Lire l'article complet

publicité
mise au point
Mise au point
Les nouvelles colites infectieuses
L. Beaugerie*
Colites herpétiques
à Herpes simplex
virus (HSV)
Après la primo-infection,
HSV reste à l’état latent
dans les ganglions nerveux. Cette période de
latence peut être interrompue par des réactivations cliniques locales. Il
existe
deux
types
d’HSV : HSV1 et HSV2.
HSV2 est le responsable
habituel de l’herpès génital et de l’herpès néonatal. Les colites herpétiques sont, pour la
plupart, des proctites
vénériennes, donc liées à
HSV2. Au décours d’un
rapport sexuel anal passif
survient le tableau de
primo-infection, marqué
par un syndrome rectal
sur un fond de tendance à
la constipation (1). Ce
tableau digestif s’inscrit
dans un contexte général
de fièvre avec frissons,
céphalées et sensation de
malaise général. À l’examen, il existe une adénopathie inguinale bilatérale sensible. Des signes
neurologiques par atteinte des racines sacrées sont
possibles (douleurs et
paresthésies fessières et
C
haque année, 3 millions de Français consultent un médecin généraliste pour diarrhée aiguë, le plus souvent de
nature infectieuse. Les colites aiguës infectieuses représentent
un sous-ensemble des diarrhées aiguës. Leur épidémiologie
n’est pas connue avec précision, car la réalisation d’une
coloscopie est rare au cours de l’exploration d’une diarrhée
aiguë. On peut néanmoins estimer que leur incidence
annuelle dépasse 300 000, nombre des diarrhées aiguës
cliniquement hémorragiques témoignant ipso facto d’une
colite sous-jacente. Les colites aiguës infectieuses sont pour
la plupart, en France, de cause bactérienne et spontanément
résolutives. Cependant les colites infectieuses peuvent se
compliquer de dilatation colique aiguë et de perforation, et
donc menacer le pronostic vital. Cela justifie une attitude
agressive diagnostique (coloscopie, prélèvements microbiologiques) et thérapeutique (antibiotiques) en cas de suspicion
de colite aiguë infectieuse. À côté des agents habituels des
colites infectieuses (Salmonella, Shigella, Yersinia,
Campylobacter, Clostridium difficile, Mycobacterium
hominis) ont émergé, ces dernières années, des causes
“nouvelles”. Nous développerons ici :
– les colites aiguës virales à virus herpès, rares et surtout
distales chez l’immunocompétent, dont la connaissance a
progressé grâce à la recherche clinique sur les infections
opportunistes au cours de l’infection à VIH ;
– les colites à E.coli entéro-hémorragiques, qui constituent un
fléau récent de santé publique aux États-Unis, et qui existent
aussi en France avec une moindre ampleur
épidémiologique ;
– les colites hémorragiques sous antibiotiques présumées
liées, grâce à des travaux français et japonais récents,
à une infection intestinale à Klebsiella oxytoca.
* Service d’hépato-gastroentérologie,
hôpital Rothschild, Paris.
périnéales, dysurie, impuissance chez
l’homme). Ces symptômes durent deux à
trois semaines et peuvent récidiver, en
général sur un mode atténué. HSV est
183
excrété à travers les lésions
muqueuses au cours des
périodes de réactivation
virale, symptomatiques ou
non, pendant lesquelles les
patients peuvent transmettre
le virus.
L’examen clinique de la
région anocutanée permet
parfois de retrouver des vésicules ou de petites ulcérations. En anuscopie, rectoscopie ou sigmoïdoscopie
souple, les lésions rectales
apparaissent le plus souvent
limitées aux 10 derniers centimètres de la muqueuse rectale. Les lésions élémentaires sont d’abord des
vésicules, puis des ulcérations superficielles devenant
confluentes, au sein d’une
muqueuse parfois friable et
à tendance hémorragique.
Les pancolites à HSV1 ou
HSV2, sans contexte vénérien, sont extrêmement rares
chez l’immunocompétent
(2). Le diagnostic de rectite
vénérienne est évoqué
devant le contexte sexuel, le
caractère bruyant et aigu du
tableau clinique et le caractère distal des lésions de rectite. La nature herpétique de
la rectite peut être affirmée
par culture virale et/ou examen histologique des biopsies rectales. L’effet cytopathique caractéristique d’HSV
peut être mis en évidence
après 48 à 72 heures de culture sur tapis
cellulaire d’un produit d’écouvillonnage
rectal ou d’un broyat de biopsies rectales.
