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Colites herpétiques
à Herpes simplex
virus (HSV)
Après la primo-infection,
HSV reste à l’état latent
dans les ganglions ner-
veux. Cette période de
latence peut être inter-
rompue par des réactiva-
tions cliniques locales. Il
existe deux types
d’HSV : HSV1 et HSV2.
HSV2 est le responsable
habituel de l’herpès géni-
tal et de l’herpès néona-
tal. Les colites herpé-
tiques sont, pour la
plupart, des proctites
vénériennes, donc liées à
HSV2. Au décours d’un
rapport sexuel anal passif
survient le tableau de
primo-infection, marqué
par un syndrome rectal
sur un fond de tendance à
la constipation (1). Ce
tableau digestif s’inscrit
dans un contexte général
de fièvre avec frissons,
céphalées et sensation de
malaise général. À l’exa-
men, il existe une adéno-
pathie inguinale bilaté-
rale sensible. Des signes
neurologiques par attein-
te des racines sacrées sont
possibles (douleurs et
paresthésies fessières et
périnéales, dysurie, impuissance chez
l’homme). Ces symptômes durent deux à
trois semaines et peuvent récidiver, en
général sur un mode atténué. HSV est
excrété à travers les lésions
muqueuses au cours des
périodes de réactivation
virale, symptomatiques ou
non, pendant lesquelles les
patients peuvent transmettre
le virus.
L’ e xamen clinique de la
région anocutanée permet
parfois de retrouver des vési-
cules ou de petites ulcéra-
tions. En anuscopie, recto-
scopie ou sigmoïdoscopie
souple, les lésions rectales
apparaissent le plus souvent
limitées aux 10 derniers cen-
timètres de la muqueuse rec-
tale. Les lésions élémen-
taires sont d’abord des
vésicules, puis des ulcéra-
tions superficielles devenant
confluentes, au sein d’une
muqueuse parfois friable et
à tendance hémorragique.
Les pancolites à HSV1 ou
HSV2, sans contexte véné-
rien, sont extrêmement rares
chez l’immunocompétent
(2). Le diagnostic de rectite
vénérienne est évoqué
devant le contexte sexuel, le
caractère bruyant et aigu du
tableau clinique et le carac-
tère distal des lésions de rec-
tite. La nature herpétique de
la rectite peut être affirmée
par culture virale et/ou exa-
men histologique des biop-
sies rectales. L’effet cytopa-
thique caractéristique d’HSV
peut être mis en évidence
après 48 à 72 heures de culture sur tapis
cellulaire d’un produit d’écouvillonnage
rectal ou d’un broyat de biopsies rectales.
Le tableau histologique de rectite herpé-
mise au point
Chaque année, 3 millions de Français consultent un méde-
cin généraliste pour diarrhée aiguë, le plus souvent de
nature infectieuse. Les colites aiguës infectieuses représentent
un sous-ensemble des diarrhées aiguës. Leur épidémiologie
n’est pas connue avec précision, car la réalisation d’une
coloscopie est rare au cours de l’exploration d’une diarrhée
aiguë. On peut néanmoins estimer que leur incidence
annuelle dépasse 300 000, nombre des diarrhées aiguës
cliniquement hémorragiques témoignant ipso facto d’une
colite sous-jacente. Les colites aiguës infectieuses sont pour
la plupart, en France, de cause bactérienne et spontanément
résolutives. Cependant les colites infectieuses peuvent se
compliquer de dilatation colique aiguë et de perforation, et
donc menacer le pronostic vital. Cela justifie une attitude
agressive diagnostique (coloscopie, prélèvements microbio-
logiques) et thérapeutique (antibiotiques) en cas de suspicion
de colite aiguë infectieuse. À côté des agents habituels des
colites infectieuses (Salmonella, Shigella, Yersinia,
Campylobacter, Clostridium difficile, Mycobacterium
hominis) ont émergé, ces dernières années, des causes
“nouvelles”. Nous développerons ici :
–les colites aiguës virales à virus herpès, rares et surtout
distales chez l’immunocompétent, dont la connaissance a
progressé grâce à la recherche clinique sur les infections
opportunistes au cours de l’infection à VIH ;
les colites à E.coli entéro-hémorragiques, qui constituent un
fléau récent de santé publique aux États-Unis, et qui existent
aussi en France avec une moindre ampleur
épidémiologique ;
les colites hémorragiques sous antibiotiques présumées
liées, grâce à des travaux français et japonais récents,
à une infection intestinale à Klebsiella oxytoca.
