L’ Étude sur les anesthésiques locaux

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Détersion des ulcères des membres inférieurs
Étude sur les anesthésiques locaux
Lorsqu’un ulcère des membres inférieurs présente des
nécroses et/ou de la fibrine, la détersion devient indispensable pour sa guérison. Ce nettoyage se fait à l’aide
de moyens mécaniques (bistouri, curette) plus sélectifs
que les moyens chimiques (pommade aux enzymes).
L’
inconvénient majeur de cette
partie du soin est la douleur.
La douleur ressentie par le patient, d’une part, ralentit la progression des soins et augmente le
risque infectieux, d’autre part,
constitue une atteinte à l’intégrité
aussi bien physique que mentale.
Des protocoles d’application d’anesthésiques locaux sur la plaie avant
la détersion ont été mis en place.
La question était de savoir si
les produits que l’on appliquait
étaient efficaces. Existait-il une
bonne cohérence entre la méthode en rééducation vasculaire
de l’hôpital Broussais et les autres
services hospitaliers et extrahospitaliers qui pratiquent la détersion d’ulcères des membres inférieurs ? Une enquête a été menée
dans le service après avoir dressé
la liste des anesthésiques locaux
de contact à disposition et rassemblé les différentes études publiées sur ces produits.
Trois principes actifs
Parmi les trois principes actifs,
ont été retenus : la lidocaïne, le
moins coûteux et qui prend plusieurs formes galéniques, la pramocaïne, qui n’est pas employée
à notre connaissance dans cette
indication, et enfin la prilocaïne,
qui n’est utilisée qu’en association avec la lidocaïne. Cette association, commercialisée sous la
forme d’une crème, forme spontanément une huile qui franchit
la barrière cutanée, ce qui constitue certainement une indication
dans la détersion des ulcères.
Malgré son coût (44,70 F pour
5 g contre 26,50 F pour 15 g de
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lidocaïne), ce produit associant la
prilocaïne et la lidocaïne est le
seul à avoir obtenu aujourd’hui
l’AMM dans cette indication.
Une recherche dans la littérature
a permis de retrouver cinq études
originales examinant l’efficacité
de cette crème. Quatre sont d’origine suédoise et la dernière est
française ; notre service a participé à cette étude. L’examen du
tableau récapitulant ces études révèle que ce produit, en comparaison avec un placebo, est efficace dans tous les cas. Le temps
d’application varie entre 10 et
60 minutes. L’étude de Holst et al.
a montré que l’efficacité maximale
se situe à 60 minutes après le début de l’application. L’effet indésirable le plus souvent rapporté
est une sensation de brûlure qui
est surtout signalée par l’étude de
Holm et al.
Après une recherche similaire
dans la littérature, aucun article
sur l’utilisation de la lidocaïne
seule dans la détersion des ulcères
de jambes n’a pu être retrouvé.
Deux enquêtes dans le service
La première enquête réalisée en
août 2000, sur une période de
15 jours, a recensé 25 patients
hospitalisés atteints d’ulcères des
membres inférieurs. Quatre ne
nécessitaient pas de détersion.
Une seule patiente était traitée,
à sa demande, 60 minutes après
application de la crème. Parmi
les 20 patients restants, tous
étaient traités par application de
lidocaïne 2 % gel urétral. La
moyenne d’âge était de 66 ans
(médiane : 77 ans). L’étiologie était
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 25 - avril 2001
artérielle dans la moitié des cas.
La deuxième enquête, réalisée à
la fin de l’année sur une durée
équivalente, identifie 25 nouveaux patients dont 22 sont traités par application de lidocaïne.
La moyenne d’âge est légèrement
plus élevée et l’étiologie est, à
parts égales, artérielle et veineuse.
Les deux groupes de patients
étant comparables, ils ont été réunis pour la suite de l’exposé.
Le gel de lidocaïne a été appliqué
en couche épaisse sur la totalité
de la surface soumise à détersion,
recouverte ensuite d’une compresse stérile sèche. La compresse
a été humidifiée par du sérum
physiologique stérile afin de la saturer pour qu’elle n’absorbe pas
de produit et pour qu’elle tienne
sur la plaie. Après 15 minutes,
elle a été retirée ainsi que l’excès
de gel avec une nouvelle compresse stérile. La détersion a été
effectuée immédiatement.
Trois paramètres ont été évalués :
taille des ulcères, douleur, efficacité de détersion. Les résultats
de l’enquête ont été classés prioritairement par rapport à la douleur exprimée. Car c’est la douleur qui guide dans la décision
d’arrêter ou de poursuivre la
détersion.
La proportion des hommes exprimant une douleur est plus
faible que celle des femmes. En
revanche, nous observons peu de
différences entre les deux groupes
en ce qui concerne l’âge moyen et
l’étiologie. La moyenne et la médiane des surfaces des plus
grands ulcères sont plus importantes chez les sujets exprimant
une douleur que chez ceux n’en
exprimant pas. Cependant, il
existe une très grande hétérogénéité de cette taille au sein de
chaque groupe, si bien que ces
différences sont peu significatives.
Nous constatons la bonne corré-
lation entre la douleur exprimée
et la douleur ressentie.
Malgré l’addition de lidocaïne,
l’expression de la douleur a été
telle que, dans huit cas, l’efficacité
de détersion a été considérée
comme impossible. Ces cas représentent la moitié des personnes
ayant exprimé une douleur.
