Numéro d’ordre : 74/1998 Université de Limoges THÈSE de Doctorat de l’Université de Limoges Spécialité Mathématiques et Applications présentée par Abdelkader Necer Suites récurrentes linéaires et séries formelles en plusieurs variables Directeur de thèse : Guy Robin Soutenue le 17 décembre 1998 devant le Jury composé de : Rapporteur Rapporteur Examinateur Examinateur Examinateur Examinateur D. G. T. G. G. A. Barsky Christol Berger Rhin Robin Salinier Université Université Université Université Université Université de de de de de de Paris 13 Paris 6 Limoges Metz Limoges Limoges Résumé : La première partie de ce travail est consacrée à l’étude de certaines propriétés algébriques des suites récurrentes linéaires à coefficients constants ou polynomiaux sur des modules sur des anneaux commutatifs unitaires. D’abord, nous étendons aux anneaux de Fatou (ou complètement intégralement clos), un résultat concernant les familles de suites récurrentes linéaires annulées par un idéal de type fini de l’anneau des polynômes. Ensuite, nous établissons, par des moyens élémentaires d’algèbre commutative, que les ensembles de suites récurrentes linéaires sur des modules sont stables par décimation et emboı̂tement et que si les suites sont à valeurs dans une algèbre alors la stabilité, pour la produit de Hadamard, est assurée. Nous caractérisons également dans cette partie les anneaux dans lesquels les suites récurrentes linéaires sont les suites périodiques et nous montrons que sur ces anneaux l’étude de certaines suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux se ramène à celle des suites récurrentes linéaires à coefficients constants. La deuxième partie de ce travail a pour objet l’étude des propriétés, liées essentiellement au produit de Hadamard, des multi-suites récurrentes linéaires et des séries rationnelles en plusieurs variables. Nous donnons quelques caractérisations des séries reconnaissables et nous nous intéressons à l’analogue de la conjecture de Pisot sur le quotient de Hadamard dans le cas de plusieurs variables. Abstract : We are interested, in the first part of this work, in algebraic properties of linear recurring sequences with constant or polynomial coefficients over modules over commutative and unitary rings. In particular, we extend a result about families of sequences annihilated by a finitely generated ideal of polynomials over the ring of rational integer to the completely integrally closed rings. We show that the module of linear recurring sequences is invariant by entrelacment and decimation (or extraction) and, in the case when the sequences are in a algebra, then we rediscover, by elementary methods, that the set of linear recurring sequences over commytative rings is closed under the Hadamard product. We caracterize also the rings on which every linear recurring sequence has a period and show that on those rings the study of certain P -recursive sequences is equivalent to the study of linear recurring sequences. In the second part of this work we study some properties of multi-sequences and rational series in several variables. We give some caracterizations of recognized series and we obtain some partial ansewrs to the Pisot conjecture of Hadamard quotient in several variables. i Remerciements Mes remerciements vont d’abord à G. Robin qui m’a convaincu de (re)commencer mes études doctorales. Il m’a beaucoup encouragé et a su m’écouter lors de la préparation de cette thèse. J’exprime ma gratitude la plus sincère à D. Barsky et G. Christol qui m’ont fait l’honneur d’accepter la tâche d’être rapporteurs. Je les remercie également pour leur soutien et l’amitié qu’ils m’ont prodigués depuis longtemps. L’intérêt de T. Berger pour mon travail, sa diponibilité et son amitié me touchent beaucoup. Il a accepté d’être le président du jury. J’en suis honoré. Je remercie sincèrement G. Rhin d’avoir accepté de faire partie du jury ainsi que pour son accueil chaleureux à l’université de Metz. Mes remerciements vont également à A. Salinier pour son invitation à Limoges, sa gentillesse et sa participation au jury. Merci à B. Benzaghou qui le premier m’a initié à la recherche en Mathématiques. A J.-P. Bézivin pour son aide précieuse et ses conseils judicieux. A J.-P. Allouche pour son amitié et toutes les enrichissantes discussions que nous avons eues. A Dominique et Marie pour leur générosité, leur hospitalité et leurs encouragements. A tous les collègues du département de Mathématiques de l’université de Limoges. Par leur sérieux, leur disponiblité et leur joie de vivre ils ont su instaurer, avec beaucoup d’intelligence, d’agréables conditions de travail au sein du département. A M. Guerletin, N. Tchefranoff et Y. Pinol. Leur dévouement n’a d’égal que leur gentillesse et leur bonne humeur. Qu’il me soit permis de saluer ici mes proches et mes amis. La présence chaleureuse de certains parmi eux et le soutien, qui ignore les distances, des autres, à des moments pas toujours faciles, m’ont beaucoup aidé. Merci à Djahida. Elle a su m’aider à aller de l’avant avec beaucoup de patience et de courage. ii TABLE DES MATIÈRES iii Table des matières Notations v Introduction vii 1 Suites récurrentes linéaires sur un module et systèmes 1.1 Définitions et exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2 Résultats préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3 Familles de suites et anneaux de Fatou . . . . . . . . . . 1.4 Systèmes récursifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5 Algèbre de Hadamard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.6 Décimation et emboı̂tement de suites . . . . . . . . . . . 1.7 Séries formelles et suites récurrentes linéaires . . . . . . . récursifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 2 4 6 9 15 17 20 2 Périodes et suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux 2.1 Périodes de suites sur un module . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2 Anneaux localement finis et suites périodiques . . . . . . . . . . . . . 2.3 Suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux . . . . . . . . . 2.4 Systèmes périodiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.1 Suites régulières sur un corps commutatif . . . . . . . . . . . . 2.4.2 Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 24 26 29 32 35 36 3 Multi-suites récurrentes et séries rationnelles 3.1 Définitions et notations . . . . . . . . . . . . . . 3.2 Caractérisations des k-suites récurrentes linéaires 3.3 Séries rationnelles et séries reconnaissables . . . . 3.3.1 Propriétés de base . . . . . . . . . . . . . 3.3.2 Éléments Hadamard-inversibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 40 43 48 48 56 4 Quotient de Hadamard 4.1 Rappels et énoncés des résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2 Démonstrations des résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63 64 67 Bibliographie 75 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . iv TABLE DES MATIÈRES Notations Notations A A[x1 . . . , xk ] A[[x1 . . . , xk ]] Alk (A) LM (f ) LM (f ) M Mh (A) Mh,r (A) R Rk (A) Rsk (A) Rrk (A) S(M ) Sk (M ) Sp (M ) SP U (M ) Anneau commutatif unitaire Algèbre des polynômes en les variables commutatives x1 . . . , xk Algèbre des séries formelles en les variables commutatives x1 . . . , xk Algèbre des séries algébriques en les variables commutatives x1 . . . , xk Ensemble des suites sur M annulées par f Ensemble des suites P-récursives sur M annulées par f Un A-module Algèbre des matrices carrées d’ordre h sur A Algèbre des matrices h × r sur A Anneau unitaire (non commutatif) Ensemble des séries rationnelles en k variables surA Ensemble des séries semi-simples en k variables surA Ensemble des séries reconnaissables en k variables surA Ensemble des suites à valeurs dans M Ensemble des suites indexées par Nk à valeurs dans M Ensemble des suites périodiques à valeurs dans M Ensemble des suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux unitaires à valeurs dans M SR(M ) Ensemble des suites récurrentes linéaires à valeurs dans M SRk (M ) Ensemble des k-suites récurrentes linéaires à valeurs dans M La suite (u(dn))n≥0 δd u Ed (u0 , . . . , ud−1 ) Emboı̂tement des suites u0 , . . . , ud−1 M ⊗A N Produit tensoriel sur A des modules M et N f ¯g Produit de Hadamard des séries f et g f ∗g Produit de Cauchy (usuel) des séries f et g u¯v Produit de Hadamard des (multi)-suites u et v τu La suite (nu(n))n≥0 Xu La suite (u(n + 1))n≥0 v vi Introduction vii Introduction Leur âge, leur richesse ainsi que la diversité de leurs champs d’application font des suites récurrentes linéaires un sujet tellement vaste et si riche en résultats qu’il faudrait plusieurs ouvrages, en plus de ceux qui existent déjà, pour faire le tour de toutes leurs propriétés. On trouve dans [9] une très bonne introduction aux suites récurrentes linéaires ainsi qu’une bibliographie qui, jointe à celle qu’on trouve dans [20], intéressera certainement tous ceux qui voudront en savoir plus sur ce passionnant sujet. Notre principal intérêt ici est d’étudier quelques aspects de deux différentes généralisations de la notion de suite récurrente linéaire. La première est celle qui consiste à considérer des suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux (ou suites P -récursives) sur des modules. La seconde généralisation, consiste, partant du constat que les termes d’une suite récurrente linéaire sur un corps sont des coefficients d’une série rationnelle, à étudier les multi-suites formées des coefficients de séries rationnelles en plusieurs variables. La première partie de ce travail (chapitres 1 et 2) est consacrée à l’étude de quelques propriétés algébriques des suites récurrentes linéaires à coefficients constants ou polynomiaux sur les modules sur un anneau commutatif unitaire. La seconde (chapitres 3 et 4) traite des multisuites (k-suites) dont les séries génératrices sont des fractions rationnelles et surtout des multisuites récurrentes linéaires qui constituent un cadre où beaucoup de résultats, connus dans l’étude classique des suites récurrentes linéaires, sont encore valides. Chapitre 1 Soient A un anneau commutatif unitaire, M un A-module et S(M ) le A-module des suites sur M , c’est-à-dire le A-module des applications de N dans M . Grâce à l’application de décalage (le shift) qui à tout élément (u(n))n∈N de S(M ) associe l’élément (u(n + 1))n∈N , que l’on identifie à la multiplication par l’indéterminée x, on munit de manière standard S(M ) d’une structure de A[x]-module. Ceci permet de définir SR(M ), le A[x]-module des suites récurrentes linéaires comme étant le sous-module du module de torsion de S(M ) formé des éléments dont l’annulateur est un idéal cofini (ou encore un idéal contenant un polynôme de A[x] de coefficient dominant inversible). On trouve dans Kurakin et al ([20]) un bon historique et une étude approfondie des suites récurrentes sur un module. En particulier, étant donné un idéal I de type fini de A[x], les auteurs se posent la question de savoir à quelles conditions le sous-module LM (I) des suites annulées par I n’est pas trivial. Ils donnent une réponse dans le cas où l’anneau A est l’anneau des entiers rationnels. Soit, par exemple, I = < p1 , . . . , pr > où r ∈ N. Pour que LZ (I) soit non trivial, il faut et il suffit que p1 , . . . , pr aient une racine (un entier algébrique) commune dans Q, la clôture algébrique de Q. viii Dans ce chapitre on étend ce résultat aux anneaux de Fatou (ou complètement intégralement clos). L’apport le plus important dans ce chapitre est, cependant, de retrouver certains résultats connus dans le cas où A est un corps commutatif et liés à la stabilité de SR(M ) pour les opérations d’emboı̂tement, de décimation et pour le produit de Hadamard (si on suppose que M est une A-algèbre associative, commutative et unitaire). Soient r un entier naturel positif et C(x) un élément de Mr (A[x]), l’algèbre des matrices d’ordre r à coefficients dans A[x]. En considérant le système C(x)U = V dans S(M r ), on montre que, si le déterminant de C(x) a un coefficient dominant inversible dans A (ce qui se traduit par le fait qu’un déterminant d’une matrice explicite à coefficients dans A est inversible dans A), alors les solutions sont dans SR(M r ). Ce résultat est ensuite appliqué pour prouver, par des méthodes élémentaires, la stabilité de l’ensemble des suites récurrentes linéaires sur un module par décimation, par emboı̂tement et, sur un anneau, pour le produit de Hadamard. On retrouve, par exemple, que certaines suites de vecteurs définies par des récurrences dont les coefficients sont des matrices sont en fait des suites récurrentes linéaires. Dans cette partie on a renoncé, volontairement, à utiliser l’écriture explicite du terme général des suites récurrentes linéaires et ce pour au moins deux raisons. C’est, d’abord, dans l’espoir que les méthodes utilisées pourraient servir à l’étude de suites dont on ne connaı̂t pas l’écriture du terme général, et ensuite, pour la raison, qui du reste implique la première, et qui réside dans la conviction que la récurrence, elle même, (( exprime beaucoup de propriétés de façon bien plus simple qu’une formule opaque )) 1 . Chapitre 2 En pratique, par exemple dans la théorie des codes correcteurs d’erreurs ou la génération de nombres pseudo-aléatoires, on s’intéresse à une classe importante de suites récurrentes linéaires, à savoir la classe des suites périodiques sur un corps commutatif ou encore sur des espaces vectoriels et plus récemment sur des modules. Dans ce chapitre, après une étude sommaire du A[x]-module Sp (M ) des suites périodiques, on s’intéresse aux anneaux (et modules) dans lesquels toute suite récurrente linéaire est périodique. On établit qu’un anneau A dans lequel toute suite récurrente linéaire est périodique est un anneau localement fini, c’est-à-dire que tout sous-anneau de A de type fini sur le sous-anneau engendré par 1 est fini (ou encore dans l’anneau A les éléments réguliers sont des racines de l’unité dans A). Ces anneaux constituent en un sens une généralisation des algèbres associatives localement finies (sur des corps commutatifs). Des exemples de tels anneaux sont fournis par les anneaux finis, les sous-corps de la clôture algébrique d’un corps fini ou des produits finis de ces derniers anneaux. On s’intéresse ensuite au sous-module SP U (M ) de S(M ) formé des suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux unitaires c’est-à-dire, les suites u de M telles que : P0 (n)u(n + h) + · · · + Ph (n)u(n) = 0 ∀n ∈ N, où h est dans N∗ et, pour tout i ∈ {0, . . . , h}, Pi est dans A[x] ; avec, pour tout n ∈ N, l’élément P0 (n) inversible dans A. On montre en particulier que SP U (A) est une A-algèbre pour le produit de Hadamard et que les suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux 1. D. Ferrand dans [16] Introduction ix unitaires sont, sous certaines conditions, périodiques et que le calcul de leur période se ramène au calcul de la période d’une suite récurrente linéaire. Chapitre 3 Dans ce chapitre on se place, pour k dans N∗ , dans Sk (M ), le A-module des multi-suites à valeurs dans M et on présente quelques concepts fondamentaux et résultats de base des k-suites récurrentes linéaires. Ce sont les suites indexées par Nk et dont l’annulateur dans A[x1 , . . . , xk ] contient des polynômes unitaires de la forme q1 (x1 ), . . . , qk (xk ). On étudie, là encore sans recourir à la formule explicite du terme géneral, les propriétés liées au produit de Hadamard, à l’emboı̂tement et à l’opération inverse et on retrouve des résultats concernant les périodes de ces suites. On montre, en particulier, que les valeurs des k-suites récurrentes linéaires sont grosso-modo les valeurs prises par les itérés d’endomorphismes de modules et qu’une k-suite u de S(A) est linéaire si et seulement si elle vérifie : X u(n1 , . . . , nk ) = vi1 (n1 ) · · · vik (nk ), ∀(n1 , . . . , nk ) ∈ Nk , (i1 ,...,ik )∈F où F est un sous-ensemble fini de Nk . Dans une seconde partie de ce chapitre, on s’intéresse d’abord aux séries génératrices des suites de Sk (A) et surtout aux séries rationnelles et on établit la correspondance entre k-suites récurrentes linéaires et séries reconnaissables. Ensuite, dans le cas où A est un corps commutatif, on montre que les éléments Hadamard-inversibles de l’algèbre des séries reconnaissables sont les emboı̂tements de séries super-géométriques. Ce qui se traduit sur les k-suites récurrentes linéaires par : une k-suite récurrente linéaire u est Hadamard-inversible si et seulement si il existe d dans N∗ et une extension algébrique L de A tels que u(dn1 + i1 , . . . , dnk + ik ) = ci1 ,...,ik αin11 · · · αinkk , où ∀(i1 , . . . , ik ) ∈ Nk , ci1 ,...,ik ∈ L∗ ∀(n1 , . . . , nk ) ∈ Nk , et (αin11 . . . αinkk ) ∈ L∗k . Chapitre 4 Le dernier chapitre a pour objet l’étude du problème du quotient de Hadamard. Soient K un corps commutatif de caractéristique nulle et B un sous-anneau de K de type fini sur Z. Soient f et g deux séries rationnelles à k variables sur K (k ∈ N∗ ). On suppose que les coefficients du quotient de Hadamard h de f et g sont dans B. La série h est-elle alors rationnelle? Dans le cas d’une variable, le théorème de van der Poorten fournit une réponse affirmative à cette question (voir [34]). Si k > 1 on donne suivant une idée de J.-P. Bézivin, des réponses à cette question dans les cas suivants : – la série f est rationnelle et la série g est une série (reconnaissable) dont les coefficients sont des produits de suites récurrentes linéaires, – la série f est reconnaissable et g est une série reconnaissable dont les coefficients sont les valeurs sur Nk d’un polynôme. x On généralise également, au cas de plusieurs variables, le théorème de Bézivin de la version approchée de la conjecture de Pisot ([5]) : si les coefficients de la série h sont décomposés en une somme d’éléments entiers et d’éléments dont la croissance est géométrique, alors la série dont les coefficients sont entiers est rationnelle. Note.