
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVIII - n° 6 - novembre-décembre 2003
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RÉUNIONS
L’objectif principal visait à comparer les deux groupes théra-
peutiques en termes de réduction de la CV plasmatique après
quatre semaines.
Les objectifs secondaires comprenaient l’étude de la relation
entre les variations de la CV entre S4 et J0 et le génotype et le
phénotype réalisés sur les souches virales isolées à J0, ainsi que
l’évaluation, dans chacun des deux groupes, du pourcentage de
patients avec une diminution de la CV > - 0,5 log10 entre J0 et
S4. La variation du taux de lymphocytes CD4 à S4 et la tolé-
rance dans les deux groupes de traitements ont également été
documentées.
MÉTHODOLOGIE
Il s’agit d’une étude de phase IV, multicentrique, réalisée en
France, randomisée en double aveugle (Videx EC®ou son pla-
cebo), comparant l’activité antirétrovirale de l’addition du
Videx EC®versus placebo au traitement antirétroviral en cours
chez des patients adultes, infectés par le VIH et en échappe-
ment virologique.
Cette étude comprenait deux périodes consécutives, avec une
période de recrutement de deux mois pour la première période,
puis de quatre mois pour la seconde (au total, il était prévu d’in-
clure 174 patients).
✓Période I. Inclusion de 38 patients dans les deux bras de trai-
tement (Videx EC®/placebo). Une première analyse portant uni-
quement sur l’évolution de la charge virale après quatre
semaines de traitement était alors réalisée pour chaque patient
et, suivant le résultat, un comité scientifique indépendant déci-
dait de la poursuite ou de l’arrêt de l’étude (soit l’inclusion ou
non des 136 patients de la seconde période).
✓Période II. Inclusion de 136 patients dans les deux bras de
traitement (Videx EC®/placebo).
Étaient éligibles pour l’inclusion les patients âgés d’au moins
18 ans, en échappement virologique avant la randomisation
(défini par une CV plasmatique ≥1 000 copies/ml et
< 100 000 copies/ml), sous traitement antirétroviral stable n’in-
cluant pas de ddI depuis au moins trois mois (dans les traite-
ments antirétroviraux précédents, le patient pouvait, en
revanche, avoir reçu de la ddI). Le taux de lymphocytes CD4
devait être d’au moins 100 cellules/mm3. Les hommes et les
femmes en âge de procréer devaient avoir une méthode de
contraception efficace, et le test de grossesse devait être néga-
tif chez les femmes dans les 72 heures précédant la première
prise de traitement.
Les critères d’exclusion comprenaient les infections opportu-
nistes nouvellement diagnostiquées, la prise de produits myé-
lotoxiques, cytotoxiques ou pancréatotoxiques dans les trois
mois précédant l’inclusion, l’usage d’alcool, et des valeurs bio-
logiques élevées (créatinine sérique ≥1,5 fois la normale supé-
rieure ; lipase sérique totale ≥1,4 fois la normale supérieure ;
ASAT, ALAT ≥3 fois la normale supérieure ; bilirubine totale
≥1,5 fois la normale supérieure) dans la semaine précédant le
traitement, les antécédents de neuropathie bilatérale périphé-
rique (grade ≥2) ainsi que l’administration concomitante de
ténofovir (TDF) ou d’hydroxyurée (HU).
Après recueil du consentement éclairé et vérification des critères
d’inclusion et de non-inclusion, les patients ont été inclus puis
randomisés en deux groupes de traitement parallèles (tableau I)
selon un mode de randomisation 2 : 1. La durée du traitement
prévue était de quatre semaines pour chaque patient. ■
Tableau I. Randomisation des patients de l’étude JAGUAR en
deux groupes de traitement.
Période de traitement : quatre semaines
Groupe I Groupe II
Videx EC®: une gélule Videx EC®placebo :
à 400 mg x 1/j (≥60 kg) une gélule à 400 mg x 1/j (≥60 kg)
ou une gélule à 250 mg x 1/j ou une gélule à 250 mg x 1/j
(< 60 kg) (< 60 kg)
++
Traitement antirétroviral en cours Traitement antirétroviral en cours
J.P. Madiou. Vous êtes l’investigateur princi-
pal de l’étude JAGUAR. Pouvez-vous nous dire
dans quel but a été menée cette étude ?
J.M. Molina. Il s’agissait de déterminer si la ddI,
l’un des premiers antirétroviraux mis sur le mar-
ché (le deuxième après l’AZT), conserve ou non une acti-
vité antirétrovirale sur des virus présentant des mutations
de résistance aux autres analogues nucléosidiques. Au
total, 168 patients ont été inclus (110 dans le bras ddI et
58 dans le bras placebo), ce qui correspond à un schéma
de randomisation 2 : 1 (2 patients sur 3 sous traitement
actif, soit un nombre plus important de patients dans le
bras ddI pour permettre l’analyse des critères de juge-
ment secondaires). La CV médiane à l’inclusion était de
3,8 log10 copies/ml et le taux médian de lymphocytes CD4 à
378 cellules/mm3pour l’ensemble de la population incluse.
J.P.M. Que pensez-vous des résultats sur le critère
principal (réduction de la CV plasmatique à S4) ?
J.M.M. En fait, les résultats sont meilleurs que prévus et
du même ordre que ceux récemment observés avec le
TDF dans une population de patients ayant un profil simi-
laire. Les résultats à S4 (tableau II) montrent en effet une dimi-
nution de la CV médiane de - 0,6 log10 dans le bras ddI (versus
+ 0,07 dans le bras placebo ; p < 0,0001), alors que 30 % des
patients du bras ddI présentent une CV inférieure à 400 copies/ml
RÉSULTATS DE L’ÉTUDE JAGUAR : UN ENTRETIEN AVEC LE PRJ.M. MOLINA,HÔPITAL SAINT-LOUIS,PARIS
ENTRETIEN