*Service d’hépato-gastroentérologie,
hôpital Rothschild, Paris.
Les nouvelles colites infectieuses
L. Beaugerie*
Mise au point
tique comporte des signes non spécifiques
d’inflammation et deux lésions cellu-
laires caractéristiques : les cellules mul-
tinuclées et les inclusions cellulaires. Ces
inclusions en “verre dépoli”, avec halo
périphérique, strictement intranu-
cléaires, sont volontiers observées dans
les cellules épithéliales, en particulier
dans les biopsies faites sur les berges des
ulcérations. D’autres techniques de dia-
gnostic rapide sont réalisables à partir du
produit d’écouvillonnage rectal sous
anuscopie ou rectoscopie rigide (détec-
tion des antigènes viraux par méthode
ELISA ou immunofluorescence). Le
traitement curatif des rectites herpé-
tiques repose sur l’acyclovir (Zovirax®),
ou le valacyclovir (Zelitrex®). Chez l’im-
munocompétent, un traitement oral est
conseillé pendant 10 jours en cas de
primo-infection, et pendant 5 jours seu-
lement en cas de poussée ultérieure.
Cytomégalovirus
Les cas de colite à CMV chez des adultes
n’ayant par ailleurs aucun facteur connu
d’immunodépression et n’ayant pas de
maladie inflammatoire intestinale sont
exceptionnels. Il s’agit alors le plus sou-
vent de rectites à CMV faisant suite à un
rapport sexuel anal, associées à des signes
généraux de primo-infection virale (3).
Les observations faisant état d’une colite
à CMV en dehors d’un contexte vénérien
portent, le plus souvent, sur des patients
âgés avec des affections inflammatoires ou
infectieuses associées. Aucun cas de colite
à CMV n’a été diagnostiqué au sein de
cohortes prospectives de colites aiguës
d’adultes immunocompétents (4). Le dia-
gnostic de colite à CMV repose sur la mise
en évidence des inclusions caractéris-
tiques, plus fréquentes au fond des ulcéra-
tions qu’au niveau de leurs berges ou qu’en
zone macroscopiquement saine. L’immu-
nomarquage permet de conforter le dia-
gnostic en cas d’inclusions atypiques.
E. coli O157:H7 et autres
E. coli entéro-hémorragiques
Le caractère pathogène d’E. coli
O157:H7, principal représentant des E.
coli entéro-hémorragiques (5, 6), a été
démontré en 1982 dans le cadre de deux
épidémies de colites hémorragiques liées
à l’ingestion de hamburgers contaminés.
Depuis, des cas sporadiques et de petites
épidémies, en milieu communautaire ou
en institution, ont été rapportés sur tous
les continents. Depuis les années 1950,
on considère que les E. coli entéro-
hémorragiques sont responsables de la
majorité des cas de syndrome hémoly-
tique et urémique (SHU), ce syndrome
compliquant lui-même l’infection intes-
tinale dans 5 à 20 % des cas (7). L’ épidé-
miologie des E. coli entéro-hémorra-
giques en France est encore mal connue
et repose en grande partie sur l’identifi-
cation des causes de SHU en milieu
néphrologique, surtout pédiatrique. À tra-
vers cette surveillance, il s’avère que le
sérotype O157:H7 est moins prédomi-
nant qu’en Amérique du Nord, représen-
tant 50 % des cas seulement. Chez
l’adulte, les premiers cas documentés de
colites à E. coli O157:H7 commencent
tout juste à être publiés (8), mais l’inci-
dence de ces infections ne peut qu’être
sous-estimée, tant que les milieux sélec-
tifs d’E. coli O157:H7 ne seront pas ense-
mencés, au moins au cours des diarrhées
hémorragiques. Cependant, aucun cas
d’infection à E. coli entéro-hémorragique
n’a été décelé dans une série prospective
de 93 colites aiguës en région parisienne,
dont 46 % étaient cliniquement hémor-
ragiques (4). Il est ainsi probable, en
attendant des données épidémiologiques
d’envergure, que les infections à E. coli
entéro-hémorragiques soient moins fré-
quentes en France qu’en Grande-Bre-
tagne ou en Amérique du Nord.