— La dernière partie du deuxième chapitre et le dernier chapitre ont déjà été publiés, voir [22] et [23]. 1 Chapitre 1 Suites récurrentes linéaires sur un module et systèmes récursifs Après la définition et l’étude de certaines propriétés algébriques des suites récurrentes linéaires sur des anneaux commutatifs, nous démontrons, dans une première partie de ce chapitre, des résultats qui généralisent ceux plus connus dans le cas de corps commutatifs. Nous caractérisons, en particulier, les suites récurrentes linéaires sur un module en termes d’endomorphisme de modules (proposition 1.2.1 et son corollaire) et nous généralisons un résultat concernant les familles de suites récurrentes linéaires sur Z aux anneaux de Fatou (proposition 1.3.4). Il s’agit de savoir à quelle condition l’ensemble des suites annulées par un idéal de type fini de l’algèbre des polynômes est non trivial. Dans la seconde partie du chapitre, nous nous intéressons aux systèmes récursifs que nous appliquerons pour démontrer des propriétés de stabilité. Nous généralisons, dans le théorème 1.4.1 et son corollaire 1.4.1, les résultats obtenus, dans le cas particulier où l’anneau de base est R, par B. Zay dans [36] au cas d’un anneau commutatif unitaire et à des systèmes non homogènes. Ces résultats sont ensuite appliqués pour retrouver, sans passer par l’algèbre universelle d’un polynôme et sans utiliser le produit tensoriel, la stabilité du module des suites récurrentes linéaires sur un module par décimation et emboı̂tement (voir la proposition 1.6.2 et le corollaire 1.6.1). Nous retrouvons, également, dans le théorème 1.5.1, le résultat obtenu dans [11] et qui établit la stabilité, pour le produit de Hadamard, de l’ensemble des suites récurrentes linéaires, sur un anneau commutatif unitaire. 2 1.1 Chapitre 1. Suites récurrentes linéaires sur un module et systèmes récursifs Définitions et exemples Dans ce chapitre, on notera A un anneau commutatif unitaire d’élément neutre 1. Son groupe des éléments inversibles sera noté U (A) et M désignera un module sur A. On notera S(M ) l’ensemble des suites à valeurs dans M . Un élément u de S(M ) sera noté (u(n))n≥0 . On par P, l’algèbre A[X] des polynômes à coefficients dans A. Pour d ∈ N, p(X) = Pd désignera i u = (u(n)) ∈ S, et pour tout n ∈ N, on pose i=0 pi X ∈ P , (p(X)u)(n) = d X pi u(n + i). i=0 Muni de l’addition usuelle des suites et de cette multiplication par les scalaires, notée pu, S(M ) a alors une structure de P-module qui prolonge celle de A-module. Soit u ∈ S(M ). On désigne par Iu l’idéal annulateur de u dans P. i.e., Iu = {p ∈ P ; pu = 0}. Définitions Soit u ∈ S(M ). On dit que u est une suite récurrente linéaire (sur M ) si Iu contient un polynôme unitaire. L’idéal Iu est alors appelé idéal caractéristique de u et les polynômes unitaires de Iu des polynômes caractéristiques de u. Un polynôme caractéritique de degré minimal d est appelé polynôme minimal de u. On dit alors que la suite u est de longueur (ou d’ordre) d. Notation L’ensemble des suites récurrentes linéaires sur M sera noté SR(M ). Proposition 1.1.1 ([20]) Soient A un anneau commutatif unitaire et M un A-module. a) L’ensemble SR(M ) des suites récurrentes linéaires sur M est un P-module. b) Soit u ∈ S(M ). Pour que u soit une suite récurrente linéaire il faut et il suffit que son annulateur Iu dans P soit cofini (ou encore que le A-module Pu soit de type fini). Preuve Le a) est évident. Montrons le b). Soit u = (un )n≥0 une suite à valeurs dans M . Si la suite u est récurrente linéaire alors l’idéal Iu est cofini : le quotient de P par Iu est un A-module de type fini. En effet, si Iu contient par exemple le polynôme p(X) = X h + ah−1 X h−1 + · · · + ah de P, alors le module quotient P/Iu est une image homomorphe de P/pP qui est un A-module de type fini. Inversement, si Iu est cofini alors la suite u est une suite récurrente linéaire. En effet, supposons que P/Iu soit engendré par g1 + Iu , . . . , gs + Iu où s ∈ N et g1 , . . . , gs sont dans P. Soit 1.1. Définitions et exemples 3 d = max1≤s deg(gi ). la famille (X i + Iu )0≤i≤d est alors une famille génératrice de P/Iu et par conséquent, pour n ≥ d, il existe a0 , . . . , ad dans A tels que : X + Iu = n d X aj (X j + Iu ). j=0 Ce qui signifie que le polynôme unitaire X n − Pd j=0 aj X j est dans Iu . 2 Remarques 1. Dans la définition d’une suite récurrente linéaire sur M , on peut remplacer, sans perte de généralité, polynôme unitaire par polynôme ayant un coefficient dominant inversible dans A. La proposition précédente est une traduction du fait qu’un idéal de P est cofini si et seulement s’il contient un polynôme unitaire ou, ce qui revient au même, un polynôme dont le coefficient dominant est inversible. 2- Si on suppose que A est un corps et que M = A, on retrouve la définition classique des suites récurrentes linéaires sur des corps commutatifs (voir [21] ou [9]). 3- Contrairement au cas où A est un corps, une suite récurrente linéaire sur M peut posséder plusieurs polynômes minimaux unitaires. Soit A un anneau commutatif unitaire dans lequel on peut trouver un élément idempotent a différent de 1. La suite u de S(A) donnée par : u(n) = a, ∀n ∈ N a pour polynômes minimaux X − 1 et X − a. 4- La multiplication par X n’est autre que l’opération de décalage (le shift) qui à la suite u(n)n≥0 associe la suite u(n + 1)n≥0 . Dire que u est une suite récurrente linéaire de polynôme minimal p(X) = X h − a1 X h−1 − · · · − ah ∈ P, revient à dire que la suite u est définie par ses premiers termes u0 , . . . , uh−1 et la relation u(n + h) = a1 u(n + h − 1) + · · · + ah u(n), ∀n ∈ N. (1.1) Exemples 1- La suite récurrente la plus célèbre et sans doute la plus ancienne est la suite de Fibonacci. Elle est à valeurs dans Z et est définie par : u(0) = 0 u(1) = 1 et u(n + 2) = u(n + 1) + u(n) ∀n ∈ N. Le polynôme minimal de u dans Z[X] est le polynôme X 2 − X − 1. 2- La suite congruente (en anglais, congruent sequence) utilisée dans la génération de nombres pseudo-aléatoires à cause de ses bonnes propriétés de distribution est une suite récurrente linéaire. On peut la définir sur un A-module quelconque M par : ∀n ∈ N, u(n + 1) = au(n) + x où (u(0), x) ∈ M 2 , et a ∈ A. 4 Chapitre 1. Suites récurrentes linéaires sur un module et systèmes récursifs Le polynôme (X − 1)(X − a) est un polynôme caractéristique de u Les suites (( arithmétiques )) et (( géométriques )) sur M sont obtenues à partir de la suite u en prenant respectivement a = 1 et x = 0. En pratique on prend pour M des produits de Z/lZ où l ∈ N (voir par exemple [25]), ce qui explique l’appellation de ces suites. 3- Soient M un A-module de type fini, φ un endomorphisme de M (φ ∈ EndA (M )) et x un élément arbitraire de M . Soit u = (u(n))n≥0 l’élément de S(M ) défini par : u(0) = x et u(n + 1) = φ(u(n)) ∀n ≥ 0. La suite u est une suite récurrente linéaire sur M . En effet, comme M est de type fini, φ vérifie, une équation de la forme : φh − a1 φh−1 − · · · − ah où h ∈ N et (a1 , . . . , ah ) ∈ Ah (voir par exemple [2]). Ce qui montre que le polynôme X h − a1 X h−1 − · · · − ah de A[X] est un polynôme caractéristique de u. 4. Soit A un anneau commutatif unitaire. Soit s ∈ N, p1 (X), . . . , ps (X) des polynômes sur A et soit α1 , . . . , αs des éléments de A. Pour n ∈ Z, on identifie n et n · 1 et on considère dans S(A) la suite V = (vn )n∈N donnée par : vn = s X pi (n)αin , ∀n ∈ N. i=1 On sait que la suite V est une suite récurrente linéaire sur A, si A est un corps (voir [9]). En fait, même si A n’est pas un corps, c’est encore une suite récurrente linéaire sur A (considéré comme A-module) au sens de la définition ci-dessus. En effet, comme l’ensemble des suites récurrentes linéaires sur A est un A-module, pour montrer que V est une suite récurrente linéaire, il suffit de le faire pour la suite V telle que vn = nk αn , ∀n ∈ N. Or cette suite est une suite récurrente linéaire de polynôme caractéristique (X − α)k+1 . 5- Le A-module des suites récurrente linéaires sur M est un sous-module de TorsP (S(M )), le sous P-module de torsion du P-module S(M ). Il est en général, contrairement au cas où A est un corps, strictement contenu dans celui ci. Pour s’en convaincre, il suffit de prendre A = Z, M le quotient de Z[Xi , i ∈ N] par l’idéal J =< 2Xi+1 − Xi , i ∈ N > et u = (u(n))n∈N où, pour tout n dans N, u(n) désigne la classe de Xn modulo J. On a alors u ∈ TorsZ[X] (S(M )) car AnnZ[X] (u) = (2X − 1)Z[X] mais u n’est pas une suite récurrente linéaire (u ∈ / SR(M )). 1.2 Résultats préliminaires L’exemple 3 ci-dessus est un cas particulier du résultat suivant qui montre qu’en fait les suites récurrentes linéaires sur un module sont grosso-modo les valeurs prises par les itérés d’endomorphismes de modules de type fini. Commençons d’abord par la 1.2. Résultats préliminaires 5 Remarque 1.2.1 Soit u = (u(n))n≥0 un élément de SR(M ) de polynôme caractéristique p(X) = X h − a1 X h−1 − · · · − ah ∈ P. La suite u est en fait à valeurs dans un A-module M0 de type fini sur A. En effet, grâce à l’égalité 1.1 on voit que, pour tout n dans N, u(n) ∈ M0 = Au(0) + · · · + Au(h − 1). Plus précisemment, soit B le sous anneau de A engendré par les coefficients de p(X). On a alors u(n) ∈ Bu(0) + · · · + Bu(h − 1) ∀n ∈ N. En fait, si m désigne la caractéristique de A alors B = Z/mZ[a1 , . . . , ah ] et les valeurs de la suite u sont bien evidemment dans un B-module de type fini. Par exemple les valeurs d’une suite récurrente linéaire sur un corps commutatif K de caractéristique nulle (donc contenant une copie de Z) sont dans un sous-anneau de K, de type fini sur Z. La réciproque n’est pas vraie comme on le voit sur l’exemple de la suite suivante qui n’est pas récurrente linéaire : 0, 1, 0, 0, 1, 0, 0, 0, 1, 0, 0, 0, 0, 1, 0, . . . . Proposition 1.2.1 Soient A un anneau commutatif unitaire, M un A-module et u un élément de S(M ). Les assertions suivantes sont équivalentes : i) u ∈ SR(M ), ii) il existe un A-module M̄ , un endomorphisme φ de M̄ , un élément v0 de M̄ et ψ un morphisme de A-modules de M̄ dans M tels que : u(n) = ψ(φn (v0 )) ∀n ∈ N. Preuve 1. Soient u ∈ S(M ), p(X) = X h − a1 X h−1 − · · · − ah ∈ P un polynôme caractéristique de u et M0 le A-module Au(0) + · · · + Au(h − 1). On prendra pour M̄ le A-module M0h et pour φ l’endomorphisme de M̄ défini par : φ(x1 , . . . , xh ) = (x2 , x3 , . . . , h X ai xh+1−i ), ∀(x1 , . . . , xh ) ∈ M̄ . i=1 Pour v0 = (u0 , . . . , uh−1 ) et ψ la dernière projection de M̄ sur M0 , on vérifie qu’on a bien : u(n) = ψ(φn (v0 )), ∀n ∈ N. 2. Inversement, on sait d’après l’exemple 3 ci-dessus que la suite (φn (v0 ))n≥0 est dans SR(M̄ ). Il s’ensuit, grâce à la linéarité de ψ que u est dans SR(M ). 2 Remarque Si le polynôme caractéristique de la suite u a un coefficient constant qui est un élément inversible de A alors l’application φ est en fait un isomorphisme de M̄ dans M̄ . 6 Chapitre 1. Suites récurrentes linéaires sur un module et systèmes récursifs Corollaire 1.2.1 Soit A un anneau commutatif unitaire. La donnée d’une suite récurrente linéaire u sur A est équivalente à la donnée d’un entier positif h, d’une matrice Q dans Mh (A), d’un vecteur colonne v0 dans Mh,1 (A), d’un vecteur ligne α ∈ M1,h tels que : u(n) = αQn v0 , ∀n ∈ N. Preuve C’est une simple traduction matricielle de la proposition précédente. Si la suite (u(n))n≥0 est une suite récurrente linéaire sur A de polynôme caractéristique p(X) = X h − a1 X h−1 − · · · − ah alors la matrice Q n’est autre que la matrice compagnon de p(X) (ou de u) : 0 1 ... 0 .. .. . . . .. . . Q= . ; 0 0 ... 1 ah ah−1 . . . a1 le vecteur v0 est le vecteur initial, c’est-à-dire le transposé du vecteur (u0 , . . . , uh−1 ) et α = (1, 0, . . . , 0). Inversement, si u est une suite sur A vérifiant l’égalité ci-dessus alors le polynôme caractéristique de Q est un polynôme caractéristique de u. 2 Remarque Si on suppose que A est un corps on retrouve ainsi la proposition 1.1 obtenue par G. Hansel ([17]) dans la cas de suites récurrentes sur un corps commutatif. Corollaire 1.2.2 Soient A un anneau commutatif unitaire, M un A-module, r un entier positif et V = (u1 , . . . , ur ) un élément du P-module S(M )r . On suppose qu’il existe une matrice Q dans Mr (A) telle que XV = QV . Alors les suites u1 , . . . , ur sont des suites récurrentes linéaires sur M de polynôme caractéristique det(XI − Q). Preuve Elle provient de l’égalité V (n + 1) = QV (n), ∀n ∈ N et de la proposition ci-dessus. 2 Remarque Ce corollaire est un cas particulier du théorème 1.4.1 sur les systèmes récursifs (voir section suivante). 1.3 Familles de suites et anneaux de Fatou Soit P un sous-ensemble non vide de P. On désigne par LM (P ) le sous ensemble de S(M ) formé par toutes les suites annulées par P : LM (P ) = {u ∈ S(M ) ; pu = 0, ∀p ∈ P }. 1.3. Familles de suites et anneaux de Fatou 7 Proposition 1.3.1 ([20]) Soient A un anneau commutatif unitaire, M un A-module et P un sous-ensemble non vide de P. Alors, LM (P ) est un sous-module du P-module S(M ). De plus si l’idéal < P > engendré par P dans P est cofini alors LM (P ) ⊂ SR(M ). Inversement, si LM (P ) ⊂ SR(M ) alors < P > est contenu dans un idéal cofini. Preuve Comme LM (P ) = LM (< P >) on peut supposer que P est un idéal de P. 1. Il est facile de vérifier qu’un polynôme caractéristique d’une combinaison P-linéaire de deux suites sur M est le produit des deux polynômes caractéristiques. 2. Supposons P cofini et soit p un polynôme unitaire dans P . Soit u un élément de LM (P ). On alors pu = 0 ou encore u ∈ SR(M ). Inversement, supposons que LM (P ) ⊂ SR(M ) et montrons que P est contenu dans un idéal cofini. Soit p ∈ P et u ∈ S(M ) tel que pu = 0. Comme u ∈ SR(M ), soit pu un polynôme minimal de u. La division euclidienne de p par pu montre que pu divise p. Donc P est contenu dans l’idéal engendré par des polynômes minimaux des éléments de LM (P ). 2 Remarques 1. On peut avoir LM (P ) ⊂ SR(M ) sans que l’idéal < P > soit cofini comme c’est affirmé dans [20]. Soit A = M = Z. Considérons l’idéal P de Z[X] engendré par 2X. On a LZ (I) = {(α, 0, 0, . . .) / α ∈ Z} = LZ (J) où J est l’idéal XZ[X]. On a bien LZ (J) ⊂ SR(Z) et I non cofini. 2. Soient A un anneau commutatif unitaire, M un A-module et P un sous-ensemble non vide de P. Le sous-module LM (P ) de S(M ) peut être réduit à zéro. On a par exemple LZ (< 2X − 1 >) = {0}. On sait que sur un corps commutatif K tout sous-espace vectoriel de S(K) de dimension finie et stable par l’opération de décalage est formé de suites récurrentes linéaires sur K. Le résultat suivant (qu’on trouve également dans [20]) en est une généralisation au cas de suites sur des modules. Proposition 1.3.2 Soient A un anneau commutatif unitaire, M un A-module et E un sousmodule du P-module S(M ). Si on suppose que E est un A-module de type fini alors E est contenu dans SR(M ). Preuve Soit r ∈ N et E = Au1 + · · · + Aur . Comme E est un P-module Xui ∈ E pour tout i dans {1, . . . , r} et donc il existe une matrice carrée Q dans Mr (A) telle que : u1 u1 X ... = Q ... . ur ur 8 Chapitre 1. Suites récurrentes linéaires sur un module et systèmes récursifs Le résultat est donc une conséquence du corollaire 1.2.2. 2 Nous aurons besoin dans la suite de la proposition suivante. Proposition 1.3.3 Soient A un anneau commutatif unitaire, M un A-module, h un entier positif et f un polynôme unitaire de degré h dans P. Soit u ∈ LM (f ). On a : la suite u est complètement déterminée par son vecteur initial (u(0), . . . , u(h − 1)) ; 1. les suites u1 , . . . , ur engendrent le A-module LM (f ) si et seulement si les vecteurs initiaux des suites u1 , . . . , ur engendrent le A-module M h ; 2. si le A-module M est de type fini alors LM (f ) l’est aussi ; 3. le A-module LA (f ) est un P-module cyclique. Preuve Elle est basée sur l’isomorphisme de A-modules entre LM (f ) et M h et qui à toute suite dans LM (f ) associe son vecteur initial. Le générateur du P-module LA (f ) est la suite basique (ou réponse impulsionnelle) sf ∈ LA (f ) dont le vecteur initial est (0, 0, . . . , 1). On trouvera dans [16] une preuve de ces résultats et dans [20] une généralisation du point 4 au cas de LM (f ).2 Soit I un idéal non nul de P. On sait, comme le montre la remarque 2 ci-dessus, que LM (I) peut être nul. À quelles conditions ce sous module de S(M ) n’est pas trivial? On trouve dans [20] une réponse à cette question dans le cas où A = M = Z. L’objet de la proposition (1.3.4) qui suit est de généraliser ce résultat aux anneaux de Fatou. Définition 1.3.1 Soit A un anneau commutatif unitaire intègre de corps des fractions K. On dit que A est un anneau de Fatou lorsque la propriété suivante est satisfaite : si une u suite d’éléments de A vérifie une récurrence du type u(n + h) + a1 u(n + h − 1) + · · · + ah u(n) = 0, ∀n ∈ N où les coefficients a1 , . . . ah sont dans K et où l’ordre h de la récurrence est minimal alors a1 , . . . ah sont dans A. Avec nos notations, un anneau A commutatif unitaire intègre de corps des fractions K est un anneau de Fatou si la propriété suivante est vérifiée : si une suite u ∈ S(A) a pour polynôme minimal p dans K[X] alors p ∈ A[X]. On encore, si u ∈ S(A) et u ∈ SR(K) alors u ∈ SR(A). Définition 1.3.2 Soit A un anneau commutatif unitaire intègre de corps des fractions K. On dit que A est un anneau complètement intégralement clos si la condition suivante est vérifiée : si x ∈ K, d ∈ A \ {0} et ∀n ∈ N, dxn ∈ A alors x ∈ A. On trouvera dans [13] la preuve du théorème suivant ainsi qu’une bibliographie concernant les anneaux de Fatou et leur passionnante histoire : Théorème 1.3.1 Les anneaux de Fatou sont les anneaux complètement intégralement clos. 1.4. Systèmes récursifs 9 Revenons maintenant à nos familles de suites. On a la Proposition 1.3.4 Soient A un anneau de Fatou de corps des fractions K, r un entier positif et I =< f1 , . . . , ft > un idéal de type fini de A[X]. Les assertions suivantes sont équivalentes : i) le A-module LA (I) est non trivial ; ii) les polynômes f1 , . . . , ft ont une racine entière (algébrique) commune dans une clôture algébrique K̄ de K. Soient α1 , . . . , αr les racines entières communes de f1 , . . . , ft . Soit, pour j ∈ {1, . . . , t}, fj (X) = (X − α1 )sj1 · · · (X − αr )sjr gj (X) dans K̄[X] où sji ∈ N∗ ∀i ∈ {1, . . . , r}. Alors LA (I) = LA (f ) où f (X) = (X − α1 )s1 · · · (X − αr )sr dans K̄[X] avec si = min1≤j≤t (sji ), ∀i ∈ {1, . . . , r}. Preuve Montrons que i) implique ii). Supposons que LA (I) est non nul. Il existe donc une suite u non nulle dans S(A) telle que fi u = 0 pour tout i dans {1, . . . , t}. Comme K[X] est principal, il existe un polynôme unitaire f ∈ I, de degré minimal k dans K[X] tel que : I = f K[X]. On donc f u = 0 et f divise fi dans K[X], pour tout i dans {1, . . . , t}. Or A est un anneau de Fatou, donc, pour tout i dans {1, . . . , t}, f ∈ A[X] et par suite f divise fi dans A[X]. Il s’ensuit que I = f A[X]. En fait f peut être obtenu comme polynôme caractéristique d’une matrice que nous allons expliciter. Soit U1 , . . . , Uk une base du A-module LA (I) et V le vecteur transposé de (U1 , . . . , Uk ). Il existe alors une matrice Q dans Mk (A) telle que XV = QV . On en déduit, d’après le corollaire (1.2.2), que les suites U1 , . . . , Uk sont annulées par le polynôme caractéristique q(X) de la matrice Q. La famille des suites U1 , . . . , Uk étant génératrice on voit que LA (I) ⊂ LA (q). Par conséquent f divise q, mais comme ils ont même degré ils sont égaux. Ce qui achève la première partie de la proposition. La seconde découle de la décomposition de f dans K̄[X]. La réciproque est immédiate. 