mise au point m ise au point Syndrome d’activation macrophagique Hemophagocytic syndrome O. Lambotte*, F. Méchaï* Résumé Le syndrome d’activation macrophagique (SAM), ou syndrome d’hémophagocytose, associe des signes cliniques – fièvre, hépato-splénomégalie, adénopathies – et des anomalies biologiques (bi- ou tricytopénies, cytolyse hépatique, élévation des LDH, coagulopathie) à une image d’hémophagocytose sur un prélèvement cytologique ou histologique. Aucun de ces signes n’est spécifique. Cependant, l’association à une hypertriglycéridémie et à une hyperferritinémie est très fortement évocatrice du SAM. Ce syndrome peut être primaire chez l’enfant ou secondaire à diverses affections à tout âge. Les infections virales par les herpès virus (surtout Epstein-Barr et cytomégalovirus), par les germes intracellulaires (tuberculose), mais aussi par les bactéries pyogènes sont, avec les néoplasies (lymphomes principalement) et certaines maladies auto-immunes (lupus et Still), les principales causes de SAM à rechercher. La physiopathologie du SAM est mieux comprise grâce à l’étude des formes primaires. Le SAM est lié à une activation excessive et/ou à un défaut de cytotoxicité des lymphocytes T CD8 et des cellules natural killer (NK) qui sécrètent de grandes quantités d’interféron γ, activant les cellules macrophagiques de la moelle osseuse et du système réticulo-endothélial, qui libèrent à leur tour des cytokines proinflammatoires. En dehors des traitements symptomatiques et étiologiques, le traitement spécifique du SAM repose principalement sur les corticoïdes, les immunoglobulines intraveineuses et le VP16. Il reste néanmoins mal codifié, car aucune étude prospective n’est disponible chez l’adulte. Dans les formes primaires, le VP16 et la ciclosporine ont fait la preuve de leur efficacité dans l’attente d’une allogreffe de moelle, seul traitement curatif. Le pronostic des SAM est variable selon l’étiologie, mais la mortalité moyenne est de 50 %. Une telle gravité impose un diagnostic et un traitement précoces, même en l’absence d’image d’hémophagocytose, parfois difficile à retrouver. mots-clés : Activation macrophagique - Hémophagocytose - Virus d’Epstein Barr - Lymphome. * Service de médecine interne, CHU du Kremlin-Bicêtre, 94275 Le Kremlin-Bicêtre. La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 3 - mai-juin 2007 summaRY The macrophagic activation syndrome or hemophagocytic syndrome (HS) is the combination of clinical features, fever, hepatosplenomegaly and lymphadenopathy; laboratory abnormalities (cytopenia, liver cytolysis, LDH increase, coagulopathy) associated with an hemophagocytosis picture. No sign is specific. The combination of hypertriglyceridemia and hyperferritinemia is highly suggestive of the diagnosis. HS may be primary in children or secondary at any age. Main causes of HS are infections, especially viral ones by Herpes viruses (Epstein-Barr, cytomegalovirus), by intracellular germs (tuberculosis), by pyogenes, neoplasia, mainly lymphomas, and auto-immune diseases (lupus and Still disease). The physiopathology of the HS is going to be understood with the study of the primary forms. HS is due to an excessive activation and/or a cytotoxicity defect of CD8 T lymphocytes and NK cells which produce large amounts of Interferon γ which leads to the activation of bone marrow macrophages and reticulo-endothelial cells which in turn produce pro-inflammatory cytokines. The treatment is symptomatic and is the treatment of the cause. In addition, specific treatments may be required to control the HS: steroids, etoposide and intravenous immunoglobulins. However, the best treatment is not clearly defined as no prospective, randomized trial has been performed, at least in the adult setting. In primary HS, evidence of the efficacy of etoposide and ciclosporin was obtained, to wait for an allogenic bone marrow allograft as a curative treatment. The prognosis of HS depends on the etiology but the average mortality is about 50%. Early diagnosis and treatment, despite the possible lack of the hemophagocytosis picture, which may be difficult to find, are essential to avoid such a severe prognosis. Keywords: Hemophagocytosis - Epstein-Barr virus - Lymphoma. E n 1979, Risdall et al. (1) individualisaient une entité clinique caractérisée par de la fièvre, une hépato-splénomégalie et une pancytopénie. Des adénopathies, un exanthème et une atteinte pulmonaire étaient souvent présents. La moelle osseuse et les ganglions étaient infiltrés par des macrophages de morphologie normale, qui phagocytaient des érythrocytes, des plaquettes et des leucocytes. L’autopsie 93 mise au point m ise au point de six cas mortels montrait une infiltration méningée et hépatique avec une nécrose hépatocytaire. Il s’agit de la première description précise du syndrome d’activation macrophagique (SAM), ou syndrome d’hémophagocytose. Cette entité associe des signes cliniques dont les principaux sont la fièvre et une hépato-splénomégalie, des anomalies biologiques (cytopénies) et une image cytologique caractérisée par des macrophages phagocytant des éléments nucléés du sang. Cet aspect d’“hémophagocytose” permet d’affirmer le diagnostic. Il est important de noter qu’aucun de ces éléments cliniques ou biologiques pris isolément n’est spécifique d’un SAM, et que ces signes peuvent aussi être ceux d’une maladie sous-jacente qui est à l’origine