Le tableau histologique de rectite herpé-
mise au point
Mise au point
tique comporte des signes non spécifiques
d’inflammation et deux lésions cellulaires caractéristiques : les cellules multinuclées et les inclusions cellulaires. Ces
inclusions en “verre dépoli”, avec halo
périphérique, strictement intranucléaires, sont volontiers observées dans
les cellules épithéliales, en particulier
dans les biopsies faites sur les berges des
ulcérations. D’autres techniques de diagnostic rapide sont réalisables à partir du
produit d’écouvillonnage rectal sous
anuscopie ou rectoscopie rigide (détection des antigènes viraux par méthode
ELISA ou immunofluorescence). Le
traitement curatif des rectites herpétiques repose sur l’acyclovir (Zovirax®),
ou le valacyclovir (Zelitrex®). Chez l’immunocompétent, un traitement oral est
conseillé pendant 10 jours en cas de
primo-infection, et pendant 5 jours seulement en cas de poussée ultérieure.
Cytomégalovirus
Les cas de colite à CMV chez des adultes
n’ayant par ailleurs aucun facteur connu
d’immunodépression et n’ayant pas de
maladie inflammatoire intestinale sont
exceptionnels. Il s’agit alors le plus souvent de rectites à CMV faisant suite à un
rapport sexuel anal, associées à des signes
généraux de primo-infection virale (3).
Les observations faisant état d’une colite
à CMV en dehors d’un contexte vénérien
portent, le plus souvent, sur des patients
âgés avec des affections inflammatoires ou
infectieuses associées. Aucun cas de colite
à CMV n’a été diagnostiqué au sein de
cohortes prospectives de colites aiguës
d’adultes immunocompétents (4). Le diagnostic de colite à CMV repose sur la mise
en évidence des inclusions caractéristiques, plus fréquentes au fond des ulcérations qu’au niveau de leurs berges ou qu’en
zone macroscopiquement saine. L’immunomarquage permet de conforter le diagnostic en cas d’inclusions atypiques.
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (14) n° 6, juin 2000
E. coli O157:H7 et autres
E. coli entéro-hémorragiques
Le caractère pathogène d’E. coli
O157:H7, principal représentant des E.
coli entéro-hémorragiques (5, 6), a été
démontré en 1982 dans le cadre de deux
épidémies de colites hémorragiques liées
à l’ingestion de hamburgers contaminés.
Depuis, des cas sporadiques et de petites
épidémies, en milieu communautaire ou
en institution, ont été rapportés sur tous
les continents. Depuis les années 1950,
on considère que les E. coli entérohémorragiques sont responsables de la
majorité des cas de syndrome hémolytique et urémique (SHU), ce syndrome
compliquant lui-même l’infection intestinale dans 5 à 20 % des cas (7). L’épidémiologie des E. coli entéro-hémorragiques en France est encore mal connue
et repose en grande partie sur l’identification des causes de SHU en milieu
néphrologique, surtout pédiatrique. À travers cette surveillance, il s’avère que le
sérotype O157:H7 est moins prédominant qu’en Amérique du Nord, représentant 50 % des cas seulement. Chez
l’adulte, les premiers cas documentés de
colites à E. coli O157:H7 commencent
tout juste à être publiés (8), mais l’incidence de ces infections ne peut qu’être
sous-estimée, tant que les milieux sélectifs d’E. coli O157:H7 ne seront pas ensemencés, au moins au cours des diarrhées
hémorragiques. Cependant, aucun cas
d’infection à E. coli entéro-hémorragique
n’a été décelé dans une série prospective
de 93 colites aiguës en région parisienne,
dont 46 % étaient cliniquement hémorragiques (4). Il est ainsi probable, en
attendant des données épidémiologiques
d’envergure, que les infections à E. coli
entéro-hémorragiques soient moins fréquentes en France qu’en Grande-Bretagne ou en Amérique du Nord.