2 1.4 Systèmes récursifs Soit r ∈ N∗ , I = {1, . . . , r} et m1 , . . . , mr des entiers rationnels strictement positifs. Soit uj = (ujn )n≥0 , (j ∈ I), une famille de suites de nombres réels de termes initiaux uj0 , . . . , ujmj −1 , (j ∈ I). Soit ci,j,l ( (i, j) ∈ I 2 ; 0 ≤ l ≤ mj ) des nombres réels. On suppose que les suites 10 Chapitre 1. Suites récurrentes linéaires sur un module et systèmes récursifs u1 , . . . , ur vérifient le système d’équations : m1 mr X X 1 c1,1,l un+l + · · · + c1,r,l urn+l = 0, l=0 l=0 m1 mr X X 1 c2,1,l un+l + · · · + c2,r,l urn+l = 0, l=0 l=0 .. .. .. . . . m m r 1 X X cr,1,l u1n+l + · · · + cr,r,l urn+l = 0, l=0 (1.2) l=0 pour tout n ∈ N et que det ¡¡ ci,j,mj ¢¢ 1≤i,j≤r 6= 0 . (1.3) Dans [36], en réponse à une question de V. E. Hoggat, Jr. (voir [18]), B. Zay démontre que les suites u1 , . . . , ur sont des suites récurrentes linéaires réelles et ont toutes le même polynôme caractéristique. Nous nous proposons, dans cette section, d’étendre son résultat à des systèmes récursifs (homogènes ou non) sur des modules sur des anneaux commutatifs. On appliquera le théorème principal pour retrouver, dans les deux sections suivantes, des résultats concernant les suites récurrentes linéaires sur des algèbres. Mais auparavant, signalons que, sur un corps commutatif K, le passage des suites à leurs séries génératrices permet de donner une autre démonstration du résultat de B. Zay. Rappelons (voir par exemple [21]) que si u = (un )n≥0 est un élément de K N et si u(X) est sa série génératrice dans K[[X]], alors pour l ∈ N∗ , la série génératrice V (X) de la suite V = (un+l )n≥0 , translatée de u, est donnée par : l−1 X l X V (X) = u(X) − ui X i . 1 i=0 r En injectant toutes les séries génératrices de u , . . . , u et de leurs translatées dans le système 1.2 on obtient un système linéaire de r équations à coefficients dans K[X]. Les solutions de ce système sont alors des fractions rationnelles. Ce qui signifie que les suites u1 , . . . , ur sont des suites récurrentes linéaires. Soit donc A un anneau commutatif unitaire et M un A-module. On garde les mêmes notations que ci-dessus et on cherche à déterminer les suites u1 , . . . , ur de M dont les termes initiaux uj0 , . . . , ujmj −1 ( j ∈ I), sont dans M et qui satisfont à : 1 r C11 (X)u + · · · +C1r (X)u = 0, .. .. (1.4) . . C (X)u1 + · · · +C (X)ur = 0, r1 rr où Cij (X) = mj X l=0 ci,j,l X l ∈ P, ∀(i, j) ∈ I 2 . (1.5) 1.4. Systèmes récursifs 11 On supposera, en outre, que det ¡¡ ci,j,mj ¢¢ 1≤i,j≤r ∈ U (A). (1.6) Le résultat de B. Zay, obtenu dans [36], est alors un cas particulier du Théorème 1.4.1 Pour toute famille uj0 , . . . , ujmj −1 , ( j ∈ I) d’éléments de M , le système 1.4 r possède une unique solution u1 , . . . , uP où u1 , . . . , ur sont des suites récurrentes linéaires sur M de longueur inférieure ou égale à rj=1 mj . Preuve L’existence et l’unicité d’une solution du système 1.4 est assurée par la condition 1.6. Montrons que les solutions sont des suites récurrentes linéaires. Posons C(X) = (Cij (X))1≤i,j≤r . C’est un élément de Mr (P). Soit u1 V = ... . ur Le système 1.4 est équivalent à : C(X)V = 0. L’anneau P étant commutatif, la matrice C(X) est alors, d’après le théorème de CayleyHamilton ([7]) , racine de son polynôme caractéristique, P (Y ) = Y r + ar−1 (X)Y r−1 + · · · + a0 (X) ∈ Mr (P)[Y ]. On a donc P (C(X))V = 0 et C(X)V = 0. Par conséquent a0 (X)ui = 0 ∀i ∈ I. Remarquons que le déterminant de C(X) est, au signe près, le polynôme a0 (X). Ce dernier a un coefficient dominant inversible dans A. En effet, si X det(C(X)) = ²σ C1σ(1) (X) · · · Crσ(r) (X), σ∈Sr le coefficient dominant de ce déterminant est donné par : X ²σ C1σ(1)mσ(1) · · · Crσ(r)mσ(r) = det(Cijmj ) ∈ U (A). σ∈Sr On a montré ainsi,Pque pour tout i ∈ I, l’idéal Iui contient un polynôme unitaire de degré inférieur ou égal à rj=1 mj . Ce qui achève la démonstration du théorème. 2 12 Chapitre 1. Suites récurrentes linéaires sur un module et systèmes récursifs Remarques 1. Si A[X] est principal (c’est-à-dire si A est un corps), on peut arriver au même résultat en utilisant la méthode des facteurs invariants. La matrice C(X) est équivalente à une matrice diagonale, disons D(X) = diag(D1 (X), . . . , Dr (X)) où Di (X) divise Di+1 (X) pour tout i ∈ {1, . . . , r − 1}. Dans ce cas, le polynôme Dr (X) est un polynôme caractéristique des suites u1 , . . . , ur . 2. Soit M2 = M N l’ensemble des 2-suites sur le A-module M . Comme dans le cas des suites sur M , M2 est muni canoniquement d’une structure de A[X, Y ]-module. Pour d ∈ N, X pij X i Y j ∈ A[X, Y ], u = (umn )(m,n)∈N2 et p(X, Y ) = 2 0≤i,j≤d on pose (p(X, Y )u)mn = X pij um+i,n+j ∀(m, n) ∈ N2 . 0≤i,j≤d Soit C(X, Y ) une matrice d’ordre r et à coefficients dans A[X, Y ]. Si on suppose que le système C(X, Y )u = 0 possède des solutions u1 , . . . , ur dans M2 , alors, en remplaçant dans la preuve du thórème A[X] par A[X, Y ], on voit que ces solutions sont toutes annulées par un même polynôme dans A[X, Y ]. Le résultat reste également valable si on considère des k-suites, c’est-à-dire des éléments du k A-module M N , pour k dans N∗ (voir le chapitre 3). Corollaire 1.4.1 [Cas non homogène] On utilise les mêmes hypothèses et notations que cidessus. Soient C(X) dans Mr (P), W 1 , . . . , W r des suites récurrentes linéaires sur M et W le vecteur transposé de (W 1 , . . . , W r ). On suppose que la matrice C(X) vérifie la condition 1.6. Alors le système C(X)u = W (1.7) possède une unique solution u = (u1 , . . . , ur ) où les suites u1 , . . . , ur sont des suites récurrentes linéaires sur M ayant même polynôme caractéristique. Preuve Soit, comme ci-dessus, P (Y ) = Y r + ar−1 (X)Y r−1 + · · · + a0 (X) ∈ Mr (P)[Y ] le polynôme caractéristique de C(X). On a C(X)r u + ar−1 (X)C(X)r−1 u + · · · + a0 (X)u = 0. (1.8) Or C(X)u = W , donc C(X)r−1 W + ar−1 (X)C(X)r−2 W + · · · + a0 (X)u = 0. On pose pour tout i dans {1, . . . , r}, Wi = ai (X)C(X)i−1 W avec ar (X) = 1. (1.9) 1.4. Systèmes récursifs 13 Comme les suites récurrentes linéaires sur M forment un P-module, les suites Wi , pour i ∈ {1, . . . , r}, sont des suites récurrentes linéaires sur M r dont un polynôme caractéristique, disons Q(X), est le produit des polynômes caractéristiques des suites (W 1 , . . . , W r ) (voir remarques du paragraphe précédent). On pose Λ = W1 + · · · + Wr . C’est encore une suite récurrente linéaire sur M r de polynôme caractéristique Q(X). L’égalité 1.9 s’écrit alors a0 (X)u = −Λ ; ou encore : µ ¶µ ¶ µ ¶ a0 (X) 1 u 0 = . 0 Q(X) Λ 0 Ce qui permet, grâce au théorème, de voir que les composantes de u et de Λ sont des suites récurrentes linéaires sur M de polynôme caractéristique Q(X)a0 (X). 2 Remarques 1. Soit G le monoı̈de des matrices de Mr (A[X]) dont le déterminant a un coefficient dominant inversible dans A. Le corollaire ci-dessus signifie que, pour tout g dans G et toute suite récurrente linéaire W d’éléments de M r , il existe une suite récurrente linéaire u d’éléments de M r telle que gu = W . Autrement dit le module des suites récurrentes linéaires sur M r est (( G-divisible )). On retrouve ainsi le lemme 1 de [31] qui assure que, si A est un corps et r = 1 alors le A[X]-module des suites récurrentes linéaires d’éléments de A est divisible. 2. Soit R = Mr (A[X]) et Sr = (M r )N . Pour u = (u1 , . . . , ur ) dans Sr et C(X) = (Cij (X))1≤i,j≤r , on pose C(X)u = à r X j=1 C1j (X)uj , . . . , r X ! Crj (X)uj . j=1 Muni de l’addition usuelle des suites et de ce produit Sr est alors un R-module à gauche. Soit u dans Sr . La preuve du théorème ci-dessus montre que si l’idéal à gauche AnnR (u) contient une matrice C(X) alors il contient (det C(X))Ir , où Ir désigne la matrice identité d’ordre r. En particulier si C(X) a un déterminant ayant un coefficient dominant inversible dans A alors u est une suite de M r récurrente linéaire. Exemples Soit A un anneau commutatif unitaire et comme ci-dessus soit M un A-module et S(M ) l’ensemble des suites sur M . Exemple 1 Soit r ∈ N∗ et (u1n , . . . , urn ) ∈ S(M )r . Désignons, pour k ∈ N∗ , par Ck = (ckij )1≤i,j≤r une matrice d’ordre r à coefficients dans A. Soit, pour n ∈ N, Wn le vecteur de M r , transposé du vecteur (u1n , . . . , urn ). On suppose qu’il existe h ∈ N∗ tel que la suite (Wn )n≥ 0 vérifie : ∀n ∈ N Wn+h = C1 Wn+h−1 + · · · + Ch Wn , 14 Chapitre 1. Suites récurrentes linéaires sur un module et systèmes récursifs Les suites (ujn )n≥ 0 , pour j ∈ {1, . . . , r}, sont alors des suites récurrentes linéaires ayant le même polynôme caractéristique. En effet, la relation ci-dessus est équivalente au système suivant : ukn+h − h X r X k ∈ {1, . . . , r} , cikj ujn+h−i = 0 , i=1 j=1 qui représente un cas particulier du système 1.4. On retrouve ainsi la première proposition de [12]. Les exemples donnés par B. Zay sont des cas particuliers des exemples suivants. Exemple 2 On veut déterminer les suites (un ), (vn ) et (wn ) dans S(M ) dans M et, pour tout n ∈ N, un+1 − un − vn − wn+1 = −un+1 + vn+1 − vn = wn+2 − wn+1 − wn = telles que : u1 , v1 , w1 et w2 soient 0, 0, 0. (1.10) La matrice C(X) associée à ce système est alors X −1 −1 −X ; 0 C(X) = −X X − 1 0 0 X2 − X − 1 la matrice des coefficients dominants est la matrice 1 0 0 −1 1 0 . 0 0 1 Son déterminant est égal à 1. Le système (5) possède donc une solution unique, formée de suites récurrentes linéaires sur M, de polynôme caractéristique det(C(X)) = (X 2 − 3X + 1)(X 2 − X − 1). Exemple 3 Soit A un anneau commutatif unitaire. Soit s ∈ N, p1 (X), . . . , ps (X) des polynômes sur A et soit α1 , . . . , αs des éléments de A. On considère dans S(A) la suite V = (vn )n∈N donnée par : vn = s X pi (n)αin , ∀n ∈ N. i=1 Avec les mêmes notations, soit à déterminer les suites u = (un )n≥0 vérifiant : m X i=0 ai um+i + s X i=1 pi (n)αin = 0, ∀n ∈ N, (1.11) 1.5. Algèbre de Hadamard 15 où m ∈ N, ai ∈ A, ∀i ∈ {1, . . . , m}. La suite V est dans SR(A) (voir la première section). Soit Q(X) un polynôme caractéristique de V . Si on suppose que am est inversible dans A alors, grâce au corollaire 1.4.1, la solution u de l’équation ci-dessus est une suite récurrente linéaire de polynôme caractéristique (a0 + · · · + am X m )Q(X). 1.5 Algèbre de Hadamard On garde les notations des sections précédentes et on suppose de plus que M est une A-algèbre associative, commutative et unitaire. Soient u = (u(n))n≥0 et v = (v(n))n≥0 deux suites à valeurs dans M . Le produit de Hadamard de u et v est la suite w, notée u ¯ v, est donnée par : w(n) = u(n)v(n), ∀n ∈ N. Muni de ce produit, le A-module S(M ) des suites à valeurs dans M est une A-algèbre associative, commutative et unitaire. Qu’en est-il du A-module SR(M ) des suites récurrentes linéaires à valeurs dans M ? Dans le cas où A est un corps et M = A, on savait depuis longtemps que SR(M ) est une sous A-algèbre de S (voir par exemple [21] pour plus de détails). En 1995, U. Cerruti et F. Vaccarino montrent, dans [11], que le résultat est vrai sur tout anneau commutatif unitaire. Dans ce qui suit, nous redémontrons ce résultat, en utilisant le théorème 1.4.1. Théorème 1.5.1 Soient A un anneau commutatif unitaire et M une A-algèbre. Soit u = (u(n))n≥0 et v = (v(n))n≥0 deux suites récurrentes linéaires à valeurs dans M . La suite w = u ¯ v est alors une suite récurrente linéaire. Preuve Quitte à multiplier par une puissance convenable de X, on peut supposer que les polynômes caractéristiques des suites u et v sont de même degré, disons s. Soit p(X) = X s − a1 X s−1 − · · · − as et q(X) = X s − b1 X s−1 − · · · − bs les polynômes caractéristiques des suites u et v respectivement. On a donc, dans les A-modules A[X]u et A[X]v les égalités : X su = s X ai X s−i u et X s v = i=1 s X bi X s−i v i=1 On désignera par J l’ensemble {1, . . . , s − 1}. On pose, pour tout i ∈ J, αi = u ¯ X i v ; βi = X i u ¯ v. (1.12) 16 Chapitre 1. Suites récurrentes linéaires sur un module et systèmes récursifs En utilisant les égalités 1.12, le calcul de la suite X s w et des suites X k βs−k , X k αs−k , pour k ∈ J, donne : s X w s X = ai b i X s−i w + i=1 k k X βs−k = as−k X w + X k αs−k = bs−k X k w + s−1 s−k−1 X X ¡ k=1 j=0 s−k−1 X ¢ as−j bs−k−j X j αk + bs−j as−k−j X j βk , k aj X βs−k−j + j=1 s−k−1 X k X as−k+j X k−j αj , j=1 bj X k αs−k−j + j=1 k X bs−k+j X k−j βj . j=1 Ces égalités s’écrivent : P0,0 w + P0,1 α1 + P1,0 w + P1,1 α1 + .. . ··· ··· +P0,s−1 αs−1 + P0,s β1 + +P1,s−1 αs−1 + P1,s β1 + .. . ··· ··· +P0,2s−2 βs−1 = 0 +P1,2s−2 βs−1 = 0 .. . P2s−2,0 w + P2s−2,1 α1 + · · · +P2s−2,s−1 αs−1 + P2s−2,s β1 + · · · +P2s−2,2s−2 βs−1 = 0 où, si on pose I = {0, . . . , t − 1} et a0 = b0 = 1, les (Pi,j )(i,j)∈I 2 sont des polynômes de A[X] donnés par : a) P0,0 = X − s s X ai bi X s−i ; i=1 b) pour (i, j) ∈ {1, . . . , s − 1} × {0, . . . , s − 2}, P0,j = − s−1 X bk ak+j X s−k−1 , Pi,0 = −bi X s−i , ak bk+j X s−k−1 , Ps+j,0 = −aj X s−j ; k=1 P0,s+j = − s−1 X k=1 c) pour (i, j) ∈ {1, . . . , s − 1}2 et (k, l) ∈ {0, . . . , s − 2}2 , ½ ½ 0 si j > i, 0 si l > k, Pi,j = , Pk+s,l+s = s−i −bi−j X −ak−l X s−k−1 sinon sinon ; d) pour (i, j) ∈ {1, . . . , s − 1}2 et (k, l) ∈ {0, . . . , s − 2} × {1, . . . , s − 1}, 0 si i + j > s − 2, 0 si k + l > s − 1, −bs si i + j = s − 2, −as si k + l = s − 1, Pi+1,j+s = ; Ps+k,l = . s−i−j−2 s−k−l−1 sinon sinon −bi+j+2 X −ak+l+1 X Autrement dit, si W désigne le vecteur transposé du vecteur (w, α1 , . . . , αs−1 , β1 , . . . , βs−1 ) et si on note C(X) la matrice formée des polynômes (Pi,j )(i,j)∈I 2 , on a C(X)W = 0. Comme deg Pi,i = s − i, deg Ps+i,s+i = s − i − 1, ∀(i, j) ∈ {0, . . . , s − 1} × {0, . . . , s − 2} 1.6. Décimation et emboı̂tement de suites 17 et que, pour tout couple (i, j) dans {0, . . . , 2s − 2}2 tel que i 6= j, deg P i, j < deg Pi,i et Pi,i unitaire, on déduit que la matrice des coefficiennts dominants est la matrice identité. Ce qui permet de conclure, grâce au théorème 1.4.1 que le vecteur W est formé de suites récurrentes linéaires.2 Remarque Si on suppose que A est un anneau noethérien, la conclusion du théorème est triviale. En effet, la suite w = u ¯ v est dans le sous module engendré par les X i u ¯ X j v, (i, j) ∈ J 2 et donc le A-module A[X]w est de type fini sur A. La suite w est alors récurrente linéaire d’après la proposition 1.1.1. Exemple Soit à déterminer un polynôme caractéristique de la suite w = (un vn )n≥0 où les suites u et v sont à valeurs dans un anneau commutatif unitaire A et de polynômes caractéristiques respectifs : X 2 − aX − b et X 2 − cX − d. La matrice C(X) du théorème 1.4.1 est donnée par : 2 X − acX − bd −ad −bc −cX −d X . C(X) = −aX X −b Son déterminant, donc un polynôme caractéristique de w, est égal à −X 4 + acX 3 + (2bd + a2 d + c2 b)X 2 + acbdX − b2 d2 . On retrouve ainsi, à un signe près, le même polynôme caractéristique que celui obtenu dans [11]. 1.6 Décimation et emboı̂tement de suites Soit A un anneau commutatif unitaire, M un A-module et S(M ) le A[X]-module des suites à valeurs dans M . Définition 1.6.1 Soit d ∈ N∗ et u = (u(n))n∈N . Les suites uj , pour j ∈ {0, . . . , d − 1}, définies par : ∀n ∈ N, uj (n) = u(nd + j), sont appelées les suites d-extraites (ou d-décimations ou encore sections) de u. Inversement, soit d ∈ N et u, u0 , . . . , ud−1 , (d + 1) suites dans S(M ). On dit que u est un emboı̂tement des suites u0 , . . . , ud−1 si l’égalité suivante est vérifiée : ∀j ∈ {0, . . . , d − 1}, ∀n ∈ N, u(nd + j) = uj (n). 