Incidence du cancer du sein chez les manipulatrices en radiologie aux États-Unis Doody MM, Freedman DM, Alexander BH et al. Breast cancer incidence in US radiologic technologists. Cancer 2006;106(12):2707-15. de 95 %) ajusté ou non c’est-à-dire intégrant ou pas des facteurs de risque majeurs du cancer du sein (âge, antécédents familiaux de cancer du sein, ménopause, THS, âge ménarche, nombre de grossesses…). Il n’y a pas de différence significative entre les deux calculs. Introduction Résultats Grâce aux différentes études épidémiologiques, il est prouvé qu’il existe un risque accru de cancer du sein en cas d’exposition à des radiations ionisantes à forte dose de façon aiguë (exemple : survivants de bombe atomique) ou à des doses intermédiaires (exemple : patients irradiés). En revanche, les effets d’une exposition prolongée et répétée à de faibles doses n’ont jamais été réellement étudiés. Chez l’animal, le risque de cancer du sein est plus faible pour une même dose administrée sur une longue période que sur un court intervalle, probablement du fait d’une réparation de l’ADN durant l’intervalle libre. Cependant, rien n’est prouvé chez l’homme. Cette étude nationale américaine sur une large population de manipulatrices radio a pour but d’améliorer les données sur le risque de cancer du sein et l’exposition à de faibles doses de radiations sur une longue durée. Matériel et méthodes Cette étude a évalué l’incidence du cancer du sein chez 56 436 manipulatrices radio sur une période de 15 ans. La sélection de cette cohorte s’est faite par deux séries de questionnaires, l’un réalisé dans les années 1980 et le second dans les années 1990. Les renseignements recueillis concernaient : – le cursus professionnel : diplôme obtenu entre 1920 et 1980 ; nombre total d’années travaillées comme manipulatrices radio ; âge et année de la première année de travail ; nombre d’années travaillées dans chaque décade en divisant en cinq périodes (avant 1940/1940-1949/1950-1959/19601976/1977-1984) ; type de poste occupé (type de procédure radiologique, milieu hospitalier ou cabinet privé). L’ensemble des données a permis de constituer un index approximatif de dose d’irradiation cumulée avec cinq niveaux notés de 1 à 5 ; – les antécédents médicaux et gynéco-obstétricaux ; – les facteurs démographiques et concernant leur style de vie ; – les facteurs de risque personnels et familiaux de cancer du sein. À l’issue des deux surveillances, 1 050 cas de cancers du sein ont été rapportés. L’analyse statistique a conduit au calcul d’un risque relatif de cancer du sein (intervalle de confiance Il n’est pas apparu de différences entre les manipulatrices atteintes d’un cancer et les autres, en ce qui concerne le nombre total d’années travaillées, la race, l’éducation, le statut familial, la situation géographique ou la spécialité pratiquée (radiodiagnostic, radiothérapie, médecine nucléaire). En revanche, celles atteintes d’un cancer du sein avaient commencé à travailler 6 à 7 ans avant les autres. Par rapport aux manipulatrices ayant commencé à travailler après 1970, le risque de cancer du sein est multiplié par 2 (RR : 2) chez celles ayant commencé avant 1940 et par 3 (RR : 2,9) avant 1935 ( IC95). Le risque est donc augmenté avec le nombre d’années travaillées avant 1940 (RR : 2,5), mais cette constatation n’est plus vraie après 1940. L’étude a également prouvé une augmentation du risque chez les manipulatrices ayant commencé à travailler avant l’âge de 17 ans (RR : 2,6). Par ailleurs, le risque augmente avec le niveau de l’index de dose d’irradiation cumulée puisque le niveau 4 a un risque 50 % plus élevé (RR : 1,5) par rapport au niveau 1. Pas de différence significative pour les niveaux 2 et 3 (RR :1). Pour mémoire, l’étude a confirmé les données connues de la littérature sur les facteurs de risque de cancer du sein (âge, antécédents familiaux, statut hormonal…). Discussion Cette cohorte de manipulatrices radio est le plus grand groupe de femmes soumises à de faibles doses d’irradiation jamais étudié jusqu’à présent. Sur les 1 050 cas de cancer du sein rapportés, il est noté une dose élevée (niveaux 4 et 5) d’irradiation cumulée, une augmentation du nombre d’années travaillées avant 1940 et un âge de début d’activité plus précoce. Il existe deux petites études antérieures qui se sont intéressées à la relation entre risque de cancer du sein et exposition professionnelle aux radiations. La première concerne des Chinoises travaillant dans un service de radiodiagnostic, leur risque de cancer du sein est augmenté de 70 % pour celles exposées avant 1950 et de 50 % entre 1950 et 1985 par rapport au personnel médical non exposé, pas de différence de risque au-delà de 1985, ces données sont en accord avec les résultats de notre étude. La deuxième étude concerne des Danoises travaillant en radiothérapie entre 1954 et 1982 et ne La Lettre du Sénologue - n° 36 - avril-mai-juin 2007 montre pas de différence d’incidence du cancer du sein par rapport à la population générale. Plusieurs explications permettent de comprendre les résultats de l’étude. Tout d’abord, depuis le début du XXe siècle, il existe une réduction des doses recommandées d’irradiation annuelle : 300 mSv avant 1934 et 20 mSv en 1990. Parallèlement, les nouvelles techniques radiologiques permettent d’obtenir de meilleures images et de diminuer l’irradiation des patients. Le risque accru de cancer chez les manipulatrices ayant commencé à travailler jeunes s’explique par le fait que l’on commençait à travailler plus jeune avant 1940 et que les doses d’irradiation étaient plus élevées. La principale limite de l’étude est l’absence de quantification précise des doses d’irradiation individuelle pour définir les niveaux d’index de dose. L’étude couvre une longue période durant laquelle les mesures de radioprotection se sont développées et les recommandations sur les doses d’irradiation professionnelle sont progressivement plus strictes et contrôlées. Les résultats sont donc à interpréter avec précautions. Cependant, on doit savoir qu’une irradiation n’est jamais insignifiante quel que soit l’âge. Le personnel médical soumis à des radiations au quotidien doit en tenir compte et bénéficier d’une surveillance de dose d’exposition (dosifilms). Revue de presse R evue de presse Conclusion Le risque de cancer du sein augmente chez les manipulatrices exposées durant une longue période à des doses d’irradiation faibles, mais dont l’index de dose cumulée est élevé. Ces index élevés se rencontraient avant 1940. Grâce aux mesures de radioprotection actuelles et aux nouvelles techniques radiologiques, il n’est pas observé d’augmentation de risque de cancer du sein chez les manipulatrices. Commentaires Cette étude a été bien conduite sur le plan méthodologique avec une cohorte suffisamment nombreuse et une analyse statistique assez rigoureuse prenant la peine d’intégrer les facteurs de risque majeurs du cancer du sein. Il est regrettable qu’il n’existe pas de valeur seuil de dose d’irradiation cumulée correspondant à chaque niveau. À l’issue de l’étude, il n’est pas non plus défini de dose cumulée d’irradiation maximale au-delà de laquelle il existe une augmentation du risque de cancer du sein. On peut se féliciter des mesures de radioprotection qui se sont améliorées dans le temps, surtout dans les pays occidentaux.n » Anne Cabanes-Dupuis, Institut Claudius Regaud, Toulouse 35