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Soixante-neuf sujets ont été
inclus dans l’étude : 15 n’ayant
jamais consommé d’ecstasy, 15
utilisateurs modérés d’ecstasy
(consommation au cours de la vie
supérieure à 55 pilules ; moyenne
29 pilules), 23 gros utilisateurs
(consommation au cours de la vie
supérieure à 55 pilules ; moyenne
530 pilules) et 16 ex-utilisateurs
(consommation au cours de la vie
supérieure à 55 pilules, dernière uti-
lisation remontant à plus de 12 mois
avant l’entrée dans l’étude ;
moyenne 268 pilules). Les effets de
l’ecstasy sur les neurones sérotoni-
nergiques cérébraux ont été étudiés
chez tous les sujets par tomogra-
phie d’émission monophotonique
([123I]ß-CIT SPECT) et chez un
sous-groupe de 7 sujets n’ayant
jamais utilisé d’ecstasy et 8 gros uti-
lisateurs, par spectroscopie à réso-
nance magnétique protonique
(1HMRS). La mémoire verbale a
été évaluée par le test d’apprentis-
sage verbal et auditif de Rey
(RAVLT). La présence d’une
humeur dépressive et la dépres-
sion majeure selon le DSM-IV a
été évaluée par l’inventaire de la
dépression de Beck (BDI) et l’in-
terrogatoire diagnostique compo-
site international (CIDI).
Troubles de la mémoire
et dépression
Chez les femmes grosses utilisa-
trices d’ecstasy (mais non chez
les hommes), des diminutions
significatives des rapports de
captation globale du ß-CIT mar-
qué à l’iode 123 (beta-carboxy-
methoxy-iodophenyl-tropane)
ont été observées. Chez les ex-
utilisatrices (mais pas chez les
hommes ex-utilisateurs) une
diminution significative de fixa-
tion sur le transporteur de la
sérotonine a également été
observée au niveau du cortex
pariéto-occipital et occipital.
Les gros utilisateurs et ex-utili-
sateurs mémorisaient significa-
tivement moins de mots que les
témoins n’ayant jamais utilisé
d’ecstasy, lors des tests de
mémorisation immédiate et dif-
férée (RAVLT). Le degré d’alté-
ration de la mémoire était lié au
nombre de pilules, et non à la
durée de l’abstinence ni à la cap-
tation du ß-CIT, marqué à l’iode
131 sur les transporteurs de la
sérotonine au niveau des neu-
rones corticaux. Lors de l’utili-
sation du 1H MRS chez un sous-
groupe de gros utilisateurs
d’esctasy, les scores de mémori-
sation différée (RAVLT) sont
apparus liés de manière signifi-
cative à la diminution des taux
de NAA/Cr (N-acétylaspartate/
créatine) dans le cortex préfron-
tal. Les scores de dépression au
BDI étaient significativement
plus élevés chez les gros utilisa-
teurs et ex-utilisateurs d’ecstasy
que chez les sujets n’ayant
jamais utilisé d’ecstasy, le
nombre de pilules d’ecstasy
étant significativement corrélé
au score BDI. Cependant, aucu-
ne association significative n’a
été observée entre le BDI et les
rapports de captation du ß-CIT
marqué à l’iode 123. Aucune
différence significative n’a été
observée quant à l’incidence de
la dépression au cours de la vie
114
La consommation d’ecstasy est-
elle un facteur de comorbidité ?
L. Reneman, J. Booij, G.J. den Heeten,W. van den Brink*
Le Royaume-Uni et les Pays-Bas sont les deux pays de
l’Union européenne dans lesquels la consommation
d’ectasy est la plus élevée (EMCDDA, 2001**). Depuis
plusieurs années, le MDMA (3,4 méthylènedioxymé-
thamphétamine) est le principal composant de la plupart
des pilules d’ecstasy aux Pays-Bas et probablement dans
la plupart des autres pays (DIMS, 2002). Les études
conduites chez l’animal ont montré que le MDMA pou-
vait être à l’origine de graves lésions sérotoninergiques
et peut-être aussi dopaminergiques au niveau cérébral
chez les rongeurs et les primates non humains (Ricaurte
et al. 2000, 2002). Chez l’homme, l’utilisation d’ecstasy
a entraîné des problèmes de mémoire et une augmenta-
tion de l’incidence de la dépression, d’anxiété, voire
d’impulsivité. L’objectif, ici, est d’étudier l’hypothèse d’un
lien éventuel entre l’utilisation d’ecstasy et la présence
d’anomalies sérotoninergiques (irréversibles) dans le
cerveau humain et d’une relation entre ces anomalies et
les problèmes de mémoire et d’humeur dépressive
* Academic Medical Center University
of Amsterdam (Centre médical univer-
sitaire - Université d’Amsterdam).