18 Chapitre 1. Suites récurrentes linéaires sur un module et systèmes récursifs Soit d ∈ N et J = {0, . . . , d − 1}. Comme dans la situation classique où M est un corps (pour les anneaux voir [16]), on définit les applications suivantes : δd : S(M ) → S(M ), ∆d : S(M ) → S(M )d , et Ed : S(M )d → S(M ) par : a. ∀u ∈ S(M ), ∀n ∈ N, b. ∀u ∈ S(M ), ¡ δd (u(n)) = u(dn) ; ¢ ∆d u = δd u, δd Xu, . . . , δd X d−1 u ; c. ∀(u0 , . . . , ud−1 ) ∈ S(M )d , ∀j ∈ J, ∀n ∈ N, Ed (u0 , . . . , ud−1 )(dn + j) = uj (n). Ces applications sont des morphismes de A-modules avec ∆d −1 = Ed . Si M est une A-algèbre elles sont alors des morphismes de A-algèbres relativement au produit de Hadamard. On trouve dans [16] plusieurs propriétés de ces opérateurs sur des anneaux commutatifs unitaires. Elles se généralisent sans peine au cas de modules sur des anneaux commutatifs. Proposition 1.6.1 Soient A un anneau commutatif unitaire, M un A-module et d un élément de N∗ . On a alors : a. ∀p ∈ A[X], p(X)δd = δd p(X d ) ; b. ∀(u0 , . . . , ud−1 ) ∈ S(M )d , XEd (u0 , . . . , ud−1 ) = Ed (u1 , . . . , ud−1 , Xu0 ) ; c. ∀(u0 , . . . , ud−1 ) ∈ S(M )d , p(X d )Ed (u0 , . . . , ud−1 ) = Ed (p(X)u0 , . . . , p(X)ud−1 ). Preuve La démonstration de a. et b. est une simple vérification et celle de c. se ramène, grâce à la linéarité de l’opérateur Ed , au cas où p(X) est une puissance de X. Le résultat s’établit ensuite par une simple récurrence et en utilisant b. 2 Corollaire 1.6.1 Soient A un anneau commutatif unitaire, M un A-module et u un élément de S(M ). S’il existe d dans N∗ tel que les suites d extraites de u soient dans SR(M ) alors u est dans SR(M ). Preuve Si u0 , . . . , ud−1 sont des suites d-extraites de u et si p en est un polynôme caractéristique commun alors, d’après la proprité c. de la proposition ci-dessus, le polynôme p(X d ) est un polynôme caractéristique de u. 2 On trouve dans [9] ou bien dans [16] que, si u est dans SR(A) alors, pour tout d ∈ N∗ , les suites d-extraites sont dans SR(A). La preuve de ce résultat utilise la décomposition, en facteurs linéaires, du polynôme caractéristique de u. Nous en proposons ici une démonstration, 1.6. Décimation et emboı̂tement de suites 19 basée sur le théorème 1.4.1, et qui, outre sa simplicité, donne le polynôme caractéristique des d-décimations de façon plus directe et sans passer par le produit tensoriel de matrices et l’écriture explicite du terme général de la suite u. Proposition 1.6.2 Soit A un anneau commutatif unitaire, M un A-module, u ∈ SR(M ) et d ∈ N∗ . Les suites d-extraites de u sont alors dans SR(M ). Preuve Soit u = (u(n))n∈N une suite récurrente linéaire à valeurs dans M de polynôme caractéristique p(X) = X s − a1 X s−1 − · · · − as ∈ A[X], et soient α0 , . . . , αd−1 les suites d-extraites de u. Si d ≥ s, on peut supposer, quitte à multiplier p par X d−s , que d = s. Dans ce cas, on a : Xα0 = d X ai αd−i et Xαk = i=1 Si on pose : k X ai Xαk−i + i=1 C(X) = d−k X ak+i αd−i , ∀k ∈ {1, . . . , d − 1}. i=1 ad−1 ad−2 · · · a1 ad − X a1 X ad − X ad−1 · · · a2 .. .. .. .. . . . . ad−1 X ad−2 X ad−3 X · · · ad − X et si on désigne par W le vecteur transposé du vecteur (α0 , . . . , αd−1 ), on obtient C(X)W = 0. Comme le déterminant de la matrice C(X) est unitaire (son coefficient dominant est égal à (−1)d ), on en déduit que les suites d-extraites de u sont récurrentes linéaires, de polynôme caractéristique det(C(X)). Si d < s on peut, ici encore, supposer que s est un multiple de d et on va donner une autre preuve légérement différente de celle donnéeP ci-dessus et qui conduit aux mêmes calculs. Soit donc u = Ed (α0 , . . . , αd−1 ) et f (X) = si=0 fi X i un polynôme caractéristique de u avec fs = 1 et s = dq. En utilisant la proposition 1.6.1 et le fait que si Ed (u1 , u2 , . . . , ud ) = 0 alors u1 = u2 = · · · = ud = 0 ; l’égalité f (X)Ed (α0 , . . . , αd−1 ) = 0 entraı̂ne l’existence d’une matrice C(X) dans Md (A[X]) telle que C(X)α = 0. Ici α désigne le transposé de (α0 , . . . , αd−1 ) et si on pose X Ai (X) = fj X (j−i)/d , ∀i ∈ {0, . . . , d − 1} j≡i (mod d) alors la la matrice C(X) est donnée par : A0 (X) A0 (X) XAd−1 (X) A0 (X) C(X) = .. .. . . XA1 (X) ... ... Ad−2 (X) Ad−3 (X) .. . XA2 (X) . . . XAd−1 (X) Ad−1 (X) Ad−2 (X) .. . A0 (X) . 20 Chapitre 1. Suites récurrentes linéaires sur un module et systèmes récursifs Remarquons que, pour i ∈ {0, . . . , d − 1}, on passe de la ligne, disons (Li,1 , . . . , Li,d ), à la ligne suivante en posant Li+1,1 = XLi,n et Li+1,k = Li,k−1 , ∀k ∈ {2, . . . , n}. La matrice des coefficients dominants est alors une matrice triangulaire inférieure dont les éléments diagonaux sont tous égaux à fs . Comme fs est égal à 1, le théorème 1.4.1 conduit alors au résultat. 2 1.7 Séries formelles et suites récurrentes linéaires Soient A un anneau commutatif unitaire et M un A-module. On identifie naturellement A[X] à une sous-algèbre de A[[X]]. Ceci permet d’identifier M [X] = A[X] ⊗A M à un sous-module de M [[X]] = A[[X]] ⊗A M . L’application ) dans M [[X]], qui à une suite u(n)n≥0 associe sa série génératrice P G{·} de S(M n Gu (X) = n≥0 u(n)X est alors un isomorphisme de A-modules. On a alors la caractérisation suivante des suites récurrentes linéaires. Proposition 1.7.1 Soit u ∈ S(M ). Les assertions suivantes sont équivalentes : 1. la suite u est dans SR(M ) ; 2. Il existe un polynôme q de degré h dans A[X] tel que : q(0) = 1 et q(X)Gu (X) soit un polynôme de M [X] de degré inférieur ou égal à h − 1. Preuve Elle est analogue à celle donnée dans [11] dans le cas où M = A. Soit u ∈ SR(M ) de polynôme caractéristique p(X) = X h − a1 X h−1 − · · · − ah dans A[X]. Soit q(X) = 1 − a1 X − · · · − ah X h . On a alors : q(X)Gu (X) = Pu (X) où Pu (X) = u(0) + (u(1) − a1 u(0))X + · · · + (u(h − 1) − a1 u(h − 2) − · · · − ah−1 u(0))xh−1 . Inversement, si pour u dans S(M ), il existe un polynôme dans A[X] de degré h tel que q(X) = 1 − q1 X − · · · − qh X h et deg(q(X)Gu (X)) ≤ h − 1 alors, par identification, on voit que le polynôme X h − q1 X h−1 − · · · − qh est un polynôme caractéristique de la suite u. 2 Soit d ∈ N∗ et (u, u0 , . . . , ud−1 ) ∈ S(M )d+1 . On vérifie que, pour que la suite u soit un emboı̂tement des suites u0 , . . . , ud−1 , il faut et il suffit qu’on ait l’égalité Gu (X) = d−1 X X i Gui (X d ). i=0 Ce qui permet, grâce à la proposition précédente de voir d’une autre manière, que si les suites u0 , . . . , ud−1 sont dans SR(M ) il en va de même de leurs emboı̂temets. 1.7. Séries formelles et suites récurrentes linéaires 21 Remarque Si on suppose que M est une A-algèbre alors on peut définir le produit de Cauchy (ou de convolution), de deux suites u et v par : ∀n ∈ N (u ∗ v)(n) = n X u(n − i)v(i). i=0 On munit ainsi S(M ) d’une structure de A-algèbre et on a un isomorphisme de A-algèbre entre S(M ) et M [[X]] muni du produit naturel des séries formelles. La proposition ci-dessus entraı̂ne alors que SR(M ) est une sous algèbre de (SR(M ), +, ∗). Signalons que dans [11] les auteurs montrent qu’il n’existe aucun isomorphisme entre l’algèbre (SR(M ), +, ¯) et une sous-algèbre de (SR(M ), +, ∗). 22 Chapitre 1. Suites récurrentes linéaires sur un module et systèmes récursifs 23 Chapitre 2 Périodes et suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux L’étude des suites périodiques sur les corps (finis) et accessoirement sur des anneaux (de Galois par exemple) est très riche en résultats. Ceci est dû probablement à la diversité des domaines d’applications de ces suites : codes correcteurs d’erreurs et cryptographie, génération de nombres pseudo-aléatoires, arithmétique. . . . Il arrive, de plus en plus, en pratique qu’on ait besoin d’objets plus généraux que les corps ou les espaces vectoriels (voir par exemple les codes sur des modules dans [20]). Ce qui, entre autres choses, motive l’étude approfondie des suites périodiques sur des modules. Après le rappel de la notion de période de suites récurrentes linéaires sur un module ainsi que quelques propriétés connues, liées à cette notion, nous nous intéressons, dans une première partie de ce chapitre, à la question de savoir sur quels types d’anneaux commutatifs unitaires, il y a identité entre suites récurrentes linéaires et suites périodiques. Nous montrons que sur un anneau commutatif unitaire pour que toute suite récurrente linéaire soit périodique il faut et il suffit que l’anneau soit localement fini (propositions 2.2.1 et 2.2.2). Dans la deuxième partie de ce chapitre nous établissons, d’abord, quelques propriétés des suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux (ou suites P -récursives) sur les modules sur des anneaux commutatifs (propositions 2.3.1 et 2.3.2). Nous montrons également que les suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux sur un anneau noethérien forment une algèbre pour le produit de Hadamard (proposition 2.3.3). Nous nous intéressons, ensuite, à la période de certaines suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux et à des systèmes les généralisant (proposition 2.4.1). 24 2.1 Chapitre 2. Périodes et suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux Périodes de suites sur un module Dans cette partie A désigne un anneau commutatif unitaire d’élément neutre 1 et M un module sur A. On continuera à noter A[X] par P et l’ensemble des suites sur M par S(M ). Définition 2.1.1 Soit u ∈ S(M ). On dit que u est une suite périodique (ou ultimement périodique) de période T et de numérique (ou défaut) n0 si AnnP (u) contient le polynôme X n0 (X T − 1) ; c’est-à-dire : X n0 (X T − 1)u = 0. On dit que la suite u est purement périodique si n0 = 0. Si u est une suite périodique, sa plus plus petite période est appelée période primitive et le plus petit numérique de u est appelé numérique primitif. Remarque 1. Soit u ∈ S(M ). Dire que u est périodique c’est dire qu’il existe (n0 , T ) ∈ N2 tel que : u(n + T ) = u(n) ∀n ≥ n0 . 2. Soit u dans S(M ) périodique. Une simple division euclidienne montre que la période primitive de u est un diviseur de toute autre période de u. Notation On désigne par SP (M ) le sous-ensemble de S(M ) formé des suites périodiques. Proposition 2.1.1 Soient A un anneau commutatif unitaire et M un A-module. L’ensemble SP (M ) est un sous-module du P-module SR(M ) des suites récurrentes linéaires de M . Preuve Une suite u périodique est dans SR(M ) car elle est annulée par un polynôme unitaire. Soient u et v de suites périodiques de périodes et numériques respectifs (T1 , n1 ) et (T2 , n2 ). Soient a(X) et b(X) deux éléments de P et w la suite a(X)u + b(X)v. alors la suite w est périodique de période T et de numérique n0 donnés par : T = ppcm (T1 , T2 ) et n0 = max (n1 , n2 ). Ce qui signifie que SP (M ) est un sous-module du P-module SR(M ). 2 Il existe, bien entendu des suites récurrentes linéaires qui ne sont pas périodiques comme le montre, par exemple, la suite des entiers dans Z qui est récurrente linéaire de polynôme caractéristique (X − 1)2 . Proposition 2.1.2 Soient A un anneau commutatif unitaire M un A-module et u un élément de SR(M ) de polynôme caractéristique X h − a1 X h−1 − · · · − ah . Si on suppose que u prend un nombre fini de valeurs alors u est périodique. De plus si ah est inversible dans A alors u est purement périodique. 2.1. Périodes de suites sur un module 25 Preuve Elle est analogue à celle qu’on trouve dans [9] et qui concerne les suites sur des anneaux. On peut également l’établir en utilisant la proposition 1.2.1 et sa remarque. Soit V0 le vecteur initial de u et φ le morphisme défini dans la proposition 1.2.1. La suite φn (V0 ) prend un nombre fini de valeurs et donc, il existe T et n0 dans N tels que : φn0 +T (V0 ) = φn0 (V0 ) et par suite φn0 +n+T (V0 ) = φn0 +n (V0 ), ∀n ∈ N en composant par φn . Si ah est inversible dans A alors φ est bijectif et donc, en composant avec φ−n0 , on obtient : φT (V0 ) = V0 , ce qui implique que φn+T (V0 ) = φn (V0 ) ∀n ∈ N. Par conséquent u est purement périodique. 2 Corollaire 2.1.1 Soient A un anneau commutatif unitaire fini et M un A-module de type fini. Alors SR(M ) = SP (M ). Preuve Elle provient du fait que si M est un A-module de type fini alors il est fini. 2 Proposition 2.1.3 Soient A un anneau commutatif unitaire, M un A-module et SP (M ) le Pmodule des suites périodiques de M . Soit P (M ) (respectivement N (M )) l’ensemble des suites purement périodiques (respectivement nulles à partir d’un certain rang). Alors P (M ) et N (M ) sont des P-modules et SP (M ) = P (M ) ⊕A N (M ). Preuve Soit u dans SP (M ) de période T et de numérique n0 . Soit k le plus petit entier naturel tel que kT > n0 et soit l = kT . La suite V = X l u est purement périodique car (X T − 1)(X n0 u) = 0. De plus la suite w = u − v est nulle à partir de l. L’unicité de l’écriture provient du fait que la seule suite qui est à la fois nulle à partir d’un certain rang et périodique est la suite nulle. 2 Remarque Soit u dans SP (M ). On sait d’après la proposition 1.2.1 qu’il existe un A-module de type fini M̄ , un endomorphisme φ de M̄ , un morphisme ψ de M̄ dans M et un élément v0 de M̄ tels que : ∀n ∈ N u(n) = ψ(φn (v0 )). Si on suppose que A est un corps alors il existe un entier naturel r (le caractère de φ) tel que : M̄ = Kerφr ⊕A Imφr avec φ|Kerφr nilpotent et φ|Imφr bijectif. Ce qui montre que l’on a SP (M ) = P (M ) ⊕A N (M ) et de plus r est un majorant du numérique de u. 26 Chapitre 2. Périodes et suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux Proposition 2.1.4 Soient A un anneau commutatif unitaire, M un A-module et d un entier naturel positif. Le A-module des suites périodiques sur M est stable par emboı̂tement et par décimation. Preuve Soit u dans S(M ) et d dans N∗ . Soit u0 , . . . , ud−1 les suites d-extraites de u. Rappelons, voir proposition 1.6.1, que pour j ∈ {0, . . . , d − 1}, on a : uj = δd X j u où δd est l’endomorphisme de S(M ) défini par : δd u(n) = u(dn), pour tout n dans N. De plus, on a u = Ed (u0 , . . . , ud−1 ) où Ed est le morphisme d’emboı̂tement. Supposons les suites u0 , . . . , ud−1 périodiques. On peut supposer, grâce à la proposition 2.1.1, qu’elles ont le même numérique et la même période. Ce qui signifie qu’il existe un polynôme c(X) de la forme c(X) = X n0 (X T − 1) tel que : ∀i ∈ {0, . . . , d − 1} c(X)ui = 0. Or on a, d’après la proposition 1.6.1 c(X d )E(u0 , . . . , ud−1 ) = (c(X)u0 , . . . , c(X)ud−1 ), donc c(X d )u = 0 et par conséquent u est périodique de période dT . Inversement, supposons qu’il existe un polynôme c(X) de la forme c(X) = X n0 (X T − 1) tel que : c(X)u = 0 (c’est-à-dire u périodique). Comme X T − 1 divise X dT − 1, on a également c(X d )u = 0. Ce qui implique δd c(X d )u = 0. Mais comme δd c(X d ) = c(X)δd , il vient c(X)u0 = 0. Autrement dit la restriction du A-endomorphisme δd à SP (M ) est en fait un endomorphisme de SP (M ). Pour j ∈ {1, . . . , d − 1}, la suite X j u est périodique. Par conséquent, la suite uj = δd X j u est périodique. 2 2.2 Anneaux localement finis et suites périodiques La proposition 2.1.1 suscite la question suivante : sur quels type d’anneaux (de modules) a lieu l’égalité SR(M ) = SP (M )? Nous donnons, dans cette section, une réponse à cette question. Proposition 2.2.1 Soit A un anneau commutatif unitaire. On suppose que A est intègre et que toute suite récurrente linéaire sur A est une suite périodique (SR(A) = SP (A)). Alors il existe un nombre premier p tel que A soit isomorphe à un sous-corps de la clôture algébrique Fp de Fp . Preuve Soit dans S(A) la suite u définie par u(n) = n.1, ∀n ∈ N. La suite u est récurrente linéaire de polynôme caactéristique pu (X) = (X − 1)2 . Comme p(0) est inversible dans A, u est purement périodique. Ceci signifie tout simplement que la caractéristique de A est non nulle. Or A est intègre, donc sa caractéristique est un nombre premier, disons p. On peut supposer maintenant que A contient Fp . Si A = Fp c’est fini ; sinon soit a ∈ A \ Fp . La suite v de S(A) définie par v(n) = an , ∀n ∈ N 2.2. Anneaux localement finis et suites périodiques 27 étant une suite récurrente linéaire de polynôme caractéristique X − a, elle est alors périodique. Il existe donc N et T dans N tels que aN (aT − 1) = 0. L’intégrité de A implique que aT = 1 et par conséquent a inversible et a algébrique sur Fp . L’anneau A est donc un corps algébrique sur Fp et s’identifie, par conséquent à un sous corps de Fp .2 Remarque La preuve de la proposition montre que si l’anneau A commutatif unitaire n’est pas intègre et est tel que SR(A) = SP (A) alors A est de caractéristique non nulle et tout élément régulier (non diviseur de zéro) de A est une racine de l’unité. Ce qui entraı̂ne, par exemple, que si A est local alors A est la réunion de U (A) qui est formé des racines de l’unité et de l’idéal formé des éléments nilpotents. Théorème 2.2.1 Soit A un anneau commutatif unitaire. Une condition nécessaire et suffisante pour que toute suite récurrente linéaire sur A soit une suite périodique est que A soit de caractéristique non nulle et que les éléments réguliers de A soient les racines de l’unité. Preuve On vient de voir que la condition est nécessaire. Montrons qu’elle est suffisante. Soient m la caractéristique de A et u une suite récurrente linéaire sur A. Les valeurs de la suite u sont alors dans un sous-anneau B de A de type fini sur Z/mZ. Autrement dit, il existe s ∈ N et α1 , . . . , αs dans A tels que : B = Z/mZ[α1 , . . . , αs ] et u(n) ∈ B, ∀n ∈ N. On va montrer que B est un anneau fini. 1. Supposons d’abord que m = pr où p est un nombre premier et r est dans N. Soit φ le morphisme canonique d’anneaux de Z/mZ[X1 , . . . , Xs ] dans B défini par φ(Xi ) = αi , ∀i ∈ {1, . . . , s}. L’anneau B est alors isomorphe au quotient de Z/mZ[X1 , . . . , Xs ] par le noyau de φ. Comme Z/mZ[X1 , . . . , Xs ] est local d’unique idéal maximal M = < p, X1 , . . . , Xs >, B est aussi local d’unique idéal maximal φ(M). Soit b ∈ B. Si b est régulier alors, par hypothèse, c’est une racine de l’unité. Donc b est entier sur Z/mZ. Si b est un diviseur de zéro alors il est dans φ(M) car B est local. Mais dans ce cas (voir [2]) 1 + by est inversible dans B pour tout y dans B. En particulier, 1 + b est inversible dans B et donc c’est une racine de l’unité. Ce qui implique que b est entier sur Z/mZ. On a donc montré que B est entier sur Z/mZ. Comme tout anneau entier et de type fini sur un anneau fini est fini. Il en résulte que l’anneau B est fini. 28 2. Soit Chapitre 2. Périodes et suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux l ∈ N∗ , (r1 , . . . , rl ) ∈ N∗l et m = pr11 · · · prl l la décomposition de m en nombres premiers. Posons, pour tout i ∈ {1, . . . , l}, Bi = Z/pri i Z[α1 , . . . αs ]. On a alors l’isomorphisme d’anneaux B ' B1 × · · · × Bl . On identifie B1 , . . . , Bl à des sous anneaux de B. Comme, pour tout i ∈ {1, . . . , l}, tout élément de Bi est soit diviseur de zéro, soit une racine de l’unité, Bi est fini d’après le 1. On a donc B fini. En conclusion, la suite u est périodique. 