Le trait essentiel commun à tous les séro-
types d’E.coli entéro-hémorragiques est
de pouvoir produire l’une et/ou l’autre
des deux toxines appelées indifférem-
ment vérotoxine ou shiga-toxine. Ces
deux toxines sont composées d’une sous-
unité A responsable de l’activité cyto-
toxique, et de 5 sous-unités B. La toxine
se fixe par une sous-unité B à un récep-
teur spécifique glycolipidique, présent
sur les membranes des cellules euca-
ryotes, en particulier des cellules épithé-
liales et des cellules endothéliales. La
sous-unité A pénètre dans la cellule par
endocytose. Après protéolyse, elle est
transformée en une enzyme active qui, en
se fixant sur la sous-unité 60S du ribo-
some, inactive la traduction protéique de
la cellule. La vérotoxine 1 est produite
par 20 à 80 % des souches d’E. coli
O157:H7, et la vérotoxine 2 par la majo-
rité des E. coli O157:H7. Inversement,
d’autres sérotypes que O157:H7 peuvent
produire l’une et/ou l’autre des véro-
toxines. La détection par PCR dans les
selles des gènes des vérotoxines est donc
le trait diagnostique potentiel commun à
tous les E. coli entéro-hémorragiques.
Sur 100 personnes infectées, 20 resteront
asymptomatiques, 20 développeront une
diarrhée aiguë non hémorragique spon-
tanément résolutive, 60 une diarrhée
hémorragique, 6 un SHU ou un purpura
thrombocytémique thrombopénique. Un
patient décédera, le plus souvent des
complications d’un SHU. Typiquement
(figure 1), l’infection à E. coli entéro-
hémorragique débute brutalement par des
douleurs abdominales spastiques
intenses, suivies, quelques heures après,
d’une diarrhée liquide. Environ la moitié
des patients ont des nausées et des vomis-
sements. La diarrhée devient hémorra-
gique en général au deuxième ou troisième
jour d’évolution (extrêmes : 0 à 8 jours) et
dure habituellement 7 à 10 jours
(extrêmes : 1 à 30 jours). Le nombre de
selles au plus fort de la diarrhée est de 10
(extrêmes : 3 à plus de 30). La fièvre n’est
présente que dans 30 % des cas environ,
et reste modérée. De ce fait, les diagnos-
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (14) n° 6, juin 2000 184
mise au point
Mise au point
185
tics de colite ischémique et de rectocolite
hémorragique sont souvent évoqués.
Les anomalies biologiques consistent en
une hyperleucocytose modérée, sans ané-
mie aiguë. Les leucocytes fécaux sont
peu nombreux à l’examen microscopique
direct des selles. Le cliché de l’abdomen
sans préparation révèle typiquement une
aérogrêlie et une distension gazeuse
modérée du côlon droit. Des images sous-
muqueuses dans ce territoire, de type
empreintes de pouce, peuvent y être
visibles spontanément ou après lavement
à la baryte ou aux hydrosolubles.
En endoscopie, les lésions sont en géné-
ral d’intensité croissante du rectum au
caeco-ascendant, ou parfois d’intensité
maximale bipolaire (rectum et caeco-
ascendant). Les lésions sont en général
discontinues et à type d’œdème, d’éry-
thème, d’ulcérations superficielles, de
plages hémorragiques. Sont également
possibles un aspect gris ardoisé de la
muqueuse, évocateur de colite isché-
mique, ou un aspect pseudo-membra-
neux. Les lésions histologiques des
colites à E. coli entéro-hémorragiques
ont été bien décrites dans le travail de
Griffin et al. (9). Tous les malades ont
des signes d’ischémie muqueuse
(tableau I). Des pseudo-membranes
pseudo-inflammatoires, témoignant éga-
lement de l’ischémie, sont observées
presque une fois sur deux (figure 2). À
côté des signes ischémiques, un tableau
de colite aiguë infectieuse est observé
dans 40 % des cas, associant de façon
variable une cryptite focale, des abcès
cryptiques, une infiltration de la lamina
propria par des polynucléaires neutro-
philes. Enfin, une apoptose accrue de la
partie profonde des cryptes est observée
dans 60 % des cas.