du SAM. En outre, comme on le verra, l’image d’hémophagocytose elle-même doit être interprétée en tenant compte du contexte clinique. À l’inverse, cette image peut être très difficile à détecter alors même que les autres éléments du SAM sont présents. Après l’avoir longtemps considérée comme une prolifération maligne de la lignée monocytaire, la majorité des auteurs s’accordent aujourd’hui à dire qu’il s’agit d’une prolifération réactionnelle. Ce syndrome peut être primaire ou secondaire. L’étude des formes primaires a permis d’avancer dans la compréhension de la physiopathologie de ce syndrome. Les SAM réactionnels surviennent principalement au cours d’infections diverses, notamment virus du groupe Herpès, et de néoplasies. La gravité de ce syndrome, dont la mortalité selon les séries varie entre 20 et 60 %, impose une enquête étiologique exhaustive, un retard thérapeutique étant délétère. Cet article s’attachera en particulier aux SAM secondaires aux infections et à la conduite thérapeutique, qui reste sujette à discussion. diagnostic positif Clinique Un SAM peut survenir à tout âge. Néanmoins, les SAM primaires débutent pendant la petite enfance, voire l’adolescence. Les formes primaires de révélation tardive (> 20 ans) restent tout à fait exceptionnelles. L’installation est souvent brutale, mais l’apparition progressive des symptômes sur 2 à 3 semaines est possible. Les principaux symptômes sont décrits dans le tableau I, regroupant les 9 séries publiées depuis 1990, sans critère de sélection autre que l’âge (2-10). Il existe de manière quasi constante une fièvre et une asthénie. La fièvre est généralement oscillante, avec des pics atteignant parfois les 40 °C. Elle peut s’accompagner de frissons et de sueurs nocturnes. L’asthénie est souvent marquée. La perte de poids est variable du fait de la fréquence d’œdèmes. Il existe en effet une vasoplégie plus ou moins importante qui, combinée à l’hypoalbuminémie fréquente, peut au maximum réaliser un tableau d’anasarque. Il s’y associe souvent une organomégalie avec une hépatomégalie, une splénomégalie, et plus rarement, des adénopathies périphériques. D’autres manifestations ont été décrites : des lésions cutanées, généralement à type d’exanthème maculo-papuleux, une atteinte 94 pulmonaire avec dyspnée et infiltrats interstitiels bilatéraux pouvant conduire à un œdème lésionnel, des manifestations neurologiques (confusion, convulsions), des troubles digestifs divers (diarrhées, nausées, douleurs abdominales). La vasoplégie responsable d’une hypotension, l’œdème pulmonaire lésionnel, une myocardite, des troubles de conscience peuvent conduire le malade en réanimation. Les formes pédiatriques sont marquées par une plus grande fréquence de défaillances cardiorespiratoires par rapport aux formes adultes (9, 10). En pratique, un SAM doit être suspecté devant un malade fébrile “septique” avec une organomégalie et des cytopénies. Néanmoins, aucune manifestation clinique n’est spécifique d’un SAM. Biologie Les principaux signes sont détaillés dans le tableau I. Une cytopénie est présente dans 100 % des cas. Elle est de degré variable et touche en règle générale au moins deux lignées. Les lignées plaquettaire et érythrocytaire sont les plus fréquemment atteintes. La thrombopénie est parfois sévère avec un syndrome hémorragique variable. Une anémie normocytaire normochrome pas ou peu régénérative est présente dans 85 à 100 % des cas. La leucopénie est moins fréquente et souvent plus tardive. Au maximum, on observe une pancytopénie. Ces cytopénies sont multifactorielles : hémophagocytose, mais surtout inhibition de l’hématopoïèse par l’interféron γ (11). Le taux de lymphocytes est variable, parfois augmenté. Le frottis peut mettre en évidence de grands lymphocytes bleutés atypiques, l’existence d’un syndrome mononucléosique orientant vers les étiologies virales. L’hypofibrinogénémie est un bon élément d’orientation. Elle est le plus souvent isolée mais peut être associée à un allongement des temps de coagulation. Une CIVD est un facteur de mauvais pronostic. Une cytolyse hépatique est fréquente, et ce indépendamment de l’étiologie sous-jacente. Elle est souvent modérée, mais peut être majeure et conduire au décès dans le cadre d’une hépatite fulminante. Il peut exister une élévation de la bilirubine, associée ou non à une cholestase. Les LDH sont élevées dans la majorité des cas, parfois de façon importante. Elles n’ont cependant pas de valeur pronostique ni diagnostique. On peut rencontrer une insuffisance rénale ainsi qu’une hyponatrémie. Deux éléments biologiques sont utiles au diagnostic car ils sont fréquents et assez spécifiques d’un SAM. Il s’agit, d’une part, d’une hypertriglycéridémie sans hypercholestérolémie, conséquence d’une inhibition de la lipoprotéine lipase (11) par les cytokines pro-inflammatoires (TNF, IL-6, IL-1). D’autre part, il faut noter l’élévation de la ferritine, souvent très importante. Libérée par les macrophages activés et la nécrose hépatocytaire, elle est un bon reflet de l’activité du syndrome. La fraction glycosylée est fréquemment abaissée dans cette situation (12). Ce point doit être connu car une hyperferritinémie avec fraction glycosylée abaissée est souvent considérée comme un marqueur diagnostique de la maladie de Still, maladie elle-même compliquée de SAM. La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 3 - mai-juin 