2 Remarques 1. La preuve de la proposition, jointe à celle du théorème, montre qu’une condition nécessaire et suffisante pour qu’une suite récurrente linéaire soit périodique est que les suites géométriques et arithmétiques soient périodiques. 2. Il existe des anneaux non intègres infinis et tels que SR(A) = SP (A). Soit m un entier naturel composé et B l’anneau des polynômes sur Z/mZ à une infinité dénombrable d’indéterminées commutatives : B = Z/mZ[Xi ; i ∈ N]. Soit N ∈ N \ {0, 1} et J l’idéal de B engendré par l’ensemble {XiN − 1 ; i ∈ N}. Posons A = B/J et αi = Xi + J, ∀i ∈ N. Alors A est un anneau isomorphe à Z/mZ[αi ; i ∈ N]. Une suite récurrente linéaire u sur A est alors dans un sous anneau A0 de A de la forme Z/mZ[β1 , . . . , βs ] où s ∈ N et {β1 , . . . , βs } ⊂ {αi ; i ∈ N}. Comme tout élément de A0 est entier sur Z/mZ (racine d’un polynôme de la forme X n0 +T − X n0 ) l’anneau A0 est de type fini sur Z/mZ et est donc fini et par conséquent, la suite u est périodique. Définition 2.2.1 Soit A anneau commutatif unitaire. On dira que A est localement fini si tout sous-anneau de A de type fini (sur le sous anneau de A engendré par 1) est fini. La preuve du théorème ci-dessus montre que si A est localement fini alors toute suite récurrente sur A est une suite périodique. En fait, la réciproque est encore vraie. Proposition 2.2.2 Soit A anneau commutatif unitaire. Pour que A soit localement fini il faut et il suffit que toute suite récurrente linéaire sur A soit périodique. Preuve Montrons que la condition est suffisante. D’abord, comme on l’a déjà vu, la caractéristique de A est non nulle. Soit, comme ci-dessus, m cette caractéristique et soit B un sous anneau de A 2.3. Suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux 29 type fini sur Z/mZ. Supposons que B = Z/mZ[a1 , . . . , as ] où s est dans N et a1 , . . . , as sont dans A. Comme les suites géométriques sont périodiques on déduit que a1 , . . . , as sont entiers sur A et donc B est fini. Remarques Soit A anneau commutatif unitaire. Si A est localement fini alors les sous-anneaux et les images homomorphes de A sont localement finis. Remarquons également qu’un produit fini d’anneaux localement finis est un anneau localement fini. Signalons aussi que si B est un anneau entier et de type fini sur A et si A est localement fini alors B l’est également. En particulier, soient h un entier naturel positif et φ (resp. Q) un endomorphisme (resp. une matrice ) de Ah (resp. dans Mh (A)). Si l’anneau A est localement fini alors A[φ] (resp. A[Q]) est un anneau localement fini. Ceci est une conséquence du théorème de Cayley-Hamilton sur des anneaux commutatifs (voir [7]). Proposition 2.2.3 Soient A un anneau commutatif et M un A-module. Les suites récurrentes linéaires sur M sont les suites périodiques sur M dans les cas suivants : 1. A est localement fini, 2. tout sous module de type fini de M est fini. Preuve Elle découle du fait que toute suite récurrente u sur M est en fait dans un sous-module M0 de M de type fini. Si on est dans la situation du 2. de la proposition alors M0 est fini et donc, comme on l’a vu, u est périodique. Si on est dans la situation 1 de la proposition, la suite u est, d’après la propostion 1.2.1, donnée par : u(n) = ψ(φn (v0 )) ∀n ∈ N. où ψ est une forme linéaire, φ un endomorphisme de M0h et v0 un élément de M0h , pour un certain h dans N. Or, d’après la remarque ci-dessus, A[φ] est localement fini, donc u est périodique. 2 2.3 Suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux On garde les mêmes notations que dans la section précédente et on identifie, pour n ∈ N, l’élément n · 1 et n. Définition 2.3.1 Soient A un anneau commutatif unitaire, M un A-module et u une suite S(M ). On dit que u est une suite récurrente linéaire à coefficients polynomiaux (ou suite P -récursive) s’il existe h ∈ N et des polynômes P0 (X), . . . , Ph (X) dans P tels que : P0 (n)u(n + h) = h X i=1 Pi (n)u(n + h − i) ∀n ≥ 0. (2.1) 30 Chapitre 2. Périodes et suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux Si, pour tout n dans N, l’élément P0 (n) est égal à 1, on dit que la suite u est une suite récurrente linéaire à coefficients polynomiaux unitaire. Notation L’ensemble des suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux unitaires est noté Sp U (M ). Dans le cas où A est un corps de caractéristique nulle beaucoup de résultats concernant la structure de Sp (A) (clôture pour différentes opérations, lien avec les séries D-finies et les systèmes holonomes,. . . ) sont connus. Le lecteur désireux d’en savoir plus pourra consulter [4], [14], [24] ou bien [32]. Remarques 1. On a SR(M ) ⊂ Sp U (M ). 2. Soient h ∈ N∗ et u une suite récurrente linéaire à coefficients polynomiaux unitaire (P0 = 1) vérifiant 2.1. Posons, pour tout n ≥ 0, U (n) = (u(n), u(n + 1), ..., u(n + h − 1))t , où wt désigne le transposé de w, pour tout vecteur w de Ah . La suite U = (U (n))n≥0 de S(M h ) vérifie U (n + 1) = Q(n)U (n), ∀n ∈ N avec 0 1 0 ... 0 0 0 1 ... 0 Q(n) = .. (2.2) .. ∈ Mh (A), ∀n ≥ 0. .. .. . . . ... . Ph (n) Ph−1 (n) Ph−2 (n) . . . P1 (n) Si les polynômes P1 , . . . , Ph sont constants on retrouve la matrice compagnon d’une suite récurrente linéaire. 3. Les résultats qui suivent seront valables si on remplace, dans le définition des suites P -récursives, polynômes par fraction rationnelle dont le dénominateur ne s’annule pas en n · 1 quand n parcourt N. Soit dans EndA (S(M )), l’algèbre des endomorphismes de S(M ), le morphisme τ défini, pour tout u dans S(M ), par : τ (u)(n) = nu(n), ∀n ∈ N. On identifie, comme d’habitude A au sous anneau de EndA (S(M )) formé par les homothéties et le morphisme de décalage avec l’action du polynôme X et on considère la sous algèbre R = A[τ, X] de EndA (S(M )) engendrée sur A par X et τ . Cette algèbre n’est pas commutative mais on a : Xτ = (τ + 1)X. Soit u ∈ S(M ) et P (τ, X) = p0 (τ ) + p1 (τ )X + · · · + ph (τ )X h ∈ R. La suite v = P u de S(M ) est donnée par : v(n) = p0 (n)u(n) + p1 (n)u(n + 1) + · · · + ph (n)u(n + h), ∀n ∈ N. 2.3. Suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux 31 On définit ainsi une structure de R-module à gauche sur S(M ). Nous donnons, ci-après, quelques propriétés qui généralisent dans un sens celles connues dans le cas où A est un corps commutatif et donc A[τ, X] est un anneau de Ore. Rappelons (voir par exemple [14]) qu’un anneau non nul est dit de Ore à gauche (resp. à droite) si deux quelconques de ses éléments non nuls admettent un multiple commun non nul à gauche (resp. à droite). Proposition 2.3.1 Soit u un élément de S(M ). Les assertions suivantes sont alors équialentes : 1. la suite u est dans Sp U (M ), 2. l’annulateur de u dans A[τ ][X] contient un polynôme unitaire (en X), 3. le R-module à gauche Ru est un A[τ ]-module de type fini. Preuve Le 2 de la proposition est une simple traduction de l’égalité 2.1. Il reste à montrer que 1 ou 2 est équivalent à 3. Supposons que u ∈ Sp U (M ) et vérifie l’égalité : u(n + h) = h X Pi (n)u(n + h − i) ∀n ≥ 0. i=1 Ceci signifie que : X h+n u= h X Pi (τ )X n+h−i u ∀n ∈ N. i=1 On a donc Ru = A[τ ]u + · · · + A[τ ]X h−1 u. Inversement, supposons que : Ru = A[τ ]u1 + · · · + A[τ ]us où s ∈ N et (u1 , . . . , us ) ∈ S(M )s . Pour i ∈ {1, . . . , s} la suite ui est dans Ru ; il existe donc Pi (τ, X) dans R tel que ui = Pi u. Soit d le maximum des degrés en X des polynômes P1 , . . . , Ps . Les éléments u, Xu, . . . , X d u forment alors une famille A[τ ]-génératrice de Ru. Maintenant si on prend h dans N tel que h > d alors X h u s’écrit comme combinaison A[τ ]-linéaire de u, Xu, . . . , X d u et donc AnnA[τ ] (u) contient un polynôme unitaire en X. 2 Proposition 2.3.2 Soient A un anneau commutatif, M un A-module et P (τ, X) = p0 (τ ) + p1 (τ )X + · · · + X h ∈ R. On a : – si A est noethérien alors l’ensemble Sp U (M ) des suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux unitaires est un sous-module du R-module S(M ) ; 32 Chapitre 2. Périodes et suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux – si M est de type fini alors LM (P ), l’ensemble des éléments de S(M ) annulés par P , est un sous-module de type fini du A-module Sp U (M ). De plus si M est libre de rang r alors LM (P ) est libre de rang rh. Preuve 1. Supposons que A est noethérien. Soient u et v deux éléments de Sp U (M ) et a et b dans R. On a R(au + bv) est contenu dans Ru + Rv. Comme Ru et Rv sont de type fini sur A[τ ], le module Ru + Rv est donc de type fini sur A[τ ]. Or A[τ ] est noethérien car A l’est, donc tout sous module de Ru + Rv est de type fini. En particulier R(au + bv) est de type fini sur A[τ ], ce qui veut dire, compte tenu de la proposition précédente, que la suite au + bv est récurrente linéaire à coefficients polynomiaux unitaire. 2. La seconde assertion de la proposition découle du fait que l’application φ de LM (P ) dans M h définie par : φ(u) = (u0 , . . . , uh−1 ), ∀u ∈ LM (P ) 2 est un isomorphisme de A-modules. Proposition 2.3.3 Soient A un anneau commutatif unitaire noethérien et Sp (A) le A-module des suite récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux unitaires sur A. Muni du produit de Hadamard Sp (A) est une A-algèbre associative commutative et unitaire. Preuve Il suffit de montrer que le produit de Hadamard de deux suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux unitaires u et v est une suite récurrente linéaire à coefficients polynomiaux. Soient p(τ, X) = X h − ph−1 (τ )X h−1 − · · · − p0 (τ ) et q(τ, X) = X t − qt−1 (τ )X t−1 − · · · − q0 (τ ) dans R tels que : pu = 0 et qv = 0. On a : R(u ¯ v) ⊂ h−1 X t−1 X A[τ ](X i u ¯ X j v). i=0 j=0 Comme A[τ ] est noethérien R(u ¯ v) est donc un A[τ ]-module de type fini et par conséquent u ¯ v est une suite récurrente linéaire à coefficients polynomiaux unitaire. 2 2.4 Systèmes périodiques On s’intéresse ici à des systèmes généralisant les suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux. On montre, en particulier, que les suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux unitaires sur un anneau de caractéristique non nulle, sont des suites récurrentes linéaires. 2.4. Systèmes périodiques 33 Soient A un anneau commutatif , M un A-module, h un entier naturel non nul et E = M h . Soit J = {1, . . . , h}. On se donne, pour tout (i, j) dans J 2 , une application fij de A dans A. On pose, pour tout x dans A, Q(x) = (fij (x)) ∈ Mh (A). On s’intéresse aux éléments de S(E) qui sont solutions du système : U (n + 1) = Q(n)U (n), ∀n ∈ N. (2.3) Les suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux unitaires vérifient, comme on l’a vu ci-dessus, un système analogue. On fait également la supposition suivante : (∃q ∈ N∗ ) (∀n ∈ N) Q(n + q) = Q(n). (2.4) Ceci est le cas par exemple si A est un anneau localement fini ou plus généralement de caractéristique non nulle. Définition 2.4.1 Avec les mêmes notations, on appelle q-matrice initiale du système 2.3 la matrice Q de Mh (A) donnée par : Q = Q(q − 1) · · · Q(1)Q(0). Notation Pour i ∈ {1, . . . , q − 1} la matrice Q(i − 1) · · · Q(1)Q(0) de Mh (A) sera notée Q∗ (i). Proposition 2.4.1 Soit U = U (n)n≥0 un élément de S(E). On suppose que U est solution du système 2.3 et la condition 2.4 satisfaite. Soient U0 , . . . , Uq−1 les suites q-extraites de U . Alors : 1. U0 (n) = Qn U (0) ∀n ≥ 0 ; 2. Ui (n) = Q∗ (i)Qn U (0) ∀n ≥ 0, ∀i ∈ {1, . . . q − 1}. Preuve. Elle s’établit par récurrence sur n. 1) C’est clair pour n = 0 et n = 1. Supposons donc que U (qn) = Qn U (0) on a alors U (q(n + 1)) = Q(qn + q − 1)...Q(qn)U (qn) = Q(q − 1)...Q(0)U (qn) ( car Q(qk + n) = Q(n), ∀(k, n) ∈ N2 ) = Qn+1 U (0). 34 Chapitre 2. Périodes et suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux 2) La deuxième partie de la proposition résulte de ce qui précéde et des égalités U (qn + i) = = = = Q(qn + i − 1)U (qn + i − 1) Q(qn + i − 1)...Q(qn)U (qn) Q(i − 1)...Q(0)U (qn) Q∗ (i)U (qn), ∀n ≥ 0, ∀i ∈ {1, . . . , q − 1}. 2 Remarque. Cette proposition constitue une généralisation des premiers résultats de Polosuev obtenus dans [27]. Corollaire 2.4.1 Soit U = U (n)n≥0 un élément de S(E). On suppose que U est solution du système 2.3 et la condition 2.4 satisfaite. Alors U est une suite récurrente linéaire sur E de polynôme caractéristique le polynôme caractéristique P (X q ) où P (X) est le polynôme caractéristique de la q-matrice initiale Q. En particulier, si A est de caractéristique non nulle alors toute solution, dans S(E), du système 2.3 est une suite récurrente linéaire. Preuve Si U est solution du système 2.3 alors les suites U0 , . . . , Uq−1 sont, en vertu des propositions 2.4.1 et 1.2.1, des suites récurrentes linéaires de même polynôme caractéristique (le polynôme caractéristique de Q). Or un emboı̂tement de suites récurrentes linéaires est une suite récurrente linéaire. On a donc U ∈ SR(E). 2 Corollaire 2.4.2 Soient A un anneau localement fini et M un A-module. On a : 1. toute solution dans S(E) du système 2.3 est périodique, 2. le A-module des solutions de 2.3 est somme directe du sous-module des suites nulles à partir d’un certain rang et du sous-module des suites purement périodiques. En particulier toute suite récurrente linéaire à coefficients polynômes unitaire sur M est périodique. Preuve Si A est localement fini alors la condition 2.3 est vérifiée ; le reste découle des propriétés des suites récurrentes linéaires (voir le corollaire 2.1.1). 2 Exemple Soient A un anneau commutatif unitaire de caractéristique 3 et E = A2 . Soit U la suite de E donnée par : µ 2 ¶ n + 1 n3 U (0) ∈ E et U (n + 1) = U (n), ∀n ∈ N. n−1 n+1 Ici, pour reprendre les notations ci-dessus, q = 3 et la matrice q-initiale est µ ¶ 1 0 Q= . 1 1 2.4. Systèmes périodiques 35 Les suites U (3n)n∈N , U (3n + 1)n∈N , U (3n + 2)n∈N sont alors des suites récurrentes linéaires sur E, de polynôme caractéristique : det(XI − Q) = X 2 + X + 1. Par conséquent la suite U est une suite récurrente linéaire de polynôme caractéristique : X 6 + X 3 + 1. Soit B le sous-anneau de A engendré, sur Z/3Z, par les coefficients de Q. En considérant la suite U sur B, qui est localement fini (ici il est égal à Z/3Z), on se rend compte que U est périodique de plus petite période divisant 9. 2.4.1 Suites régulières sur un corps commutatif Soit u une suite récurrente linéaire à coefficients polynomiaux unitaire sur A (u ∈ Sp (A)). On suppose que u vérifie 2.1 et qu’il existe q ∈ N∗ tel que : Pi (n + q) = Pi (n), ∀n ≥ 0, ∀i ∈ {1, . . . , h}. La suite U définie par U (n) = (u(n), . . . , u(n + h − 1))t , ∀n ∈ N est alors une solution du système 2.3 avec Q comme en 2.2. Définition 2.4.2 On dit que la suite u est une suivante est inversible dans A. u(0) u(q) u(1) u(q + 1) ∆= .. .. . . u(h − 1) u(q + h − 1) suite régulière si le déterminant de la matrice ... ... u((h − 1)q) u((h − 1)q + 1) .. . . . . . u((h − 1)q + h − 1) Proposition 2.4.2 Soit u comme ci-dessus et Q = Q(q − 1) · · · Q(0) la matrice q-initiale du système 2.3. On suppose que A est un corps. Alors la suite u est une suite régulière si et seulement si les polynômes caractéristique et minimal de Q sont égaux. Preuve. Soit Φ un endomorphisme associé à Q relativement à la base canonique de Ah et soit u0 la suite δq U , c’est-à-dire u0 (n) = U (qn), ∀n ∈ N. On a vu (proposition 2.4.1) que u0 (n) = Φn (u0 (0)) ∀n ≥ 0. © ª Dire que le déterminant de ∆ est non nul revient à dire que u0 (0), Φ(u0 (0)), ..., Φh−1 (u0 (0)) est une base de E = Ah ou que u0 (0) est un vecteur cyclique ; ce qui équivaut à l’égalité des polynômes caractéristique et minimal. 2 Remarques. 1. En utilisant cette caractérisation des suites régulières il vient rapidement que, si la suite u est régulière, alors les suites (ui (n))n≥0 , (0 ≤ i ≤ p − 1) ont toutes même longueur et même période. 2. La proposition donne une C.N.S. d’existence de suites régulières et constitue une réponse à la question posée dans [26]. 36 Chapitre 2. Périodes et suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux 2.4.2 Exemples Soient A un anneau commutatif unitaire et ℘ un idéal maximal de A tel que A/℘ soit fini. On pose K = A/℘. Les exemples les plus courants d’une telle situation sont : a) A = Z, ℘ = pZ où p est premier ; b) A est l’anneau d’entiers d’un corps de nombres et ℘ maximal dans A ; c) A = Zp l’anneau des entiers p−adiques et ℘ = pZp . Soit s une suite récurrente linéaire à coefficients polynomiaux unitaire à valeurs dans A. On s’intéresse à la période de s modulo ℘ c’est à dire à la période de l’image u de s par le morphisme canonique de AN dans K N . La suite u est dans Sp U (K). Elle vérifie la même récurrence à coefficients polynomiaux que s mais considérés sur K. L’image (Ū (n))n≥0 de la suite U est alors dans (K h )N et vérifie la relation 2.1 avec Q(n) ∈ Mh (K), ∀n ∈ N. On applique les résultats de la première partie de cette section pour avoir des informations sur la période de (Ū (n))n≥0 et par conséquent sur la période de s modulo ℘. On remarquera que les résultats restent valables si les P1 (X), . . . , Ph (X) sont dans K (X) et tels que leurs dénominateurs ne soient pas nuls en n.1K , pour tout n dans N. Exemple 1. Soit s = (s(n))n≥0 l’élément de S(Z) donné par : s(n + 2) = ns(n + 1) + (n2 + 1)s(n), ∀n ≥ 0 avec s(0) = 0 et s(1) = 1. Calculons par exemple la période de la suite s modulo 3. Ici q = 3 et, pour n ∈ N, µ ¶ 0 1 Q(n) = . n2 + 1 n Donc µ Q = Q(2)Q(1)Q(0) = 1 2 1 1 ¶ . Le polynôme caractéristique de Q est le polynôme X 2 + X − 1. Il est irréductible sur F3 et est donc égal au polynôme minimal de Q. On en déduit : 1. l’existence de suites régulières ; 2. que la suite s est un emboı̂tement de (s(3n))n≥0 , (s(3n + 1))n≥0 et (s(3n + 2))n≥0 ; 3. et qu’enfin, comme toute racine α de X 2 + X − 1 est primitive, 8 est une période de (s(n), s(n + 1))n≥0 (voir par exemple [21]) et donc, d’après la proposition 2.1.4, 24 = 3 × 8 est une période de s modulo 3. 2.4. Systèmes périodiques 37 Exemple 2. Soit s = (s(n))n≥0 la suite définie sur Z par : s(n + 2) = (4n + 5)s(n + 1) + 2s(n), ∀n ≥ 0, avec s(0) = s(1) = 1. On veut calculer sa période modulo 21. Dans [35] on lit que Lehmer a conjecturé que la période primitive de cette suite appartient à l’ensemble {21, 42, 63, 84, 126, 252}. Comme dans le cas des suites récurrente linéaires (voir [21]) la période T de s modulo 21 est alors le ppcm des périodes modulo 3 et modulo 7. Période modulo 3. Avec les notations des paragraphes précédents, on a ici q = 3 et pour n ≥ 0, µ ¶ µ ¶ 0 1 0 2 Q(n) = et Q = . 2 4n + 5 1 0 Le polynôme caractéristique de Q sur F3 est X 2 + 1. Il est irréductible sur F3 . Par ailleurs toute racine α de X 2 + 1 vérifie α4 = 1. D’où T1 la période de s modulo 3 est donnée par T1 = q × ord(α) = 3 × 4 = 12. Période modulo 7. Soit T2 cette période. Un calcul analogue donne T2 = 42. Donc T = ppcm(42, 12) = 84. 38 Chapitre 2. Périodes et suites récurrentes linéaires à coefficients polynomiaux 39 Chapitre 3 Multi-suites récurrentes et séries rationnelles L’étude des k-suites récurrentes linéaires ou tableaux récurrents est relativement récente. On trouvera dans Kurakin et al ([20]) un historique de la question et un bon nombre de résultats sur ce sujet et ses différentes applications. Nous nous intéressons essentiellement aux propriétés des k-suites récurrentes linéaires sur un anneau commutatif unitaire, liées au produit de Hadamard et aux opérations de décimation et d’emboı̂tement de suites. Nous donnerons quelques nouvelles caractérisations de ces multisuites en termes de matrices et comme sommes de suites récurrentes linéaires (voir la proposition 3.2.2 et le corollaire 3.2.2). Nous montrons également que les k-suites récurrentes linéaires sur un anneau commutatif unitaire forment une algèbre pour le produit de Hadamard, stable par décimation et emboı̂tement (voir le théorème 3.2.1). Nous utiliserons ces résultats pour approfondir l’étude de certains sous-ensembles de l’algèbre des séries formelles ; en particulier l’algèbre des séries reconnaissables (les séries rationnelles dont les coefficients sont des k-suites récurrentes linéaires). Après avoir donné quelques propriétés des séries rationnelles reconnaissables (propositions 3.3.2, 3.3.4 et 3.3.5), nous démontrons, en particulier que sur un corps commutatif, les séries reconnaissables Hadamard-inversibles sont les emboı̂tements de séries super-géométriques (théorème 3.3.2). 40 3.1 Chapitre 3. Multi-suites récurrentes et séries rationnelles Définitions et notations Soient k ∈ N∗ et A un anneau commutatif unitaire. On désigne par Sk (A) le A-module des multi-suites de A. C’est-à-dire l’ensemble {u : Nk → A} muni de l’addition et du produit par les scalaires usuels. Un élément (n1 , . . . , nk ) ∈ Nk est noté simplement n. Soit n ∈ Nk et m ∈ Nk . On pose |n| = n1 + · · · + nk , n + m = (n1 + m1 , . . . , nk + mk ), n · m = (n1 · m1 , . . . , nk · mk ). L’écriture n < m (resp. n ≤ m ) veut dire : ∀i ∈ {1, . . . , k}, ni < mi (resp. ni ≤ mi ). Dans toute la suite l’algèbre des polynômes en les variables commutatives x1 , . . . , xk sera notée A[x] ou Pk et pour n = (n1 , . . . , nk ) ∈ Nk , le monôme xn1 1 · · · xnk k sera désigné par xn . Définition 3.1.1 Les éléments de Sk (A) sont appelés des k-suites sur A. Soient u = (u(n))n∈Nk et v = (v(n))n∈Nk deux éléments de Sk (A). Le produit de Hadamard de u et v est la k-suite u ¯ v donnée par : (u ¯ v)(n) = u(n)v(n), ∀n ∈ Nk . Muni de ce produit Sk (A) est une A-algèbre associative, commutative et unitaire d’élément neutre pour le produit la k-suite e définie par e(n) = 1, ∀n ∈ Nk . On aura besoin dans la suite de la notion d’emboı̂tement des k-suites. Définition 3.1.2 Soit q ∈ N∗ , I = {0, . . . , q − 1}, u ∈ Sk (A) et {ui : i ∈ I k } ⊂ Sk (A). On dit que u est un emboı̂tement des k-suites ui (i ∈ I k ) si ∀i ∈ I k ∀n ∈ Nk . P Soit F un sous-ensemble fini de Nk , f (x) = i∈F ai xi un élément de Pk et u = (u(n))n∈Nk une k-suite. On définit, comme dans le cas des 1-suites, le produit de f par u comme étant la suite v donnée par : X v(n) = ai u(n + i), ∀n ∈ Nk . u(qn + i) = ui (n), i∈F 3.1. Définitions et notations 41 On munit ainsi Sk (A) d’une structure de Pk -module et l’on a : ∀f ∈ Pk , ∀(u, v) ∈ Sk (A)2 , f (u ¯ v) = f u ¯ f v. Remarque Soit q ∈ N∗ , I = {0, . . . , q − 1}, u ∈ Sk (A) et {ui : i ∈ I k } ⊂ Sk (A). Si u est un emboı̂tement des suites u0,...,0 , . . . , uq−1,...,q−1 alors ui = xi u0,...,0 ∀i ∈ I k . Afin d’introduire la notion de k-suite récurrente linéaire on a besoin de la définition suivante. Définition 3.1.3 ([20]) Soit I un idéal de Pk . On dit que I est unitaire s’il contient des polynômes unitaires en une variable de la forme p1 (x1 ), . . . , pk (xk ). On peut supposer, quitte à multiplier par un élément inversible de A, que les polynômes p1 (x1 ), . . . , pk (xk ) ont des coefficients dominants inversibles. Proposition 3.1.1 Soient A un anneau commutatif unitaire et I un idéal de l’algèbre Pk des polynômes sur A. On suppose que A est noethérien. Une condition nécessaire et suffisante pour que I soit unitaire est que I soit cofini. Preuve 1. Montrons que la condition est nécessaire. Supposons donc que I contient les polynômes unitaires q1 (x1 ), . . . , qk (xk ) de degrés respectifs d1 , . . . , dk . Soit J l’idéal de Pk engendré par q1 (x1 ), . . . , qk (xk ). Le A-module Pk /J est alors un A-module de type fini engendré par {xi11 xi22 · · · xikk + J : 0 ≤ ij ≤ dj , 1 ≤ j ≤ k}. Comme J ⊂ I, le A-module Pk /I est un quotient de Pk /J et est donc de type fini. 2. Montrons, moyennant l’hypothèse sur A, que la condition est suffisante. Supposons donc que Pk /I = Ag1 + · · · + Ags où s ∈ N∗ et pour tout i ∈ {1, . . . , s}, gi ∈ Pk et gi désigne gi + I. Désignons par t une indéterminée quelconque parmi x1 , . . . , xk et par t̄ sa classe modulo I. Comme A est noethérien, tout sous module de Pk /I est de type fini. En particulier le sous module engendré par {t̄n / n ∈ N} est de type fini. Ce qui signifie que I contient un polynôme unitaire en t. 2 Remarque Si on se place dans la situation où k est différent de 1 et A non noethérien alors les idéaux cofinis ne sont pas forcément unitaires. Soit K un corps commutatif, A = K[ti , si / i ∈ N∗ ] l’algèbre des polynômes en une infinité 42 Chapitre 3. Multi-suites récurrentes et séries rationnelles dénombrable d’indéterminées commutatives et I l’idéal de A[x, y] engendré par x2 y 2 − xy et les éléments de la forme xi − si xy et y i − ti xy pour i ∈ N \ {0}. L’idéal I est cofini : A[x, y]/I = A(1 + I) + A(xy + I), mais il n’est pas unitaire. Pour le voir, il suffit de supposer le contraire et comparer les coefficients des monômes de même degré pour arriver à une contradiction. Définition 3.1.4 Soient A un anneau commutatif unitaire et Pk l’algèbre des polynômes en les indéterminées x1 , . . . , xk . Soit u une k-suite. On dit que u est une k-suite récurrente linéaire si l’idéal AnnPk (u) de Pk est un idéal unitaire. Si q1 (x1 ), . . . , qk (xk ) sont des polynômes unitaires dans l’idéal AnnPk (u) alors on dira que ce sont des polynômes caractéristiques de u et l’idéal qu’ils engendrent sera appelé idéal caractéristique de u. Exemples 1. Les suites récurrentes linéaires sur A sont les 1-suites. 2. Soient s un entier naturel positif et U1 , V1 , . . . , Us , Vs des suites récurrentes linéaires sur A. Soit u = (u(m, n))(m,n)∈N2 la 2-suite d’éléments de A donnée par : ∀(m, n) ∈ N u(m, n) = 2 s X Ui (m)Vi (n). i=1 C’est une 2-suite récurrente linéaire. Son annulateur dans P2 = A[x, y] contient les polynômes unitaires q1 (x) et q2 (y) où q1 (x) (resp. q2 (x)) est le produit des polynômes caractéristiques de U1 , . . . , Us (resp. V1 , . . . , Vs ) dans A[x] ( resp. A[y]). 3. Soit k ∈ N∗ , (a1 , . . . , ak ) ∈ Ak et b ∈ A. La k-suite u de Sk (A) définie par : u(n1 , . . . , nk ) = ban1 1 · · · ank k ∀(n1 , . . . , nk ) ∈ Nk (3.1) est une k-suite récurrente linéaire. Son idéal caractéristique contient les polynômes x 1 − a1 , . . . , x k − ak . On l’appelle suite super-géométrique. Notation L’ensemble des k-suites récurrentes linéaires sur A sera noté SRk (A). Proposition 3.1.2 ([20]) Soient A un anneau commutatif unitaire et k un entier naturel positif. On a : 1. SRk (A) est un Pk -module ; 3.2. Caractérisations des k-suites récurrentes linéaires 43 2. soit u dans Sk (A). Si u est dans SRk (A) alors Pk u est un A-module de type fini. Inversement, si A est noetherien et Pk u est de type fini sur A alors u est dans SRk (A). Preuve 1. Les polynômes caractéristiques de combinaisons Pk -linéaires de k-suites reécurrentes linéaires sont obtenus en prenant les produits des polynômes caractéristiques. 2. Soient u ∈ Sk (A) et φu l’application de Pk dans Pk u définie par φu (p) = pu, pour tout p dans Pk . Cette application est un morphisme de Pk -modules de noyau l’idéal AnnPk (u) et on a Pk /AnnPk (u) ' Pk u. Le point 2. est alors une traduction en termes de k-suites de la proposition 3.1.1. 2 3.2 Caractérisations des k-suites récurrentes linéaires Pour plus de clarté et afin d’alléger les notations on ne considérera que des 2-suites (k = 2). On notera A[x, y] l’algèbre des polynômes sur A. Un élément u de S2 (A) sera noté u = u(m, n)(m,n)∈N2 . Les résultats qui vont suivre sont, sauf mention expresse du contraire, valables pour tout k ∈ N∗ . Proposition 3.2.1 ([19]) Soient A un anneau commutatif unitaire et u une 2-suite sur A. Les assertions suivantes sont équivalentes : 1. la 2-suite u est récurrente linéaire ; 2. il existe (d, e) ∈ N∗2 et des constantes a1 , . . . , ad , b1 , . . . , bd dans A tels que : ½ u(m + d, n) = a1 u(m + d − 1, n) + · · · + ad u(m, n) 2 ∀(m, n) ∈ N u(m, n + e) = b1 u(m, n + e − 1) + · · · + be u(m, n). (3.2) Preuve On vérifie que les égalités 3.2 sont équivalentes à xd − a1 xd−1 − · · · − ad et xe − b1 xe−1 − · · · − be sont dans l’idéal annulateur de u. 2 Une autre caractérisation des k-suites récurrentes linéaires est la généralisation de la proposition 1.2.1 qui permet de voir les suites récurrentes linéaires comme des itérés de morphismes de modules. Proposition 3.2.2 Soient A un anneau commutatif unitaire et u une 2-suite sur A. Les assertions suivantes sont équivalentes : 1. la suite u est dans SR2 (A) ; 44 Chapitre 3. Multi-suites récurrentes et séries rationnelles 2. il existe des A-modules E1 et E2 libres de rang finis, des applications linéaires φ ∈ EndA (E1 ), ψ ∈ EndA (E2 ) et f ∈ EndA (E1 , E2 ) ; une forme linéaire α de E1 dans A et un vecteur v0 ∈ E1 tels que : u(m, n) = αψ m f φn (v0 ), ∀(m, n) ∈ N2 . Preuve 1. L’assertion 2 implique l’assertion 1. Ceci provient du fait que tout endomorphisme g d’un A-module de type fini est solution d’une équation de la forme P (g) = 0 où P est un polynôme unitaire à coefficients dans A. Ce qui équivaut d’ailleurs au fait que toute matrice carré à coefficients dans A est racine de son polynôme caractéristique (voir [7]). Les polynômes caractéristiques de la suite u sont ici les polynômes caractéristiques des matrices associées aux applications φ et ψ. 2. Inversement, soit u ∈ SR2 (A). Elle vérifie donc une récurrence comme en 3.2. Posons, pour i ≤ e, v(m, i) = (u(m, i), . . . , u(m + d − 1, i)t où wt désigne le transposé du vecteur w. On a alors : v(m + 1, i) = Q1 v(m, i), ∀m ∈ N où Q1 est la matrice compagnon du polynôme xd − a1 xd−1 − . . . − ad . ce qui signifie que v(m, i) = Qm 1 v(0, i) ∀m ∈ N. Soit maintenant dans Ae , pour (j, n) ∈ N2 , U (j, n) = (u(j, n), . . . , u(j, n + e − 1)). On a alors : U (j, n)t = Qn2 U (j, 0)t , ∀(j, n) ∈ N2 , où Q2 est la matrice compagnon du polynôme xe − b1 xe−1 − . . . − be . Soient ψ (resp. φ1 ) l’endomorhisme de Ad (resp. Ae ) qui correspond à la matrice Q1 (resp. Q2 ) relativement aux bases canoniques. Soit f0 , . . . , fd−1 les applications de Ae sur A données par : fj ((x0 , x1 , . . . , xd−1 )) = xj , ∀j ∈ {0, . . . , d − 1} ∀(x0 , x1 , . . . , xd−1 ) ∈ Ad . On a donc, pour j ∈ {0, . . . , d − 1} et n ∈ N, u(j, n) = fj φn1 (U (j, 0)). Soient f : (Ae )d → Ad et Φ : (Ae )d → Ae les applications linéaires définies par : f ((Y0 , . . . , Yd−1 )) = (f0 (Y0 ), . . . , fd−1 (Yd−1 )), Φ((Y0 , . . . , Yd−1 )) = (φ1 (Y0 ), . . . , φ1 (Yd−1 )), pour tout (Y0 , . . . , Yd−1 ) ∈ (Ae )d . En posant : E1 = (Ae )d , E2 = Ad , et α = pr1 (Ad , A), 3.2. Caractérisations des k-suites récurrentes linéaires 45 on obtient, pour (m, n) ∈ N2 , u(m, n) = αψ m f φn U où U est le vecteur de (Ae )d donné par : U = (U (0, 0), . . . , U (d − 1, 0))t . On a en fait le diagramme : (Ae )d → (Ae )d → Ad → Ad → A n m U → φ U → v(0, n) → ψ (v(0, n)) → u(m, n). où (3.3) v(0, n) = (u(0, n), . . . , u(d − 1, 0))t , φn U = (φn U (0, 0), . . . , φn U (d − 1, 0)). 2 Ce qui achève la démonstration. Remarque En termes de matrices la proposition veut dire qu’une 2-suite u est récurrente linéaire s’il existe des matrices Q1 ,Q2 , P , un vecteur colonne U et un vecteur ligne a tels que : ∀(m, n) ∈ N2 . n u(m, n) = aQm 1 P Q2 U, Corollaire 3.2.1 Soient A un anneau commutatif unitaire et u une 2-suite récurrente linéaire sur A. On suppose que A est localement fini et que les polynômes caractéristiques de u ont des coefficients constants inversibles dans A. Alors la 2-suite u est périodique : il existe deux entiers naturels T1 et T2 tels que : u(m, n) = u(m + T1 , n) = u(m, n + T2 ), ∀(m, n) ∈ N2 . Preuve Soient Q1 et Q2 comme dans la remarque ci-dessus. Comme les polynômes caractéristiques de u ont des coefficients constants inversibles dans A, il s’ensuit que les matrices Q1 et Q2 sont inversibles et donc (voir remarques sur les anneaux où les éléments réguliers sont inversibles (section 2.2)) il existe T1 et T2 tels que : QT1 1 = Q2 T2 = 1. Par conséquent u(m, n) = u(m + T1 , n) = u(m, n + T2 ), ∀(m, n) ∈ N2 . 2 On retrouve ainsi par une autre méthode le théorème 1 de [19]. Corollaire 3.2.2 Soient A un anneau commutatif unitaire et u une 2-suite sur A. Les assertions suivantes sont équivalentes : 1. u est une 2-suite récurrente linéaire ; 2. il existe t dans N∗ et des 1-suites u1 , v1 , . . . , ut , vt récurrentes linéaires sur A tels que : u(m, n) = t X i=1 ui (m)vi (n), ∀(m, n) ∈ N2 . (3.4) 46 Chapitre 3. Multi-suites récurrentes et séries rationnelles Preuve On a déjà vu que des sommes de la forme 3.2.2 sont des 2-suites récurrentes linéaires (voir les exemples de la définition 3.1.4). Montrons la réciproque. Soit u dans SR2 (A). On a alors, avec les notations de la proposition 3.2.1, u(m, n) = αψ m f φn (v0 ), ∀(m, n) ∈ N2 . Soient {e1 , . . . , en1 } et {f1 , . . . , fn2 } des bases de E1 et E2 respectivement. Si v0 = λ1 e1 + · · · + λn1 en1 , on a, pour tout (m, n) dans N2 , u(m, n) = αψ m Ãn 1 X ! λi f φn (ei ) Pi=11 = αψ m ( ni=1 λi Xi (n)) où, pour tout n ∈ N et tout i dans {1, . . . , n1 } , Xi (n) = f φn (ei ) est un vecteur de E2 formé de suites récurrentes linéaires (voir proposition 1.2.1). Soit, pour tout i dans {1, . . . , n1 }, Xi (n) = n2 X vi,j (n)fj . j=1 On a donc, pour tout (m, n) dans N2 , P 2 P 1 u(m, n) = α ni=1 λi nj=1 vi,j (n)ψ m (fj ) n n 1 X 2 X vi,j (n)Yj (m) = i=1 j=1 où, pour tout j ∈ {1, . . . , n2 }, la suite (Yj (m))m≥0 = (αψ m (fj ))m≥0 est une suite récurrente linéaire. Ce qui achève la démonstration. 2 Théorème 3.2.1 Soit A un anneau commutatif et unitaire. L’ensemble des 2-suites récurrentes linéaires sur A est une A-algèbre pour le produit de Hadamard stable par emboı̂tement et décimation. Preuve 1. On sait que l’ensemble SR2 (A) des 2-suites récurrentes linéaires sur A est un A-module. Montrons qu’il est stable pour le produit de Hadamard. Soient u et v deux éléments de SR2 (A). Il existe, compte tenu du corollaire 3.2.2, des entiers naturels positifs p et q et des suites récurrentes linéaires u1 , v1 , . . . , up , vp et s1 , t1 , . . . , sq , tq tels que : p q X X 2 ∀(m, n) ∈ N , u(m, n) = ui (m)vi (n) et v(m, n) = si (m)ti (n). i=1 i=1 3.2. Caractérisations des k-suites récurrentes linéaires 47 Soit w = u ¯ v. Alors, pour tout (m, n) ∈ N2 , w(m, n) = u(m, n)v(m, n) p q X X = ui (m)vi (n) si (m)ti (n) i=1 i=1 X = ui (m)vi (n)sj (m)tj (n) i,j Or on a vu que le produit de deux suites récurrentes linéaires sur A est une suite récurrente linéaire. On a donc : ∀i ∈ {1, . . . , p}, ∀j ∈ {1, . . . , q}, (ui (m)sj (m))m≥0 ∈ SR(A) et (vi (n)tj (n))n≥0 ∈ SR(A). Par conséquent w ∈ SR2 (A). 