Le SHU, survenant habituellement au
6ejour de la diarrhée, est surtout obser
chez les enfants et les sujets âgés ayant
une diarrhée hémorragique. Le SHU
associe une anémie hémolytique, une
thrombopénie et une insuffisance rénale.
Des complications neurologiques du
SHU (comitialité, coma, hémiparésie)
sont observées chez 25 % des patients.
Des complications coliques (perfora-
tion, colectasie), des pancréatites, des
épanchements pleuro-péricardiques ont
été rarement décrits. Les patients ayant
un SHU doivent être dialysés une fois
sur deux, et transfusés trois fois sur
quatre. Le taux de mortalité est de 3 à
5%. Trente pour cent des survivants
gardent des séquelles mineures telles
qu’une protéinurie, et 5 % des séquelles
majeures (insuffisance rénale chro-
nique, déficits neurologiques définitifs).
Le diagnostic d’infection à E. coli entéro-
hémorragiques doit être évoqué dans les
pays développés devant toute diarrhée
cliniquement hémorragique et devant tout
SHU compliquant une diarrhée. En pré-
sence d’une diarrhée aiguë non hémor-
ragique, le diagnostic devrait également
être évoqué dans un contexte d’épidémie
connue à E. coli entéro-hémorragiques et
devant des cas individuels de diarrhée
aiguë survenant quelques jours après la
consommation de viande hachée de bœuf
insuffisamment cuite. Le diagnostic de
routine des infections à E. coli O157:H7
repose sur le fait que ce germe ne fer-
Lésions ischémiques (100 %) Lésions de colite aiguë Autres
autolimitée (40%)
Stade 1 : hémorragie Cryptite focale Apoptose épithéliale au fond des
et œdème du chorion cryptes (60 %)
Abcès cryptiques
Stade 2 :
nécrose hémorragique Infiltration du chorion
de la partie superficielle par des polynucléaires
de la muqueuse neutrophiles
microthrombi vasculaires
Fausses membranes (40 %)
Tableau I. Signes histologiques des colites à E. coli entéro-hémorragiques (d’après 9).
Contage
Culture
Toxines
Selles :
SHU
Sang
Diarrhée
Douleurs abdominales
J-3 J-1 J-7
Figure 1. Séquence clinique des infections à E. coli entéro-hémorragiques.
mise au point
Mise au point
mente pas rapidement le sorbitol, alors
que 80 à 90 % des autres sérotypes le
font. Ainsi, après ensemencement des
selles sur milieu de MacConkey-sorbitol,
les colonies d’E. coli ne prenant pas la
couleur du sorbitol sont repérées et peu-
vent secondairement être facilement
identifiées comme étant du sérotype
O157:H7 par les antisérums ou les kits
d’agglutination par latex du commerce.
Il y a deux limites à la fiabilité de ce dia-
gnostic microbiologique de routine.
D’une part, les E. coli entéro-hémorra-
giques n’appartenant pas au sérotype
O157:H7, qui sont plus nombreux en
France qu’aux États-Unis, ne peuvent pas
être détectés par cette méthode. D’autre
part, la coproculture est le plus souvent
négative, lorsque les selles sont ense-
mencées plus de six jours après le début
de la diarrhée (figure 1). Dans ces cas, la
détection des vérotoxines dans les selles,
possible pendant toute la période diar-
rhéique et jusqu’à 4 à 6 semaines après,
représente la meilleure approche dia-
gnostique permettant potentiellement de
faire la preuve diagnostique de toutes les
infections à E. coli entéro-hémorra-
giques. Chez les patients ayant une infec-
tion documentée à E. coli entéro-hémor-
ragiques, il est prudent de surveiller,
pendant la phase
diarrhéique, la
numération formule
sanguine et la fonc-
tion rénale (urée,
créatinine, protéinu-
rie) à la recherche
des premiers signes
de SHU. Dans ce
contexte, l’appari-
tion de schizocytes
dans le sang suggère
fortement la pro-
gression vers le
SHU et justifie une
hospitalisation en
urgence.
