MISE AU POINT
La Lettre du Rhumatologue - n° 285 - octobre 2002
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ur 10 000 molécules qui sont répertoriées par screening
en tant que nouveaux médicaments potentiels, les tests
de laboratoire identifient environ une quinzaine de molé-
cules candidates pour des études ultérieures de préclinique.
Après l’évaluation de ces molécules chez l’animal, quelques-
unes d’entre elles sont étudiées en clinique chez l’homme, et
seules une ou deux parviennent à l’ultime étape : l’autorisation
de mise sur le marché. Au développement clinique succède le
long processus des procédures administratives d’évaluation.
Puis, tout au long de sa vie, jusqu’à son retrait, un médica-
ment fait l’objet d’une veille scientifique rigoureuse et de
réévaluations administratives.
ÉTUDES PRÉCLINIQUES
Le screening.Le screening consiste à analyser les effets d’une
molécule injectée à un animal. C’est une méthode qui associe
l’exploration pharmacologique systématique et la modulation
moléculaire, dite drug design.
La pharmacologie expérimentale. Des essais d’efficacité
sont réalisés sur des systèmes moléculaires inertes, sur des cel-
lules et cultures, et enfin sur l’animal. Le nouveau produit est
identifié. Cela permet sa reproduction ultérieure.
La toxicologie. Ces études évaluent les risques de mutage-
nèse, de tératologie, de toxicité sur les cellules ou sur l’ani-
mal, permettant d’améliorer la prévision des effets secondaires
des futurs médicaments.
La pharmacocinétique et le métabolisme du médicament :
essais sur l’animal. L’utilisation de l’animal reste indispen-
sable pour évaluer les nouvelles molécules. Ces études portent
sur des propriétés pharmaceutiques de la molécule, telles que
l’absorption, le métabolisme, la distribution, l’élimination.
Mais elles permettent aussi de prouver les propriétés pharma-
cologiques (ex. : effet sur le comportement, le système cardio-
vasculaire, etc.). Lorsque les résultats chez l’animal le per-
mettent, ces expérimentations peuvent débuter chez l’homme.
Il existe des méthodes alternatives qui remplacent les
modèles animaux par des préparations in vitro pour tester de
nouvelles substances médicamenteuses.
Ces méthodes sont plus économiques en temps, en argent et
en vies animales, mais elles ne peuvent se substituer totale-
ment aux expérimentations menées sur l’animal entier.
ÉTUDES CLINIQUES CHEZ L’HOMME
Ces études se font selon trois phases principales qui doi-
vent se dérouler conformément aux bonnes pratiques cli-
niques. Elles sont réalisées en milieu hospitalier ou en cabi-
net médical, et cela sous la responsabilité de médecins
experts : les investigateurs.
PHASE I : tolérance ou innocuité
Des quantités croissantes, à doses uniques ou multiples (on
commence généralement par l’administration du dixième de
la dose supposée active, puis on augmente par paliers) de la
nouvelle molécule sont administrées à des volontaires sains
sous surveillance étroite. À cette étape, il n’est possible de pro-
poser de nouvelles molécules à des patients que dans le cas de
maladies en impasse thérapeutique. Cette phase I permet d’ob-
tenir des informations sur la pharmacocinétique du produit,
ainsi que d’évaluer les grandes lignes de son profil de tolé-
rance et de son activité pharmacologique.
PHASE II : efficacité du produit sur de petites
populations et recherche de doses
Cette phase se déroule chez un petit nombre de patients, le
plus souvent hospitalisés, mais également en ambulatoire. Il
s’agit ici de définir, par rapport au placebo, la dose dont le
rapport bénéfice/tolérance est favorable et qui est, dans les
essais comparatifs, au moins équivalent à ce qui existe déjà.
Il s’agit aussi de montrer que la nouvelle substance a l’effet
thérapeutique espéré sans entraîner trop d’effets indésirables.
Les paramètres pharmacocinétiques et l’excrétion du produit
sont réévalués. La dose optimale, c’est-à-dire celle pour
laquelle l’effet thérapeutique est le meilleur pour le moins
d’effets indésirables, est établie.
Les chemins du médicament : de l’évaluation
scientifique aux procédures administratives
!C. Lassale*, B. Avouac**
*Directeur des Affaires scientifiques, pharmaceutiques et médicales (SNIP).
** PH rhumatologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil.
S
PHASE III : études “pivot”
Dans des conditions aussi proches que possible des conditions
habituelles d’utilisation des traitements, on vérifie et on
confirme le rapport efficacité-tolérance sur un groupe impor-
tant de malades. On détermine les précautions d’emploi chez
les personnes à risque et les interactions avec d’autres produits
associés. Selon le type de molécules, les essais peuvent cou-
vrir plusieurs centaines à plusieurs milliers de patients.
C’est au cours de la phase III que les essais comparatifs situent
le nouveau médicament par rapport aux médicaments de réfé-
rence en termes de rapport bénéfice/risque, contribuant ainsi
à établir la stratégie thérapeutique.