2. Soit d ∈ N∗ et I = {0, . . . , d − 1}. Soient u et ui,j ((i, j) ∈ I 2 ) des 2-suites sur A telles que u soit un emboı̂tement des ui,j pour (i, j) ∈ I 2 . Suppposons que u est récurrente linéaire. Pour montrer que les 2-suites ui,j ((i, j) ∈ I 2 ) le sont aussi, il suffit de montrer que la suite u0,0 est récurrente linéaire car ui,j = xi y i u0,0 ∀(i, j) ∈ I 2 . On a : ∀(m, n) ∈ N , 2 u(m, n) = p X ui (m)vi (n), i=1 où les suites u1 , v1 , . . . , up , vp sont récurrentes linéaires. Donc ∀(m, n) ∈ N , 2 u(dm, dn) = p X ui (dm)vi (dn). i=1 Comme les d-décimations de suites récurrentes linéaires sont des suites récurentes linéaires, il vient u0,0 est une 2-suite récurrente linéaire. Inversement, supposons que les suites u0,0 , . . . , ud−1,d−1 sont des 2-suites récurrentes linéaires. Soient q1 (x) et q2 (y) des polynômes caractéristiques communs à toutes ses suites. On vérifie alors que, si on pose u = Ed (u0,0 , . . . , ud−1,d−1 ), où Ed est l’opération d’emboı̂tement, alors xd u = Ed (xu0,0 , . . . , xud−1,d−1 ), y d u = Ed (yu0,0 , . . . , yud−1,d−1 ). Par conséquent, les polynômes q1 (xd ) et q2 (y d ) sont des polynômes caractéristiques de u. 2 48 3.3 3.3.1 Chapitre 3. Multi-suites récurrentes et séries rationnelles Séries rationnelles et séries reconnaissables Propriétés de base Comme dans les sections précédentes A est un anneau commutatif unitaire. On désignera par A[[x, y]] l’algèbre des séries formelles en les variables commutatives x et y. On identifiera A[x, y] à la sous-algèbre de A[[x, y]] formée des séries ayant un nombre fini de coefficients non nuls. Le groupe des éléments inversibles de A sera noté U (A). Si A est intègre on notera K son corps des fractions et on désignera par K((x, y)) le corps des fractions de A[[x, y]]. Les résultats de cette section sont valables si on considère un nombre fini arbitraire d’indéterminées. À toute suite a = a(m, n)(m,n)∈N2 de S2 (A) on associe sa série génératrice Ga (x, y) dans A[[x, y]] : X Ga (x, y) = a(m, n)xm y n . (m,n)∈N2 On définit ainsi un isomorphisme de A-modules G{·} de S2 (A) dans A[[x, y]]. Si on définit le produit de Hadamard de deux séries quelconques Ga et Gb de A[[x, y]] par Ga ¯ Gb = Ga¯b , alors G{·} est un isomorphisme de A-algèbres. Définition 3.3.1 Soient A un anneau commutatif et X f (x, y) = a(m, n)xm y n ∈ A[[x, y]]. (m,n)∈N2 On dit que f est une série rationnelle s’il existe p et q dans A[x, y] tels que : q(0, 0) ∈ U (A) et qf = p. (3.5) Notation L’ensemble des séries rationnelles est noté R2 (A) ou tout simplement R(A) si aucune confusion n’est à craindre. Exemples 1. L’ensemble R(A) contient A[x, y]. 2. L’ensemble R(C) est tout simplement l’ensemble des séries formelles sur C qui représentent le développement en séries de Taylor au voisinage de zéro des fractions rationnelles dont le dénominateur à un coefficient constant non nul. Remarques 1. Soient A un anneau commutatif et S le sous-ensemble de A[x, y] formé des polynômes dont 3.3. Séries rationnelles et séries reconnaissables 49 le coefficient constant est inversible dans A. S est une partie multiplicative dans A[[x, y]]. On a alors R2 (A) = S −1 A[x, y] et l’égalité 3.5 devient f = p/q dans S −1 A[[x, y]]. 2. Dans le cas des 1-suites récurrentes linéaires sur un anneau commutatif unitaire, on sait qu’une suite est récurrente linéaire si et seulement si sa série génératrice est rationnelle (voir [21]). On verra dans la suite que dans le cas des k-suites (k ≥ 2) la situation est différente. 3. L’ensemble R(A) des séries rationnelles est manifestement un sous-module du A-module des séries formelles sur A. Cependant il n’est pas toujours stable pour le produit de Hadamard comme le montre l’exemple standard suivant (voir [1] ou [24]) : La série X µ m+n ¶ f (x, y) = xm y n n 2 (m,n)∈N est dans R2 (A) car (1 − x − y)f = 1, mais (voir par exemple [1]) son carré de Hadamard n’est pas dans R2 (A) µ ¶2 P m+n (f ¯ f )(x, y) = xm y n n (m,n)∈N2 ¡ ¢− 1 = (1 − x − y)2 − 4xy 2 4. Le A-module des séries rationnelles est cependant une A-algèbre pour le produit de Cauchy (le produit usuel des séries). Si f et g sont deux séries telles que : q1 f = p1 , q2 g = p2 , (q1 (0), q2 (0)) ∈ U (A)2 , alors q1 q2 gf = p1 p2 q1 (0)q2 (0) ∈ U (A). Proposition 3.3.1 Soient A un anneau commutatif unitaire et A0 le sous anneau de A engendré par 1 (il est isomorphe à Z/lZ pour un certain l dans N). Soit f (x, y) = X a(m, n)xm y n (m,n)∈N2 un élément de R2 (A). La 2-suite a est alors à valeurs dans un sous anneau de type fini sur A0 . Preuve En effet, supposons que f vérifie 3.5. Posons : X X X X p(x, y) = pij xi y j et q(x, y) = qij xi y j 0≤i≤dx 0≤j≤dy 0≤i≤ex 0≤j≤ey 50 Chapitre 3. Multi-suites récurrentes et séries rationnelles où dx , dy , ex , ey sont dans N et q(0, 0) ∈ U (A). On obtient, par identification, si 0 ≤ m ≤ dx et 0 ≤ n ≤ dy alors : X −qij a(m − i, n − j) ; a(m, n) = pm,n + sinon : a(m, n) = X −qij a(m − i, n − j) où les différentes sommes sont prises sur les couples (i, j) tels que (i, j) 6= (0, 0), 0 ≤ i ≤ min(ex , m) et 0 ≤ j ≤ min(ey , n). La 2-suite est donc dans le sous anneau de A engendré par 1, les coefficients des polynômes p et q et les premiers termes. 2 Remarque Les égalités ci-dessus montrent que si f est rationnelle alors il existe r dans N tel que : 1. pour tout i ∈ {0, . . . , r} la suite a(i, n)n≥0 est récurrente linéaire ; 2. pour tout j ∈ {0, . . . , r} la suite a(m, j)m≥0 est récurrente linéaire ; 3. pour tout (m, n) dans N2 tel que m > r ou n > r : X X −qij a(m − i, n − j). a(m, n) = 0≤i≤min(m,r) 0≤j≤min(n,r) Définition 3.3.2 Soient A un anneau commutatif unitaire et f un élément de A[[x, y]]. On dit que f est une série reconnaissable s’il existe des polynômes q1 (x), q2 (y) et p(x, y) dans A[x, y] tels que : q1 q2 f = p, (q1 (0), q2 (0)) ∈ U (A)2 , deg p < degx q1 , deg p < degy q2 . (3.6) Notation L’ensemble des séries reconnaissables sera noté Rr2 (A) ou bien Rr(A). Remarques 1. Dans le cas d’une variable (k = 1) les séries reconnaissables sont les séries rationnelles. Si k ≥ 2, l’inclusion Rr(A) ⊂ R(A) peut être stricte : soit A = Q, par exemple, et f la série de A[[x, y]] associée à la suite u définie par ½ 1 si m = n ; 2 ∀(m, n) ∈ N u(m, n) = 0 sinon. La série f est rationnelle car (1 − xy)f = 1, mais elle n’est pas reconnaissable puisque (1 − xy) est irréductible dans A[x, y]. 3.3. Séries rationnelles et séries reconnaissables 51 2. Dans ([17]) l’auteur appelle série reconnaissable, toute série à une variable dont les coefficients forment une suite récurrente linéaire, c’est-à-dire une série rationnelle. Nous adoptons cette terminologie, dans le cas de plusieurs variables, pour des séries dont les coefficients sont des k-suites récurrentes linéaires comme le montre la proposition ci-dessus. Proposition 3.3.2 Soient A un anneau commutatif unitaire et a un élément de S2 (A). Les assertions sont équivalentes : 1. La 2-suite a est récurrente linéaire. 2. La série génératrice Ga (x, y) est reconnaissable. Preuve 1. Soit a = a(m, n)(m,n)∈N2 une 2-suite récurrente linéaires de polynômes caractéristiques : q1 (x) = xd − a1 xd−1 − · · · − ad et q2 (y) = xe − b1 xd−1 − · · · − be dans A[x, y]. Posons : q1∗ (x) = 1 − a1 x − · · · − ad xd et q2∗ (y) = 1 − b1 x − · · · − be xe dans A[x, y]. On a alors q1∗ (0) = q2∗ (0) = 1. Si f désigne la série génératrice de a alors : X X q1∗ (x)f = q1∗ (x) yn a(m, n)xm n≥0 à m≥0 ! X X = y n q1∗ (x) a(m, n)xm n≥0 à d−1 m≥0 ! X X = yn b(j, n)xj j=0 n≥0 où, pour j ∈ {0, . . . , d − 1}, b(j, n) = a(j, n) − a1 a(j − 1, n) − · · · − aj a(0, n), car q1 a = 0. La multiplication par q2∗ (y) donne : q2∗ (y)q1∗ (x)f = q2∗ (y) = d−1 X X n≥0 xj j=0 = d−1 X j=0 yn X à X yn n≥0 d−1 X ! b(j, n)xj j=0 b(j, n)y n n≥0 xj e−1 X cji y i i=0 où, pour i ∈ {0, . . . , e − 1}, cji = b(j, i) − b1 b(j, i − 1) − · · · − bi b(j, 0), 52 Chapitre 3. Multi-suites récurrentes et séries rationnelles car q2 a = 0. Finalement, q2∗ (y)q1∗ (x)f est un polynôme de degré en x (resp. en y) au plus égal à d − 1 (resp. e − 1). P 2. Inversement, soit f = m,n a(m, n)xm y n dans A[[x, y]]. On suppose que f vérifie 3.6. On peut supposer que q1 (0) = q2 (0) = 1. Soit donc q1 (x) = ad xd + · · · + 1 et q2 (y) = be y e + · · · + 1. En identifiant les coefficients des séries interveant dans l’égalités on se rend compte que les polynômes xd +ad−1 xd−1 +· · ·+ad et y e +be−1 y e−1 +· · ·+be sont des polynômes caractéristiques de a. 2 Corollaire 3.3.1 Soit A un anneau commutatif unitaire. L’ensemble des séries reconnaissables sur A est une sous-algèbre de l’algèbre A[[x, y]] munie du produit de Hadamard. Preuve Elle découle de la structure de A-algèbre de SR2 (A) . Voir la proposition 3.2.1. 2 Remarques 1. Soit a = a(m, n)(m,n)∈N2 un élément de SR2 (A). Supposons qu’il existe d dans N∗ tel que a soit un emboı̂tement des 2-suites aij , ((i, j) ∈ {0, . . . , d − 1}2 ). Alors ceci se traduit sur la série génératrice de a par : d−1 X d−1 X Ga (x, y) = xi y j Gaij (xd , y d ). j=0 i=0 On dit, dans ce cas, que la série Ga est un emboı̂tement des séries Gaij , pour (i, j) ∈ {0, . . . , d − 1}2 . 2. La proposition précédente, jointe au théorème 3.2.1, montre que l’algèbre des séries reconnaissables est stable par emboı̂tement et décimation. Soient ∂ ∂x et ∂ ∂y les dérivations habituelles sur A[[x, y]]. On pose D1 = x ∂ ∂x et D2 = y ∂ . ∂y La A-algèbre A [D1 , D2 ] opère alors naturellement sur A [[x, y]]. Soit f= X a(m, n)xm y n ∈ A[[x, y]] et P (D1 , D2 ) ∈ A [D1 , D2 ] . (m,n)∈N2 On a alors : P (D1 , D2 )f = X (m,n)∈N2 P (m, n)a(m, n)xm y n 3.3. Séries rationnelles et séries reconnaissables 53 Autrement dit la multiplication de la 2-suite a par la 2-suite (mi nj )(m,n)∈N2 est équivalente à l’application de D1i D2j à la série f . On alors la Proposition 3.3.3 Les sous-ensembles R2 (A) et Rr2 (A) sont stables par dérivation. Preuve P Soit f (x, y) = (m,n)∈N2 a(m, n)xm y n dans A[[x, y]] et P (D1 , D2 ) un élément de A [D1 , D2 ]. Pour montrer que P f est un élément de R2 (A) (resp. Rr2 (A)) si f est un élément de R2 (A) (resp. Rr2 (A)), il suffit de le faire pour P = D où D ∈ {D1 , D2 }. Supposons que qf = p où p et q sont dans A[x, y]. On a alors : D(qf ) = D(p) ou encore q 2 D(f ) = qD(p) − D(q)p. Ce qui montre que si f est un élément de R2 (A) (resp. Rr2 (A)) alors D(f ) est un élément de R2 (A) (resp. Rr2 (A)). 2 Cas où A est un corps algébriquement clos Proposition 3.3.4 Soit K un corps commutatif algébriquement clos. Alors toute série reconnaissable sur K est une combinaison K-linéaire de séries de la forme : 1 1 s × (1 − αx) (1 − βx)t où (α, β) ∈ K ∗2 et (s, t) ∈ N2 . Preuve P m n ∗ Soit f = (m,n)∈N2 a(m, n)x y dans Rr(K). On sait qu’il existe t dans N et des suites récurrentes linéaires u1 , v1 , . . . , ut , vt tels que : ∀(m, n) ∈ N2 a(m, n) = u1 (m)v1 (n) + · · · + ut (m)vt (n). Il suffit donc d’établir la proposition pour des séries Gw telles que : w(m, n) = u1 (m)v1 (n), ∀(m, n) ∈ N2 . Or K est algébriquement clos, donc les suites u1 , v1 sont telles que (voir par exemple [9]) : u1 (m) = r X i=1 Ai (m)αim , v1 (n) = s X Bi (n)αin , ∀(m, n) ∈ N2 , i=1 où r et s sont dans N, A1 , . . . , Ar , B1 , . . . , Bs sont dans K[x] et α1 , . . . , αr , β1 , . . . , βs sont dans K ∗ . La 2-suite w est donc une combinaison linéaire de 2-suites de la forme mk nl αm β n où k et 54 Chapitre 3. Multi-suites récurrentes et séries rationnelles l sont dans N et dans K. P α et β sont k l m n m n Soit g(x, y) = (m,n)∈N2 m n α β x y . On a : µ ¶ 1 1 g(x, y) = × 1 − αx 1 − βy Ql (y) Pk (x) × = k+1 (1 − αx) (1 − βy)l+1 D1k D2l où Pk , Ql sont des polynômes tels que : 0 ≤ deg Pi ≤ i; 0 ≤ deg Qj ≤ j. Ce qui achève la démonstration. 2 Proposition 3.3.5 Soient K un corps commutatif algébriquement clos de caractéristique nulle P et f = (m,n)∈N2 a(m, n)xm y n dans K[[x, y]]. Les assertions suivantes sont alors équivalentes : 1. f est une série reconnaissable ; 2. il existe s dans N, P1 , . . . , Ps dans K[x, y], α1 , . . . , αs , β1 , . . . , βs dans K ∗ tels que : a(n, m) = s X Pj (n, m)αjn βjm , ∀(n, m) ∈ N2 . (3.7) j=1 Avec (αj , βj ) 6= (αi , βi ) pour i et j distincts dans {1, . . . , s}. De plus, si f est donnée l’écriture ci-dessus est unique. Preuve 1. Montrons que 2 implique 1. L’égalité 3.7 montre que la 2 suite est somme de 2-suites de la forme mk nl αm β n qui sont des récurrentes linéaires car de la forme (mk αm ) · (nl β n ). Donc a est reconnaissable d’après la proposition 3.2.2. 2. Inversement, soit f une série reconnaissable. Elle est donc, d’après la proposition 3.3.4, 1 1 combinaison liéaire d’éléments de la forme (1−αx) et donc de séries génératrices de la r · (1−βx)s forme X A(m)B(n)αm β n xm y n , (m,n)∈N2 où A et B sont des polynômes. Ce qui entraı̂ne que les coefficients de f ont la forme demandée.2 Dans [29] l’auteur appelle série semi-simple toute série rationnelle (en une variable) dont les coefficients forment une suite récurrente linéaire dont le polynôme caractéristique n’a que des zéros d’ordre de multiplicité égal à 1. On a un analogue dans le cas de plusieurs variables. P Définition 3.3.3 Soient K un corps commutatif et f = (m,n)∈N2 a(m, n)xm y n dans K[[x, y]]. On dit que f est une série semi-simple si pour tout (m, n) dans N2 , a(m, n) est de la forme 3.3. Séries rationnelles et séries reconnaissables 55 3.7 dans K avec Pi constant pour tout i dans {1, . . . , s}. Notation L’ensemble des séries semi-simples sur K sera noté Rs2 (K). Remarque L’ensemble des séries semi-simples est une sous-algèbre pour le produit de Hadamard de Rr2 (K). Proposition 3.3.6 Soit K un corps commutatif de caractéristique non nulle algébriquement clos. Alors toute série reconnaissable sur K est un emboı̂tement de séries semi-simples. Preuve Elle est analogue à celle donnée par Reutenauer dans [29]. Soit f une série reconnaissable sur K que l’on supposera de caractéristique p. Comme f est 1 1 combinaison linéaire d’éléments de la forme (1−αx) , il suffit de démontrer la proposition s · (1−βx)t pour de telles séries. On peut supposer que s ≥ 1 et t ≥ 1 (si s = 0 ou r = 0, c’est la proposition 3 de [29]. Il existe alors r, , s, et k dans N tels que : r + r, = s + s, = pk . (On peut supposer r ≤ s. Soit k le plus petit entier tel que s ≤ pk . On prend alors s, = pk − s et r, = pk − r). Soit q = pk on a : 0 0 1 (1 − αx)r (1 − βy)s = (1 − αx)r (1 − βy)s (1 − αx)q (1 − βy)q 0 0 (1 − αx)r (1 − βy)s = (1 − (αx)qX )(1 − (βy)q ) X 0 r0 = (1 − αx) (αq xq )n × (1 − βy)s (β q y q )n n≥0 X X n≥0 X qn qm qn qm i j = ( cij x y )( α β x y ) 0 0 i≤r X j≤s X Xm,n i j = ( x y )( cij αqn β qm xqn y qm ). Soit fij (x, y) = P m,n cij γ i≤r 0 j≤s0 n m n m δ x y m,n où γ = αq et δ = β q . On a alors f (x, y) = X X xi y j fij (xq , y q ). 0≤i≤r0 ≤q 0≤j≤s0 ≤q Avec fij semi-simple, ∀(i, j) ∈ {0, . . . , q}2 . On pose fij = 0 si i > r0 ou j > s0 . Ce qui achève la démonstration. 2 Remarque On suppose que K est de caractéristique nulle. Soit (α, β) ∈ K 2 , (k, l) ∈ N2 et f (x, y) = 56 P Chapitre 3. Multi-suites récurrentes et séries rationnelles a(m, n)xm y n ∈ K[[x, y]]. La série X mk nl αm β n a(m, n)xm y n (m,n)∈N2 n’est autre que la série D1m D2n f (αx, βy). Ce qui montre que si un sous-ensemble E de K[[x, y]] est stable par dérivation et les substitutions x → αx et y → βy alors E est stable pour le produit de Hadamard par les séries reconnaissables. Quelques questions Soient k un entier naturel positif, K un corps commutatif algébriquement clos, E une partie non vide de K[[x1 , . . . , xk ]] et M(E) = {f ∈ K[[x1 , . . . , xk ]] ; f ¯g ∈E ∀g ∈ E} l’ensemble des multiplicateurs de E. On vérifie que M(E) est une K-algèbre pour le produit de Hadamard. Si k = 1, il est évident que M(R1 (K)) = R1 (K). Si en outre on suppose que K est le corps des nombres complexes, J.-P. Bézivin montre dans ([6]) que Rk (K) = M(Al1 (K)) où Al1 (K) désigne le sous-ensemble de K[[x]] formé des séries algébriques, c’est-à-dire les éléments de K[[x]] qui sont algébriques sur K(x). La question de savoir si on a toujours l’égalité est encore ouverte (voir [6]). Maintenant si k ≥ 2 et K de caractéristique nulle on a, en vertu de la remarque ci-dessus, Rrk (K) ⊂ M(E), pour E = Rk (K) ou E = Alk (K), Les inclusions ci-dessus sont-elles des égalités? 3.3.2 Éléments Hadamard-inversibles Soient K un corps commutatif, A une des parties Rrk (K), Rk (K) et f (x) = élément de A. P n∈Nk a(n)xn un Définition 3.3.4 On dit que f est Hadamard-inversible dans A si ∀n ∈ Nk , a(n) 6= 0 et X n∈Nk 1 n x ∈ A. a(n) Si A = Rrk (K) l’ensemble des éléments Hadamard-inversibles est donc le groupe des éléments inversibles de l’algèbre (A, ¯). Dans le cas d’une variable et quelle que soit la caractéristique de K, les séries rationnelles Hadamard-inversibles sont les emboı̂tements de séries géométriques. Plus précisemment, on a le 3.3. Séries rationnelles et séries reconnaissables 57 Théorème 3.3.1 ([29] ou [3]) Si k = 1, les séries rationnelles Hadamard-inversibles sont les séries dont les coefficients sont non nuls et qui s’écrivent f (t) = A(t) + d−1 X j=0 cj tj , 1 − αj td où d ∈ N, (c0 , . . . , cd−1 ) ∈ L∗d , (α0 , . . . , αd−1 ) ∈ L∗d et A(t) ∈ L[t]. Ici L désigne une extension de degré fini de K. On montre dans cette section, en s’inspirant des résultats en un variable dûs à Reutenauer ([29]), que les éléments Hadamard-inversibles de l’algèbre Rrk (K) des séries reconnaissables sont les emboı̂tements de séries super-géométriques ; c’est-à-dire, en continuant à ne traiter que le cas k = 2, les séries de la forme : X aαm β n xm y n (m,n)∈N2 où a, α, β sont dans K ∗ . On aura besoin de la proposition suivante : Proposition 3.3.7 Soient A un anneau commutatif unitaire intègre, G un groupe abélien de type fini et A [G] l’algèbre de G sur A. On a alors : 1. l’anneau A [G] est intègre si et seulement si G est libre ; 2. si le groupe G est libre alors le groupe des éléments inversible de A[G] est l’ensemble {ag/a ∈ K ∗ , g ∈ G} . La preuve de cette proposition, donnée par P. M. Cohn dans [15], dans le cas où A est un corps, s’étend sans peine au cas où l’anneau A est intègre. 