Les E. coli entéro-
hémorragiques sont sensibles in vitro à la
plupart des antibiotiques utilisés dans le
traitement des infections bactériennes
intestinales (ciprofloxacine, ampicilline,
triméthoprime-sulfaméthoxazole).
Cependant, l’indication de l’antibiothé-
rapie curative est controversée. Le
concept de relargage de toxines sous trai-
tement antibiotique, documenté in vitro,
a fait craindre de favoriser in vivo la sur-
venue d’un SHU. Dans deux études
rétrospectives, ce phénomène a été noté.
Cependant, lors d’une épidémie japo-
naise récente, les patients qui ont reçu de
la fosmomycine dans les trois premiers
jours de diarrhée ont développé un SHU
moins fréquemment que les patients
ayant reçu une antibiothérapie plus tar-
dive, ou non traités. Ces éléments plai-
dent plutôt pour l’utilisation des antibio-
tiques, mais le débat ne sera
définitivement tranché que par la réali-
sation d’un essai randomisé d’envergure.
Le traitement du SHU est symptoma-
tique. Le recours à la dialyse est néces-
saire environ une fois sur deux. L’utili-
sation de plasmaphérèses, de perfusion
de plasma frais congelé ou d’immuno-
globulines a été suggérée, mais sans
avoir reçu à ce jour de démonstration
d’efficacité.
La prévention des infections à E. coli
entéro-hémorragiques repose en partie
sur l’éducation alimentaire du grand
public, qui doit être averti du risque lié à
la cuisson insuffisante de la viande
bovine hachée (coloration rouge ou rosée
persistante au cœur de la viande) et à la
consommation de lait non pasteurisé.
L’amélioration du contrôle sanitaire des
produits alimentaires ne peut prétendre à
une suppression du risque. D’autres
voies, telles que l’irradiation de la viande
hachée, sont à l’étude.
Klebsiella oxytoca
Klebsiella oxytoca est un bacille Gram
négatif aéro-anaérobie de la famille des
entérobactéries, naturellement résistant à
l’ampicilline, aux céphalosporines de
premières générations et à la pristinamy-
cine. Klebsiella oxytoca est considéré
habituellement comme un germe sapro-
phyte de la flore colique secondaire. Dans
les années 1970 a été décrit un tableau
clinique de “colites droites hémorra-
giques à l’ampicilline”, se démarquant
nettement des colites pseudo-membra-
neuses postantibiotiques. Le tableau cli-
nique stéréotypé de ces colites consistait
en l’apparition brutale entre le 2eet le 8e
jour d’un traitement par l’ampicilline
(habituellement le 4eou 5ejour), d’une
diarrhée hémorragique, associée à des
lésions radiologiques évocatrices de
colite ischémique (empreintes de pouce),
des lésions endoscopiques coliques
droites (œdème muqueux, plages purpu-
riques et fragilité muqueuse avec ten-
dance hémorragique, érosions). Depuis,
une trentaine d’observations de colites
hémorragiques postantibiotiques asso-
ciées à la présence de Klebsiella oxytoca
ont été publiées dans la littérature, éma-
nant seulement d’équipes françaises et
japonaises. Certains éléments nouveaux
et certaines précisions par rapport aux
séries originelles ont été apportés. Les
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (14) n° 6, juin 2000 186
mise au point
Figure 2. Lésions histologiques muqueuses de colite à E. coli entéro-hémorra-
giques. Noter la pseudo-membrane faisant issue d’un segment de muqueuse lésée
et tapissant la muqueuse alentour.