Ces trois étapes, quand elles sont franchies avec succès, vont
être résumées dans le dossier qui sera présenté aux autorités
d’enregistrement pour recevoir l’approbation officielle, appe-
lée “autorisation de mise sur le marché”.
AUTORISATION DE MISE SUR LE MARCHÉ
(AMM)
Pour être commercialisé, tout médicament fabriqué indus-
triellement doit faire l’objet d’une autorisation de mise sur le
marché (AMM), délivrée par les autorités compétentes, euro-
péennes ou nationales, que sont l’Agence européenne pour
l’évaluation des médicaments (EMEA) ou l’Agence française
de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). Les
laboratoires pharmaceutiques déposent auprès de ces autori-
tés un dossier de demande d’AMM qui sera évalué selon des
critères scientifiques de qualité, de sécurité et d’efficacité.
L’AMM est octroyée selon la demande du laboratoire pour
une indication thérapeutique précise documentée par les essais
cliniques du dossier.
Il existe des procédures communautaires pour tous les nou-
veaux principes actifs et des procédures nationales réservées
aux produits ayant déjà une AMM nationale.
Les procédures communautaires
Depuis 1965, un long travail d’harmonisation des législations
pharmaceutiques des pays de la Communauté européenne a
abouti à l’élaboration de nouvelles procédures d’octroi
d’AMM pour l’enregistrement des médicaments.
L’accès au marché communautaire est, depuis le 1er janvier
1998, soumis soit à la procédure centralisée (définie dans le
règlement [CEE] du Conseil 23/09/93), soit à la procédure de
reconnaissance mutuelle (prévue notamment dans la directive
75/319/CEE).
Les procédures actuelles sont définies dans le règlement
2309/93. Depuis le 1er janvier 1998, l’enregistrement d’un nou-
veau médicament doit obligatoirement passer par l’une ou
l’autre de ces deux procédures :
"La procédure centralisée (obligatoire pour les produits
issus des biotechnologies, optionnelle pour les nouvelles sub-
stances actives) : le laboratoire dépose son dossier de demande
d’enregistrement à l’Agence européenne pour l’évaluation des
médicaments, dont le siège est à Londres. Si l’autorisation est
octroyée, elle est d’emblée valable pour tous les pays membres
de l’Union européenne.
"La procédure de reconnaissance mutuelle : le laboratoire
dépose son dossier dans l’un des États membres qui est res-
ponsable de l’évaluation. Si l’autorisation est accordée, elle
peut être étendue aux autres États membres par une procédure
de reconnaissance mutuelle.
Une révision de la législation pharmaceutique est en cours.
Elle devrait permettre de raccourcir les délais d’évaluation.
La procédure nationale
Ce type de procédure est de moins en moins utilisé, puisqu’il
ne s’applique plus qu’aux demandes de mise sur le marché
pour des produits ayant déjà une AMM nationale.
Le dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché
est établi selon le modèle européen et doit être conforme à la
directive européenne 65/65/CEE. Ce dossier est déposé par le
demandeur/laboratoire pharmaceutique à l’Agence française
de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). La
Commission d’AMM évalue le rapport bénéfice/risque du
médicament selon les trois critères déjà cités : la qualité, la
sécurité, l’efficacité. Le directeur de l’Agence signe les auto-
risations qui sont ensuite publiées au Journal officiel. Un
numéro d’enregistrement d’AMM est attribué à la spécialité
pharmaceutique (reporté sur le conditionnement, sous le libellé
“médicament autorisé n°...”).
Autorisation temporaire d’utilisation (ATU) : à titre excep-
tionnel, certains médicaments peuvent être autorisés avant
commercialisation, pour une durée limitée d’un an (renouve-
lable), à condition qu’ils soient destinés à traiter des maladies
graves ou rares sans traitements disposant de l’AMM et qu’ils
soient prescrits par des spécialistes en milieu hospitalier. Cette
ATU est délivrée par l’AFSSAPS.
L’ATU nominative est délivrée pour le traitement d’un patient
en particulier ; elle est demandée par le prescripteur. L’ATU
de cohorte correspond à la mise à disposition avant AMM d’un
médicament pour lequel on dispose de données d’effica-
cité/sécurité suffisantes dans l’indication : elle précède l’oc-
troi de l’AMM.
Les procédures d’enregistrement à l’extérieur
de l’Union européenne
Les entreprises du médicament souhaitant commercialiser
leurs produits hors Union européenne doivent à nouveau dépo-
ser des dossiers de demande d’enregistrement auprès des auto-
rités nationales des pays concernés. Il s’agit, par exemple :
!de la Food and Drug Administration (FDA) pour les États-
Unis,
!du Kosheisho pour le Japon.
Afin de faciliter l’enregistrement dans ces pays, un proces-
sus d’harmonisation mondiale de la réglementation régissant
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MISE AU POINT
le développement et l’enregistrement des médicaments a été
mis en œuvre : l’ICH* (International Conference on Har-
monization).