2 Soient t1 et t2 deux nouvelles indéterminées commutatives. On désigne par G le groupe multiplicatif K ∗ × K ∗ et par A la K-algèbre de G définie sur K [t1 , t2 ]. Les éléments de A sont de la forme : s X Pi (t1 , t2 )(αi , βi ) i=1 où s est dans N, P1 , . . . , Ps sont dans K[t1 , t2 ] et (α1 , β1 ), . . . , (αs , βs ) sont des éléments distincts de G. On a alors la 58 Chapitre 3. Multi-suites récurrentes et séries rationnelles Proposition 3.3.8 Soit K un corps commutatif de caractéristique nulle et algébriquement clos. Alors Rr2 (K) et A sont isomorphes en tant que K-algèbres. Preuve Soit Φ l’application de A dans R0 (K) définie par : X Φ Pα,β (t1 , t2 )(α, β) = X a(n, m)xn y m , (3.8) (n,m)∈N2 (α,β)∈G où X a(n, m) = ∀(n, m) ∈ N2 . Pα,β (n, m)αn β m , (α,β)∈G L’application Φ est K-linéaire est bijective grâce à la proposition 3.3.5. Montrons que Φ est un morphisme d’anneaux. Soient E et F dans A tels que E= t X Pj (t1 , t2 )(αj , βj ) et F = j=1 s X Qj (t1 , t2 )(δj , γj ). j=1 On a alors EF = s X t X Pj (t1 , t2 )Qi (t1 , t2 )(αj δi , βj γi ). j=1 j=1 Par conséquent : à X X Φ(EF ) = (n,m)∈N2 = à X ! Pj (n, m)Qi (n, m)(αj δi )n (βj γi )m xn y m i,j Pj (n, m)αjn βjm !à X j ! Qi (n, m)δin γim xn y m . i C’est-à-dire : Φ(EF ) = Φ(E) ¯ Φ(F ). 2 Proposition 3.3.9 Soit K un corps commutatif algébriquement clos et de caractéristique quelconque. L’application φ de K[G] dans l’algèbre des séries semi-simples Rs2 (K) définie par : ! à s à s ! X X X ci (αi , βi ) = ci αim βin xm y n , φ i=1 pour tout Ps i=1 ci (αi , βi ) (m,n)∈N2 i=1 dans K[G], est un isomorphisme de K-algèbres. Preuve L’application φ n’est autre que la restriction du morphisme Φ de la proposition précédente. 3.3. Séries rationnelles et séries reconnaissables 59 Son image est Rs(K). 2 Proposition 3.3.10 Soient K un corps commutatif, q un entier naturel et (i, j) ∈ N2 . L’application K-linéaire Ψq,i,j de K [t1 , t2 ] [G] dans K [t1 , t2 ] [G] définie sur les monômes par : Ψq,i,j (P (t1 , t2 )) (α, β) = αi β j P (qt1 + i, qt2 + j)(αq , β q ) est un morphisme de K-algèbres. Preuve Il suffit de travailler sur les monômes et de montrer que Ψ = Ψq,i,j conserve les produits. Soit P (t1 , t2 )(α, β) et Q(t1 , t2 )(α1 , β1 ) dans K [t1 , t2 ] [G] . On a : Ψ (P (t1 , t2 )(α, β)Q(t1 , t2 )(α1 , β1 )) = Ψ (P Q(t1 , t2 )(αα1 , ββ1 )) = P Q(qt1 + i, qt2 + j)(αα1 )i , (ββ1 )j ((αα1 )q , (ββ1 )q ) = P (qt1 + i, qt2 + j)αi βj(αq , β q ). q q Q(qt1 + i, qt2 + j)α1i β1j (α1, β1 ) = Ψ (P (t1 , t2 )) (α, β).Ψ (Q(t1 , t2 )) (α1 , β1 ). 2 Théorème 3.3.2 Soit K un corps commutatif. Les éléments Hadamard-inversibles de l’algèbre Rr2 (K) des séries reconnaissables sont les emboı̂tements des séries super-géométriques. Preuve P 1. Soit f = m,n aαm β n xm y n une série super-géométrique. Son inverse au sens de Hadamard est la série X a−1 α−m β −n xm y n . m,n L’inverse d’un emboı̂tement de telles séries est la série emboı̂tement des séries inverses. 2. Montrons la réciproque. a. Supposons d’abord, afin d’utiliser l’isomorphisme de la proposition 3.3.8, que la caractéristique de K est nulle. Soit, dans K [t1 , t2 ] [G] , E= r X j=1 Pj (t1 , t2 )(αj , βj ) ; F = s X Qj (t1 , t2 )(αj0 , βj0 ). j=1 Soit G1 le sous groupe de G engendré par les (αi , βi ) (1 ≤ i ≤ r) et (αj0 , βj0 ) (1 ≤ j ≤ s). Le groupe G1 étant un groupe abélien de type fini, il existe q ∈ N tel que G2 = Gq1 soit un groupe libre. Soit (i, j) ∈ N2 et Ψ = Ψq,i,j le morphisme d’anneaux défini ci-dessus (voir proposition 3.3.10). Si on suppose que EF = 1 alors comme Ψ est un morphisme d’anneaux, d’après la proposition 2, on a 60 Chapitre 3. Multi-suites récurrentes et séries rationnelles 1 = Ψ(EF ) = Ψ(E)Ψ(F ). Or Ψ(E) et Ψ(F ) sont dans K [t1 , t2 ] [G2 ] , donc d’après la proposition 3.3.7, l’élément Ψ(E) est de la forme : a(α, β) où a ∈ K ∗ et (α, β) ∈ G2 Soit maintenant S et T dans Rr2 (K) telles que S ¯ T = 1 et soient E et F deux éléments de A tels que : Φ(E) = S et Φ(F ) = T. On a alors EF = 1 et Ψ(EF ) = 1. Si on pose S= X a(n, m)xn y m et Sij = n,m X a(qn + i, qm + j)xn y m , n,m alors : Sij = Φ(Ψ(E)) est super-géométrique car Ψ(E) = a(α, β). De plus, si X E= Pk (t1 , t2 )(αk , βk ) k alors : Ψ(E) = X Pk (qt1 + i, qt2 + j)αki βkj (αkq , βkq ) k et Φ(Ψ(E)) = X b(n, m)xn y m , n,m où b(n, m) = a(qn + i, qm + j) ∀(n, m) ∈ N2 . Par conséquent E est un emboı̂tement de séries super-géométriques. b. Enfin, si la caractéristique de K est non nulle alors la proposition 3.3.6 montre que l’on peut se ramener au cas où S et T sont dans Rs(K) et on raisonne comme ci-dessus en utilisant l’application φ = Φ |Rs(K) (voir preuve de la proposition 3.3.9). 2 Théorème 3.3.3 Soient K un corps commutatif, X X S= a(n, m)xn y m et T = b(n, m)xn y m n,m n,m deux séries dans Rr2 (K) vérifiant S ¯ T = 0. Il existe alors q ∈ N∗ et une partition de {0, ..., q − 1}2 , {0, ..., q − 1}2 = I1 × I2 ∪ J1 × J2 3.3. Séries rationnelles et séries reconnaissables telle que : © et © 61 ª (n, m) ∈ N2 /a(n, m) 6= 0 ⊂ (I1 + qN) × (I2 + qN) ª (n, m) ∈ N2 /b(n, m) 6= 0 ⊂ (J1 + qN) × (J2 + qN). Preuve Avec les mêmes notations que pour le théorème 1, soient E et F dans A telles que Φ(E) = S et Φ(F ) = T. Comme Φ(EF ) = 0, il vient EF = 0. Par conséquent Ψ(E)Ψ(F ) = 0. Or Ψ(E) et Ψ(F ) sont dans K [t1 , t2 ] [G2 ] et G2 libre donc Ψ(E) = 0 ou Ψ(F ) = 0. 2 Remarque Dans ([33]), l’auteur arrive au même résultat en utilisant les propriétés de l’algèbre duale de l’algèbre de Hopf des polynômes. Les éléments de Rk (K) sont ici des formes linéaires s’annulant sur un idéal de codimension finie de l’anneau des polynômes. Cette méthode à l’avantage d’être effective. Pour plus de détails concernant les propriétés de l’algèbre de Hopf des multi-suites, voir également [10]. 62 Chapitre 3. Multi-suites récurrentes et séries rationnelles 63 Chapitre 4 Quotient de Hadamard Soit K un corps commutatif algébriquement clos de caractéristique nulle, f et g deux séries formelles à coefficients dans K. Le quotient de Hadamard, quand il existe, de f par g est la série, disons h, dont les coefficients sont les quotients (terme à terme) des coefficients de f et de g. En réponse à une conjecture de Pisot et pour couronner les travaux de Cantor, Pourchet, Bézivin et tant d’autres auteurs, van der Poorten a montré en 1986 (voir [34]) que, si on suppose que f et g sont des séries rationnelles en une variable et si les coefficients de la série quotient h sont dans un anneau de type fini sur Z, alors la série h est rationnelle. Dans ce qui suit on s’intéresse à l’analogue en plusieurs variables de cette conjecture (devenue donc le théorème de van der Poorten). En utilisant à la fois ce dernier théorème et un résultat dû à Cantor, on donne des réponses partielles à cette question. La première proposition concerne le cas où f est rationnelle et g a pour coefficients des produits de suites récurrentes linéaires. La seconde réponse traite du cas où f est une série reconnaissable et g est une série reconnaissable particulière, ses coefficients étant des polynômes. Dans une autre direction, on généralise au cas de plusieurs variables, le théorème de Bézivin de la version approchée de la conjecture de Pisot ([5]) : si les coefficients de la série h sont décomposés en une somme d’éléments entiers et d’éléments dont la croissance est géométrique, alors la série dont les coefficients sont entiers est rationnelle. 64 4.1 Chapitre 4. Quotient de Hadamard Rappels et énoncés des résultats Dans toute la suite, K désignera un corps commutatif, algébriquement clos et de caractéristique nulle et A un sous anneau de K de type fini sur Z. On ne traitera que le cas de deux variables même si les résultats restent valables quelque soit le nombre de variables. On garde les notations du chapitre précédent. En particulier, R(K) = R2 (K) désigne le K-espace vectoriel des séries rationnelles et Rr(K) = Rr2 (K) désigne la K-algèbre des séries reconnaissables sur K. On s’intéresse à la Conjecture Soit X f (x, y) = a(m, n)xm y n et X g(x, y) = (m,n)∈N2 b(m, n)xm y n (m,n)∈N2 deux éléments de R(K). On suppose que b(m, n) 6= 0 et c(m, n) = a(m, n) ∈A b(m, n) ∀(m, n) ∈ N2 . (4.1) Alors h(x, y) = X c(m, n)xm y n ∈ R(K). (m,n)∈N2 Remarques (a) Il existe bien entendu des quotients de Hadamard de séries rationnelles, à une ou plusieurs variables, qui ne le sont pas comme on peut le voir sur l’exemple suivant : la série X 1 m n x y ∈ / R(Q), mn m≥1,n≥1 mais est quotient des séries rationnelles X X xy xy , xm y n = mnxm y n = . 2 (1 − y)2 (1 − x)(1 − y) (1 − x) m≥1,n≥1 m≥1,n≥1 ( b) L’hypothèse 4.1 est nécessaire d’après la proposition 3.3.1. Nous démontrons les deux propositions qui vont suivre. Proposition 4.1.1 Soit X X f (x, y) = a(m, n)xm y n , g(t) = b(n)tn (m,n)∈N2 n≥0 et h(t) = X n≥0 c(n)tn 4.1. Rappels et énoncés des résultats 65 des séries rationnelles à coefficients dans K. On suppose que b(n)c(m) 6= 0 Alors a(m, n) ∈ A, b(n)c(m) ; ∀(m, n) ∈ N2 . X a(m, n) xm y n ∈ R(K). b(n)c(m) m,n Proposition 4.1.2 Soit f (x, y) = X a(m, n)xm y n ∈ K[[x, y]] et P (x, y) ∈ K[x, y]. (m,n)∈N2 On suppose qu’il existe t ∈ N∗ , (α1 , β1 ), . . . , (αt , βt ) dans K2 et P1 , . . . , Pt dans K[x, y] tels que (1) a(m, n) = t P j=1 Pj (m, n)αjn βjm , (2) P (m, n) 6= 0 et h(m, n) = ∀(m, n) ∈ N2 , a(m,n) P (m,n) ∈ A, ∀(m, n) ∈ N2 . Alors T (x, y) = X h(m, n)xm y n ∈ R(K). (m,n)∈N2 Pour la démonstration de ces deux propositions on aura besoin des résultats suivants : Théorème 4.1.1 (Quotient de Hadamard- van der Poorten [34]) . Soit X X a(n)xn et g(x) = b(n)xn dans R1 (K). f (x) = n≥0 n≥0 On suppose que b(n) 6= 0 et c(n) = Alors la série P a(n) ∈A b(n) pour tout n ∈ N. c(n)xn est dans R(K). n≥0 Remarque Ce théorème, démontré par van der Poorten en 1986, constitue une réponse à la conjecture de Pisot (voir [30] pour une rédaction de la démonstration). La preuve de ce résultat suit le schéma donné par Pourchet ([28]) et fait notamment appel, dans le cas algébrique, au théorème 4.1.2 66 Chapitre 4. Quotient de Hadamard ci-dessous. En utilisant de nouveau le théorème de van der Poorten, on obtient une version en caractéristique nulle, du théorème de Cantor. Théorème 4.1.2 (Cantor [8]) Soit X f (x) = a(n)xn dans R1 (K) et P (x) dans K [x] . n≥0 On suppose que P (n) 6= 0 et Alors a(n) ∈A P (n) pour tout n ≥ 0. X a(n) x n ∈ R1 (K ). P (n) n≥0 De plus si a(n) = t X Pi (n)αin , i=1 où α1 , ..., αt sont les fréquences de f dans K et P1 , ..., Pt des polynômes, alors P (x) divise Pi (x) dans K [x] pour tout i = {1, . . . , t}. On aura également besoin de la proposition suivante dont on trouvera une preuve dans [17]. Proposition 4.1.3 Soient h un entier naturel positif et K un corps commutatif de caractéristique nulle. Soient P un élément de K[x1 , . . . , xh ] et E1 , . . . , Eh des sous-ensembles de K. Si on suppose que, pour tout i ∈ {1, . . . , h}, Card(Ei ) ≥ degxi P et P (α1 , . . . , αh ) = 0 ∀(α1 , . . . , αh ) ∈ E1 × · · · × Eh , alors P est identiquement nul. Une version approchée du théorème 4.1.1 a été obtenue par Bézivin dans [6]. Elle se généralise au cas de plusieurs variables. Ici K est le corps des nombres complexes. Proposition 4.1.4 Soit g(x, y) = X b(m, n)xm y n ∈ Rr2 (K). (m,n)∈N2 Pour tout (m, n) ∈ N2 , b(m, n) est donc de la forme (3.7). On suppose que (1) |α1 | > |αi | , |β1 | > |βi | ∀i ≥ 2, 4.2. Démonstrations des résultats 67 P1 (x, y) = λ1 est une constante non nulle. P Soit f (x, y) = a(m, n)xm y n ∈ R(K). On suppose encore qu’il existe ρ dans l’intervalle (2) (m,n)∈N2 [0, 1[, c(m, n) dans Z et d(m, n] dans K tels que, ∀(m, n) ∈ N 2 , b(m, n) 6= 0 et a(m, n) = c(m, n) + d(m, n), b(m, n) avec d(m, n) = O(ρm+n ) pour m et n assez grands. Alors X c(m, n)xm y n ∈ R(K). (m,n)∈N2 4.2 Démonstrations des résultats Preuve de la proposition 4.1.1 P Soit f (x, y) = (m,n)∈Nn a(m, n)xm y n = p(x,y) où p et q 6= 0 dans K [x, y] . q(x,y) a-Quitte à agrandir A , on peut supposer que p et q sont dans A[x, y]. b-Soit a(m, n) h(m, n) = , ∀(m, n) ∈ N2 . b(n)c(m) Comme h(m, n) ∈P A, ∀(m, n) ∈ N2 , les c(m)h(m, n) sont encore dans un anneau de type fini sur Z car la série c(m)xm est rationnelle. Il suffit donc de montrer que la proposition est m∈N vraie pour la série X (m,n)∈N2 c- La série f (x, y) peut s’écrire P f (x, y) = n≥0 ϕ0n (y)xn On a alors Donc a(m, n) m n x y . b(n) où ϕ0n (y) = P m≥0 a(m, n)y m . ∂ k f (x, y) X = n(n − 1) · · · (n − k + 1)ϕ0n (y)xn−k , k ∂x n≥k X ∂ k f (0, y) 0 = k!ϕ (y) = k! a(k, m)y m , k ∂xk m≥0 Par conséquent ϕ0k (y) = 1 ∂ k f (0, y) X = a(k, m)y m , × k! ∂xk m≥0 ∀k ≥ 0. ∀k ≥ 0. ∀k ≥ 0, (2) 68 et donc Chapitre 4. Quotient de Hadamard ϕ0k (y) ∈ R(K). d- Comme f (x, y) = on obtient p(x,y) , q(x,y) en dérivant par rapport à x et en raisonnant par récurrence sur n 1 ψn (x, y) ∂ n f (x, y) = × n n! ∂x q(x, y)n+1 e- Soit h(x, y) = X a(m, n) m n x y b(n) n≥0,m≥0 avec ψn (x, y) ∈ K [x, y] . et ϕn (y) = ϕ0n (y) , b(n) ∀n ≥ 0. On a alors grâce à (2) et (3) : ϕn (y) = ψn (0, y) , b(n)q(0, y)n+1 ∀n ≥ 0, ou encore : q(0, y)n+1 ϕn (y) = Comme ψn (x, y) ∈ K [x, y] , 1 ψ (0, y) b(n) n 1 ψn (0, y), b(n) ∀n ≥ 0. ∈ K [y], donc q(0, y)n+1 ϕn (y) ∈ K[y]. Or, d’une part q(0, y)n+1 ∈ A[y] et d’autre part, par hypothèse, ϕn (y) ∈ A[[y]]. Donc q(0, y)n+1 ϕn (y) ∈ A [y] . Sachant que q(0, y)n+1 ∈ A [y], on a ¤ £ ϕn (y) ∈ A y, q(0, y)−1 = B. Avec q(0, y) 6= 0 car q(0, 0) 6= 0. L’anneau B est bien entendu de type fini sur Z. f- On a donc X f (x, y) = ϕ0n (y)xn ∈ K(y)(x) n≥0 et aussi X b(n)xn ∈ K(x) ⊂ K(y)(x) où ϕn (y) = n≥0 ϕ0n (y) ∈ B, b(n) ∀n ≥ 0. Le théorème 1, appliqué au corps K(y) et son sous anneau B, permet alors d’écrire P P h(m, n)xm y n = n≥0 ϕn (y)xn ∈ K(y)(x). (m,n)∈N2 Ou encore P (m,n)∈N2 h(m, n)xm y n ∈ R(K). (3) 4.2. Démonstrations des résultats 69 Preuve de la proposition 4.1.2 Elle utilise les propositions 4.1.1 et 4.1.3. a- Soit a(m, n) = t X Pi (m, n)αin βim et h(m, n) = i=1 a(m, n) , ∀(m, n) ∈ N2 . P (m, n) Soit i ∈ {1, . . . , t}. La division euclidienne de Pi (x, y) par P (x, y) dans K(y)[x] donne (∃B(y) ∈ A [y]) : B(y)Pi (x, y) = P (x, y)Si (x, y) + Ri (x, y) (4) avec Si (x, y) ∈ K [x, y] , Ri (x, y) ∈ K [x, y] et Ri (x, y) = 0 ou deg x Ri < deg x P . b- Il suffit de montrer que Ri (x, y) = 0 pour i ∈ {1, . . . , t}. Si c’est le cas on a B(m)Pi (m, n) = P (m, n)Si (m, n), ∀i ∈ {1, . . . , t}, ∀(m, n) ∈ N2 . En posant : t(m, n) = B(m)a(m,n) , P (m,n) t(m, n) = ∀(m, n) ∈ N2 , on obtient t X Si (m, n)αin βim , ∀(m, n) ∈ N2 , i=1 ce qui signifie P t(m, n)xm y n ∈ R0 (K) ⊂ R(K). (m,n)∈N2 La proposition est alors une conséquence de la proposition 4.1.1 car, pour (m, n) ∈ N2 avec m assez grand, a(m, n) t(m, n) = . P (m, n) B(m) ∀i ∈ {1, . . . , t}. c- Montrons donc que Ri (x, y) = 0 Soit i ∈ {1, 2, ....., t} et soit m ∈ N, l’hypothèse h(m, n) ∈ A entraı̂ne, en utilisant le théorème 2, que P (x, m) divise βim Pi (x, m). Soit βim Pi (x, m) = P (x, y)ϕi,m (x) , ϕi,m (x) ∈ K[x]. 70 Chapitre 4. Quotient de Hadamard En remplaçant dans (4) on obtient B(m) P (x, m)ϕi,m (x) = P (x, m)Si (x, m) + Ri (x, m), βim c’est-à-dire, · ¸ B(m) Ri (x, m) = P (x, m) ϕi,m (x) − Si (x, m) . βim Comme deg x Ri < deg x P , il vient : Ri (x, m) = 0 ∀m ∈ N, ce qui n’est possible que si Ri (x, y) = 0 . On a donc Ri (x, y) = 0 ∀i ∈ {1, . . . , t}. Preuve de la proposition 4.1.4 a- On a b(m, n) = t X Pj (m, n)αjn βjm , P1 (m, n) = λ1 6= 0, ∀(m, n) ∈ N2 j=1 et |α1 | > |αi | , |β1 | > |βi | ∀i ≥ 2. (5) b- Pour (m, n) ∈ N2 , b(m, n) s’écrit : b(m, n) = λ1 α1n β1m (1 − R(m, n)) où R(m, n) = − µ ¶n µ ¶ m t X βj Pj (m, n) αj j=1 λ1 α1 β1 . De (5) on tire R(m, n) = O(²n+m ), où 0 < ² < 1. c-Pour tout M ∈ N on a a(m, n) a(m, n) −n −m M = λ−1 R(m, n)M +1 . 1 α1 β1 (1 + R(m, n) + · · · + R(m, n) ) + b(m, n) b(m, n) Par suite (6) donne R(m, n)M +1 = O(²(n+m)(M +1) ). d-Comme il existe B ∈ R+ tel que a(m, n) = O(B n+m ) car X a(m, n)xn y m est rationnelle (m,n)∈N2 (6) 4.2. Démonstrations des résultats 71 et que, pour m et n assez grands, b(m, n) ≥ 1 | λ1 α1n β1m |, 2 il existe A ∈ R+ tel que a(m, n) = O(An+m ) pour m, n assez grands. b(m, n) À partir de maintenant on choisit M de telle manière que : ²M +1 A ≤ ρ < 1, ce qui donne a(m, n) R(m, n)M +1 = O(ρn+m ). b(m, n) e-Posons −n −m M HM (m, n) = a(m, n)λ−1 1 α1 β1 (1 + R(m, n) + · · · + R(m, n) ) et SM (m, n) = On a donc (7) X a(m, n) m,n b(m, n) xm y n = X a(m, n) R(m, n)M +1 . b(m, n) HM (m, n)xm y n + m,n avec H(x, y) = X X SM (m, n)xm y n m,n HM (m, n)xm y n ∈ R(K) m,n car H(x, y) est produit de Hadamard d’une série rationnelle et d’une série reconnaissable. De plus d’après (7) SM (m, n) = O(ρn+m ). (8) f-Comme par hypothèse a(m, n) = c(m, n) + d(m, n), b(m, n) ∀(m, n) ∈ N2 , il vient c(m, n) + d(m, n) = HM (m, n) + S(m, n), ∀(m, n) ∈ N2 . On peut donc écrire où ¡ c(m, n) = HM (m, n) + S 0 (m, n), ∀(m, n) ∈ N2 , S 0 (m, n) = HM (m, n) − d(m, n), ¢ ∀(m, n) ∈ N2 . (9) 72 Chapitre 4. Quotient de Hadamard Comme H(x, y) ∈ R(K), il existe l ∈ N, (e1 , ..., el ) ∈ Zl , E un sous ensemble fini de N2 et l éléments de N2 , notés (ni , mi )1≤i≤l tels que : l X ei HM (n − ni , m − mi ) = 0, ∀(m, n) ∈ N2 − E. i=1 Ou encore en utilisant (9) l X ei c(n − ni , m − mi ) = i=1 l X 0 ei SM (n − ni , m − mi ), ∀(m, n) ∈ N2 − E. i=1 Posons X(m, n) = l X 0 ei SM (n − ni , m − mi ), ∀(m, n) ∈ N2 . i=1 D’une part X(m, n) ∈ Z car les ei , 1 ≤ i ≤ l, et les c(m, n) sont entiers ; d’autre part c’est un O(ρn+m ) ( d’après l’hpothèse sur les d(m, n) et l’équation (9)) donc X(m, n) = 0, ∀(m, n) ∈ N2 − E 0 où E 0 est un sous ensemble fini de N2 . Par conséquent l X ei c(n − ni , m − mi ) = 0, i=1 ce qui achève la démonstration de la proposition. ∀(m, n) ∈ N2 − E ∪ E 0 , BIBLIOGRAPHIE 73 Bibliographie [1] J.-P. Allouche. Note sur un article de sharif et woodcook. Sém. théorie des nombres, Bordeaux, 1:163–187, 1989. [2] M.F. Atiyah and I.G. MacDonald. Introduction to commutative algebra. 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