2007 Tableau I. Fréquence des principales anomalies cliniques et biologiques du SAM (analyse de 9 séries récentes sans critère de sélection autre que l’âge). Albert (2) 1992 Wong (3) 1992 Tiab (4) 1996 Sailler (5) 1997 Kaito(6) 1997 Tsuda (7) 1997 Takahashi Palazzi (9) (8) 2001 2003 Chen (10) 2004 Nombre de patients 45 40 23 99 34 23 52 19 18 Enfants/adultes NR 3/37 6/17 9/90 1/33 0/23 0/52 19/0 18/0 Fièvre (%) 100 100 100 61 100 100 100 100 100 Splénomégalie (%) 60 33 76 37 62 35 69 95 61 Hépatomégalie (%) 73 33 50 39 68 35 62 95 89 Clinique Adénopathies périphériques (%) 40 25 33 30 41 70 NR 68 44 Lésions cutanées (%) NR 12.5 21 3 NR 26 22.5 58 56 Symptômes respiratoires (%) NR NR NR 0 NR NR NR 90 33 Signes neurologiques (%) NR NR 13 7 NR 0 NR NR NR Thrombopénie (en % ou x109/l) 89 % *67 96 % *100 74 % 91 % **44 79 % 56 % Anémie (en % ou g/dl) 82 % *9,2 88 % *9,4 53 % 82 % **10 84 % NR Leucopénie (en % ou x 109/l) 61 % *3,47 76 % *7,3 47 % 65 % **2,2 42 % 50 % NR 66 59 97 48 NR mise au point m ise au point Biologie Anomalie du bilan hépatique (%) – élévation transaminases (%) 75 50 – élévation des PAL (%) 97 – hyperbilirubinémie (%) 29 Hypofibrinogénémie/coagulopathie (%) Hyperferritinémie/hypertriglycéridémie (%) Mortalité (%) 83 90 80 54 33 66 19 NR 30 NR 62 79/81 NR/63 NR 90/100 NR/59 NR NR 100/NR 100/44 NR/87 62 45 73 50 59 22 32 53 61 • Deux travaux ne sont pas détaillés dans ce tableau : ceux de Dhote et al. (13) et ceux de Stéphane et al. (14), qui décrivent les SAM survenus au cours de maladies systémiques respectivement chez l’adulte et l’enfant. • NR : non rapporté ; PAL : phosphatases alcalines ; * : moyenne ; ** : médiane. Les anomalies éventuelles du bilan immunologique (pic monoclonal, autoanticorps) dépendent de la pathologie sous-jacente. La recherche de facteurs antinucléaires doit néanmoins être systématique devant un SAM sans étiologie claire, car le lupus érythémateux disséminé est la seule maladie auto-immune, en plus de la maladie de Still, à être associée à un SAM spécifique (13, 14). CD/MF BK La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 3 - mai-juin 2007 EBV, LMNH Défaut de cytotoxicité LT8 Cytologie et histologie ✓ Intérêt diagnostique La cytologie permet d’affirmer le diagnostic en montrant l’infiltration des tissus par des histiocytes matures d’aspect cytologique bénin avec des images d’hémophagocytose (fi gure 1). Ces histiocytes comportent des inclusions cytoplasmiques contenant des cellules hématopoïétiques. Cette hémophagocytose peut concerner l’ensemble des lignées hématopoïétiques, les lignées érythroïde et mégacaryocytaire étant les plus fréquemment atteintes. L’infiltration histiocytaire peut concerner l’ensemble des tissus hématopoïétiques (moelle osseuse, rate, ganglions, foie), plus rarement d’autres organes (système nerveux central [SNC], peau dans les lymphomes T cutanés). Au niveau de la moElle osseuse, l’infiltration est variable, le myélogramme étant plus sensible que la biopsie ostéomédullaire (BOM). Les macrophages représentent souvent plus de 5 % des cellules nucléées. Pour certains auteurs, le pourcentage de IL-1, IL-6, TNFB 3 Activation Mф incontrôlée 1 Activation T incontrôlée 2 Production excessive de cytokines (IFNH+++, IL-2, M-CSF, IL-18) Figure 1. Hypothèse physiopathologique. Un facteur initial (infection virale, lymphome, etc.) induit l’activation des cellules T et/ou NK qui prolifèrent et produisent de l’IFNγ. Le déficit de cytotoxicité est responsable de la persistance du facteur déclenchant et des cellules présentatrices d’antigènes activées (cellules dendritiques [CD] et macrophages) et d’une activation T incontrôlée (1). Il en résulte un relargage massif (2) de cytokines pro-inflammatoires (IL-1, IL-6, TNFα) responsables de l’activation macrophagique (3) et des manifestations cliniques et biologiques. Ces cytokines et la persistance de CD activées entretiennent l’activation des lymphocytes T CD8 et des cellules NK qui produisent de l’IFNγ. Certaines infections comme la tuberculose pourraient activer directement les macrophages. 95 mise au point m ise au point macrophages est un critère diagnostique, mais aucune étude ne retrouve de corrélation entre le nombre de macrophages médullaires et la gravité. De plus, l’infiltration histiocytaire n’est pas homogène et les images d’hémophagocytose peuvent être absentes des prélèvements, qu’il ne faut pas hésiter à répéter en cas de forte suspicion de SAM. D’autres anomalies peuvent s’associer à cette infiltration. L’hypocellularité est variable. Il existe fréquemment une hypoplasie de la lignée granuleuse et une érythroblastose témoignant de l’érythropoïèse réactionnelle. L’histologie hépatique est souvent positive en cas de SAM. Elle montre une infiltration des sinusoïdes et des espaces portes par des histiocytes, et des cellules de Kupffer hypertrophiées avec hémophagocytose (15). Une infiltration des espaces portes par des lymphocytes T CD8 est également commune, de même qu’une nécrose hépatocytaire, non corrélée à l’élévation des transaminases. Enfin, il n’existe généralement pas d’atteinte des canaux biliaires. Il est important de noter que des images d’hémophagocytose peuvent se rencontrer en l’absence de SAM au cours de nombreuses hémopathies et après transfusions. Dans une série de 107 autopsies consécutives de patients décédés en réanimation en l’absence de SAM clinique, les auteurs