MÉDICAMENTS :
LES DANGERS DE LA SURCONSOMMATION
En cachets, pilules ou potions, les Français adorent les médicaments. Une attirance qui
peut être néfaste, lorsqu’ils sont consommés à tort et à travers, et fort coûteuse pour notre
système de santé. Abondance de biens nuit parfois !
Sur les terrains de football ou dans les salles de cinéma, nos concitoyens adorent se parer du titre
de « champions du monde ». Il faut croire que ces trois mot surfent dans l’air du temps. Car en
matière de santé également, les Français se hissent sur la plus haute marche du podium : ils
détiennent depuis des lustres le record européen de la plus forte consommation... de
médicaments.
Triste performance ! Cette boulimie de gélules et pilules en tous genres n’est pas synonyme de
qualité de soins : chaque année, plus d’un million de malades sont hospitalisés des suites d’un
mauvais usage de médicaments. Nombreux sont les patients convaincus que deux cachets font
deux fois plus d’effet qu’un seul. Ils payent souvent très cher ce manque de discernement.
Mais les médecins sont aussi largement responsables de ce sombre bilan. Les consultations,
dans l’Hexagone, se terminent presque toujours par la délivrance d’une ordonnance. Selon une
enquête réalisée par la Documentation Française 1 nos praticiens prescrivent ainsi quatre fois plus
que leurs confrères britanniques et grecs, six fois plus que les allemands et les belges.
Antidépresseurs et antibiotiques
Les pathologies qu’ils ont à traiter ne justifient pourtant pas toujours ce détour par une pharmacie.
Donner un antidépresseur à un homme abattu par les soucis, rongé par le chômage ou l’échec de
sa vie conjugale, est - par exemple - une « solution » adoptée par de nombreux généralistes.
Parfois en dépit du bon sens. D’après une étude publiée le 29 juillet par le ministère de la
Solidarité, plus d’un tiers des psychotropes sont en effet prescrits pour des pathologies fort
éloignées de celles pour lesquelles ils ont été conçus, et pour des durées excessives.
« On s’efforce de supprimer les symptômes, sans jamais vraiment s’attaquer aux racines du mal,
reconnaît un praticien marseillais. Mais comment faire autrement ? Il faudrait passer une heure
avec chaque patient pour cerner l’origine de son trouble. Ce n’est pas concevable. Alors, on pare
au plus pressé... »
Un constat également valable pour les antibiotiques, dont l’usage trop fréquent a été critiqué par le
secrétaire d’état à la Santé2. La quasi totalité des angines font notamment l’objet d’une telle
prescription, alors qu’une minorité d’entre elles seulement le nécessiterait. Le recours
1 Documentation Française : « La Santé en Europe ».
2 Lors de la conférence nationale de santé, qui s’est tenue à Paris du 22 au 24 juin 1998.
1/2
Union régie par le code de la mutualité enregistré sous le n°444 279 699
systématique à ces produits se traduit, par ailleurs, par le développement de résistances
bactériennes.
Ces dérives regrettables ont naturellement un coût élevé pour notre système de santé. Les ventes
d’antibiotiques et d’antidépresseurs - pour se limiter à ces deux classes de produits - ont encore
augmenté de 6 % en 1997. Une hausse contre laquelle le gouvernement s’est une nouvelle fois
insurgé avec vigueur... sans parvenir, jusqu’à ce jour, à la limiter durablement.
Cédric Portal
LES PLACEBOS SE RAMASSENT À LA PELLE
Parmi les mesures présentées le 29 juillet par le ministre de la Solidarité, figure la volonté de
s’attaquer aux médicaments dont l’efficacité thérapeutique est « ténue, pour ne pas dire faible et
parfois même nulle ».
Entre ces cachets, pilules ou potions et un vulgaire placebo, la différence est souvent plus mince
qu’un cheveu. La France s’est fait une spécialité de ces vrais-faux médicaments, qui agissent
davantage sur l’esprit que sur le corps : vitamines, psychostimulants et autres veinotoniques se
ramassent à la pelle.
Or, si leur efficacité sur le métabolisme prête à caution, leur prix en revanche n’a rien de virtuel.
Ainsi, les médicaments dits « de confort »3 remboursés à 35 % représentent pour l’industrie
pharmaceutique une manne d’environ 12 milliards de francs. Et pour l’assurance maladie, une
dépense annuelle de 4,6 milliards de francs !
On comprend que les fabriquants se soient toujours opposés à toute remise en cause de cette
poule aux oeufs d’or, fondée sur la mauvaise information des patients. Pourtant, alors que le
déficit de l’assurance maladie résiste à tous les traitements, il ne paraitraît pas inutile de lever le
voile sur ces produits coûteux.
Trois solutions pourraient être envisagées, qui ne concerneraient pas seulement les médicaments
de confort, mais aussi d’autres médicaments actuellement remboursés à 65 %. Soit une
diminution de remboursement, qui pénaliserait principalement les assurés. Soit une baisse
imposée de leur prix de vente, fixé par le gouvernement, qui toucherait les laboratoires et non les
patients. Soit encore une révision de la liste des médicaments remboursés par la Sécurité sociale
qui éliminerait purement et simplement les médicaments inefficaces. A suivre...
C.P.
3 Définis dans le décret du 10 juin 1977 comme « principalement destinés au traitement des troubles ou affections
sans caractère habituel de gravité », leur remboursement passait de 70 % à 40 %. Depuis août 1993, ce taux a été
ramené à 35 %, alors que celui des autres médicaments passait de 70 % à 65 %.
2/2
1 / 2 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !