
D o ssi e r th m ati q u e
cale de l’entérocèle expose le prolap-
sus rectal opéré à un risque élevé de
récidive.
Anomalies de la physiologie anorectale
Le prolapsus du rectum s’accom-
pagne le plus souvent d’un anus court
ayant une hypotonie de repos et une
contraction volontaire insuffisante en
amplitude et en durée. Cette hypoto-
nie de repos est plus marquée en cas
de prolapsus extériorisé qu’en cas de
prolapsus interne. Il existe souvent
une corrélation inverse entre la pres-
sion de repos du canal anal et le score
d’incontinence. Cette hypotonie peut
être secondaire à une neuropathie
d’étirement du fait de la descente
périnéale excessive observée, mais
cette condition n’est pas suffisante
puisqu’elle n’est observée que dans
un quart des cas environ. Il est pos-
sible qu’il existe des lésions anato-
miques du sphincter anal interne soumis
aux contraintes mécaniques du pro-
lapsus : l’aspect endosonographique fin
et irrégulier du sphincter anal interne
le suggère. L’hypothèse la plus vrai-
semblable est néanmoins celle d’une
inhibition fonctionnelle de l’activité
mécanique et électrique du sphincter
anal interne. Il a effectivement pu être
montré que le réflexe rectoanal inhi-
biteur était absent dans 52 à 73 % des
cas de prolapsus rectaux extériorisés
(4, 5)
. Cette constatation manomé-
trique pourrait être le reflet d’une inhi-
bition permanente de l’activité méca-
nique et électrique du sphincter anal
interne. Elle résulterait soit de la stimu-
lation rectale basse produite par la paroi
rectale invaginée (réflexe rectoanal
inhibiteur permanent), soit d’une acti-
vité phasique rectale accrue
(4).
De façon un peu contradictoire, il
existe un important hiatus entre la
prévalence élevée des symptômes de
constipation et l’absence habituelle
de trouble objectif des données fonc-
tionnelles chez les patients ayant un
syndrome du prolapsus rectal. Si deux
tiers des patients se plaignent d’une
constipation au sens le plus large du
terme, il n’existe pas de diminution de
la fréquence hebdomadaire des selles
(questionnaire standardisé) ou de signe
objectif de ralentissement du transit
colique (marqueurs radio-opaques)
dans 60 à 91 % des cas
(2)
. Par ailleurs,
il n’existe habituellement pas de trouble
objectif de l’évacuation rectale quand
celle-ci est évaluée par un test d’expul-
sion. Ce test est normal plus de neuf
fois sur dix avant le geste opératoire
(3)
. De plus, chez les patients se plai-
gnant de dyschésie, la présence d’un
prolapsus rectal interne
(6)
ou de haut
grade s’accompagne dans plus de
80 % des cas d’une évacuation rectale
normale.
Ainsi, les symptômes de constipation
rapportés chez les patients souffrant
d’un prolapsus rectal procèdent plus
d’une sensation liée à l’invagination
intrarectale (présentations à la selle
répétées et infructueuses), que d’une
constipation vraie.
Améliorations fonctionnelles induites
par le traitement du prolapsus
L’évaluation des traitements du pro-
lapsus rectal apporte en matière de
compréhension pathogénique des élé-
ments importants.
●La correction chirurgicale du pro-
lapsus rectal améliore les symptômes
d’incontinence dans 27 à 88 % des
cas. Cette amélioration survient, quel
que soit le type de chirurgie, à condi-
tion qu’elle corrige le prolapsus rectal
sur le plan anatomique... Y compris
par proctectomie ! Plus encore, l’amé-
lioration des symptômes d’inconti-
nence survient alors même qu’aucun
geste chirurgical n’a été effectué au
niveau du canal anal et que les perfor-
mances anales manométriques ne se
sont pas modifiées
(5, 7, 8)
. Ce constat
incite à évoquer la responsabilité
directe du prolapsus rectal dans la
genèse des symptômes d’incontinence,
y compris en cas de prolapsus interne.
Cela suggère enfin que les anomalies
manométriques ou électromyogra-
phiques constatées au niveau du sphinc-
ter anal ne sont pas les seules respon-
sables du symptôme d’incontinence.
Ces dernières interviendraient comme
éléments associés du pronostic fonc-
tionnel
(2, 8).
●Le traitement chirurgical isolé du
prolapsus rectal peut induire ou aggra-
ver une constipation préexistante. Ces
symptômes apparaissent préférentiel-
lement après rectopexie par voie abdo-
minale. La prévalence de la constipa-
tion postopératoire et l’incidence d’une
constipation
de novo
postopératoire
surviennent respectivement dans 31 à
88 % et 17 à 43 % des cas. Ces symp-
tômes peuvent être liés à deux types
d’anomalies fonctionnelles, soit un
trouble de l’évacuation rectale, soit
un trouble de la motricité colique.
Certains auteurs suggèrent, en effet,
que la qualité de l’évacuation rectale
postopératoire jugée par des tests objec-
tifs (expulsion barytée) est insuffi-
sante dans plus de la moitié des cas
(3,
9)
: elle est caractérisée par un allon-
gement de la durée de l’évacuation
rectale
(3)
et par une rétention plus
marquée du produit de contraste par
rapport aux données préopératoires.
Ce trouble de l’évacuation pourrait
être lié à des lésions iatrogènes de
l’innervation rectale induites par le
geste chirurgical
(3)
et expliquer éga-
lement l’incidence accrue des anoma-
lies neurophysiologiques associées
(électrosensibilité du canal anal et du
rectum, sensibilité subjective rectale à
la distension)
(2, 3)
. La section des
ailerons latéraux du rectum au cours
de la dissection par voie abdominale
pourrait être responsable de cette hypo-
kinésie rectale et des troubles fonc-
tionnels qui y sont associés
(10)
. Ces
anomalies sont néanmoins très incons-
tantes chez les patients ayant une
Le Courrier de colo-proctologie (IV) - n° 4 - oct.-nov.-déc. 2003
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