5
Le Courrier de l’algologie (3), no3, juillet/août/septembre 2004
Mise au point
✓la douleur est intense et non suffi-
samment calmée par les traitements
étiologiques ;
✓les traitements antalgiques symp-
tomatiques “usuels” (autres que les
opioïdes forts) sont inefficaces alors
qu’ils ont été correctement prescrits
et évalués ;
✓les éléments du contexte psycho-
l ogique pers o n n e l , fa m i l i a l , et socio-
p r o fe s s i o n n e l , ayant éve n t u e l l e m e n t
favorisé la persistance au long cours
de la douleur,ont été évalués :
–ce bilan peut, si possible,être réa-
lisé dans une structure pluridiscipli-
n a i re d’éva l u ation et de tra i t e m e n t
de la douleur ;
–cette évaluation est indispensable
en cas d’antécédents d’abu s , d e
dépendance, de toxicomanie, ou de
troubles graves de la personnalité ;
–l o r s de situations complexe s , e n
particulier avec retentissement psy-
chosocial import a n t , il peut être utile
de recourir à un avis spécialisé psy-
chiatrique et/ou psychologique.
Le traitement opioïde doit être intégr é
dans une prise en ch a rge globale, fa i-
sant appel à d’autres tra i t e m e n t s
médicamenteux et à des tra i t e m e n t s
non médicamenteux (psych o t h é rap i e,
t raitement physique et réadap t at i f ) .
Contrat d’objectifs et de moyens
Le traitement ne sera instauré qu’à la
suite d’une information donnée par
le médecin et acceptée par le patient
c o n c e r nant les objectifs thérap e u -
t i q u e s , les conditions et modalités de
p re s c ri p t i o n , de suivi et d’arrêt éve n -
tuel du traitement. Cette démarch e
impose à chacun un code de conduite
permettant une utilisation maîtrisée
du médicament.
Avant le traitement, il est nécessaire
d ’ exp liquer au patient le choix du
traitement opioïde fort dans le cadre
d’une prise en charge globale,et la
nécessité d’y recourir pour tenter de
soulager la douleur.
Le patient devra être informé des
éléments suivants :
✓si le traitement ne permet peut-
être pas de supprimer toute douleur,
il doit ap p o rter un soulage m e n t
s i g n i fi c a tif afin de perm e t t r e une
a m é l i o rat ion fonctionnelle et de la
qualité de vie,une reprise des acti-
vités familiales, sociales ou profes-
sionnelles ;
✓un seul médecin doit centra l i s e r
et coordonner la pre s c ription et il est
souhaitable que le patient s’adresse
au même pharmacien. Des éléments
re l a tifs à la réglementation en vi-
gueur peuvent être commu n i q u é s
(par exemple : les règles de pre s-
c r iption et de déliv rance part i c u -
lières) ;
✓les doses et les horaires de prise
prescrits doivent être respectés ;
✓la posologie et la durée du traite-
ment doivent être adaptées en fonc-
tion de l’évolution de la douleur, de
la survenue d’effets indésirables ou
de pro blèmes connexes à la pre s-
cription apparus au cours du traite-
ment ;
✓il existe un risque de dépen-
d a n c e : une dépendance phy s i q u e
conduit à un risque de syndrome de
s e v rag e en cas d’interruption tro p
rapide du traitement ; elle doit être
différenciée de la notion de dépen-
dance psychique (addiction) pou-
vant survenir chez tous les patients,
mais part i c u l i è r ement chez des
sujets prédisposés ;
✓les modalités de surveillance doive n t
être explicitées : en particulier, une
augmentation anormalement rapide
de la posologie peut tra d u i r e une
t o l é rance ou une conduite add i c t ive ;
✓le traitement doit être interrompu
et une rééva l u ation doit être effe c-
tuée en cas :
– d’absence d’efficacité ;
–d’épuisement de l’effet en dehors
d’une aggravation de la pat h o l ogi e
s o m a tique re s p o n s able de l’état
algique ;
–d ’ e ffe ts indésirables import a n t s
et/ou non contrôlés par les médica-
ments appropriés ;
– de surve nue d’un comport e m e n t
incompatible avec une prescription
au long cours (non-observance du
p r ogramme thérapeutique global
p ro p o s é , m é s u s a ge itérat i f ,d é ve l o p-
pement d’une dépendance psy-
chique).
I n i t i a t i o n
et suivi du traitement
Choix de la forme galénique
Le choix de la fo rme galénique est
d é t e r miné par le rythme ny c t h é m é ra l
de la douleur, ses éventuels fa c t e u rs
d é c l e n ch a n t s , ou par l’existence d’ac-
cès douloureux interc u rrents. Ainsi :
– une douleur quotidienne intense et
permanente conduit à recommander
une fo rme à libération pro l o n g é e
(LP) ;
– des douleurs intenses mais inter-
mittentes peuvent justifier le re c o u rs
à une forme à libération immédiate
(LI).
Dans le cadre de douleurs ch ro n i q u e s
non cancére u s e s , l ’ a d m i n i s t rati on en
a m bu l a t o i r e par les voies pare n t é-
rales est à pro s c ri re sauf si le re c o u rs
à la voie orale s’avère impossible.
Initiation du traitement
Il est recommandé de débuter avec
une posologie fa i bl e. Chez l’adulte,
la dose recommandée est de l’ordre
de 10 à 30 mg de morphine ora l e
L P, 1 à 2 fois par jour, en tenant
compte des hora i res diurnes ou noc-
turnes de la douleur,du terrain (par
exemple : sensibilité part i c u l i è re des
sujets âgés), et d’éventuelles pat h o-
l ogies en cours (insuffisances hépa-
tique, rénale, respiratoire) ou asso-
ciations médicamenteuses. Chez le
sujet très âgé, il convient de débu t e r
le traitement avec une posologi e
encore plus faible, de l’ordre de 2,5
à 5 mg de morphine orale LI, 4 à
6fois par jour.
La recherche de la posologie avec le
meilleur rap p o rt bénéfi c e / e ffets indé-
s i r ables s’effectue au cours de la
titration par une augmentation pro-
gre s s ive de la posologie antéri e u re
représentant au maximum le tiers de
la dose journalière précédente.
Les modifi c ations des doses et la cor-
rection d’éventuels effets indési-
rables justifient au minimum un suiv i
hebdomadaire au cours du premier
mois de traitement.