** Observatoire européen des drogues
et des toxicomanies. Reneman et
al., 2001a, 2001b ; De Win et al.,
soumis pour publication.
Le Courrier des addictions (5), n° 3, juillet/août/septembre 2003
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ou de dépression majeure pré-
sente entre les différents
groupes.
Conclusion
Chez les femmes, une grosse uti-
lisation d’ecstasy semble liée à
des anomalies neurotoxiques
durables au niveau du système
sérotoninergique, ces anomalies
pouvant être corrélées à des pro-
blèmes fonctionnels en termes
d’altérations de la mémoire et de
problèmes affectifs. Des études
prospectives de neuro-imagerie
sont nécessaires pour évaluer le
lien de causalité des présentes
observations. Dans cette attente,
des mises en garde réalistes doi-
vent être émises à destination des
utilisateurs de drogue et il
conviendra de prendre des mesures
permettant une diminution des
risques afin de prévenir lésions et
comorbidités à venir chez les
jeunes utilisateurs de drogue.
Évaluation
des consommations
et des comorbidités
chez les adolescents
L’adolescence, période variant de
10 à 24 ans selon les études, débu-
te par des phénomènes pubertaires
qui vont entraîner une transforma-
tion radicale de l’organisme. Les
répercussions psychologiques de
ces modifications sont importantes
pour comprendre le rapport des
adolescents face aux substances
psychoactives.
Les modalités d’usage à risque
chez les adolescents qui doivent
attirer l’attention du praticien sont
la précocité de la consommation, la
recherche d’excès, la consomma-
tion à visée autothérapeutique, le
cumul des consommations, et la
répétition des modalités de
consommation.
L’investigation clinique du
mésusage, ne répondant pas
strictement aux critères dia-
gnostiques d’abus (ou usage
nocif) et de dépendance (DSM-
IV ; CIM-10), doit être impéra-
tivement accompagnée de
l’identification de facteurs de
vulnérabilité individuels et
environnementaux.
Les instruments d’évaluation com-
prennent soit des questionnaires
ciblés ou de véritables guides d’en-
tretien et doivent évaluer le fonc-
tionnement psychosocial. Nous
allons dans ce sens dans notre
groupe de recherche en proposant
un travail de repérage et d’évalua-
tion précoces des consommations
abusives de produits psychoactifs
(étude RECAPP) dans un échan-
tillon non clinique de 1 700 adoles-
cents à l’aide des questionnaires
ADOSPA (version française du
CRAFFT) et POSIT évaluant le
fonctionnement psychosocial.
Enfin, l’approche thérapeutique
doit comprendre, outre le repérage
et l’évaluation des usages à risque
et les psychothérapies, un travail en
collaboration étroite avec les
acteurs sanitaires et sociaux.
Cannabis
et troubles cognitifs
Le cannabis, dérivant du latin can-
nabus ou directement du grec kan-
nabis, signifie plantation de
chanvre, ou chanvre. Le terme grec
et ses équivalents arabes kannab ou
hébreu kanneb dérivent de l’assy-
rien quanabu, ce qui atteste des
liens millénaires entretenus entre
l’homme et cette plante. Chez les
12-25 ans, la substance illicite la
plus consommée en France reste de
loin le cannabis.
Les données de la littérature inter-
nationale soulignent les symp-
tômes psychiatriques, les effets
cognitifs et comportementaux, tant
aigus que chroniques, liés à l’usage
répété du cannabis. Cependant, la
recherche d’effets cognitifs persis-
tants à l’arrêt de la consommation
chez les usagers chroniques n’a pas
donné jusqu’à présent de résultat
convaincant, et nombreuses sont
les critiques méthodologiques.
Néanmoins, cette question semble
capitale, en particulier chez les
adolescents puisqu’il pourrait en
résulter de possibles altérations sur
les plans social et éducatif. Des
études sur de larges échantillons
semblent nécessaires pour appro-
fondir ce sujet.
L. Karila*, M. Reynaud**
*Interne, département de psychia-
trie et d’addictologie (Pr M.
Reynaud).
** Chef du département de psy-
chiatrie et d’addictologie, hôpital
universitaire Paul-Brousse, Villejuif
Cedex.
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