DE LA COMMISSION DE TRANSPARENCE
AU COMITÉ ÉCONOMIQUE DES PRODUITS
DE SANTÉ
La procédure se fait en deux temps.
Au sein de l’AFSSAPS, la Direction des études médico-éco-
nomiques et de l’information scientifique (DEMEIS) coor-
donne l’évaluation médico-économique. L’inscription sur la
liste des médicaments remboursables tient compte de l’avis
formulé par un organisme consultatif dépendant directement
du ministre : la Commission de transparence. Un comité inter-
ministériel,le Comité économique des produits de santé, inter-
vient une fois que la Commission de transparence a émis un
avis sur la prise en charge (remboursement) d’un médicament.
Il est chargé d’en arrêter le prix, ce qui permet ensuite aux
ministres d’inscrire le médicament sur la liste des spécialités
remboursables aux assurés sociaux.
La Commission de transparence
Elle n’intervient que si le laboratoire dépose une demande de
remboursement auprès de la Sécurité sociale ou de mise à la
disposition des établissements hospitaliers. Elle évalue l’inté-
rêt thérapeutique du médicament pour la communauté, se pla-
çant ainsi dans une perspective de santé publique. Elle définit
le service médical rendu (SMR) selon une échelle allant de
majeur ou important à insuffisant. Le service médical rendu
prend en compte différents éléments :
– l’efficacité et les effets indésirables du médicament ;
– sa place dans la stratégie thérapeutique ;
– la gravité de l’affection à laquelle il est destiné ;
–le caractère préventif, curatif ou symptomatique du traite-
ment médicamenteux ;
– l’intérêt pour la santé publique.
Elle apprécie l’amélioration du service médical rendu (ASMR)
apporté par le médicament par rapport aux médicaments de
référence. Les niveaux d’ASMR sont les suivants :
I : progrès thérapeutique majeur ;
II : amélioration importante en vertu de l’efficacité et/ou de la
tolérance ;
III : amélioration modérée ;
IV : amélioration mineure en fonction de l’acceptabilité, de la
commodité d’emploi, de l’observance ;
V : absence d’amélioration.
La Commission donne ensuite son avis sur l’inscription du
médicament sur la liste des spécialités remboursables aux assu-
rés sociaux, fixant ainsi le taux de remboursement qui dépend
du service médical rendu : 35 %, 65 %, 100 %. Cet avis est
transmis au Comité économique des produits de santé.
Le Comité économique des produits de santé
Bien que ne dépendant pas de l’AFSSAPS, ce comité reprend
les conclusions des différentes commissions de celle-ci pour
négocier le prix du médicament avec l’industriel et le volume
des ventes. Le prix est fixé pour cinq ans. Ce comité intermi-
nistériel regroupe des représentants des divers ministères
concernés : (Affaires sociales, Santé, Finances, Industrie) et
des caisses d’assurance maladie.
Ses missions ne se limitent pas à la seule fonction de fixer les
prix, mais s’étendent aussi à la gestion des rapports contrac-
tuels entre l’État et les industriels (ex. : accord cadre de 1994,
accord sectoriel de 1999).
APRÈS COMMERCIALISATION
Lorsque le produit est commercialisé, la recherche se pour-
suit. Les mécanismes d’action dans les indications retenues
par l’AMM sont approfondis et le suivi des effets indésirables
prend une place importante, donnant lieu à des rapports pério-
diques de pharmacovigilance, tous les six mois en début de
commercialisation.
C’est après la commercialisation que de nouvelles indications
peuvent être envisagées. Dans ce cas, elles font à nouveau l’ob-
jet d’un développement clinique complet et donnent lieu au
dépôt d’un nouveau dossier d’enregistrement.
Les essais “en situation” ont pour but de préciser le bénéfice
thérapeutique réel en situation de prescription, notamment en
termes de qualité de vie. Ces essais de phase IV peuvent ser-
vir de base pour l’évaluation médico-économique du produit
Les réévaluations sont effectuées tous les cinq ans, tant au
niveau de l’AMM qu’à celui de la transparence.
RÉÉVALUATION
Un dossier de réévaluation doit être déposé tous les cinq ans.
Alors commence une procédure tenant compte de l’historique
du produit durant les cinq années de commercialisation, de
l’évolution du marché et des conventions signées. Une rééva-
luation du prix peut intervenir avant un délai de cinq ans dans
certains cas : obtention d’une nouvelle indication, dépasse-
ment des volumes accordés, problèmes de pharmacovigilance
(modification du SMR), négociation d’une convention modi-
fiant le prix ou cas plus contraignant.
CONCLUSION
Les différentes étapes de la vie d’un médicament sont étroite-
ment réglementées pour garantir l’efficacité et la sécurité. Seule
la pharmacovigilance permet d’assurer la sécurité d’emploi.
Les règles administratives qui encadrent la prescription et le
remboursement sont également très précises et mériteraient
d’être aménagées sur certains points, notamment en ce qui
concerne la prescription hors AMM/hors remboursement.
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