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La lettre de l’hépato-gastroentérologue - no1 - vol. IV - janvier-février 2001
Les anomalies biologiques consistent en une hyperleucocytose
modérée, sans anémie aiguë. Les leucocytes fécaux sont peu
nombreux à l’examen microscopique direct des selles. Le cliché
de l’abdomen sans préparation révèle typiquement une aéro-
grêlie et une distension gazeuse modérée du côlon droit. Des
images sous-muqueuses dans ce territoire de type empreintes de
pouce peuvent y être visibles spontanément, ou après lavement
à la baryte ou aux hydrosolubles. En endoscopie, les lésions sont
en général d’intensité croissante du rectum au cæcum, ou parfois
d’intensité maximale bipolaire (rectum et côlon ascendant). Les
lésions sont en général discontinues et à type d’œdème, d’éry-
thème, d’ulcérations superficielles, de plages hémorragiques. Un
aspect gris-ardoisé de la muqueuse, évocateur de colite isché-
mique, ou un aspect pseudo-membraneux sont également pos-
sibles. Les lésions histologiques des colites à E.colientéro-hémor-
ragique associent des signes d’ischémie muqueuse (100 % des
cas) pouvant s’associer à des pseudo-membranes pseudo-inflam-
matoires avec une cryptite focale, des abcès cryptiques et/ou une
infiltration de la lamina propria par des polynucléaires neutro-
philes (9 %) (9). Enfin, une apoptose accrue de la partie profonde
des cryptes est observée dans 60 % des cas (9).
La principale complication de l’infection à E.coli entéro-hémor-
ragique est le SHU qui survient habituellement au sixième jour
de la diarrhée, touchant préférentiellement les enfants et les sujets
âgés ayant une diarrhée hémorragique (tableau II). Le SHU asso-
cie une anémie hémolytique, une thrombopénie et une insuffi-
sance rénale. Il est donc prudent de réaliser, pendant la phase
diarrhéique, chez les patients ayant une infection documentée à
E.colientéro-hémorragique la numération formule sanguine et la
fonction rénale (urée, créatinine, protéinurie) à la recherche des
premiers signes de SHU. Dans ce contexte, l’apparition de schi-
zocytes dans le sang suggère fortement la progression vers le
SHU et justifie une hospitalisation en urgence. Des complica-
tions neurologiques du SHU (comitialité, coma, hémiparésie)
sont observées chez 25 % des patients. Des complications
coliques (perforation, colectasie), des pancréatites, des épanche-
ments pleuro-péricardiques ont été rarement décrits (tableau II).
Les patients ayant un SHU doivent être dialysés une fois sur deux,
et transfusés trois fois sur 4. Le taux de mortalité est de 3 à 5 %.
Trente pour cent des survivants gardent des séquelles mineures
telles qu’une protéinurie, et 5 % des séquelles majeures (insuffisance
rénale chronique, déficits neurologiques définitifs) (tableau II).
Le diagnostic d’infection à E.coli entéro-hémorragique doit être
évoqué dans les pays développés devant toute diarrhée clinique-
ment hémorragique, et devant tout SHU compliquant une diar-
rhée. En présence d’une diarrhée aiguë non hémorragique, le dia-
gnostic devrait également être évoqué dans un contexte
d’épidémie connue à E.coli entéro-hémorragique et devant des
cas individuels de diarrhée aiguë survenant quelques jours après
la consommation de viande hachée de bœuf insuffisamment cuite.
Le diagnostic de routine des infections à E.coli O157:H7 repose
sur le fait que ce germe ne fermente pas rapidement le sorbitol,
alors que 80 à 90 % des autres sérotypes le font. Ainsi, après ense-
mencement des selles sur milieu de MacConkey-sorbitol, les
colonies d’E.coli ne prenant pas la couleur du sorbitol sont repé-
rées, et peuvent secondairement être facilement identifiées
comme étant du sérotype O157 :H7 par les antisérums ou les kits
d’agglutination par latex du commerce. Il y a deux limites à la
fiabilité de ce diagnostic microbiologique de routine. D’une part,
les E.coli entéro-hémorragiques n’appartenant pas au sérotype
O157:H7, qui sont plus nombreux en France qu’aux États-Unis,
ne peuvent pas être détectés par cette méthode. D’autre part, la
coproculture est le plus souvent négative lorsque les selles sont
ensemencées plus de 6 jours après le début de la diarrhée (figure 1).
Dans ces cas, la détection des vérotoxines dans les selles, pos-
sible pendant toute la période diarrhéique et jusqu’à 4 à 6
semaines après, représente la meilleure approche diagnostique,
permettant potentiellement de faire la preuve diagnostique de
toutes les infections à E.coli entéro-hémorragique (figure 1).
KLEBSIELLA OXYTOCA
Klebsiella oxytoca est un bacille Gram négatif aéro-anaérobie de la
famille des entérobactéries, naturellement résistant à l’ampicilline,
aux céphalosporines de première génération, et à la pristinamycine.
Klebsiella oxytoca est considérée habituellement comme un germe
saprophyte de la flore colique secondaire. Dans les années 1970 a
été décrit un tableau clinique de “colites droites hémorragiques à
l’ampicilline”, se démarquant nettement des colites pseudo-mem-
braneuses postantibiotiques. Le tableau clinique stéréotypé de ces
colites consistait en l’apparition brutale entre le deuxième et le hui-
tième jour d’un traitement par l’ampicilline (habituellement le qua-
trième ou cinquième jour) d’une diarrhée hémorragique, associée
à des lésions radiologiques évocatrices de colite ischémique
(empreintes de pouce), des lésions endoscopiques coliques droites
(œdème muqueux, plages purpuriques et fragilité muqueuse avec
tendance hémorragique, érosions). Depuis, une trentaine d’obser-
vations de colites hémorragiques post-antibiotiques associées à la
présence de Klebsiella oxytoca ont été publiées dans la littérature,
émanant seulement d’équipes françaises et japonaises. Certains élé-
ments nouveaux et certaines précisions par rapport aux séries ori-
ginelles ont été apportés. Les antibiotiques en cause peuvent être,
outre la pénicilline, l’ampicilline, l’amoxicilline et l’association
amoxicilline-acide clavulanique, les céphalosporines de première
●Complication fréquente des colites à
E.Coli
entéro-hémorragique : 5 à 20 % des cas
● Terrain : enfants et sujets âgés ayant une diarrhée
hémorragique
● Tableau : anémie hémolytique + thrombopénie + insuffisance
rénale
● Complications :
- neurologiques (25 %) : comitialité, coma
- colique : perforation, colectasie
- pancréatite
● Mortalité : 3 à 5 %
Tableau II. Principales caractéristiques du syndrome hémolytique et
urémique (SHU).