En revanche, toutes les personnes
n’ayant pas exprimé de douleur
ont eu une efficacité de détersion
moyenne ou satisfaisante.
Notre protocole d’utilisation de la
lidocaïne 2 % gel urétral a permis
à 71 % des personnes de ne ressentir aucune douleur ou une
douleur supportable. Ce protocole a permis une détersion tout
à fait satisfaisante dans près de
57 % des cas et une détersion
moyenne dans 24 % de cas supplémentaires. Seul huit cas, soit
17 %, n’ont pas eu une détersion
satisfaisante.
La lidocaïne est-elle également
couramment utilisée dans les services pratiquant des détersions
d’ulcères de jambes ?
Différents services hospitaliers et
extrahospitaliers ont été interrogés grâce à un questionnaire.
Sur les 49 envois, 21 réponses ont
été obtenues. Dans ces réponses :
deux services ne mentionnaient
que la crème prilocaïne/lidocaïne,
dix que la lidocaïne, six les deux,
deux ne mentionnaient aucune
utilisation d’anesthésique local
pour la détersion et enfin une réponse était non informative.
Les critères majeurs de choix
mentionnés dans les réponses justifiant l’utilisation préférentielle de
ces deux produits sont la qualité
de l’anesthésie et la disponibilité
hospitalière. Par ailleurs, les réponses aux questionnaires ont
fait apparaître une grande diversité dans le temps d’application
de l’anesthésique local s’échelonnant d’un quart d’heure à
une heure pour l’association prilocaïne/lidocaïne et de cinq minutes à trois quarts d’heure pour
la lidocaïne.
Le temps d’application recommandé pour la première est de
trente minutes. Les plus grandes
différences dans le temps d’application de la lidocaïne sont
peut-être dues à l’absence de recommandation, aucune publication n’étant parue sur l’utilisation
de la lidocaïne dans cette indication. Retenons cependant que les
services l’utilisant sont deux fois
plus nombreux que ceux utilisant
la crème prilocaïne/lidocaïne.
Ainsi nous constatons qu’il existe
une dissociation entre la pratique
journalière utilisant majoritairement la lidocaïne et, d’une part, les
études publiées qui ne concernent
que la crème, d’autre part, l’AMM
dans cette indication qui n’a été
obtenue que pour cette dernière.
Ces différences pourraient être expliquées, en dehors des habitudes
acquises, par le fait que la crème
associant la prilocaïne et la lidocaïne n’a obtenu l’AMM que l’année dernière. Cependant, deux
éléments pourraient militer en faveur de l’utilisation de la lidocaïne : son coût, nettement inférieur, et le temps d’application qui
est peut-être plus court (15 minutes contre 30 minutes). Une
étude spécifique mériterait d’être
menée sur ce point.
En pratique, pour aller plus loin,
il serait intéressant de mettre en
place une étude permettant d’évaluer comparativement les deux
produits, tant au niveau de leur
efficacité sur la douleur lors des
détersions d’ulcère de jambe qu’à
celui des inconvénients (effets secondaires) et des risques (diffusion plasmatique à déterminer
pour la lidocaïne) à l’utilisation
de ces produits. Cette étude devrait être une étude randomisée
et en double aveugle ; de plus, il
serait préférable qu’elle soit multicentrique de manière à recruter
rapidement un grand nombre de
patients.
Céline Thomas
IDE, service de rééducation vasculaire,
hôpital Broussais, Paris.
Brèves...
Prix Hélioscope 2001
La 4e édition du prix Hélioscope a été
lancée. Ce prix a pour objectif de récompenser des équipes hospitalières
ayant réalisé des actions de coopération entre différents services ou métiers au sein de l’hôpital au bénéfice
du malade. En 2000, cinq initiatives
ont été récompensées. Le prix est
ouvert à tous les hôpitaux publics
de France. Le dossier de candidature
est disponible dès aujourd’hui (remise avant le 2 mai), à la Fondation
Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de
France. Tél. : 01 40 27 45 95. `
Site : www.fondationhopitaux.fr
Un livret
pour les parents en deuil
L’association Sparadrap, grâce à la
Fondation de France, édite un livret
pour permettre un meilleur accompagnement des parents qui viennent
de perdre un enfant. La perte d’un
enfant plonge les parents dans une
profonde détresse. Les soignants,
dont le rôle est d’aider ces personnes, peuvent remettre un document conçu par des soignants, pour
donner des conseils et des informations pratiques sur les conduites à
tenir vis-à-vis de la fratrie et de l’entourage. Des repères sont également
donnés en ce qui concerne le déroulement du deuil pour ces familles. (30 F l’unité ou 15 F par envoi de 50 exemplaires). Fondation
de France : tél. : 01 44 21 31 00 ;
e-mail : [email protected]
Le sel mis en cause
De récents articles ont montré du
doigt l’industrie alimentaire accusée
d’ajouter beaucoup trop de sel dans
les aliments dans un objectif mercantile. Et de rappeler les méfaits
d’une alimentation trop sodée. Le
Comité des Salines de France réagit
à ce qu’il considère comme des informations incomplètes, voire inexactes, et ouvre un site d’information sur le sel (www.salines.com).
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 25 - avril 2001
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