Le trait essentiel commun à tous les sérotypes d’E.coli entéro-hémorragiques est
184
de pouvoir produire l’une et/ou l’autre
des deux toxines appelées indifféremment vérotoxine ou shiga-toxine. Ces
deux toxines sont composées d’une sousunité A responsable de l’activité cytotoxique, et de 5 sous-unités B. La toxine
se fixe par une sous-unité B à un récepteur spécifique glycolipidique, présent
sur les membranes des cellules eucaryotes, en particulier des cellules épithéliales et des cellules endothéliales. La
sous-unité A pénètre dans la cellule par
endocytose. Après protéolyse, elle est
transformée en une enzyme active qui, en
se fixant sur la sous-unité 60S du ribosome, inactive la traduction protéique de
la cellule. La vérotoxine 1 est produite
par 20 à 80 % des souches d’E. coli
O157:H7, et la vérotoxine 2 par la majorité des E. coli O157:H7. Inversement,
d’autres sérotypes que O157:H7 peuvent
produire l’une et/ou l’autre des vérotoxines. La détection par PCR dans les
selles des gènes des vérotoxines est donc
le trait diagnostique potentiel commun à
tous les E. coli entéro-hémorragiques.
Sur 100 personnes infectées, 20 resteront
asymptomatiques, 20 développeront une
diarrhée aiguë non hémorragique spontanément résolutive, 60 une diarrhée
hémorragique, 6 un SHU ou un purpura
thrombocytémique thrombopénique. Un
patient décédera, le plus souvent des
complications d’un SHU. Typiquement
(figure 1), l’infection à E. coli entérohémorragique débute brutalement par des
douleurs abdominales spastiques
intenses, suivies, quelques heures après,
d’une diarrhée liquide. Environ la moitié
des patients ont des nausées et des vomissements. La diarrhée devient hémorragique en général au deuxième ou troisième
jour d’évolution (extrêmes : 0 à 8 jours) et
dure habituellement 7 à 10 jours
(extrêmes : 1 à 30 jours). Le nombre de
selles au plus fort de la diarrhée est de 10
(extrêmes : 3 à plus de 30). La fièvre n’est
présente que dans 30 % des cas environ,
et reste modérée. De ce fait, les diagnos-
mise au point
Mise au point
tics de colite ischémique et de rectocolite
hémorragique sont souvent évoqués.
Les anomalies biologiques consistent en
une hyperleucocytose modérée, sans anémie aiguë. Les leucocytes fécaux sont
peu nombreux à l’examen microscopique
direct des selles. Le cliché de l’abdomen
sans préparation révèle typiquement une
aérogrêlie et une distension gazeuse
modérée du côlon droit. Des images sousmuqueuses dans ce territoire, de type
empreintes de pouce, peuvent y être
visibles spontanément ou après lavement
à la baryte ou aux hydrosolubles.
En endoscopie, les lésions sont en général d’intensité croissante du rectum au
caeco-ascendant, ou parfois d’intensité
maximale bipolaire (rectum et caecoascendant). Les lésions sont en général
discontinues et à type d’œdème, d’érythème, d’ulcérations superficielles, de
plages hémorragiques. Sont également
possibles un aspect gris ardoisé de la
muqueuse, évocateur de colite ischémique, ou un aspect pseudo-membraneux. Les lésions histologiques des
colites à E. coli entéro-hémorragiques
ont été bien décrites dans le travail de
Griffin et al. (9). Tous les malades ont
des signes d’ischémie muqueuse
(tableau I). Des pseudo-membranes
pseudo-inflammatoires, témoignant également de l’ischémie, sont observées
presque une fois sur deux (figure 2). À
côté des signes ischémiques, un tableau
de colite aiguë infectieuse est observé
dans 40 % des cas, associant de façon
variable une cryptite focale, des abcès
cryptiques, une infiltration de la lamina
propria par des polynucléaires neutrophiles. Enfin, une apoptose accrue de la
partie profonde des cryptes est observée
dans 60 % des cas.
Le SHU, survenant habituellement au
6e jour de la diarrhée, est surtout observé
chez les enfants et les sujets âgés ayant
une diarrhée hémorragique. Le SHU
associe une anémie hémolytique, une
thrombopénie et une insuffisance rénale.
