Fiche technique L’ n° 70 Quelle est la place de l’orthophonie

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Fiche technique
n° 70
Quelle est la place de l’orthophonie
dans la sclérose latérale
amyotrophique ?
Nathalie Lévêque
(Orthophoniste, Fédération des maladies du système
nerveux, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris)
Quelle est la place de l’orthophonie
dans la sclérose latérale amyotrophique ?
L’
atteinte bulbaire est habituelle dans la sclérose latérale
amyotrophique (SLA) et entraîne une perte progressive des fonctions de la parole, de la phonation et de
la déglutition. La prise en charge orthophonique est indiquée
pour entretenir ces fonctions le mieux possible et apporter des
solutions alternatives pour pallier la perte totale de la communication orale.
Fiche à détacher et à archiver
Les signes bulbaires sont révélateurs de la maladie dans 20 à
30 % des cas.
Quels sont les signes révélant une atteinte bulbaire ?
Dysarthrie
Elle est dite mixte : “flasque” et/ou “spastique” en fonction de
la prédominance de l’atteinte périphérique ou centrale. Elle se
caractérise par :
✓ un ralentissement du débit de la parole ;
✓ des imprécisions au niveau des consonnes par défaut des
appuis de la langue, donnant parfois l’impression d’une parole
dite “ébrieuse” ;
✓ une rhinolalie ouverte (ou nasonnement) par défaut de
fermeture du sphincter vélopharyngé.
Les mouvements des articulateurs (lèvres, mâchoire, langue,
voile du palais) sont réalisés avec lenteur, et l’amplitude de ces
mouvements est plus réduite. Des signes d’atteinte périphérique au niveau lingual peuvent être présents (fasciculations
et amyotrophie des bords latéraux), de même qu’un trismus
de la mandibule en cas d’atteinte centrale. Des fuites salivaires
au niveau des commissures labiales sont souvent notées, de
même qu’une mycose linguale.
Dysphonie
On peut noter une modification des paramètres acoustiques
de la voix :
✓ réduction de l’intensité vocale (l’hypophonie pouvant également être la cause d’une atteinte diaphragmatique en dehors
de toute atteinte bulbaire) ;
✓ aggravation de la fréquence de la voix, avec des difficultés
pour moduler les intonations et pour chanter si le patient chantait avant ;
La Lettre du Neurologue - vol. XI - n° 5 - mai 2007
Fiche technique
Sous la responsabilité de leurs auteurs
✓ modification du timbre de la voix (c’est-à-dire de sa “couleur”),
qui peut devenir rauque, voilé, nasonné, éraillé, etc.
Dysphagie
Les troubles de la déglutition peuvent être de différents
ordres :
✓ difficultés de mastication ;
✓ difficultés pour tourner les aliments dans la bouche ;
✓ stases buccales alimentaires ;
✓ effort pour propulser les aliments ;
✓ déglutition bruyante ;
✓ stases pharyngées avec sensation de blocage des aliments
dans l’arrière-gorge ;
✓ fausses routes : elles peuvent être primaires (apparaissant avant le déclenchement de la déglutition), synchrones
(survenant au moment où les aliments descendent dans
le larynx) et/ou secondaires (survenant après le repas, par
débordement).
Quels sont les objectifs de la prise en charge ?
Le terme de rééducation n’est pas le plus approprié, puisque
nous ne pourrons pas restaurer une parole, une voix et une
déglutition normales. Il s’agit d’un accompagnement qui va
s’adapter à l’évolution de la maladie en donnant des stratégies
facilitatrices puis palliatives, depuis la légère distorsion de la
parole et une déglutition inconfortable jusqu’à la perte totale
de la parole et la gastrostomie. Le bénéfice de la prise en charge
orthophonique est maintenant largement reconnu, même en
l’absence d’étude contrôlée. L’inéluctabilité de l’évolution ne doit
pas remettre en cause l’utilité de la prise en charge, de surcroît
réel soutien psychologique, qui portera plus à terme sur des
éléments de relaxation que de travail actif.
