
Mise au point
Mise au point
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La Lettre du Neurologue - Vol. X - n° 9 - novembre 2006
L’évolution des symptômes du SDD est peu documentée, car ces
patients étaient jusqu’alors exclus. Cependant, quelques études
récentes montrent une amélioration postopératoire très nette
de ces symptômes comportementaux, liée probablement à la
réduction du traitement dopaminergique (13).
Globalement, l’évolution la plus classique sur cette première
année se déroule de la façon suivante.
Le traitement par SCP associé à la baisse des médicaments
dopaminergiques supprime les fl uctuations motrices et thy-
miques. La stimulation présente, en aigu, un eff et psychotrope
sur l’humeur, de même type que la L-dopa (9) ; dans la période
postopératoire immédiate et quelquefois pendant plusieurs
mois, l’eff et nouveau de la stimulation, auquel s’ajoute l’eff et
à long terme des médicaments dopaminergiques, donne une
humeur plutôt hypomaniaque.
Au fi l du temps, l’eff et euphorisant de la stimulation chro-
nique, qui n’a pas le caractère pulsatile du traitement dopa-
minergique, diminue parallèlement à l’épuisement de l’eff et à
long terme des traitements préopératoires, et l’on observe chez
certains patients, malgré un bon bénéfi ce moteur, des plaintes
de type “grande fatigue, manque d’énergie, pas d’envies”. Ils
regrettent parfois les bouff ées de bien-être apportées par la
L-dopa : “Avec la stimulation, je revis ; avec la L-dopa en plus, je
suis heureuse”, disait une patiente. Cet état, qui peut ressembler
à une phase de sevrage, est à prendre très au sérieux dans le
suivi des patients, car une apathie accompagnée d’un sentiment
de mal-être peut s’installer.
Le degré de tolérance des patients et de l’entourage face à
l’apparition d’une apathie est déterminant et demande une sur-
veillance. C’est souvent l’entourage qui supporte le plus mal
l’apathie. L’association d’une motricité retrouvée et d’un manque
de motivation est bien sûr diffi cilement compréhensible et
acceptable. Chez certains patients, on voit se développer une
dépression, réactionnelle à l’apathie, avec possibilité d’idées
suicidaires : “Je ne fais plus rien… ma vie est plate… qu’est-ce
que je fous là !”, et un risque de passage à l’acte. Dans ce cas, un
traitement s’impose. Les antidépresseurs se sont rarement avérés
concluants. L’expérience montre que la reprise d’un traitement
dopaminergique, et de préférence d’un agoniste dopaminergique,
est la solution la plus effi cace.
Les tentatives de suicide (TS) qui peuvent avoir lieu dans ce
contexte ne sont en général pas sévères.
STIMULATION SUBTHALAMIQUE ET SUICIDE :
L’EXPÉRIENCE GRENOBLOISE
Depuis 1993, 250 patients sont traités par SCP du NST, avec
un suivi postopératoire d’au moins un an. Douze patients ont
fait une TS. Un seul a réussi son suicide (0,40 %) et est mort
par pendaison 5 mois après la chirurgie. Ce patient, fortement
demandeur, avait une maladie très sévère avec dystonies doulou-
reuses et était dépressif, mais n’avait plus d’idées suicidaires au
moment de l’opération. L’imminence de la chirurgie lui apportait
un espoir, transitoire, car ses motivations profondes n’étaient
pas réalistes. Pour les 11 autres patients, les gestes suicidaires
étaient dans certains cas sérieux, comme la pendaison (un cas,
5
e
année postopératoire) ou les tentatives d’électrocution (un
cas, 3e année postopératoire). D’autres cas sont moins sérieux,
comme l’ingestion de médicaments antiparkinsoniens, de benzo-
diazépine ou de paracétamol, et d’autres paraissent carrément
bénins (dans 2 cas, le geste est rapporté par le patient, mais
passé complètement inaperçu par l’entourage, et dans 2 autres
cas il a été eff ectué au sein du service au cours d’une hospita-
lisation régulière de contrôle). Par ailleurs, parmi les patients
inscrits sur la liste d’attente pour la chirurgie, un patient est
décédé par suicide.
Ce groupe de 12 patients stimulés ayant fait une TS a été comparé
à un groupe contrôle composé de 24 patients parkinsoniens
également traités par SCP du NST, appariés selon la date de leur
chirurgie et n’ayant pas fait de TS. L’analyse comparative montre
que les patients du groupe TS sont plus jeunes au moment de
la chirurgie, que leur maladie a commencé plus précocement
(ce qui est retrouvé dans l’étude multicentrique de Voon et al.)
et que leur score global de dépression est plus élevé, que ce soit
à l’évaluation préopératoire ou postopératoire. L’analyse des
caractéristiques de la dépression met en évidence dans le groupe
TS un score plus élevé du facteur dépressif pur (pessimisme,
idées suicidaires, dévalorisation, etc.) à l’évaluation préopéra-
toire et un score plus élevé du facteur apathie (perte d’intérêt,
perte de plaisir, indécision, etc.) à l’évaluation postopératoire
la plus proche de la TS.
PATIENTS À RISQUE ET CONDUITE À TENIR
On peut dégager quatre catégories de patients à risque
(tableau II).
Tableau II.
Patients à risque Conduite à tenir
Période préopératoire
Dépression avec pessimisme, dévalorisation,
idées suicidaires (même si elles ne sont pas
actuelles).
Traiter la dépression et reporter
la décision opératoire.
Motivations irréalistes ou inadaptées par
rapport à la chirurgie, par exemple :
guérir, éviter un divorce, se libérer
de la dépendance parentale, etc.
Expliquer ce que l’on peut attendre de la
chirurgie et surtout qu’elle ne guérit ni
la maladie ni les problèmes familiaux.
Di érer la décision opératoire.
Période postopératoire
Fluctuations non motrices importantes
(en préopératoire) avec dépression sévère
et idées suicidaires en o .
Surveillance accrue car risque de
dépression et de TS consécutive à la
baisse du traitement dopaminergique.
Apathie avec idées noires. Expliquer et traiter par agoniste
dopaminergique, même avant
l’apparition d’idées noires si les plaintes
sont marquées.