Tableau I. Signes histologiques des colites à E. coli entéro-hémorragiques (d’après 9).
Lésions ischémiques (100 %)
Stade 1 : hémorragie
et œdème du chorion
Lésions de colite aiguë
autolimitée (40%)
Cryptite focale
Autres
Apoptose épithéliale au fond des
cryptes (60 %)
Abcès cryptiques
Stade 2 :
• nécrose hémorragique
de la partie superficielle
de la muqueuse
• microthrombi vasculaires
Infiltration du chorion
par des polynucléaires
neutrophiles
Fausses membranes (40 %)
SHU
Contage
Sang
Diarrhée
Douleurs abdominales
J-3
Selles :
J-1
J-7
Culture
Toxines
Figure 1. Séquence clinique des infections à E. coli entéro-hémorragiques.
Des complications neurologiques du
SHU (comitialité, coma, hémiparésie)
sont observées chez 25 % des patients.
Des complications coliques (perforation, colectasie), des pancréatites, des
épanchements pleuro-péricardiques ont
été rarement décrits. Les patients ayant
un SHU doivent être dialysés une fois
sur deux, et transfusés trois fois sur
quatre. Le taux de mortalité est de 3 à
5 %. Trente pour cent des survivants
gardent des séquelles mineures telles
qu’une protéinurie, et 5 % des séquelles
majeures (insuffisance rénale chronique, déficits neurologiques définitifs).
185
Le diagnostic d’infection à E. coli entérohémorragiques doit être évoqué dans les
pays développés devant toute diarrhée
cliniquement hémorragique et devant tout
SHU compliquant une diarrhée. En présence d’une diarrhée aiguë non hémorragique, le diagnostic devrait également
être évoqué dans un contexte d’épidémie
connue à E. coli entéro-hémorragiques et
devant des cas individuels de diarrhée
aiguë survenant quelques jours après la
consommation de viande hachée de bœuf
insuffisamment cuite. Le diagnostic de
routine des infections à E. coli O157:H7
repose sur le fait que ce germe ne fer-
mise au point
Mise au point
pendant la phase
diarrhéique,
la
numération formule
sanguine et la fonction rénale (urée,
créatinine, protéinurie) à la recherche
des premiers signes
de SHU. Dans ce
contexte, l’apparition de schizocytes
dans le sang suggère
fortement la progression vers le
SHU et justifie une
Figure 2. Lésions histologiques muqueuses de colite à E. coli entéro-hémorra- hospitalisation en
giques. Noter la pseudo-membrane faisant issue d’un segment de muqueuse lésée
urgence.
et tapissant la muqueuse alentour.
mente pas rapidement le sorbitol, alors
que 80 à 90 % des autres sérotypes le
font. Ainsi, après ensemencement des
selles sur milieu de MacConkey-sorbitol,
les colonies d’E. coli ne prenant pas la
couleur du sorbitol sont repérées et peuvent secondairement être facilement
identifiées comme étant du sérotype
O157:H7 par les antisérums ou les kits
d’agglutination par latex du commerce.
Il y a deux limites à la fiabilité de ce diagnostic microbiologique de routine.
D’une part, les E. coli entéro-hémorragiques n’appartenant pas au sérotype
O157:H7, qui sont plus nombreux en
France qu’aux États-Unis, ne peuvent pas
être détectés par cette méthode. D’autre
part, la coproculture est le plus souvent
négative, lorsque les selles sont ensemencées plus de six jours après le début
de la diarrhée (figure 1). Dans ces cas, la
détection des vérotoxines dans les selles,
possible pendant toute la période diarrhéique et jusqu’à 4 à 6 semaines après,
représente la meilleure approche diagnostique permettant potentiellement de
faire la preuve diagnostique de toutes les
infections à E. coli entéro-hémorragiques. Chez les patients ayant une infection documentée à E. coli entéro-hémorragiques, il est prudent de surveiller,
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (14) n° 6, juin 2000
Les E. coli entérohémorragiques sont sensibles in vitro à la
plupart des antibiotiques utilisés dans le
traitement des infections bactériennes
intestinales (ciprofloxacine, ampicilline,
triméthoprime-sulfaméthoxazole).