retrouvent des images d’hémophagocytose dans 64 % des biopsies ostéomédullaires post-mortem, avec comme principaux facteurs associés les transfusions et l’existence d’un sepsis (16). L’histologie est donc indissociable de la clinique. ✓ Intérêt étiologique Dans le cas d’un malade chez qui un SAM est suspecté, les examens cytologiques et histologiques peuvent aider, en plus du diagnostic positif, à poser le diagnostic étiologique. Les colorations usuelles permettent de visualiser sur un myélogramme ou une cytologie ganglionnaire des agents infectieux (tuberculose, histoplasmose, cryptococcose, leishmaniose). La biopsie ostéomédullaire, mais aussi ganglionnaire, est souvent plus rentable que le myélogramme pour la recherche d’une cause néoplasique et doit être pratiquée chaque fois qu’un lymphome est suspecté. Elle peut aussi montrer des granulomes. La biopsie de toute lésion suspecte cutanée est systématique. Enfin, la biopsie hépatique permet souvent d’obtenir le diagnostic, mais elle est plus difficile à réaliser en raison des troubles de l’hémostase. Les critères diagnostiques et la pratique… En raison des difficultés pour établir le diagnostic de SAM (images d’hémophagocytose dans des situations cliniques sans fièvre ou sans cytopénie ou fièvre et cytopénies sans image, etc.), plusieurs auteurs ont proposé des critères diagnostiques (tableau II). Ces derniers étaient aussi nécessaires pour inclure les enfants atteints de SAM primaires dans des essais thérapeutiques et avoir des populations homogènes. Dans ces critères, l’image d’hémophagocytose est nécessaire, mais pas suffisante pour affirmer le diagnostic. Ces critères, ceux de l’Histiocyte Society comme ceux d’Imashuku (17, 18), ont été validés en pédiatrie mais pas chez l’adulte. De plus, selon ces critères, on ne peut parler de SAM que si l’image cytologique est présente. Or il existe des situations où le tableau clinico-biologique est évocateur mais où la cytologie reste négative. Ne pas traiter pour cette raison alors que le malade est dans un état critique serait déraisonnable. 96 Tableau II. Critères diagnostiques des SAM. Histiocyte Society 1991 (tous les critères sont exigés) [17] Critères cliniques · Fièvre > 7 jours avec pics > 38,5 °C · Splénomégalie Critères biologiques · Cytopénie sur deux ou trois lignées (Hb < 9 g/dl, PNN < 1 000/mm3, plaquettes < 100 000/mm3) non expliquée par une moelle pauvre ou hypoplasique · Hypertriglycéridémie (> 2 mmol/l) et/ou hypofibrinogénémie (< 1,5 g/l) Critères histologiques · Image d’hémophagocytose · Absence de signe de malignité Critères d’Imashuku (18) 1997 (tous les critères sont exigés) Critères cliniques · Fièvre > 7 jours avec pics > 38,5°C Critères biologiques · Cytopénie sur deux ou trois lignées (Hb < 9 g/dl, PNN < 1 000/mm3, plaquettes < 100 000/mm3) non expliquée par une moelle pauvre ou hypoplasique · Hyperferritinémie plasmatique (> 3N ou >1 000 ng/ml) · Augmentation des LDH (> 3N ou > 1 000 UI/l) Critères histologiques · Image d’hémophagocytose diagnostic étiologique L’existence d’une immunosuppression sous-jacente au SAM, acquise ou constitutionnelle, est un facteur important que l’on retrouve dans la plupart des séries. Les SAM primaires Quatre syndromes héréditaires d’activation macrophagique et lymphocytaire ont été décrits. Il s’agit de la lymphohistiocytose familiale, du syndrome de Chediak-Higashi, du syndrome de Griscelli et du syndrome de Purtilo. Tous ces syndromes ont en commun un défaut de cytotoxicité des lymphocytes T et/ou des cellules natural killer (NK) [19]. Ils se révèlent chez l’enfant ou l’adulte jeune souvent à l’occasion d’une infection intercurrente. L’évolution est fatale sans traitement. Les anomalies génétiques responsables du déficit immunitaire observé dans le SAM sont pour la plupart individualisées et permettent de mieux comprendre la physiopathologie des SAM. ✓ La lymphohistiocytose familiale Il s’agit de la pathologie la plus fréquente parmi les SAM primaires. Pathologie autosomique récessive, elle se révèle dans la petite enfance. La présentation clinique est celle d’un SAM, mais il faut noter la fréquence des atteintes du SNC (50 %), de mauvais pronostic. La base génétique de la lymphohistiocytose familiale est diverse, composée de mutations inactivatrices du gène codant pour la perforine, protéine clé de la cytotoxicité (40 % des cas), de mutations du gène Munc 13-4, impliqué dans la sécrétion des La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 3 - mai-juin 2007 lysosomes (20-30 %) et d’observations sans anomalie génétique retrouvée. C’est dans cette pathologie qu’ont été réalisés les seuls essais thérapeutiques conduits dans les SAM et qui ont montré l’importance de la chimiothérapie et des immunosuppresseurs pour contrôler le SAM. La guérison chez ces enfants ne peut être obtenue qu’avec une allogreffe de moelle. ✓ Le syndrome de Chediak-Higashi Ce syndrome, caractérisé par un SAM, un albinisme partiel cutané et oculaire et la présence de grandes granulations intracytoplasmiques, est dû à des mutations dans le gène LYST impliqué dans l’adressage des protéines intracellulaires. Les protéines impliquées dans la cytotoxicité s’accumulent dans les lysosomes, expliquant les granulations observées. ✓ Le syndrome de Griscelli Syndrome identique à celui de Chediak-Higashi sans granulations intracytoplasmiques, il est dû à une mutation dans le gène Rab27 