une série de conditions légales. Le
patient doit être “dans une situa-
tion médicale sans issue” et faire
état “d’une souffrance physique ou
psychique constante ou insup-
portable” résultant “d’une affection
accidentelle ou pathologique grave
et incurable”. La loi ne limite donc
pas la possibilité de recourir à l’eu-
thanasie aux seuls malades en
phase terminale. De plus, le texte
belge fait la part belle aux soins
palliatifs. Les auteurs de la loi se
refusent à opposer soins palliatifs
et euthanasie. Des dispositions lé-
gales sont adoptées parallèlement
afin que chaque patient puisse bé-
néficier de ces soins. L’objectif était
d’éviter que des personnes isolées
ou pauvres réclament que l’on
abrège leurs jours pour des raisons
d’ordre économique. « La loi belge
est remarquable, estime Édith Dey-
ris, secrétaire générale de l’ADMD
(Association pour le droit de mou-
rir dans la dignité), car elle fait fi-
gurer côte à côte l’exigence officielle
du développement des soins palliatifs
et la possibilité d’entendre et de ré-
pondre à une demande réitérée et lu-
cide d’euthanasie ». Le texte belge
encadre très précisément la pro-
cédure à suivre par le médecin ap-
pelé à pratiquer l’acte d’euthana-
sie. Le médecin doit informer le
patient de son état et évoquer avec
lui toutes les autres possibilités
thérapeutiques, notamment les
soins palliatifs. Le praticien, en
étroite concertation avec son pa-
tient, doit avoir acquis la convic-
tion que la situation médicale est
sans issue avant d’envisager en ul-
time recours l’euthanasie. Il doit
auparavant consulter l’un de ses
confrères sur le caractère grave et
incurable de la maladie. Un mois
devra obligatoirement s’écouler
entre la demande écrite du patient
et l’acte. Le praticien envoie en-
suite un rapport à une Commis-
sion de contrôle et d’évaluation.
Cette Commission est une copie
conforme de sa devancière néer-
landaise. Elle veille également au
respect des conditions légales et
peut, le cas échéant, alerter la jus-
tice. L’euthanasie illégale serait tou-
jours sanctionnée de 12 ans de pri-
son au maximum. Selon le
Dr Marc Englert, membre de cette
Commission, 170 dossiers ont
déjà été reçus et le total devrait être
d’environ 200 pour cette première
année d’existence de la loi (2002).
Similitudes et différences
Les législations belge et néerlan-
daise seraient donc “bonnet blanc
et blanc bonnet”, selon l’expres-
sion consacrée. Certes, on re-
trouve dans les deux textes des
dispositions communes, à savoir
les conditions légales ou critères
de minutie, la Commission de
contrôle des euthanasies, la vali-
dité des demandes anticipées
d’euthanasie, formulées par écrit.
Cependant, il existe aussi des
différences remarquables. Tout
d’abord, les deux pays n’ont pas
retenu la même formule juridique
pour dépénaliser l’euthanasie. Les
législateurs néerlandais ont mo-
difié les deux articles du Code pé-
nal relatifs à l’homicide commis
sur demande de la victime et à
l’assistance au suicide. Cette lé-
gislation permet aussi bien la de-
mande d’euthanasie que le sui-
cide assisté. En revanche, le texte
belge ne modifie pas le Code pé-
nal et ne vise pas explicitement
l’assistance au suicide. De plus,
en Belgique, la demande d’eu-
thanasie doit obligatoirement être
formulée par écrit, ce qui n’est pas
le cas aux Pays-Bas. Les deux lois
traitent différemment le cas par-
ticulier des mineurs. La loi belge
interdit formellement l’euthana-
sie pour les enfants mineurs. Cela
étant dit, la loi assimile les mi-
neurs émancipés (mineurs d’au
moins 15 ans) à des personnes
“majeures”. Aux Pays-Bas, les mi-
neurs de 12 à 15 ans peuvent ob-
tenir l’euthanasie avec le consen-
tement de leurs parents, tandis
que les 16-17 ans ne doivent
qu’“associer” leurs parents à la dé-
cision.
Il est urgent
de prendre son temps
En France, selon un sondage
IFOP (décembre 2002), 88 %
des Français interrogés se dé-
clarent favorables à la légalisa-
tion de l’euthanasie. Le ministre
de la Santé, Jean-François Mat-
tei, s’est déjà exprimé sur le su-
jet. Ainsi, il déclarait en dé-
cembre dernier : « il n’y a pas lieu
de légiférer sur l’euthanasie quand
l’urgence est de mieux répondre à
la nécessité d’accompagner le dé-
part. Autoriser l’euthanasie ouvri-
rait la voie à des dérives et à des
abus qui mettraient en danger les
fondements mêmes de notre so-
ciété».Et d’ajouter : « Si notre so-
ciété accordait toute leur impor-
tance (...) aux soins palliatifs et à
l’accompagnement des mourants,
nul doute que la demande d’eu-
thanasie perdrait de sa légitimité
pour disparaître ». A ce jour, l’af-
faire Vincent Humbert a accéléré
le débat et suscite des polé-
miques dans le monde poli-
tique, médical et de la justice. Le
médecin anesthésiste qui a aidé
le tétraplégique à mourir en lui
injectant un barbiturique puis
du chlorure de potassium est
chargé par la justice : le parquet
a requis sa mise en examen pour
empoisonnement. Le Conseil de
l’Ordre défend le médecin et le
ministre de la Justice pense dé-
sormais qu’il serait bon de dé-
battre, mais en toute sérénité.
Le Dr Aubry, vice-président de
la SFAP (Société française d’ac-
compagnement et de soins pal-
liatifs) apporte la précision sui-
vante : « il ne faut pas oublier que
la culture et le développement des
soins palliatifs dans des pays
comme les Pays-Bas ou la Belgique
n’ont rien à voir avec la situation
de la France. Il ne me semble pas
logique de parler de loi avant que
l’on ait réfléchi. Il y a donc urgence
à prendre son temps ». En un mot
comme en cent, il faut donner
du temps au temps.
F. C .
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No50 - novembre 2003