se caractérisent par un
raidissement du corps quasi catatonique
(on retrouve “le signe de l’oreiller” de la
catatonie du schizophrène) et des mouvements automatiques de la tête et des yeux.
Ceux-ci se fixent dans un regard latéral
rigide, accompagné de rotations brèves de
la tête et du cou. L’image la plus expressive
est “le mouvement de la tête de pigeon”
cherchant à capter dans sa vision latérale
un objet. L’expression du regard est la terreur. L’épisode dure quelques dizaines de
secondes avant que le patient retombe dans
son coma vigile, calme et détendu.
• État somatique : le patient présente une
tension normale avec une tachycardie à 130
de fond. On note des épisodes de bradycardie brutale pouvant amener le rythme cardiaque sous 40 pulsations/minute et une
mydriase bilatérale réactive.
• Évolution : les épisodes de réveil et de terreur s’espacent pour laisser place à un sommeil. Le patient devient capable de
répondre à des questions simples et son
orientation est correcte. Il est transféré en
milieu hospitalier en raison de troubles du
rythme cardiaque ; après examen, aucun
épisode de bradycardie ne sera retrouvé.
Le patient sort contre avis médical, le lendemain.
Dans un cas comme dans l’autre, nous
sommes face à des accidents secondaires à
des polyintoxications. Nous ne pouvons donc
pas incriminer un produit plutôt qu’un autre.
La dangerosité des consommations que nous
relatons est avant tout celle des associations.
On peut constater que dans le débat sur la
dangerosité de l’ecstasy qui se déroule, tant
dans la presse généraliste qu’au sein des professionnels, on tient très peu compte des pratiques réelles des populations concernées.
Si l’on s’en tenait strictement à une position de soutien d’une politique de réduction
des risques liés à l’usage de drogue, il est
clair que le premier message de prévention
auprès de jeunes consommateurs d’ecstasy,
ou dite telle, serait : “Ne mélangez pas les
produits.” Informer ces populations sur la
dangerosité de l’ecstasy revient à dire à un
conducteur de respecter les limitations de
vitesse alors qu’il roule avec un bandeau
sur les yeux ! Y a-t-il des mono-utilisateurs
d’ecstasy “propre” ? Les éléments, recueillis
auprès de jeunes ne fréquentant pas l’espace
spécifique des free-parties, montrent que
pour une simple fête en boîte du samedi soir,
la soirée peut commencer par de l’alcool et
du cannabis, “pour se détendre”, puis continuer par des amphétamines médicamenteuses type coupe-faim ou de la cocaïne pour
se réveiller, de l’ecstasy pour danser, et finir
par des hypnotiques benzodiazépiniques
pour pouvoir dormir.
Sur le plan neuropsychiatrique, on ne peut
que souligner l’aspect très impressionnant
des intoxications aiguës. Ce sont notamment les éléments neuropsychiques, de
type stéréotypies, catatonies, altérations
des mouvements oculaires, aphasie qui
semblent inquiétants. Dans l’impossibilité
d’en faire une genèse physiologique fondée, ces éléments ne peuvent qu’être rapportés par proximité à d’autres troubles. Il
est clair qu’en ce sens ils évoquent les
manifestations comportementales qu’on
retrouve dans l’autisme (stéréotypies,
aphasies) ou la schizophrénie (catatonie,
troubles du regard).
On connaît les hallucinoses fréquentes lors
de la plupart des confusions toxiques, dont
le delirium tremens est probablement le
Le vaccin anti-cocaïne de Cantab passe
le cap des essais de phase I
L’essai de Phase I (aidé financièrement par le National Institute on
Drug Abuse américain) de “TAD-CD”, vaccin anti-cocaïne de Cantab
Pharmaceutical, a montré sa sécurité et son immunogénicité. Les
résultats en ont été présentés par le Dr Thomas Kosten (VA Medical
Center) aux 61e rencontres scientifiques annuelles du College on
Problems of Drug Dependance, à Acapulco, en juin 1999 :
– les essais, en double aveugle contre placebo, ont inclus 34 sujets
ayant tous présenté au cours de leur vie une addiction à la cocaïne.
Ils ont reçu trois injections à quatre semaines d’intervalle ;
– aucun effet secondaire sérieux n’a été observé au cours de l’essai ;
– tous les sujets ayant reçu le vaccin ont développé une immunité.
La réponse immunitaire, fonction de la dose administrée, s’est prolongée au moins 84 jours et il a été démontré que les anticorps produits pouvaient reconnaître la cocaïne libre dans le sang.
Le Dr Kosten a souligné que le “TA-CD offre la possibilité d’une
approche nouvelle, et particulièrement viable, d’un problème très
grave pour lequel il n’existe pas d’alternatives disponibles en termes
de pharmacothérapie”.
Allemagne : la codéine réservée aux cas d’exception
Entérinés en février 1998, les nouvelles règles des thérapeutiques de
substitution ont été appliquées en janvier 2000. Elles prévoient la
restriction à des cas d’exception de la substitution par la codéine et
de son dérivé hydrogéné.
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meilleur exemple. On en connaît également
le caractère totalement régressif et non
récurrent à la sortie de l’épisode.
Ce ne sont donc pas les terreurs ou les probables hallucinations que présentent ces
jeunes qui donnent le plus de soucis au psychiatre. Les questions qui se posent sont les
suivantes : ces jeunes vivent-ils un
“simple” accident confuso-délirant, ou
font-ils l’expérience d’une véritable psychose délirante, comme pourraient le laisser
penser les éléments neuropsychiques qui
accompagnent leur altération de la
conscience ? Les mécanismes neurobiologiques en jeu sont-ils un simple brouillage
des fonctions cognitives comme dans la
confusion, ou en sont-ils une véritable
désorganisation ?
Un suivi à moyen terme des jeunes ayant
présenté ces accidents est absolument
indispensable pour pouvoir répondre à ces
questions.
Les nouvelles modalités autorisent les médecins traitants à prescrire, dans le cadre d’une
thérapie de substitution,“la méthadone, la lévométhadone ou une autre substance homologuée dans cette indication, voire la codéine ou la di-hydrocodéine dans des cas exceptionnels”.
Depuis le 1er janvier 2000, un traitement de substitution ne peut plus
être entamé avec la (dihydro) codéine et, dans le cas de traitements
en cours, le produit doit dorénavant être remplacé par la méthadone,
la lévo-méthadone, ou une autre substance homologuée.
Cependant, les situations d’exception à justifier par le médecin-traitant peuvent subsister.
Communiqué du ministère Fédéral de la Santé, janvier 2000.
Simone Berthelier
Lofexidine et sevrage de la dépendance physique
aux opiacés
Agoniste spécifique et sélectif du récepteur alpha 2a, la lofexidine
présente une meilleure sécurité d’emploi que la clonidine ou la
guanfacine (agonistes alpha 2 non spécifiques du sous-type a) dans
le traitement symptomatique du sevrage de la dépendance physique
aux opiacés. Plus précisément, elle ne présente pas de risque d'hypotension. Dans ce contexte, alors que la lofexidine est commercialisée en Grande-Bretagne, on ne peut que regretter son absence
dans l’arsenal thérapeutique français.
Patrick Beauverie
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