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La Lettre du Sénologue - n° 27 - janvier/février/mars 2005
DOSSIER
26es
Journées de la Société Française
de Sénologie et de Pathologie
Mammaire (SFSPM)
Chimiothérapie adjuvante et profil génomique
de la tumeur : modèles biomathématiques et
critères de choix adaptés aux patients
●E. Luporsi*
epuis plusieurs années, le cancer du sein s’est modi-
fié en termes d’épidémiologie (surcharge pondérale,
vieillissement de la population, THS). De plus, on
note une diminution de la taille tumorale et du nombre de patientes
avec envahissement ganglionnaire grâce aux campagnes de dépis-
tage. Par ailleurs, il existe une convergence des taux d’efficacité
des traitements disponibles. En France, le bras de référence 6 Fec
100 est un bras fort. Enfin, la pathologie cancéreuse au stade méta-
statique devient une maladie chronique.
Les essais thérapeutiques ont beaucoup apporté ces dernières
années, mais actuellement il est difficile d’augmenter le nombre de
sujets nécessaires afin de trouver une différence difficile à montrer
entre les traitements. Même avec ces thérapeutiques “ciblées” sur
des récepteurs hormonaux positifs, 30 % des patients ont un béné-
fice à l’hormonothérapie. Pour HER2+++, 30 à 65 % ont un béné-
fice à l’Herceptin®
Donc le débat actuel n’est plus : quelle est la meilleure drogue ?
mais plutôt quel traitement pour quel patient et pour quel bénéfice
? Trois questions se posent : qui surtraite t-on ? qui sous-traite t-on
? qui n’a pas besoin de traitement ? Nous rentrons dans le cadre de
la médecine prédictive avec la notion de bénéfice/risque chiffrée.
En France, on peut considérer que l’on surtraite certaines catégo-
ries de patientes en particulier les faibles risques du consensus de
Saint-Gallen (30%). On assiste à une déstandardisation des indica-
tions en particulier lorsque le standard est le tamoxifène et on
retrouve des prescriptions de chimiothérapie dans ce cas.
QUELQUES DÉFINITIONS
•Génomique : identification des gènes responsables des maladies,
leur localisation et leur expression.
• Génomique fonctionnelle : étude de la fonction des gènes.
• Transcriptome : liste des gènes les plus actifs.
• Protéomique : étude des protéines pour lesquelles codent les
gènes et leur application dans les pathologies.
• Protéome : étude de la nature et de la fonction des protéines.
• Pharmacogénomique : identification des liens entre les gènes et
certaines réactions aux médicaments.
De nombreuses études actuellement font état de signature géné-
tique de mauvais pronostic ou de bon pronostic, mais il est impor-
tant de bien choisir les patientes sur lesquelles seront faites ces
études. Théoriquement, il faut pouvoir les choisir avant d’appliquer
le traitement de façon à ne pas induire une deuxième variable
expliquée par le traitement.
LES LIMITES DE LA GÉNOMIQUE EXISTENT
La concentration d’ARN n’est pas nécessairement représentative de
l’activité de la protéine et le coût des puces à ADN est important.
Les recommandations de l’ASCO de 2004 mentionnaient qu’il
manquait des essais avec effectifs importants et qu’il existait des
problèmes de reproductibilité entre laboratoires et entre plates-
formes. Il faut travailler dans un cadre de la recherche de transfert.
Le constat actuel est qu’une quantité, une multiplicité et une com-
plexité des données qui font que nous avons un problème de ges-
tion de connaissances et qu’il faut recourir à de nouvelles
méthodes d’intégration des données.
Repositionner le patient au centre de la recherche clinique et avoir
une meilleure collaboration entre cliniciens, anatomo-patholo-
gistes, bioinformaticiens, statisticiens, biologistes et de biochi-
mistes sont des éléments importants pour l’avenir.
L’essai thérapeutique actuel a une hypothèse forte, figée dans le
temps avec une question a priori. Lorsque l’on fait des analyses par
ce groupe il y a un manque de puissance et l’on peut faire des
extrapolations dangereuses.
Cette nouvelle approche intégrative, dans le cadre de la médecine
prédictive, permet de prendre le traitement comme une variable
dans le modèle, il s’agit d’une analyse progressive et temporelle de
toutes les données anatomo-clinicobiologiques du patient. De plus,
dans les essais thérapeutiques, on étudie l’effet de la drogue sur la
tumeur, mais jamais le métabolisme et l’immunité du patient. Ces
éléments sont pris en compte dans l’analyse.
Les essais thérapeutiques étudiaient jusqu’à maintenant l’efficacité
des traitements (tout ou rien), les méthodologies récentes permet-
tent de créer de nouvelles hypothèses qui croisent des facteurs non
encore associés jusqu’ici et il est possible d’analyser simultané-
ment et dans le temps les mécanismes biologiques et pathologiques
en intégrant les données de la molécule, de la protéine, de la fonc-
tion protéique, de la cellule et de l’organisme.
Cette nouvelle approche consistera à réaliser une analyse multidi-
mensionnelle de combinaisons de variables afin de déterminer des
groupes (clusters) homogènes de patients.
On caractérise les clusters par les variables et on observe sur les
variables de sortie (survie et traitement) leurs différences. Le prin-
cipe est d’intégrer un maximum de données donc il faut avoir des
bases de données solides, analyser ces données sans a priori, créer
des hypothèses et proposer des scénarios de stratégie. Nous ren-
trons dans le cadre de la modélisation et de la stimulation. Au total,
il s’agit de trouver le meilleur traitement pour chaque patient. Cette
approche est globale, multidimensionnelle et temporelle.
Les bénéfices attendus sont la réduction du nombre d’échecs
lors du développement d’un nouveau médicament, la diminu-
tion du nombre d’études négatives en phases II et III et la
diminution de la durée et des coûts des essais thérapeutiques.
■
D
* Centre Alexis-Vautrin, Nancy.
E. Luporsi