Cependant, l’indication de l’antibiothérapie curative est controversée. Le
concept de relargage de toxines sous traitement antibiotique, documenté in vitro,
a fait craindre de favoriser in vivo la survenue d’un SHU. Dans deux études
rétrospectives, ce phénomène a été noté.
Cependant, lors d’une épidémie japonaise récente, les patients qui ont reçu de
la fosmomycine dans les trois premiers
jours de diarrhée ont développé un SHU
moins fréquemment que les patients
ayant reçu une antibiothérapie plus tardive, ou non traités. Ces éléments plaident plutôt pour l’utilisation des antibiotiques, mais le débat ne sera
définitivement tranché que par la réalisation d’un essai randomisé d’envergure.
Le traitement du SHU est symptomatique. Le recours à la dialyse est nécessaire environ une fois sur deux. L’utilisation de plasmaphérèses, de perfusion
de plasma frais congelé ou d’immunoglobulines a été suggérée, mais sans
avoir reçu à ce jour de démonstration
d’efficacité.
186
La prévention des infections à E. coli
entéro-hémorragiques repose en partie
sur l’éducation alimentaire du grand
public, qui doit être averti du risque lié à
la cuisson insuffisante de la viande
bovine hachée (coloration rouge ou rosée
persistante au cœur de la viande) et à la
consommation de lait non pasteurisé.
L’amélioration du contrôle sanitaire des
produits alimentaires ne peut prétendre à
une suppression du risque. D’autres
voies, telles que l’irradiation de la viande
hachée, sont à l’étude.
Klebsiella oxytoca
Klebsiella oxytoca est un bacille Gram
négatif aéro-anaérobie de la famille des
entérobactéries, naturellement résistant à
l’ampicilline, aux céphalosporines de
premières générations et à la pristinamycine. Klebsiella oxytoca est considéré
habituellement comme un germe saprophyte de la flore colique secondaire. Dans
les années 1970 a été décrit un tableau
clinique de “colites droites hémorragiques à l’ampicilline”, se démarquant
nettement des colites pseudo-membraneuses postantibiotiques. Le tableau clinique stéréotypé de ces colites consistait
en l’apparition brutale entre le 2e et le 8e
jour d’un traitement par l’ampicilline
(habituellement le 4e ou 5e jour), d’une
diarrhée hémorragique, associée à des
lésions radiologiques évocatrices de
colite ischémique (empreintes de pouce),
des lésions endoscopiques coliques
droites (œdème muqueux, plages purpuriques et fragilité muqueuse avec tendance hémorragique, érosions). Depuis,
une trentaine d’observations de colites
hémorragiques postantibiotiques associées à la présence de Klebsiella oxytoca
ont été publiées dans la littérature, émanant seulement d’équipes françaises et
japonaises. Certains éléments nouveaux
et certaines précisions par rapport aux
séries originelles ont été apportés. Les
mise au point
Mise au point
antibiotiques en cause peuvent être, outre
la pénicilline, l’ampicilline, l’amoxicilline et l’association amoxicilline-acide
clavulanique, les céphalosporines de premières générations (10), la pristinamycine (11) et les macrolides (12). Le délai
d’apparition des symptômes par rapport
au début de l’antibiothérapie peut aller de
1 à 16 jours. La topographie des lésions
ne se limite pas au côlon droit. Les anomalies muqueuses peuvent être pancoliques, coliques gauches, notamment sigmoïdiennes suspendues (10). L’atteinte
rectale isolée est rare (10). Un aspect de
colite grave n’a jamais été décrit. L’atteinte histologique comporte parfois des
signes de colite ischémique (raptus
hémorragiques, microthrombi capillaires) et, le plus souvent, une congestion
et un infiltrat cellulaire mixte non spécifique de la lamina propria. Jusqu’à maintenant, Klebsiella oxytoca a été isolé à
partir des selles ou des biopsies
muqueuses sans utiliser de milieu de culture sélectif, tel qu’un milieu enrichi en
ampicilline. Lorsque les selles et les
broyats biopsiques coliques sont ensemencés concomitamment, les cultures de
biopsies sont constamment positives, et
les coprocultures le sont rarement (10).