impliqué dans l’exocytose des vésicules intracytoplasmiques. ✓ Le syndrome lymphoprolifératif lié à l’X ou syndrome de Purtilo C’est un déficit immunitaire rare, lié à l’X, caractérisé par une susceptibilité anormale à l’infection par le virus d’Epstein-Barr (EBV). Le mode de révélation est une mononucléose fulminante chez la moitié des enfants, fatale le plus souvent. Les autres modes de révélation sont une hypogammaglobulinémie ou une agammaglobulinémie, un lymphome malin non hodgkinien. Des vascularites ont également été rapportées. Le gène responsable de ce syndrome est connu : il s’agit du gène codant pour la protéine SAP SLAM-associated protein. Cette protéine est exprimée sur les lymphocytes T, B et NK. Elle permet la transduction d’un signal d’activation conduisant à une activité cytotoxique des lymphocytes T CD8 et NK et semble jouer un rôle clé dans la cytotoxicité anti-EBV. Les SAM secondaires Le SAM peut également être réactionnel. C’est toujours le cas chez l’adulte. Infections, néoplasies et maladies de système peuvent ainsi se compliquer de SAM. Les principales étiologies sont détaillées dans le tableau III. mise au point m ise au point ✓ Infections C’est en 1979 que Risdall et al. décrivaient 19 cas de lymphohistiocytose bénigne secondaire à une infection virale. Les germes impliqués dans la survenue de SAM sont listés dans le tableau III et leurs fréquences respectives dans les tableaux IV et V, respectivement chez l’adulte et l’enfant. Pratiquement toutes les infections virales, bactériennes, fongiques et parasitaires ont été associées à la survenue d’un SAM, mais il s’agit le plus souvent de cas isolés (20). Ces observations correspondent vraisemblablement aux formes “malignes” décrites pour chaque maladie infectieuse dans les anciens traités de médecine. Plusieurs agents infectieux peuvent être identifiés chez un même patient au même moment, cela d’autant plus que de nombreux malades sont immunodéprimés de façon chronique (greffé, infection par le VIH, chimiothérapie, traitement immunosuppresseur pour une maladie systémique). Néanmoins, imputer la survenue du SAM à une infection donnée n’est pas toujours aisé, car les infections peuvent compliquer une maladie elle-même responsable de SAM, telle que lymphome, lupus, etc. Ainsi, le SAM des lymphohistiocytoses familiales est souvent déclenché par une infection virale. D’autre part, l’immunodépression liée au SAM (neutropénie) favorise la survenue d’infections. Tableau III. Principales étiologies de SAM. Infections – Virales – Bactériennes · mycobactéries · autres – Fongiques – Parasitaires Néoplasies – Hémopathies – Cancers solides Maladies de système – SAM spécifique de la maladie – SAM dans le cadre de complications infectieuses Herpesviridae (EBV, CMV, HSV, VZV, HHV-6 et HHV-8), VIH, parvovirus B19, adénovirus, entérovirus, hépatite A, B, C, virus parainfluenzae, influenzae, oreillons, rubéole, dengue, hantavirus, virus amaril… Mycobacterium tuberculosis, mycobactéries atypiques Entérobactéries, Salmonella typhi, staphylocoques, streptocoques, Haemophilus influenzae, Pseudomonas, Legionella, rickettsioses, brucellose, borréliose, leptospirose, Coxiella burnetii, mycoplasme, Chlamydia, syphilis, Ehrlichia, Corynebacterium, Bartonella Candidose, Histoplasma capsulatum, cryptococcose, Aspergillus fumigatus, Penicillium marneffei Leishmaniose, Plasmodium, babésiose, Pneumocystis jiroveci, toxoplasmose Lymphome non hodgkinien T, NK, B ; maladie de Hodgkin, leucémie aiguë Lupus érythémateux aigu systémique, arthrite chronique juvénile, Still de l’adulte Polyarthrite rhumatoïde, connectivite mixte, syndrome de Gougerot-Sjögren, sarcoïdose, périartérite noueuse, Kawasaki Réaction d’hypersensibilité médicamenteuse La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 3 - mai-juin 2007 97 mise au point m ise au point Tableau IV. Fréquence des principaux germes responsables de SAM chez l’adulte dans la littérature. Albert (2) Wong (3) Tiab (4) Sailler (5) Kaito (6) Nombre de patients Risdall (1) Reiner (30) 19 23 45 40 23 99 34 23 52 26 384 Virus EBV CMV VZV HSV Autre virus 15 2 10 1 1 1 12 1 7 17 4 5 3 5 1 2 1 4 2 21 7 3 2 17 4 3 1 4 3 5 dont 3 VIH 12 4 5 2 1 3 1 2 9 dont 7 parvovirus B19 13 1 109 (56 %) 26 (13,5 %) 32 (16,5 %) 7 9 35 (18 %) 1 Total (%) Bactérie Mycobactérie Autre bactérie 7 0 7 7 0 7 10 0 10 5 5 19 2 17 0 0 5 2 3 11 1 10 64 (33 %) 10 (5 %) 54 (28 %) Parasite/ champignon 0/4 1/5 0/0 0/0 3/3 2/0 0/0 0/1 0/1 6/14 3 %/7 % Tableau V. Fréquence des principaux germes responsables de SAM chez l’enfant dans la littérature. Palazzi (9) Chen (10) Stephan (14) Total (%) Nombre de patients 19 18 24 61 Virus EBV CMV VZV HSV Autre virus 11 4 13 8 2 9 4 3 33 (79 %) 16 (38 %) 2 3 Bactérie Mycobactérie Autre bactérie Parasite/champignon 7 dont 4 adénovirus 3 2 12 0 5 0 5 1 0 1 6 (14%) 0 6 0/0 0/2 1/0 1/2 ✓ Virus Les virus aujourd’hui incriminés appartiennent essentiellement au groupe des Herpes virus, avec en premier lieu le virus d’Epstein-Barr (EBV), notamment en pédiatrie, et le cytomégalovirus (CMV), en particulier chez des patients immunodéprimés. Sur 142 infections virales documentées dans les 13 principales revues de la littérature, l’EBV et le CMV représentent respectivement 30 et 24 % des virus impliqués. Il faut noter les liens étroits entre EBV et SAM. En effet, la protéine virale LMP1 inhibe l’expression de la protéine SAP, protéine déficiente dans le syndrome de Purtilo, nécessaire pour contrôler l’infection par le virus EBV (21). De plus, dans les lymphomes EBV induits avec SAM, le virus EBV infecte des lymphocytes T et les active, ce qui explique la fréquence élevée de lymphomes T. Par ailleurs, on peut noter la fréquence des infections à Parvovirus B19 et à Adénovirus en pédiatrie. Le rôle du VIH sera développé ultérieurement. 