La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 3 - mai-juin 2007
Mise au point
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de six cas mortels montrait une infi ltration méningée et hépa-
tique avec une nécrose hépatocytaire. Il s’agit de la première
description précise du syndrome d’activation macrophagique
(SAM), ou syndrome d’hémophagocytose.
Cette entité associe des signes cliniques dont les principaux sont
la fi èvre et une hépato-splénomégalie, des anomalies biologi-
ques (cytopénies) et une image cytologique caractérisée par des
macrophages phagocytant des éléments nucléés du sang. Cet
aspect d’“hémophagocytose” permet d’affi rmer le diagnostic.
Il est important de noter qu’aucun de ces éléments cliniques
ou biologiques pris isolément n’est spécifi que d’un SAM, et que
ces signes peuvent aussi être ceux d’une maladie sous-jacente
qui est à l’origine du SAM. En outre, comme on le verra, l’image
d’hémophagocytose elle-même doit être interprétée en tenant
compte du contexte clinique. À l’inverse, cette image peut être
très diffi cile à détecter alors même que les autres éléments du
SAM sont présents.
Après l’avoir longtemps considérée comme une prolifération
maligne de la lignée monocytaire, la majorité des auteurs s’ac-
cordent aujourd’hui à dire qu’il s’agit d’une prolifération réac-
tionnelle. Ce syndrome peut être primaire ou secondaire. L’étude
des formes primaires a permis d’avancer dans la compréhension
de la physiopathologie de ce syndrome. Les SAM réactionnels
surviennent principalement au cours d’infections diverses,
notamment virus du groupe Herpès, et de néoplasies. La gravité
de ce syndrome, dont la mortalité selon les séries varie entre 20
et 60 %, impose une enquête étiologique exhaustive, un retard
thérapeutique étant délétère. Cet article s’attachera en parti-
culier aux SAM secondaires aux infections et à la conduite
thérapeutique, qui reste sujette à discussion.
DIAGNOSTIC POSITIF
Clinique
Un SAM peut survenir à tout âge. Néanmoins, les SAM primaires
débutent pendant la petite enfance, voire l’adolescence. Les
formes primaires de révélation tardive (> 20 ans) restent tout
à fait exceptionnelles. L’installation est souvent brutale, mais
l’apparition progressive des symptômes sur 2 à 3 semaines
est possible. Les principaux symptômes sont décrits dans le
tableau I, regroupant les 9 séries publiées depuis 1990, sans
critère de sélection autre que l’âge (2-10).
Il existe de manière quasi constante une fi èvre et une asthénie.
La fi èvre est généralement oscillante, avec des pics atteignant
parfois les 40 °C. Elle peut s’accompagner de frissons et de
sueurs nocturnes. L’asthénie est souvent marquée. La perte de
poids est variable du fait de la fréquence d’œdèmes. Il existe en
eff et une vasoplégie plus ou moins importante qui, combinée
à l’hypoalbuminémie fréquente, peut au maximum réaliser un
tableau d’anasarque. Il s’y associe souvent une organomégalie
avec une hépatomégalie, une splénomégalie, et plus rarement,
des adénopathies périphériques.
D’autres manifestations ont été décrites : des lésions cutanées,
généralement à type d’exanthème maculo-papuleux, une atteinte
pulmonaire avec dyspnée et infi ltrats interstitiels bilatéraux
pouvant conduire à un œdème lésionnel, des manifestations
neurologiques (confusion, convulsions), des troubles digestifs
divers (diarrhées, nausées, douleurs abdominales). La vasoplégie
responsable d’une hypotension, l’œdème pulmonaire lésionnel,
une myocardite, des troubles de conscience peuvent conduire le
malade en réanimation. Les formes pédiatriques sont marquées
par une plus grande fréquence de défaillances cardiorespiratoires
par rapport aux formes adultes (9, 10).
En pratique, un SAM doit être suspecté devant un malade
fébrile “septique” avec une organomégalie et des cytopénies.
Néanmoins, aucune manifestation clinique n’est spécifi que
d’un SAM.
Biologie
Les principaux signes sont détaillés dans le tableau I. Une
cytopénie est présente dans 100 % des cas. Elle est de degré
variable et touche en règle générale au moins deux lignées. Les
lignées plaquettaire et érythrocytaire sont les plus fréquemment
atteintes. La thrombopénie est parfois sévère avec un syndrome
hémorragique variable. Une anémie normocytaire normochrome
pas ou peu régénérative est présente dans 85 à 100 % des cas.
La leucopénie est moins fréquente et souvent plus tardive. Au
maximum, on observe une pancytopénie. Ces cytopénies sont
multifactorielles : hémophagocytose, mais surtout inhibition
de l’hématopoïèse par l’interféron γ (11). Le taux de lympho-
cytes est variable, parfois augmenté. Le frottis peut mettre en
évidence de grands lymphocytes bleutés atypiques, l’existence
d’un syndrome mononucléosique orientant vers les étiologies
virales. L’hypofi brinogénémie est un bon élément d’orientation.
Elle est le plus souvent isolée mais peut être associée à un allon-
gement des temps de coagulation. Une CIVD est un facteur de
mauvais pronostic.
Une cytolyse hépatique est fréquente, et ce indépendamment
de l’étiologie sous-jacente. Elle est souvent modérée, mais peut
être majeure et conduire au décès dans le cadre d’une hépatite
fulminante. Il peut exister une élévation de la bilirubine, associée
ou non à une cholestase.
Les LDH sont élevées dans la majorité des cas, parfois de façon
importante. Elles n’ont cependant pas de valeur pronostique ni
diagnostique. On peut rencontrer une insuffi sance rénale ainsi
qu’une hyponatrémie.
Deux éléments biologiques sont utiles au diagnostic car ils sont
fréquents et assez spécifi ques d’un SAM. Il s’agit, d’une part,
d’une hypertriglycéridémie sans hypercholestérolémie, consé-
quence d’une inhibition de la lipoprotéine lipase (11) par les
cytokines pro-infl ammatoires (TNF, IL-6, IL-1). D’autre part,
il faut noter l’élévation de la ferritine, souvent très importante.
Libérée par les macrophages activés et la nécrose hépatocy-
taire, elle est un bon refl et de l’activité du syndrome. La frac-
tion glycosylée est fréquemment abaissée dans cette situation
(12). Ce point doit être connu car une hyperferritinémie avec
fraction glycosylée abaissée est souvent considérée comme un
marqueur diagnostique de la maladie de Still, maladie elle-même
compliquée de SAM.