La prise en charge a pour but :
✓ De maintenir les fonctions oro-pharyngo-laryngées le
mieux et le plus longtemps possible : exercices de motricité
bucco-linguo-faciale, travail de l’articulation et de la parole en
donnant des informations phonétiques et en se concentrant
sur le mode et le lieu articulatoires de chaque phonème ainsi
que sur les moyens de compensation envisageables, travail des
différents paramètres de la voix à l’aide des exercices vocaux
I
Fiche technique
n° 70
Quelle est la place de l’orthophonie
dans la sclérose latérale
amyotrophique ?
Fiche technique
Sous la responsabilité de leurs auteurs
traditionnels utilisés pour la rééducation des dysphonies, travail
de respiration, vérification et conseils de déglutition (adaptation
des postures de la tête et des textures), prise de conscience
des étapes de la toux, relaxation et conseils d’économie. Les
séances d’orthophonie ne doivent en aucun cas fatiguer le
patient.
✓ D’introduire les outils de communication alternative.
Outils de communication alternative
Avant la perte totale de la communication orale, le rôle de
l’orthophoniste sera d’anticiper les différentes possibilités de
communication alternative avec le patient.
Si celui-ci a encore l’usage de ses mains, l’écrit sera utilisé spontanément. Certains patients dont la mobilité des doigts se réduit
utilisent la fonction SMS de leur téléphone portable pour communiquer avec leurs proches. Certains utilisent également leur
PDA comme outil de communication. Les synthèses vocales
permettent de communiquer avec l’entourage à distance ou à
proximité (chez les commerçants, au téléphone, avec les petitsenfants qui ne savent pas encore lire, en cas de fatigabilité à
l’écriture, etc.). L’ordinateur (complété ou non d’un logiciel de
synthèse vocale) est un outil de plus en plus utilisé.
II
En pratique
Devant l’apparition des signes bulbaires, il est souhaitable de
débuter une prise en charge orthophonique. Elle doit être la
plus précoce et la plus régulière possible. On préconise deux
séances hebdomadaires, à domicile si la mobilité du patient ne
lui permet plus de se déplacer au cabinet de l’orthophoniste ou
s’il est trop fatigable. La durée des séances varie en fonction de
la fatigabilité du patient.
L’intitulé de la prescription est le suivant : “Bilan orthophonique
et rééducation si nécessaire à domicile”.
■
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Fiche à détacher et à archiver
La perte totale de la communication orale et écrite est très anxiogène. L’abolition de toute communication empêche le patient
de verbaliser de simples besoins quotidiens, d’extérioriser son
angoisse par rapport à la maladie et à la mort, et le prive de
son pouvoir de décision. L’entourage peut avoir tendance à
interpréter ce que son proche a voulu dire, ce qui entraîne des
malentendus et un repli du patient sur lui-même. L’orthophoniste a le souci de préserver une communication, même la plus
réduite, jusqu’à la fin de vie.
Si le patient n’a plus l’usage de ses mains, on pourra proposer
le tableau de communication E-Tran, qui permet d’utiliser la
mobilité des yeux, préservée dans cette maladie, pour communiquer (épellation visuelle de mots-clés quand la situation est
bloquée). Les alphabets sur papier peuvent être utilisés par
défilement à l’aide d’un code “oui/non“ instauré entre le patient
et son entourage. Certaines synthèses vocales sont évolutives,
c’est-à-dire qu’elles peuvent être utilisées avec un contacteur
musculaire par défilement. Enfin l’ordinateur, complété de logiciels de clavier visuel, de prédiction de mots et d’une synthèse
vocale, est l’outil le plus complet. Le patient, par le biais d’un
contacteur musculaire relié à l’ordinateur, pourra ainsi avoir
accès à toutes les fonctions de l’ordinateur (traitement de texte,
Internet, e-mail, etc.), en plus de sa fonction de synthèse vocale.
Certaines synthèses vocales, le tableau de communication et des
logiciels de communication peuvent être prêtés par l’Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique
(ARS) ou achetés chez certains revendeurs médicaux. Il existe
de nombreuses possibilités d’adaptation des outils de communication ; c’est pourquoi une collaboration entre l’orthophoniste
et un ergothérapeute peut être nécessaire.
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