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MISE AU POINT
La Lettre du Neurologue - n° 5 - vol. IV - octobre 2000
récemment permis de mettre en évidence des différences
variables concernant le fonctionnement cognitif entre
population SEP et populations non SEP, et ont tenté d’éta-
blir des relations entre le degré des perturbations cogni-
tives et certains indices cliniques et paracliniques.
FRÉQUENCE DES TROUBLES COGNITIFS DANS LA SEP
La fréquence des perturbations cognitives dans la SEP a été
diversement appréciée, mais des travaux récents, utilisant
des épreuves psychométriques standardisées et une popula-
tion témoin, concluent que la prévalence de l’atteinte des
fonctions cognitives chez les patients atteints de la maladie
varie entre 40 et 65 % (1, 2). Le dysfonctionnement cognitif
au cours de la SEP paraît donc fréquent et, surtout, pourrait
s’installer précocement dès le début de la maladie. En effet,
il a été mis en évidence l’existence de perturbations cogni-
tives chez plus de 50 % des patients atteints d’une SEP pro-
bable ou définie évoluant depuis moins de 5 ans (3, 4). La
révélation de la maladie sous une forme cognitive prévalen-
te n’est d’ailleurs pas exceptionnelle.
DYSFONCTIONNEMENT COGNITIF DANS LA SEP
SEP et concept de démence sous-corticale
Les troubles cognitifs constatés chez les patients atteints
de SEP paraissent proches de ceux observés dans les
démences sous-corticales, caractérisés par des change-
ments de personnalité, des troubles de la mémoire et une
diminution des capacités cognitives globales. Toutefois,
s’il ne fait aucun doute que dans cette affection, les
lésions cérébrales sont préférentiellement sous-corticales,
la réalité de ce concept dans le cadre de la SEP reste dis-
cutée. En effet, le pattern des troubles cognitifs isolés
dans cette affection paraît extrêmement hétérogène dans
son ensemble, et variable dans le temps chez un patient
donné. Ainsi, des travaux récents ont bien montré que
l’utilisation de certaines échelles, tel que le Mini Mental
Status (MMS), n’était pas adaptée à l’évaluation des
troubles cognitifs dans cette affection puisque 20 % des
patients présentaient une détérioration cognitive au
MMS, alors que cette même population apparaissait dété-
riorée dans 60 % des cas avec l’emploi d’une batterie de
tests plus extensive (5). En tenant compte, d’une part, des
critères utilisés pour définir l’atteinte des fonctions
cognitives, d’autre part, des caractéristiques concernant
les échantillons de patients étudiés, il semble que 30 à
50 % des patients atteints de SEP ne présentent pas d’al-
térations du fonctionnement cognitif, qu’un pourcentage,
variable en fonction des études, présente un dysfonction-
nement isolé (troubles de la mémoire, de la résolution de
problèmes, de l’attention) et que seuls 10 % d’entre eux
possèdent l’ensemble des critères de démence sous-cortica-
le. Le recours à des batteries de tests psychométriques stan-
dardisés permettant d’évaluer de façon reproductible les
perturbations cognitives et d’appréhender l’évolution natu-
relle de ces troubles doit donc être privilégié (1, 2, 6, 7).
Efficience intellectuelle, langage et capacités
visuo-spatiales
Une baisse d’efficience intellectuelle, non liée à l’ancien-
neté de la maladie ni au degré de handicap fonctionnel,
est habituellement observée chez les patients atteints de
SEP. À l’inverse, des troubles praxiques et phasiques
n’ont été qu’exceptionnellement rapportés. Les capacités
de perception visuo-spatiale semblent également être
diminuées chez les patients atteints de la maladie, mais il
faut noter que l’interprétation de ces troubles reste diffi-
cile, du fait notamment de la grande fréquence chez ces
patients d’atteinte visuelle et de perturbations attention-
nelles. L’existence d’un dysfonctionnement du transfert
interhémisphérique a été notée de façon fréquente, précoce
et indépendante des autres troubles cognitifs. Toutefois,
la survenue d’un syndrome de déconnexion calleuse n’a
été qu’exceptionnellement rapportée.
Troubles de la mémoire
La plainte mnésique est fréquemment mise en avant par
les patients atteints de SEP, mais celle-ci apparaît étroite-
ment intriquée avec d’autres marqueurs de la maladie,
tels que l’anxiété et la dépression. La plupart des études
récemment réalisées a mis l’accent sur la fréquence éle-
vée des troubles mnésiques, tant dans la rétention, qu’elle
soit verbale ou non, que dans l’apprentissage, et sur leur
apparition précoce. Toutefois, il semble que ces troubles
soient soumis à une variabilité très importante en fonc-
tion des formes évolutives de la maladie et surtout des
types de processus mnésiques explorés. Les capacités de
mémorisation immédiate semblent, pour certains auteurs,
globalement respectées ou peu atteintes en dehors des
phases de poussées et des formes progressives continues,
pour d’autres, significativement diminuées par rapport
aux sujets témoins. L’enregistrement et le stockage de
l’information par les processus de mémoire immédiate
pourraient être relativement préservés lorsque le handicap
s’avère modéré, mais cette préservation pourrait progres-
sivement devenir moindre avec la progression de la mala-
die. En revanche, les épreuves visant à explorer les pro-
cessus de rappel qui dépassent l’empan de mémoire
immédiate montrent qu’il existe de façon quasi constante
un déficit dans la restitution verbale des faits récents alors