La Lettre du Pneumologue - Vol. IX - n° 6 - novembre-décembre 2006
Données nouvelles
Données nouvelles
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Très récemment, c’est l’origine même de Mycobacterium
qui a été décelée, c’est-à-dire le précurseur (Mycobacterium
prototuberculosis), véritable progéniteur de M. tuberculosis,
vieux, lui, de près de 3 millions d’années (14). Ainsi, la tuber-
culose, dans sa forme la plus primitive, serait plus ancienne
que d’autres maladies épidémiques tout aussi connues (peste,
typhoïde, syphilis, paludisme, etc.) ; elle aurait pu atteindre
les premiers hominidés, bien qu’aucune lésion paléopatho-
logique n’ait encore été décelée (mais la réalisation d’exa-
mens paléogénétiques pourrait révéler la présence de cet
agent infectieux…), d’autant plus que l’origine géographique
du germe semble être l’Afrique de l’Est, l’un des creusets de
l’origine de l’humanité.
De fait, la détection de nombreuses infections granulomateu-
ses d’origine mycobactérienne sur des fossiles du pléistocène
(vers 110 000 avant J.-C.), provenant d’un gouffre d’Amérique
du Nord, est particulièrement intéressante, car elle reflète
cette diversité d’espèces (15). De nombreux squelettes de bo-
vidés, d’ovins, d’équidés, de camélidés, de félins, de canidés,
d’oiseaux, etc. ont été mis en évidence, porteurs de lésions
infectieuses liées à M. tuberculosis, M. bovis, M. avium, M.
fortuitum, M. microti, M. paratuberculosis, M. thamnopheos,
M. vaccae, etc. D’autres cas paléontologiques ont également
été décrits par le même auteur, par exemple un bison atteint
de lésions tuberculeuses daté de 15 000 avant J.-C. (16).
Comment passe-t-on de ces différentes espèces à M. tubercu-
losis hominis ? Les comparaisons génétiques entre ADN des
différentes espèces ont permis d’établir plusieurs hypothèses :
passage des bovins à l’homme via une mutation de M. bovis
(13) ? Passage des caprins à l’homme au cours de la domestica-
tion des chèvres (toujours via M. bovis), probablement en Asie
du Sud-Est au moment de la révolution néolithique (17) ?
Un autre scénario, semble-t-il le plus vraisemblable, suggère
que M. tuberculosis ne provient pas de M. bovis, mais plutôt
que M. tuberculosis a donné naissance, par suite de mutations
ponctuelles, à M. africanum, M. microti et M. bovis (7).
Donc, en pratique, on ne connaît pas encore la phylogénie
exacte de ces agents pathogènes !
L’AVENIR
La publication récente du génome complet de M. tuberculosis
autorise bien évidemment de nombreuses avancées dans les
domaines de son origine et de son évolution génétique (18).
Les mêmes attentes sont possibles à l’égard de la lèpre, du pa-
ludisme, de la maladie de Chagas, de la peste, de la brucellose,
d’Escherichia coli, etc. L’histoire des maladies va désormais
s’écrire avec la biologie moléculaire (19). n
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