Mise au point
antibiotiques en cause peuvent être, outre
la pénicilline, l’ampicilline, l’amoxicil-
line et l’association amoxicilline-acide
clavulanique, les céphalosporines de pre-
mières générations (10), la pristinamy-
cine (11) et les macrolides (12). Le délai
d’apparition des symptômes par rapport
au début de l’antibiothérapie peut aller de
1 à 16 jours. La topographie des lésions
ne se limite pas au côlon droit. Les ano-
malies muqueuses peuvent être panco-
liques, coliques gauches, notamment sig-
moïdiennes suspendues (10). L’atteinte
rectale isolée est rare (10). Un aspect de
colite grave n’a jamais été décrit. L’at-
teinte histologique comporte parfois des
signes de colite ischémique (raptus
hémorragiques, microthrombi capil-
laires) et, le plus souvent, une congestion
et un infiltrat cellulaire mixte non spéci-
fique de la lamina propria. Jusqu’à main-
tenant, Klebsiella oxytoca a été isolé à
partir des selles ou des biopsies
muqueuses sans utiliser de milieu de cul-
ture sélectif, tel qu’un milieu enrichi en
ampicilline. Lorsque les selles et les
broyats biopsiques coliques sont ense-
mencés concomitamment, les cultures de
biopsies sont constamment positives, et
les coprocultures le sont rarement (10).
Dans le sang, une hyperleucocytose
modérée est possible. Une co-infection
Klebsiella oxytoca-Clostridium difficile
a été rapportée dans deux observations ;
cependant, dans ces observations, la
toxine de Clostridium difficile a été détec-
tée par méthode immuno-enzymatique et
non par méthode de référence de cytoxi-
cité de la toxine B, et le germe n’a pas été
cultivé parallèlement.
L’évolution du tableau clinique est en
général spontanément favorable dans les
48 heures qui suivent l’arrêt de l’anti-
biothérapie en cause. Si les signes ne
s’amendent pas rapidement, une antibio-
thérapie par ciprofloxacine (500 mg deux
fois par jour per os pendant 5 jours), anti-
biotique auquel Klebsiella oxytoca est
constamment sensible in vitro, est asso-
ciée à une résolution rapide du tableau
clinique (10).
L’ h ypothèse que Klebsiella oxytoca soit
l’agent infectieux responsable des colites
hémorragiques sous pénicillines, cépha-
losporines et pristinamycine prévaut dans
la littérature française et japonaise mais
n’est pas admise dans la littérature anglo-
saxonne. Pourtant, une équipe japonaise
a isolé une toxine produite par les souches
de Klebsiella oxytoca de trois patients
atteints de colite hémorragique sous
ampicilline (13). Il s’agit d’une petite
toxine de poids moléculaire 217 et de for-
mule C8H15O4N3, cytotoxique pour
plusieurs lignées cellulaires en culture et
produisant une sécrétion hydro-électro-
lytique et des lésions muqueuses hémor-
ragiques dans des anses iléales de lapin
isolées (14). Cette toxine ne semble pas
codée par un plasmide, car elle est pro-
duite par des souches de Klebsiella oxy-
toca dépourvues de plasmides. Certaines
souches de Klebsiella oxytoca, telles que
la souche de référence ATCC 13182, ne
produisent pas de toxine. Par ailleurs, les
auteurs plaidant pour le rôle pathogène
de Klebsiella oxytoca soulignent le fait
qu’en l’absence d’utilisation d’un milieu
de culture sélectif, les coprocultures sont
rarement positives, alors que les cultures
de biopsies le sont constamment. Ils attri-
buent possiblement ce phénomène au fait
que le germe est nettement prédominant
dans les biopsies coliques (adhérence à
l’épithélium, voire invasion muqueuse),
alors qu’il serait “noyé” dans la flore pré-
sente dans les selles.
Malgré ces arguments, le niveau de
preuve de la responsabilité de Klebsiella
oxytoca dans les colites hémorragiques
des antibiotiques n’atteint pas encore
celui de Clostridium difficile dans les
colites pseudo-membraneuses induites
par les antibiotiques. Certaines zones
d’ombre persistent. Le taux de portage
sain du germe n’est pas connu. Le rôle de
Klebsiella oxytoca dans les diarrhées
aiguës et les colites aiguës survenant en
dehors d’un contexte d’antibiothérapie
doit être étudié, en utilisant des milieux de
culture sélectifs pour le germe. Il serait
également important de démontrer,
comme cela l’a été pour Clostridium dif-
ficile, que les souches bactériennes isolées
au cours des colites sont le plus souvent
toxinogènes, contrairement aux souches
des porteurs sains.
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Colite ischémique et infectieuse à Escherichia
187
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