98 Tsuda (7) Takahashi (8) Dhote (13) ✓ Bactéries Outre les virus, les infections bactériennes sévères peuvent se compliquer de SAM, souvent dans le contexte d’une défaillance multiviscérale. Tous les pyogènes ont été impliqués dans la survenue de SAM. Ces observations sont souvent faites en réanimation. Une étude prospective menée en réanimation a montré qu’une image d’hémophagocytose était présente chez 64 % des malades thrombopéniques en choc septique (22). Les SAM sont probablement sous-estimés en réanimation. De manière intéressante, la tuberculose est considérée comme une cause classique de SAM. Dans cette revue, parmi 235 infections listées, il n’y a que 10 cas d’infection à mycobactéries. Elle n’est donc pas une cause si fréquente de SAM, en dehors de l’infection par le VIH, où elle doit être impérativement recherchée. ✓ Champignons et parasites Les infections fongiques (histoplasmose) et parasitaires (paludisme, leishmaniose) peuvent également être associées à des SAM. ✓ Le cas de l’infection par le VIH Il faut tout d’abord noter que le VIH lui-même peut induire un SAM. La survenue de SAM au cours de la primo-infection et leur régression sous traitement antirétroviral semblent confirmer cette hypothèse. Néanmoins, le SAM se voit essentiellement à un stade d’immunodépression avancé (CD4 < 200/mm3) et est lié aux infections opportunistes et aux lymphomes. Chez 44 patients avec un taux de CD4 disponible lors du diagnostic de SAM, 33 avaient un taux de CD4 inférieur à 200/mm3. Le tableau VI récapitule les principales séries de SAM au cours de l’infection par le VIH (4, 5, 23). La mise en évidence de plusieurs agents infectieux chez un patient est fréquente dans cette situation : 65 étiologies sont rapportées chez 52 patients. Les infections à CMV et les mycobactéries prédominent avec les lymphomes. Il faut signaler le rôle du virus HHV-8, récemment bien mis en évidence (24), qui est à l’origine des SAM décrits dans les années 1990 au cours des maladies de Kaposi et de Castelman. Le SAM est, dans ce cas, récidivant et corrélé à la charge virale HHV-8. La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 3 - mai-juin 2007 Tableau VI. Étiologies des SAM chez 52 patients infectés par le VIH (4, 5, 23). Infection virale 14 EBV 1, HSV 1, adénovirus 1, VZV 2, CMV 4, HHV-8 5 Mycobactéries 8 Mycobacterium tuberculosis 3, Mycobacterium avium 4, Mycobacterium kansasii 1 Infection fongique 3 Cryptocoque 1, Candida 2 Infection parasitaire 5 Toxoplasmose 3, pneumocystose 1, leishmaniose 1 Lymphomes 11 11 Sarcome de Kaposi 9 9 Indéterminée (sauf VIH ?) 15 15 ✓ Néoplasies Le SAM peut également compliquer une néoplasie, en particulier une hémopathie, qui devra systématiquement être recherchée. Les hémopathies associées sont essentiellement les lymphomes non hodgkiniens (LNH), notamment les lymphomes T ou NK agressifs. Plus rarement, la maladie de Hodgkin, les LNH-B à grandes cellules et les cancers solides se compliquent de SAM. Dans le cas d’un cancer, ce dernier survient généralement à un stade avancé, souvent métastasé. La fréquence des lymphomes et la gravité des SAM qui sont associés à ces pathologies justifient une démarche diagnostique agressive devant un SAM sans étiologie claire avec la réalisation rapide d’une biopsie ostéomédullaire et/ou d’une biopsie ganglionnaire. Les lymphomes T peuvent être de diagnostic difficile, et il faudra parfois s’aider des techniques de biologie moléculaire (recherche de clonalité dans les tissus ou le sang). ✓ Maladies de système Le SAM peut survenir au cours de maladies auto-immunes (13, 14). Il a été décrit principalement au cours du lupus érythémateux disséminé, de l’arthrite chronique juvénile et de la maladie de Still de l’adulte. Un SAM inaugural peut être le mode de révélation d’un lupus érythémateux disséminé. Des SAM ont été décrits au cours de nombreuses autres maladies de système, mais généralement à l’occasion de complications infectieuses. ✓ Autres étiologies Quelques cas de SAM compliquant une réaction d’hypersensibilité grave ont été décrits (25), en particulier après la prise d’antiépileptiques ou d’antibiotiques. Les nutritions parentérales avec des solutés lipidiques ont aussi été impliquées en pédiatrie. Le diagnostic étiologique est parfois difficile et tient au fait que plusieurs pathologies potentiellement responsables de SAM peuvent être associées. Une hémopathie et les infections doivent être systématiquement recherchées. Les biopsies doivent être réalisées sans délai (ganglionnaire, osseuse) avant que les troubles de la coagulation n’apparaissent ; la recherche dans le sang des virus EBV et CMV sera systématique. La tuberculose sera La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 3 - mai-juin 2007 recherchée au moindre doute. La sérologie pour le VIH doit être systématique et la recherche d’anticorps antinucléaires complète le bilan d’un SAM inexpliqué. Par ailleurs, l’enquête sera orientée selon le contexte clinique : importance des adénovirus