toutes les amplitudes, donnant le classique schéma capsulaire
90/0/main-fesse. Enfin, Neer (5) a insisté sur la limitation spéci-
fique de la rotation externe, du fait de la rétraction particulière du
ligament coraco-huméral.
La raideur postopératoire est un modèle expérimental inversé de
la raideur en train de se mettre en place dans une épaule. L’analyse
biomécanique de la raideur peut se faire à partir de trois stades :
les 90 degrés du schéma capsulaire, les 120 degrés de la raideur
sévère, les 150 degrés de la raideur résiduelle. À 90 degrés, la rai-
deur correspond à la rétraction du récessus capsulaire inférieur.
À 120 degrés, elle correspond à la rétraction du ligament coraco-
huméral. À 150 degrés, elle correspond au défaut de glissement
sous-acromial.
La raideur admet un traitement médical local pouvant agir sur la
bursite et la capsulite : c’est le bloc du nerf sus-scapulaire. Le nerf
sus-scapulaire innerve sur le plan sensitif l’espace sous-acromial
et la capsule gléno-humérale. Présenté dans la littérature depuis
1951 (6),le bloc du nerf sus-scapulaire a vu son efficacité sur les
douleurs de l’épaule gelée démontrée par Wassef, en 1992 (7).
Personnellement, depuis 1988, j’injecte sous contrôle scopique,
par voie transacromio-claviculaire, un dérivé cortisoné (2 ml), un
produit de contraste (3 ml) et les 10 ml de lidocaïne du test de Neer :
c’est un test de Neer à visée thérapeutique.
EXPÉRIENCE DE LA RAIDEUR
PRÉ- ET POSTOPÉRATOIRE
La raideur de l’épaule intervient tout autant que la rupture de la coiffe
des rotateurs dans le dysfonctionnement de l’épaule. En 2001 (8),
nous avons montré qu’en prenant en compte la raideur de l’épaule,
on peut obtenir des résultats satisfaisants, sans réparer la coiffe. Sur
49 patients porteurs d’une rupture de coiffe et s’étant enraidis (éléva-
tion antérieure moyenne à 116 degrés), tous étaient assouplis en quatre
mois et 76 % n’avaient pas été opérés avec un résultat fonctionnel
jugé satisfaisant après plus de deux ans de recul. La conclusion est
qu’il faut assouplir une épaule raide avant de rediscuter de la néces-
sité de la chirurgie, qui n’est le plus souvent pas nécessaire.
Une raideur postopératoire inhabituelle renvoie souvent à une
raideur préopératoire négligée. Négliger une raideur de l’épaule
est malheureusement habituel lorsqu’il existe une rupture de coiffe
confirmée par l’imagerie ; l’évidence de la rupture l’emporte sur
l’évidence de la raideur de l’épaule et conduit souvent à enchaîner
trop vite la consultation et l’intervention. La conclusion de notre
expérience est simple à définir : il faut s’acharner à expliquer au
patient l’inconvénient qu’il y a à être opéré avec une raideur de
l’épaule. Il convient également de le persuader de se plier aux
contraintes de l’assouplissement de son épaule raide, et de ne pas
forcément être opéré à terme.
RÉÉDUCATION :
RÉCUPÉRER L’ÉLÉVATION FONCTIONNELLE
Pour la rééducation, nous avons repris une règle de Neer (9) :
autorééducation simple, quelques minutes quelques fois par jour.
De 1985 à 1995, nous avions gardé une certaine complexité dans
la façon de faire (10). Depuis 1995, nous avons mis en place la
récupération de l’élévation, coudes fléchis au départ, mains entre-
croisées allant au-dessus de la tête puis au zénith, coudes tendus à
l’arrivée. Comme Hughes et Neer (11),nous pensons que ce que
le patient peut faire ne doit pas être fait par le kinésithérapeute et
pour nous, la manipulation kinésithérapique à visée mobilisatrice
est proscrite.
Le travail en élévation fonctionnelle est important. Gagey (12) a
montré en effet que la flexion et l’abduction ne permettent pas une
élévation complète à cause, respectivement, de la mise en tension
des ligaments coraco-huméral et gléno-huméral inférieur. L’éléva-
tion la plus complète et la plus facile est obtenue dans le plan de
l’omoplate, car les ligaments gléno-huméral inférieur et coraco-
huméral, en tension réciproque équilibrée, se déplient complète-
ment. En même temps, le massif trochitérien, évitant l’écueil acro-
mial (en abduction) et l’écueil coracoïdien (en flexion), s’engage
sans conflit sous le ligament acromio-coracoïdien. C’est ce qui se
passe lors de l’étirement mains entrecroisées au-dessus de la tête,
puis au zénith.
S’ÉTIRER AU ZÉNITH EST FONDAMENTAL
EN POSTOPÉRATOIRE
S’étirer au zénith optimise le remodelage collagénique : la cicatri-
sation concerne l’appareil capsulo-ligamentaire et la bourse sous-
acromiale, qui cicatrisent de part et d’autre du tendon. L’étirement
mains jointes en élévation, au gré du patient, crée des contraintes
progressives en traction, qui respectent la réinsertion transosseuse,
redonnent sa longueur à l’appareil capsulo-ligamentaire, et son rôle
de glissement à la bourse sous-acromiale. En postopératoire, la pro-
gression en élévation correspond, en même temps, à la remise en
route en étirement progressif de tous les muscles de la ceinture
scapulaire.
S’étirer au zénith est une modalité optimale de réveil et de travail
musculaire :s’étirer met en jeu 108 muscles pour les membres supé-
rieurs (13). Les étirements personnels, mains jointes, réveillent les
muscles ; les activités de la vie quotidienne, reprises progressive-
ment, les renforcent. Nous prévenons le patient que ses muscles vont
se réveiller plus vite et plus fort que ne vont cicatriser ses tendons,
car le métabolisme des cellules musculaires est beaucoup plus actif
que le métabolisme des fibres de collagène. Nous interdisons donc
tout exercice kinésithérapique complémentaire à visée musculaire
(travail actif et travail contre résistance), et nous invitons le patient
à être très prudent dans la reprise de ses activités.
PEUT-ON APPLIQUER CETTE RÉÉDUCATION
À L’ÉPAULE PRÉOPÉRATOIRE ?
Il est facile, en consultation, de proposer à un futur opéré de s’éti-
rer mains jointes au zénith ; il suffit de quelques secondes pour
le lui montrer et pour voir s’il est capable de le faire. Si cela paraît
difficile, voire impossible, comment imaginer que les désordres
articulaires qui l’empêchent de s’étirer ne vont pas se retrouver
aggravés en postopératoire, avec un patient qui ne pourra ni ne devra
plus forcer pour s’étirer et vaincre la raideur ?
NOUVEAUX CONCEPTS KINÉSITHÉRAPIQUES
La Lettre du Rhumatologue - n° 316 - novembre 2005
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