Dans le sang, une hyperleucocytose
modérée est possible. Une co-infection
Klebsiella oxytoca-Clostridium difficile
a été rapportée dans deux observations ;
cependant, dans ces observations, la
toxine de Clostridium difficile a été détectée par méthode immuno-enzymatique et
non par méthode de référence de cytoxicité de la toxine B, et le germe n’a pas été
cultivé parallèlement.
L’évolution du tableau clinique est en
général spontanément favorable dans les
48 heures qui suivent l’arrêt de l’antibiothérapie en cause. Si les signes ne
s’amendent pas rapidement, une antibiothérapie par ciprofloxacine (500 mg deux
fois par jour per os pendant 5 jours), antibiotique auquel Klebsiella oxytoca est
constamment sensible in vitro, est asso-
ciée à une résolution rapide du tableau
clinique (10).
L’hypothèse que Klebsiella oxytoca soit
l’agent infectieux responsable des colites
hémorragiques sous pénicillines, céphalosporines et pristinamycine prévaut dans
la littérature française et japonaise mais
n’est pas admise dans la littérature anglosaxonne. Pourtant, une équipe japonaise
a isolé une toxine produite par les souches
de Klebsiella oxytoca de trois patients
atteints de colite hémorragique sous
ampicilline (13). Il s’agit d’une petite
toxine de poids moléculaire 217 et de formule C8H15O4N3, cytotoxique pour
plusieurs lignées cellulaires en culture et
produisant une sécrétion hydro-électrolytique et des lésions muqueuses hémorragiques dans des anses iléales de lapin
isolées (14). Cette toxine ne semble pas
codée par un plasmide, car elle est produite par des souches de Klebsiella oxytoca dépourvues de plasmides. Certaines
souches de Klebsiella oxytoca, telles que
la souche de référence ATCC 13182, ne
produisent pas de toxine. Par ailleurs, les
auteurs plaidant pour le rôle pathogène
de Klebsiella oxytoca soulignent le fait
qu’en l’absence d’utilisation d’un milieu
de culture sélectif, les coprocultures sont
rarement positives, alors que les cultures
de biopsies le sont constamment. Ils attribuent possiblement ce phénomène au fait
que le germe est nettement prédominant
dans les biopsies coliques (adhérence à
l’épithélium, voire invasion muqueuse),
alors qu’il serait “noyé” dans la flore présente dans les selles.
Malgré ces arguments, le niveau de
preuve de la responsabilité de Klebsiella
oxytoca dans les colites hémorragiques
des antibiotiques n’atteint pas encore
celui de Clostridium difficile dans les
colites pseudo-membraneuses induites
par les antibiotiques. Certaines zones
d’ombre persistent. Le taux de portage
sain du germe n’est pas connu. Le rôle de
Klebsiella oxytoca dans les diarrhées
aiguës et les colites aiguës survenant en
187
dehors d’un contexte d’antibiothérapie
doit être étudié, en utilisant des milieux de
culture sélectifs pour le germe. Il serait
également important de démontrer,
comme cela l’a été pour Clostridium difficile, que les souches bactériennes isolées
au cours des colites sont le plus souvent
toxinogènes, contrairement aux souches
des porteurs sains.
Références
1. Surawicz CM, Graham DY. Viral colitis. In :
Phillips SF, Pemberton JH, Shorter RG, eds. The
large intestine. New York : Raven Press, 1991 ;
429-36.
2. Colemont IJ, Pen JH, Peckmans JA et al.
Herpes simplex virus type 1 colitis : an unusual
cause of colitis. Am J Gastroenterol 1990 ; 85 :
1182-5.
3. Bellaïche G, Choudat L, Nouts A et al. Rectite
ulcérée et hémorragique à cytomégalovirus chez
un patient immunocompétent. Gastroenterol Clin
Biol 1997 ; 21 : 804.
4. Beaugerie L, Barbut F, Delas N et al.
Caractérisation des colites aiguës de l’adulte
immunocompétent : résultats préliminaires d’une
série prospective multicentrique de 93 cas.
Gastroenterol Clin Biol 1998 ; 22 : A15.
5. Mead PS, Griffin PM. Escherichia coli
O157:H7. Lancet 1998 ; 352 : 1207-12.
6. Su C, Brandt LJ. Escherichia coli O157:H7
infection in humans. Ann Intern Med 1995 ; 123 :
698-714.