en situation de greffe de moelle, paludisme, leishmaniose et rickettsiose en cas de retour d’une zone tropicale. Enfin, il reste un certain nombre de cas (15 % à 20 %) dans lesquels aucune étiologie n’est retrouvée. mise au point m ise au point pHYsiopatHologie La physiopathologie du SAM n’est pas encore totalement élucidée. Après l’avoir initialement décrite comme une prolifération histiocytaire maligne, la majorité des auteurs s’accordent aujourd’hui à dire qu’il s’agit d’une anomalie initiale du lymphocyte T et/ou des cellules NK, l’activation macrophagique étant secondaire (11). Les premiers travaux ayant étudié la physiopathologie des SAM ont conclu à l’existence d’une “tempête cytokinique” sans pouvoir en définir le primum movens. En effet, les taux plasmatiques des cytokines pro-inflammatoires IL-1, IL-6, TNFα, de l’IFNγ du M-CSF et de l’IL-18 étaient élevés. Le rôle des lymphocytes est apparu secondairement. Outre l’IL-1 et l’IL-6, les cytokines dont le taux est augmenté au cours du SAM (IFNγ, TNFα) sont de type Th1, c’est-à-dire intervenant dans la réponse immunitaire T de type cellulaire et cytotoxique. Par ailleurs, les hémopathies lymphoïdes se compliquant de SAM sont essentiellement de type T. Dans les lymphome B non hodgkiniens, Tiab et al. (4) ont mis en évidence un infiltrat T qui pourrait participer au SAM. Le récent travail de Billiau et al. (15) est important car il montre que, pour des SAM de causes diverses, les anomalies de l’histologie hépatique sont constantes avec la présence de lymphocytes T CD8 cytotoxiques sécréteurs d’IFNγ associés à l’infiltrat histiocytaire au niveau du foie. Mais, surtout, deux éléments permettent d’affirmer le rôle initial déterminant des lymphocytes T CD8 : les SAM primaires (19), véritables modèles expérimentaux, qui ont tous en commun un défaut de cytotoxicité des lymphocytes T et/ou NK, et les rares modèles animaux. Dans la lymphohistiocytose familiale et les syndromes de Chediak-Higashi et Griscelli, il existe un déficit de la cytotoxicité (cf. supra), soit parce que la perforine est déficiente, soit parce que les voies d’adressage des granules cytotoxiques et des lysosomes à la membrane sont inactivées. Or les cytotoxicités T et NK sont impliquées dans l’élimination des cellules infectées par des virus et des cellules tumorales. De plus, il a été récemment montré que les lymphocytes T cytotoxiques éliminaient les cellules dendritiques présentatrices d’antigène (26), ce qui permet de limiter ou de terminer une réponse immune. Le modèle suivant peut être proposé : après un stimulus initial (infection virale, néoplasie…), les cellules T et/ou NK activées prolifèrent. Le déficit de cytotoxicité est responsable de la persistance du facteur déclenchant, d’une présentation des antigènes trop prolongée et de la persistance des lymphocytes T et des 99 mise au point m ise au point Figure 2. Image d’hémophagocytose : macrophage phagocytant un polynucléaire. cellules NK activés. Il en résulte un relargage massif de cytokines produites par les cellules T CD8 (IFNγ, TNFα) responsables de l’activation macrophagique et des manifestations cliniques et biologiques (fi gure 2). Les macrophages activés produisent à leur tour des cytokines pro-inflammatoires (IL-1, IL-6, TNF) qui pérennisent l’activation des lymphocytes T CD8. Un modèle murin d’infection par le LCMV reproduit un SAM. De manière intéressante, en réalisant des expériences de souris déficientes pour différents acteurs du système immunitaire, les deux seuls éléments indispensables pour que le SAM apparaisse sont la présence de lymphocytes T CD8 et la production d’IFNγ. Un déficit immunitaire sous-jacent est fréquemment rencontré, qu’il soit congénital (SAM familiaux) ou acquis (traitements immunosuppresseurs, infection par le VIH). Ce déficit immunitaire favorise la survenue d’un SAM, en limitant l’élimination d’antigènes (agents pathogènes, cellules tumorales, etc.) aboutissant à une activation chronique délétère de lymphocytes T CD8 et/ou de macrophages, dont l’efficacité est réduite du fait du déficit immunitaire. tRaitement Il n’existe actuellement aucune étude randomisée dans le traitement du SAM chez l’adulte. Outre le traitement symptomatique (transfusions, réanimation), les thérapeutiques décrites dans la littérature visent, d’une part, à diminuer l’activation du système immunitaire (immunosuppresseurs contre l’activation lymphocytaire et chimiothérapies à visée antimacrophagique) et, d’autre part, à traiter l’étiologie sous-jacente qui pérennise l’activation (infection, hémopathie, dysimmunité, déficit immunitaire). ✓ Traitements possibles Les traitements immunosuppresseurs utilisés sont les corticoïdes à fortes doses (prednisone à 1 mg/kg/j voire bolus de 100 méthylprednisolone) et la ciclosporine, utilisée en particulier en pédiatrie. Les corticoïdes sont rapidement efficaces, mais leur utilisation peut être délétère en cas de SAM infectieux (tuberculose). Ils peuvent entraîner une hypothermie profonde, parfois mal tolérée. Le sérum antilymphocytaire a été utilisé dans les SAM familiaux. Récemment, les anti-TNF ont été utilisés dans les SAM compliquant une arthrite chronique juvénile. Leur place reste à déterminer, d’autant qu’un cas de SAM sous étanercept a été décrit (27) et que la tuberculose, complication des traitements par anti-TNF, est une des étiologies du SAM. Il faut souligner l’intérêt du rituximab (anticorps monoclonal anti-CD20) dans les SAM EBV-induits, en particulier dans les lymphoproliférations post-transplantation (28). Les travaux pédiatriques ont montré que les polychimiothérapies ne semblent pas plus efficaces que l’étoposide seul, et comportent davantage de risques. L’étoposide (VP16) à la dose de 150-200 mg/m2 est efficace très rapidement et est bien toléré (29). Il ne doit pas être utilisé au long cours en raison du risque leucémogène à long terme. Corticoïdes, ciclosporine et surtout étoposide (11) semblent être à l’heure actuelle les plus efficaces, avec un recul supérieur à 10 ans pour contrôler un SAM grave. La place des immunoglobulines intraveineuses (Ig i.v.) à la dose de 1 g/kg/j pendant 2 jours est discutée, en particulier dans les SAM compliquant une infection virale ou dans des situations de SAM “de réanimation” avec des thrombopénies réfractaires. Leur efficacité n’est que transitoire, et elles sont inefficaces en cas de lymphome ou de maladie auto-immune grave. Concernant les SAM primaires familiaux, les traitements immunosuppresseurs et les chimiothérapies n’ont souvent qu’un effet suspensif. La greffe de moelle osseuse reste à l’heure actuelle le seul traitement curatif de ces formes primaires. ✓ Indications Le traitement du SAM d’origine infectieuse repose essentiellement sur le traitement de l’infection elle-même, qui doit être commencé sans délai. Un traitement immunosuppresseur (Ig i.v. ± corticoïdes) peut être associé si l’intensité du syndrome le justifie. Quant aux SAM survenant au cours de maladies de système, la plupart des auteurs majorent l’immunosuppression si le SAM survient au cours d’une poussée de la maladie. À l’inverse, si le SAM complique une infection intercurrente, le traitement immunosuppresseur est diminué et associé à un traitement antiinfectieux. Il en va de même au décours des transplantations d’organe, en particulier la transplantation rénale. Le traitement des SAM associé à une hémopathie repose avant tout sur le traitement de celle-ci, bien que corticoïdes et étoposide puissent permettre de contrôler le SAM en attendant un traitement spécifique. Une antibiothérapie à large spectre est associée en cas de neutropénie fébrile. Dans les cas où aucune étiologie n’est retrouvée, un traitement antituberculeux peut être associé à une antibiothérapie à large spectre. Le choix du traitement immunosuppresseur est discuté entre Ig i.v., corticoïdes et étoposide. Ce dernier doit être préféré dans les SAM sévères ou s’il existe une suspicion de tuberculose ou de lymphome car le risque infectieux d’une corticothérapie La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 3 - mai-juin 2007 mise au point m ise au point à forte dose en cas de tuberculose est plus important que celui lié à une ou deux doses d’étoposide, qui ne seront pas ou peu aplasiantes. De plus, les corticoïdes compliquent la lecture d’une biopsie de lymphome. éVolution et pRonostic Le pronostic du SAM reste sévère avec environ 50 % de mortalité. Il dépend essentiellement du délai de prise en charge et de la pathologie sous-jacente (8). Les SAM compliquant une infection, excepté par l’EBV, sont souvent de meilleur pronostic que ceux survenant au cours d’une hémopathie, où le taux de mortalité peut atteindre 80 %. L’existence d’une immunosuppression sousjacente est un facteur de mauvais pronostic. Biologiquement, l’existence de cytopénies profondes, en particulier d’une thrombopénie sévère, et d’une CIVD est associée à une mortalité plus élevée (6). Les autres facteurs pronostiques retrouvés (6) dans la littérature sont une ferritinémie supérieure à 500 µg/l, une cholestase, des taux élevés de TNFα, d’IFNγ. Les insuffisances hépato-cellulaire et rénale, témoins d’une défaillance multiviscérale, sont sans doute un facteur péjoratif. L’évolution est très variable. Les signes cliniques et biologiques s’amendent en quelques jours à plusieurs semaines, parfois en l’absence de toute thérapeutique. Il peut persister des images d’hémophagocytose à distance, alors que le patient est asymptomatique. Les récidives sont classiques dans les SAM primaires. En revanche, elles sont rares dans les SAM réactionnels. conclusion Le SAM doit être évoqué devant toute fièvre avec cytopénie. L’association hypertriglycéridémie-hyperferritinémie est fortement évocatrice. La cytologie, voire l’histologie, permettent de confirmer le diagnostic en montrant une infiltration histiocytaire avec des images d’hémophagocytose. Ces images peuvent cependant manquer ; c’est alors la clinique qui prime et fait évoquer le diagnostic. Le SAM reste un syndrome grave, qu’il faut savoir détecter et traiter sans délai, parfois même avant d’avoir le diagnostic étiologique. ■ RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Risdall RJ, McKenna RW, Nesbit ME et al. Virus-associated hemophagocytic syndrome: a benign histiocytic proliferation distinct from malignant histiocytosis. Cancer 1979;44:993-1002. 2. Albert A, Azgui Z, Buisine J et al. Macrophage activation syndromes. Nouv Rev Fr Hematol 1992;34:435-41. 3. Wong KF, Chan JK. Reactive hemophagocytic syndrome – a clinicopathologic study of 40 patients in an Oriental population. Am J Med 1992;93:177-80. 4. Tiab M, Mechinaud F, Hamidou M, Gaillard F, Raffi F, Harousseau JL. Hemophagocytic syndromes. A series of 23 cases. 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