7. Rondeau E, Peraldi MN. Escherichia coli and
the hemolytic-uremic syndrome. N Engl J Med
1996 ; 335 : 660-2.
8. Bellaiche G, Le Pennec MP, Slama JL et al.
Colite ischémique et infectieuse à Escherichia
mise au point
Mise au point
coli 0157:H7 avec syndrome hémolytique et urémique. Gastroenterol Clin Biol 1996 ; 20 : 614-5.
9. Griffin PM, Olmstead LC, Petras RE.
Escherichia coli O157:H7-associated colitis. A
clinical and histological study of 11 cases.
Gastroenterology 1990 ; 99 : 142-9.
10. Bellaiche G, LePennec MP, Choudat L et al.
Intérêt de la rectosigmoïdoscopie avec culture
bactériologique de biopsies coliques dans le
diagnostic des colites hémorragiques postantibiotiques associées à Klebsiella oxytoca.
Gastroenterol Clin Biol 1997 ; 21 : 764-7.
14. Minami J, Katayama S, Matsushita O et al.
Enterotoxic activity of Klebsiella oxytoca cytotoxin in rabbit intestinal loops. Infect Immun
1994 ; 62 : 172-7.
11. Benoît R, Danquechin-Dorval E, Loulergue
J et al. Diarrhée postantibiotique : rôle de
Klebsiella oxytoca. Gastroenterol Clin Biol
1992 ; 16 : 860-4.
12. Bellaiche G, Le Pennec MP, Nouts A et al.
Colite érythémateuse non hémorragique associée à Klebsiella oxytoca après traitement par
érythromycine. Gastroenterol Clin Biol 2000 ;
24 : 130-1.
13. Minami J, Okabe A, Shiode J, Hayashi H.
Production of a unique cytotoxin by Klebsiella
oxytoca. Microb Pathogenesis 1989 ; 7 : 203-11.
✁
abonnement
abonnement
Tarif 2000
Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules
❏ Collectivité .................................................................................
à l’attention de ..............................................................................
FRANCE / DOM-TOM et CEE
ÉTRANGER (autre que CEE)
❐ 580 F collectivités (88,42 €)
❐ 700 F collectivités
(127 $)
❏ Particulier ou étudiant
❐ 460 F particuliers
(70,12 €)
❐ 580 F particuliers
(105 $)
Dr, M., Mme, Mlle ...........................................................................
❐ 290 F étudiants
(44,21 €)
❐ 410 F étudiants
Pratique : ❏ hospitalière
❏ libérale
(75 $)
joindre la photocopie de la carte
Prénom ..........................................................................................
❏ autre..........................
POUR RECEVOIR LA RELIURE
Adresse..........................................................................................
❐ 70 F avec un abonnement ou un réabonnement
❐ 140 F par reliure supplémentaire (franco de port et d’emballage)
(10,67 €, 13 $)
(21,34 €, 26 $)
......................................................................................................
Ville ................................................................................................
Pays................................................................................................
Tél..................................................................................................
Avez-vous une adresse E-mail :
oui ❏ non ❏
Si oui, laquelle........................................................................................
Sinon, êtes-vous intéressé(e) par une adresse E-mail : oui ❏ non ❏
Merci de joindre votre dernière étiquette-adresse en cas de réabonnement,
changement d’adresse ou demande de renseignements.
❐ par carte Visa
ou Eurocard Mastercard
Signature :
N°
Date d’expiration
❐ par virement bancaire à réception de facture (réservé aux collectivités)
❐ par chèque (à établir à l’ordre de Gastroentérologie)
MEDICA PRESS - 62-64, rue Jean-Jaurès - 92800 Puteaux
Tél. : 01 41 45 80 00 - Fax : 01 41 45 80 30 - E-mail : [email protected]
Votre abonnement prendra effet dans un délai de 3 à 6 semaines à réception de votre ordre.
Un justificatif de votre règlement vous sera adressé quelques semaines après son enregistrement.
1 abonnement = 21 revues “on line”
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (14) n° 6, juin 2000
188
Gastro (14) - n°6
MODE DE PAIEMENT
Code postal ...................................................................................
Téléchargement